Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Comparutions

  • Demandeur : J. W. O.
  • Représentant de l’intimé : Tania Nolet (avocate)

Introduction

[1] Le demandeur a présenté une demande fondée sur des « faits nouveaux », au titre du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, lequel est maintenant abrogé et remplacé par l’article 66 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (ci-après « la Loi »), afin que soit réexaminée la décision rendue le 27 février 2002 par la Commission d’appel des pensions qui avait rejeté l’appel du demandeur à l’encontre de la décision d’un tribunal de révision datée du 19 avril 2000, et parce qu’il y a maintenant des « faits nouveaux » ou des éléments de preuve qui n’étaient pas connus ou disponibles auparavant. Par « faits nouveaux », le demandeur entend les dossiers médicaux préparés par son médecin de famille, le Dr Wayne Gorman.

Contexte et historique des procédures

[2] Le demandeur a présenté une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada le 9 avril 1998. L’intimé a rejeté sa demande initiale ainsi que les demandes de réexamen subséquentes. Une audience devant un tribunal de révision a eu lieu le 10 février 2000. Le 19 avril 2000, le tribunal de révision a rejeté la demande de prestations d’invalidité du demandeur après avoir conclu, conformément au paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada, que son invalidité n’était pas grave au moment où sa période minimale d’admissibilité (PMA) a pris fin en décembre 1998, ou avant cette date.

[3] Le demandeur a interjeté appel de la décision du tribunal de révision devant la Commission d’appel des pensions, qui a instruit l’appel le 26 février 2002. Dans les motifs énoncés dans sa décision datée du 27 février 2002, la Commission d’appel des pensions a rejeté l’appel au motif que le demandeur n’avait pas établi, selon la prépondérance de la preuve, qu’il était invalide au sens du Régime de pensions du Canada.

[4] Le demandeur n’a pas demandé que la décision de la Commission d’appel des pensions fasse l’objet d’un contrôle judiciaire.

[5] Dans une lettre estampillée et reçue le 22 janvier 2007, le demandeur a présenté une demande fondée sur des « faits nouveaux » (ci-après « la demande ») auprès de la Commission d’appel des pensions. Les « faits nouveaux » consistaient en trois pages de dossiers médicaux décrivant l’état de santé du demandeur pendant la période du 6 août 1997 au 17 août 1998.

[6] Le 20 février 2007, la Commission d’appel des pensions a proposé de différer l’examen de la demande, en application du paragraphe 84(2), afin de permettre au demandeur de déposer une nouvelle demande et de se conformer aux principes établis dans la décision Kent c. Canada (Procureur général) 2004 CAF 420. Dans cette décision, la Cour a déclaré qu’un demandeur qui présente une demande fondée sur des « faits nouveaux » doit d’abord décrire les éléments qui n’auraient pu être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable et les raisons pour lesquelles ces éléments n’auraient pas vraiment pu être connus, et qu’il doit ensuite expliquer pourquoi il serait raisonnable de penser que les éléments présentés à titre de « faits nouveaux » auraient une incidence sur l’issue du litige. La Commission d’appel des pensions n’a donné au demandeur aucune instruction concernant le délai à respecter pour présenter une nouvelle demande.

[7] Le 1er avril 2013, la présente demande a été transférée de la Commission d’appel des pensions à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

[8] Dans une lettre non datée et dont la date de réception estampillée par le Tribunal est le 18 novembre 2013, le demandeur a présenté une demande pour que la décision de la Commission d’appel des pensions soit réexaminée, conformément au paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, au motif qu’il y avait des « faits nouveaux ». Dans le coin supérieur droit de la lettre, on peut lire la note manuscrite suivante : [traduction] « apporté aux fins de dépôt le 5 juillet 2013 ». Il est toutefois impossible de déterminer qui a rédigé cette note et ce qu’elle représente. Le demandeur a expliqué qu’il avait finalement obtenu ses dossiers médicaux du Dr Gorman [traduction] « après avoir essayé pendant plusieurs années ». Il a expliqué que le Dr Gorman avait eu des problèmes personnels et que c’était la raison pour laquelle les rapports étaient incomplets et qu’il n’avait pas pu les lui remettre à temps. Le demandeur a soutenu que ces nouveaux dossiers montrent qu’il prend divers médicaments depuis 1998 et qu’il avait été aiguillé vers la clinique orthopédique Orthotics East afin de se faire confectionner des chaussures orthopédiques spéciales. Il n’a présenté aucun autre document ou élément de preuve médicale ou autre à l’appui.

[9] Au début de 2014, le demandeur a présenté un document d’environ 90 pages constitué de dossiers médicaux comprenant entre autres des rapports contenant les opinions émises par des spécialistes à l’issue de consultations et des rapports d’examens diagnostiques. L’intimé a reconnu avoir reçu copie des dossiers. Dans une lettre datée du 30 mai 2014, l’intimé a déclaré que les éléments présentés ne contiennent aucun argument ayant trait à des faits nouveaux. Il était d’avis que le demandeur n’avait pas satisfait aux exigences énoncées à l’article 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale parce qu’il n’avait pas indiqué quels étaient les faits nouveaux et de quelle façon ils répondaient au critère relatif aux faits nouveaux, et qu’il n’avait pas expliqué comment ces faits nouveaux permettaient d’établir que le demandeur était invalide la dernière fois qu’il a été admissible à des prestations. (L’article 46 du Règlement décrit la forme et la teneur des exigences à satisfaire dans le cadre d’une demande d’annulation ou de modification.) Curieusement, l’intimé prétend avoir être été incapable de donner suite à la demande. Or, le 31 mars 2014, il avait déjà présenté des observations concernant le document d’environ 90 pages constitué de rapports médicaux.

[10] Dans ses observations datées du 31 mars 2014, l’intimé a soutenu que le demandeur avait présenté sa demande fondée sur des « faits nouveaux » en retard et que celle-ci était donc prescrite, car elle était réputée être déposée – et dans les faits, elle l’était – plus d’un an après qu’il a reçu communication de la décision de la Commission d’appel des pensions. L’intimé a également soutenu que la preuve présentée par le demandeur à l’appui de sa demande ne permet ni d’établir l’existence de faits nouveaux ni de conclure que son état était grave et prolongé au moment où sa PMA a pris fin en décembre 1998 et qu’il l’était de manière permanente à partir de ce moment-là.

[11] Le demandeur a répondu à la lettre de l’intimé datée du 30 mai 2014. Il soutient que les éléments de preuve présentés à l’appui de sa demande sont nouveaux, car ni le tribunal de révision ni la Commission d’appel des pensions n’en avaient pris connaissance avant. Il soutient que ces éléments n’auraient pas pu être connus avant parce que le Dr Gorman avait omis d’inscrire certains renseignements médicaux essentiels dans le rapport et qu’il n’avait également pas indiqué que l’invalidité du demandeur était progressive et prolongée. Pour démontrer que son invalidité était progressive, le demandeur a déclaré qu’il avait subi une arthroplastie de la hanche droite et de la hanche gauche en avril 2011 et en février 2014 respectivement. Il a expliqué qu’il prenait des médicaments depuis 1997 et qu’il devait remplacer les semelles intérieures de ses chaussures ainsi que ses chaussures orthopédiques tous les deux ou trois ans. Il avait également joint une lettre datée du 2 juillet 2013, émanant du Yarmouth Regional Hospital, qui faisait référence à des rapports transmis en pièces jointes. (Ces rapports n’accompagnaient pas la lettre du 2 juillet 2013.) Le demandeur a également ajouté des renseignements sur l’arthrose tirés d’un dictionnaire médical en ligne.

[12] Le 24 juin 2014, le Tribunal de la sécurité sociale a demandé au demandeur de présenter des observations écrites pour répondre à celles faites par l’intimé le 31 mars 2014, et plus particulièrement aux questions soulevées concernant le paragraphe 66(2) de la Loi ainsi que le mode ou format de l’audience tenue devant moi.

[13] Le demandeur a répondu au Tribunal en juillet 2014. Il a déclaré qu’après avoir pris connaissance de la décision rendue par la Commission d’appel des pensions en 2002, il avait communiqué avec [traduction] « l’agent des pensions du Canada pour la Nouvelle-Écosse » qui lui aurait conseillé de remplir un autre formulaire de demande de prestations d’invalidité [traduction] « fondée sur une prorogation tardive ». Il a aussi indiqué qu’en 2004, il avait reçu un livre bleu et un livre blanc indiquant qu’il avait été inscrit au rôle du Tribunal pour 2004, mais que l’audience n’avait jamais eu lieu. Il prétend que, lorsqu’il a finalement obtenu ses dossiers médicaux [traduction] « des années plus tard », il s’est aperçu que ceux-ci étaient incomplets, car ils ne faisaient pas mention de sa consommation de drogues de 1993 à 1997. Il attribue cette erreur au Dr Gorman. Le demandeur a décrit son état de santé et a expliqué qu’il avait subi deux arthroplasties totales de hanche et qu’il continuait de prendre des médicaments et de porter des orthèses. Le demandeur n’a présenté aucune observation pour répondre aux questions soulevées concernant le paragraphe 66(2) de la Loi.

Question en litige

[14] Les questions dont est saisi le Tribunal sont les suivantes :

  1. La demande d’annulation ou de modification déposée le 18 novembre 2013 doit-elle être considérée comme une « nouvelle demande » ou s’agit-il d’un report de la demande fondée sur des « faits nouveaux » présentée le 22 janvier 2007 auprès de la Commission d’appel des pensions?
  2. La demande fondée sur des « faits nouveaux » déposée le 22 janvier 2007 auprès de la Commission d’appel des pensions est-elle prescrite? Si la demande d’annulation ou de modification déposée auprès du Tribunal de la sécurité sociale le 18 novembre 2013 est considérée comme une « nouvelle demande », est-elle prescrite?
  3. Dans le cas où ni la demande déposée le 22 janvier 2007 ni celle présentée le 18 novembre 2013 ne sont prescrites, est-ce que les éléments de preuve déposés par le demandeur à l’appui de la demande du 18 novembre 2013 constituent des « faits nouveaux » au sens de l’alinéa 66(1)b) de la Loi?
  4. Si ces éléments constituent des « faits nouveaux » au sens de l’alinéa 66(1)b) de la Loi, est-ce que l’ensemble de la preuve permet d’établir que l’invalidité du demandeur était grave et prolongée au sens du Régime de pensions du Canada au moment où sa PMA a pris fin ou avant et qu’elle l’était de manière permanente depuis ce moment-là?

Preuve médicale portée à la connaissance de la commission d’appel des pensions

[15] Dans sa décision du 26 février 2002, la Commission d’appel des pensions a fait référence à la preuve documentaire médicale dont elle disposait. Voici en quoi consistaient les dossiers médicaux :

  • les rapports médicaux du Dr Gorman (datés du 6 avril 1998 et du 17 juillet 2000);
  • les rapports de consultation du Dr A.F.B. Connelly, chirurgien orthopédiste (datés du 16 octobre 1997, du 20 octobre 1998 ainsi que du 25 mars et du 21 octobre 1999);
  • les rapports de consultation du Dr D. Petrie, également chirurgien orthopédiste (datés du 25 mai 1999 et du 6 octobre 2000);
  • les rapports d’examen diagnostique (datés du 3 janvier 1997 et du 16 octobre 1997).

Documents à l’appui des « faits nouveaux »

[16] Le document d’environ 90 pages à l’appui de la demande fondée sur des « faits nouveaux » comprend notamment les dossiers médicaux suivants :

  • les notes du personnel de l’urgence du Yarmouth Regional (datées du 17 octobre 1992) qui indiquent que le demandeur s’est rendu à l’hôpital en raison de douleurs au dos;
  • les notes relatives aux examens cliniques réalisés par le Dr Gorman pendant la période du 27 octobre 1992 au 19 novembre 2001; ces notes portaient en grande partie sur les problèmes au dos et aux pieds du demandeur et sur son psoriasis;
  • Divers lettres d’aiguillage et rapports, y compris :
    1. le rapport de consultation du Dr Rob Miller, dermatologue (daté du 26 juin 1998);
    2. les rapports de consultation du Dr Connelly, chirurgien orthopédique (datés du 16 octobre 1997, du 20 octobre 1998, du 25 mars et du 21 octobre 1999, du 21 février 2007 et du 23 avril 2009); une lettre (datée du 24 juillet 2000) concernant l’employabilité du demandeur;
    3. le rapport de consultation du Dr David Petrie, chirurgien orthopédique (daté du 25 mai 1999);
    4. des télécopies provenant de MacKenzie Orthotics (datées du 12 décembre 2005 et du 9 février 2006);
    5. une lettre du Dr N. Anand (datée du 15 juillet 2006) recommandant l’aiguillage du demandeur vers un chirurgien orthopédique;
    6. un rapport du Dr Anand (daté du 9 septembre 2008);
    7. une lettre du Dr Anand (datée du 16 mars 2009) recommandant l’aiguillage du demandeur vers le Dr A.B.F. Connelly;
    8. les évaluations orthopédiques réalisées par le Dr William Beveridge (datées du 29 mars et du 28 novembre 2012, et du 26 mars 2013);
    9. un rapport médical préparé par le Dr Zia Rahman (daté du 16 mai 2013).
  • Divers examens diagnostiques axés essentiellement sur les deux pieds du demandeur, ses deux chevilles, ainsi que ses deux genoux et ses deux hanches. Ces examens ont été réalisés pendant la période du 16 octobre 1997 au 27 mars 2013.
[17] Le demandeur n’a joint aucune observation aux documents. La Commission d’appel des pensions disposait déjà de certains de ces documents, dont les rapports produits par le Dr Connelly jusqu’au 21 octobre 1999, le rapport du Dr Petrie et deux rapports d’examen diagnostique.

Observations du demandeur

[18] Le demandeur soutient qu’il a tardé à présenter les éléments de preuve à l’appui de sa demande fondée sur des « faits nouveaux » à cause de son médecin de famille. Il affirme que ces éléments sont « nouveaux », car la Commission d’appel des pensions n’en avait pas pris connaissance avant, et qu’ils n’auraient pas pu être connus parce que son médecin de famille ne lui avait pas remis les dossiers. Le demandeur allègue aussi qu’une fois que le Tribunal aura examiné l’ensemble de la preuve à la lumière de ces nouveaux éléments, il établira que son invalidité était, de toute évidence, grave et prolongée.

Observations de l’intimé

[19] L’intimé soutient que la demande fondée sur des « faits nouveaux » qui date de novembre 2013 a été présentée après le délai prescrit et qu’elle ne peut être examinée, car elle est réputée être présentée – et dans les faits, elle l’était – plus d’un an après que le demandeur a reçu communication de la décision de la Commission d’appel des pensions. L’intimé allègue par ailleurs que la preuve présentée à l’appui de la demande fondée sur des « faits nouveaux » ne permet ni d’établir l’existence de faits nouveaux ni de conclure que l’état du demandeur était grave et prolongé au moment où sa PMA a pris fin en décembre 1998 et qu’il l’était de façon permanente par la suite.

Dispositions législatives

Disposition législative en vigueur avant le 1er avril 2013

[20] Avant le 1er avril 2013, le Régime de pensions du Canada prévoyait qu’une décision pouvait faire l’objet d’un réexamen si elle était justifiée par l’existence de faits nouveaux. Le paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, dans sa version en vigueur avant le 1er avril 2013, précise ce qui suit :

Indépendamment du paragraphe (1), le ministre, un tribunal de révision ou la Commission d’appel des pensions peut, en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier une décision qu’il a lui-même rendue ou qu’elle a elle-même rendue conformément à la présente loi.

Disposition législative en vigueur à compter du 1er avril 2013

[21] Le paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada a été abrogé en vertu de l’article 229 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable (2012) et, si aucune décision n’a été rendue à l’égard d’une demande présentée au titre du paragraphe 84(2) avant le 1er avril 2013, cette demande est réputée être déposée le 1er avril 2013 au titre de l’article 66 de la Loi.

[22] Le paragraphe 261(1) de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable prévoit ce qui suit :

261. (1) Toute demande présentée au titre du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 229, et non tranchée avant le 1er avril 2013 est réputée être une demande présentée le 1er avril 2013 au titre de l’article 66 de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences et viser :

  1. a) dans le cas où elle porte sur une décision rendue par un tribunal de révision, une décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale;
  2. b) dans le cas où elle porte sur une décision rendue par la Commission d’appel des pensions, une décision rendue par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

[23] L’article 66 de la Loi prévoit l’annulation ou la modification d’une décision :

66. (1) Le Tribunal peut annuler ou modifier toute décision qu’il a rendue relativement à une demande particulière :

  1. a) dans le cas d’une décision visant la Loi sur l’assurance-emploi, si des faits nouveaux lui sont présentés ou s’il est convaincu que la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait;
  2. b) dans les autres cas, si des faits nouveaux et essentiels qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable lui sont présentés.
  1. (2) La demande d’annulation ou de modification doit être présentée au plus tard un an après la date où l’appelant reçoit communication de la décision.
  2. (3) Il ne peut être présenté plus d’une demande d’annulation ou de modification par toute partie visée par la décision.
  3. (4) La décision est annulée ou modifiée par la division qui l’a rendue.

(Non souligné dans l’original)

Analyse

La demande fondée sur des « faits nouveaux » est-elle visée par un délai de prescription prévu par la loi?

[24] La décision rendue en février 2002 par la Commission d’appel des pensions a été communiquée au demandeur en février 2002 ou vers cette date. Le demandeur a déposé une demande fondée sur des « faits nouveaux », au titre du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, auprès de la Commission d’appel des pensions le 22 janvier 2007, soit près de cinq ans après reçu communication de la décision rendue par la Commission d’appel des pensions le 27 février 2002. Le 20 février 2007, la Commission d’appel des pensions a rendu une décision à l’égard de la demande fondée sur des « faits nouveaux » en proposant de différer l’examen de la demande afin de permettre au demandeur de présenter une nouvelle demande au titre du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada. Cependant, le demandeur n’a pas donné suite à l’affaire avant le 18 novembre 2013, date à laquelle il a déposé une nouvelle demande d’annulation ou de modification de la décision rendue en 2002 par la Commission d’appel des pensions. Il s’est écoulé près de six ans depuis que la Commission d’appel des pensions a différé l’exécution de la décision qu’elle a rendue en février 2007 à l’égard de la demande fondée sur des « faits nouveaux », et presque douze ans depuis la date à laquelle la Commission d’appel des pensions a rendu sa décision portant sur le bien-fondé de l’affaire.

[25] Le paragraphe 66(2) de la Loi prévoit qu’un demandeur doit présenter la demande d’annulation ou de modification d’une décision au plus tard un an après la date où il a reçu communication de la décision. Selon le paragraphe 261(1) de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, une demande présentée au titre du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada et non tranchée avant le 1er avril 2013 est réputée être présentée le 1er avril 2013.

[26] Il y a deux demandes éventuelles à examiner : celle présentée en janvier 2007 et celle déposée en novembre 2013.

[27] La Commission d’appel des pensions a rendu une décision à l’égard de la demande déposée en janvier 2007, mais les seuls « faits nouveaux » portés à sa connaissance sont les trois pages de notes prises par un médecin. La Commission d’appel des pensions n’a pas tranché la question de façon concluante étant donné qu’elle a proposé de reporter l’affaire et de donner l’occasion au demandeur de présenter une nouvelle demande au titre du paragraphe 84(2) en espérant que ce dernier se conformerait aux principes établis dans la décision Kent. Il reste donc à déterminer si la demande présentée en novembre 2013 constitue une nouvelle demande, comme l’avait proposé la Commission d’appel des pensions, une « réouverture » de la décision rendue en février 2007 par la Commission d’appel des pensions ou bien un réexamen de la demande fondée sur des « faits nouveaux » présentée en janvier 2007.

[28] Je ne dispose pas de la compétence nécessaire pour « rouvrir » une décision de la Commission d’appel des pensions. Quoi qu’il en soit, en 2007, cette dernière a donné l’occasion au demandeur de présenter une nouvelle demande. La difficulté réside dans le fait qu’il n’y avait alors aucun délai prescrit que la Commission d’appel des pensions aurait pu imposer au demandeur pour que ce dernier présente des éléments additionnels. D’un point de vue pratique, l’affaire aurait été beaucoup plus simple si la Commission d’appel des pensions avait donné au demandeur l’occasion de présenter des éléments additionnels au titre du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada dans un délai fixe, tout en ajournant de manière générale la demande présentée en janvier 2007, plutôt que de lui permettre de déposer une nouvelle demande. Il me semble que le fait de recommander au demandeur de présenter une nouvelle demande met un terme à toute possibilité de rouvrir ou d’examiner à nouveau la décision rendue en février 2007 par la Commission d’appel des pensions.

[29] La demande fondée sur des « faits nouveaux » qui date de novembre 2013 a été présentée après le délai prescrit étant donné qu’elle a été déposée plusieurs mois après l’entrée en vigueur du paragraphe 66(2) de la Loi et presque douze ans après la décision rendue par la Commission d’appel des pensions en 2002.

[30] Par conséquent, il semble que la seule façon de « conserver » la preuve déposée en novembre 2013 et depuis cette date consiste 1) à ne pas considérer les dossiers de novembre 2013 comme faisant partie d’une demande fondée sur des « faits nouveaux », ou 2) à considérer ces dossiers comme des éléments additionnels présentés à l’appui de la demande fondée sur des « faits nouveaux » déposée en janvier 2007.

[31] Or, il semble de prime abord que les dispositions déterminatives du paragraphe 261(1) de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable ont pour effet de prescrire même les demandes qui ont été présentées plus d’un an avant l’entrée en vigueur de la Loi. La demande fondée sur des « faits nouveaux » présentée par le demandeur en janvier 2007 et réputée être déposée le 1er avril 2013 peut maintenant être prescrite en vertu du paragraphe 66(2) de la Loi. On relève ici une certaine injustice (même si une décision avait été rendue par la Commission d’appel des pensions en février 2007), car au moment où la demande fondée sur des « faits nouveaux » a été présentée en janvier  2007, il n’y avait aucun délai prévu pour le faire.

[32] La décision rendue le février 2007 par la Commission d’appel des pensions n’a sans doute pas permis de trancher les questions en litige. Il se peut donc que la demande présentée en janvier 2007 ait encore une certaine pertinence. Le demandeur semble le croire, comme en témoigne sa lettre datée de novembre 2013 qui fait référence au paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, alors que cette disposition avait été abrogée.

[33] Compte tenu des dispositions déterminatives qui s’appliquent explicitement aux demandes en suspens présentées avant le 1er avril 2013, pour que je considère la preuve déposée en novembre 2013 et depuis cette date comme des éléments additionnels à l’appui de la demande de janvier 2007 fondée sur des « faits nouveaux », je devrais soit suspendre le délai de prescription d’un an prévu au paragraphe 66(2) de la Loi puisque ce délai s’applique aux demandes présentées avant avril 2013, comme celle du demandeur, soit accepter que ce paragraphe n’a aucun effet rétroactif. D’un point de vue pratique, l’incidence est minime et, à ce que je sache, je ne dispose d’aucun pouvoir me permettant de suspendre le délai de prescription.

[34] Dans la décision H.H.K. v. Minister of Human Resources and Skills Development, (20 octobre 2014), CP29287 (DA-TSS) (non publiée), j’ai traité de la question de savoir si le paragraphe 66(2) de la Loi avait un effet rétroactif. Bien que les faits de cette affaire soient différents de ceux de l’affaire qui nous occupe, les questions en litige sont similaires en raison du fait que le demandeur avait présenté une demande fondée sur des « faits nouveaux » avant le 1er avril 2013, mais que la Commission d’appel des pensions n’avait pas tranché cette demande. La demande fondée sur des « faits nouveaux » avait été présentée plus d’un an après la date à laquelle la décision avait été communiquée au demandeur. Dans l’affaire H.H.K., j’avais conclu que le paragraphe 66(2) n’écartait pas la présomption d’interprétation des lois selon laquelle une loi ne devrait pas avoir un effet rétroactif. J’estimais également que les motifs donnés par la Cour d’appel de l’Ontario dans la décision Green v. CIBC, 2014 ONCA 90 sont pertinents. Je m’étais exprimée ainsi :

[Traduction]

[50] . . . Dans la décision TimmincoNote de bas de page 1, la Cour d’appel a confirmé que la demande présentée en vertu de la loi était prescrite puisqu’une autorisation d’introduire une instance n’avait pas été obtenue à l’intérieur du délai de prescription de trois ans et que la disposition applicable en l’espèce (l’article 28 de la Loi de 1992 sur les recours collectifs, L.O. 1992, chap. 6) ne permettait pas de suspendre l’application du délai de prescription tant qu’une autorisation n’aurait pas été obtenue. Dans la décision GreenNote de bas de page 2, la Cour d’appel a conclu que la décision Timminco avait eu des effets non voulus qui s’expliquent en grande partie par le fait que les plaignants ne pouvaient plus déterminer eux-mêmes s’ils respectaient le délai de prescription. En effet, dans la trilogie d’affaires liées à la décision Green, la Cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 27 : [traduction] « Le fait qu’un plaignant ne puisse pas déterminer unilatéralement si sa demande est présentée dans le délai de prescription applicable constitue une circonstance unique, qui ne correspond pas au concept qui sous-tend une disposition relative à une prescription ». La décision Timminco a également contribué à amoindrir la pertinence de la disposition sur laquelle repose le motif d’action prévu par la loi et à diminuer l’efficacité de l’utilisation de recours collectifs. La Cour d’appel a également établi que la décision Timminco pourrait avoir comme conséquence indirecte de forcer les juges ou l’administration judiciaire à accorder une priorité indue à des causes et requêtes précises de ce genre au détriment d’autres litiges tous aussi valables, afin d’essayer d’assurer le respect des prescriptions.

[51] Dans la trilogie de la décision Green, la Cour d’appel fait référence à la décision CelesticaNote de bas de page 3. Dans cette décision, le juge Perell a refusé de déclarer la demande prescrite en appliquant la doctrine des circonstances spéciales. En rejetant l’appel interjeté à l’égard de la décision Celestica, la Cour d’appel a confirmé la conclusion selon laquelle la cause de la décision Celestica n’était pas prescrite. Dans ses motifs, elle ne fait toutefois pas explicitement référence à la doctrine des circonstances spéciales. Contrairement à son rejet de l’appel interjeté à l’encontre de la décision Silver v. Imax, où elle avait déclaré qu’il n’était pas nécessaire d’appliquer la doctrine nunc pro tunc, la Cour n’a également pas déclaré qu’il n’était pas nécessaire que la Cour supérieure ait appliqué la doctrine des circonstances spéciales.

[52] Finalement, la Cour d’appel a annulé la décision qu’elle avait elle-même rendue dans l’affaire Timminco et a accueilli l’appel interjeté à l’encontre de la décision Green v. CIBC après avoir examiné l’affaire Timminco et pris en compte l’historique et l’objet de la Loi sur les recours collectifs et de la nouvelle cause prévue par la loi. [...]

[53] Dans la décision S.M.Note de bas de page 4, ma collègue était disposée à conclure, en raison des faits portés à sa connaissance et conformément aux conclusions du juge Perell dans la décision Celestica, que la doctrine des circonstances spéciales [traduction] « peut s’appliquer aux demandes prescrites en application du paragraphe 66(2) de la Loi ».

[54] Bien que nous arrivions au même résultat, c’est-à-dire que la prescription légale peut être prorogée ou que le paragraphe n’a pas un effet rétroactif, je dois, avec tout le respect que je lui dois, me dissocier un peu du raisonnement de ma collègue en ce qui a trait à la décision rendue par le juge Perrell, selon laquelle la doctrine des circonstances spéciales s’applique.

[55] Bien que la Cour d’appel de l’Ontario n’ait pas rejeté la doctrine des circonstances spéciales, je ne suis pas nécessairement persuadée qu’elle y souscrit, car elle l’aurait appliqué à ses motifs. Même si la trilogie d’affaires liées à la décision Green se rapporte à des recours collectifs et à des litiges concernant les valeurs mobilières, j’estime que les principes généraux établis dans ces décisions s’appliquent à l’affaire dont je suis saisie étant donné qu’ils portent sur la question de prescription. Je suis d’avis qu’il serait inhabituel pour une partie à un litige ou un demandeur d’être incapable de déterminer si sa demande a été présentée dans le délai de prescription applicable et que, même après avoir déterminé qu’elle l’était, de la voir complètement retirée. Cette situation se distingue de l’affaire TabingoNote de bas de page 5 où l’intention était claire; il est significatif que le libellé de la loi précise les dates auxquelles les demandes prennent fin en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiésNote de bas de page 6. Par conséquent, malgré le fait que le paragraphe 66(2) de la Loi présente de prime abord un caractère rétroactif, en raison des principes établis dans la trilogie de la décision Green, j’estime que ce paragraphe n’a pas un effet rétroactif.

[56] Si j’avais souscrit à la doctrine des circonstances spéciales, j’aurais essayé d’établir l’existence de circonstances spéciales qui justifient l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire afin de proroger le délai de prescription pour le dépôt de la demande ou de ne pas le proroger pour appliquer rétroactivement le paragraphe 66(2) de la Loi. J’aurais examiné entre autres certains facteurs, comme la nature des « nouveaux documents », la période écoulée entre la découverte et la présentation de ces documents, l’existence possible d’une explication plausible justifiant le délai contesté par l’intimé ou l’existence possible d’un préjudice identifiable pour l’intimé ou d’autres parties. J’aurais également tenu compte du fait que le demandeur a déposé sa demande fondée sur des « faits nouveaux » en janvier 2013 et qu’il a présenté les documents à l’appui des « faits nouveaux » à la mi-décembre 2013, soit plus de onze mois et demi plus tard et environ huit mois et demi après la date à laquelle la demande est réputée être présentée, c’est-à-dire le 1er avril 2013. Compte tenu de ces facteurs, j’aurais peut-être été beaucoup moins disposée à présumer qu’il convient de ne pas conférer un effet rétroactif au paragraphe 66(2) de la Loi.

[35] Si je devais mener une analyse similaire pour déterminer si l’affaire qui nous occupe présente des circonstances justifiant l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire permettant de surmonter l’empêchement prévu au paragraphe 66(2), je ne serais pas portée à employer la doctrine des circonstances spéciales. En février 2007, la Commission d’appel des pensions avait établi le critère auquel le demandeur devait répondre et avait demandé à ce dernier de présenter une nouvelle demande en vertu du paragraphe 84(2). Bien que la Commission d’appel des pensions n’ait précisé aucun délai au cours duquel le demandeur devait présenter une nouvelle demande et compte tenu du fait qu’il n’y avait aucun délai prévu par la loi à ce moment-là, je suis d’avis qu’il serait déraisonnable, à bien des égards, de supposer que la Commission d’appel des pensions aurait pensé qu’une demande ou certains éléments nouveaux additionnels auraient été présentés des années plus tard. Le long délai risque de porter préjudice à l’intimé.

[36] Pour les motifs susmentionnés, j’ai toutefois déjà établi que le paragraphe 66(2) ne devrait pas avoir un effet rétroactif parce qu’il existe une présomption d’interprétation des lois selon laquelle une loi ne devrait pas avoir un effet rétroactif. Par conséquent, j’examinerai les dossiers présentés en novembre 2013 et depuis cette date afin de déterminer s’ils constituent des « faits nouveaux et essentiels » au sens de l’alinéa 66(1)b) de la Loi.

Les nouveaux éléments de preuve sont-ils essentiels et pouvaient-ils être connus?

[37] Selon l’alinéa 66(1)b) de la Loi, un demandeur doit démontrer que le fait nouveau est essentiel et qu’il ne pouvait être connu au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. En l’espèce, l’audience en question est celle qui a eu lieu le 26 février 2002 devant la Commission d’appel des pensions.

[38] L’intimé soutient que le critère relatif aux faits nouveaux est essentiellement le même que celui prévu au paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada. Il allègue que, pour être admissible à titre de « fait nouveau », la preuve doit remplir un critère constitué de deux parties :

  1. (1) elle doit permettre d’établir un fait qui existait au moment de la première audience, mais qui ne pouvait être connu avant cette audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable (le « critère relatif à l’existence d’un fait qui aurait pu être connu »;
  2. (2) elle doit permettre d’établir de manière raisonnable qu’elle aura une incidence sur l’issue de la première audience (le « critère relatif au caractère essentiel du fait »).

L’intimé se fonde sur les décisions suivantes : Kent; Canada (Procureur général) c. MacRae, 2008 CAF 8, au paragraphe 16; Higgins c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 322 (CA), au paragraphe 36; Mazzotta c. Canada (Procureur général), 2007 CAF, 297, au paragraphe 45.

[39] L’intimé soutient aussi que la preuve devait exister au moment de la première audience, sinon toute question de savoir si un demandeur a exercé une diligence raisonnable devient théorique. Il explique notamment qu’il arrive régulièrement que certains éléments de preuve relevés après la première audience n’auraient pas pu être connus au moment de l’audience.

[40] L’intimé allègue aussi qu’un demandeur doit démontrer les mesures qu’il a prises, le cas échéant, pour trouver les nouveaux éléments de preuve et qu’il doit également fournir les raisons pour lesquelles ces éléments n’ont pas pu être présentés au moment de la première audience : Carepa c. Canada (Développement social), 2006 CF 1319, au paragraphe 26.

[41] Un examen sommaire des éléments présentés en novembre 2013 et vers cette date révèle également que ceux-ci provenaient en grande partie de parties tierces et qu’ils n’avaient pas été préparés par le Dr Gorman.

[42] Il y a une explication raisonnable au fait que le demandeur n’a pas pu fournir une copie du dossier du Dr Gorman. Malgré les efforts persistants du demandeur, son médecin de famille ne lui a pas remis le dossier médical. J’accepte le fait que la Commission d’appel des pensions n’avait pas pris connaissance du dossier médical produit par le Dr Gorman, mais cela ne permet pas de conclure l’investigation, car ce dossier comprenait non seulement des notes manuscrites du Dr Gorman, mais aussi divers rapports d’examens diagnostiques et de consultations préparés par différents spécialistes. Certains de ces documents avaient déjà été présentés à la Commission d’appel des pensions en 2002. Le demandeur aurait pu s’adresser directement aux parties tierces pour obtenir les rapports d’examens diagnostiques et de consultations, même si cette démarche était probablement plus difficile. Il aurait pu notamment obtenir les dossiers médicaux du Dr Connelly en communiquant directement avec lui ou avec son bureau. Les dossiers du Dr Connelly contenaient probablement des copies des différents examens diagnostiques réalisés puisque c’était lui qui les avait prescrits.

[43] Je suis d’avis que l’essentiel de la preuve ne remplit pas la première partie du critère, car j’estime que non seulement il existait des dossiers à l’appui, mais que ceux-ci pouvaient être connus ou auraient pu l’être si le demandeur avait exercé une diligence raisonnable. De plus, si le demandeur ne pouvait pas obtenir certains de ces dossiers directement d’autres sources, il aurait pu mentionner ce fait et démontrer une partie des efforts déployés pour les obtenir. Il n’a pas démontré qu’il avait tenté de les obtenir de parties tierces et n’a démontré que les tentatives menées auprès du Dr Gorman. Ces seuls efforts sont, selon moi, insuffisants. Comme le soutient l’intimé, un demandeur doit fournir la preuve des mesures prises, le cas échéant, pour trouver les nouveaux éléments et fournir les raisons pour lesquelles ceux-ci n’ont pas pu être présentés au moment de la première audience : Carepa c. Canada (Développement social), 2006 CF 1319.

[44] Le demandeur soutient que les « faits nouveaux » montrent que son état est progressif et prolongé. Il ajoute que le Dr Gorman avait omis d’indiquer l’état du demandeur dans ses rapports. La Commission d’appel des pensions disposait d’autres éléments de preuve et pouvait examiner d’autres opinions que celle du Dr Gorman. Elle a déclaré qu’elle avait fondé sa décision sur l’opinion du médecin de famille et celles d’autres spécialistes médicaux, ainsi que sur la preuve présentée par le demandeur.

[45] Si le demandeur avait l’intention de démontrer que son invalidité était prolongée et progressive en raison de ses problèmes de pieds, la preuve présentée à la Commission d’appel des pensions – sous la forme d’un rapport médical du RPC daté du 17 avril 1998 et rempli par le Dr Gorman, et du rapport médical du Dr Connelly daté du 21 octobre 1999 – donnait à penser que l’état du demandeur était prolongé, car le Dr Gorman l’avait qualifié de « chronique » et que le Dr Connelly avait indiqué que l’invalidité était permanente. Je souligne ces points pour montrer que les « faits nouveaux et essentiels » présentés maintenant par le demandeur ne peuvent être considérés comme « nouveaux » puisqu’ils existaient déjà et qu’ils avaient été portés à la connaissance de la Commission d’appel des pensions.

[46] Le demandeur soutient que l’arthrose aux hanches dont il souffre est de nature prolongée et progressive comme le prouvent les arthroplasties qu’il a subies en avril 2011 et en février 2014 pour les hanches droite et gauche respectivement. J’ai examiné les « faits nouveaux et essentiels » et je constate qu’aucun des médecins n’a indiqué avoir observé de problèmes de hanches chez le demandeur au moment où sa PMA a pris fin en décembre 1998. À ce moment-là, les examens subis et les traitements reçus se rapportaient principalement à ses pieds et à son psoriasis. En fait, les dossiers ne font mention de ses problèmes de hanches qu’après que sa PMA a pris fin. Le Dr Connelly a écrit dans son rapport daté du 21 février 2007 que la dernière fois qu’il a vu le demandeur remonte à 1999; les rapports de consultation produits par le Dr Connelly avant février 2007 ne mentionnent aucun problème de hanche que j’aurais pu relever à une première lecture. Je suis d’avis que les symptômes de l’invalidité du demandeur auraient dû se manifester au moment où sa PMA a pris fin et que l’invalidité aurait dû être grave à ce moment-là. Le fait que l’invalidité découlant de l’arthrose dans ses hanches soit peut-être considérée comme prolongée ne suffit pas à remplir le critère relatif au caractère essentiel d’un fait nouveau. Rien ne démontre que les symptômes de son arthrose aux hanches s’étaient manifestés ou que son arthrose était grave au moment où sa PMA a pris fin. Compte tenu des facteurs qui viennent d’être mentionnés concernant les pieds et les hanches du demandeur, je n’accorde aucune crédibilité à toute observation selon laquelle il serait raisonnable de penser que les faits nouveaux pourraient avoir une incidence sur l’issue de la décision de la Commission d’appel des pensions.

[47] Le demandeur se reporte aux dossiers pour démontrer qu’il prenait des médicaments depuis le 21 juillet 1997. Il contredit ainsi directement la preuve présentée à la Commission d’appel des pensions en février 2002. Au paragraphe 10, la Commission d’appel des pensions a écrit ce qui suit : [traduction] « [le demandeur] reconnaît qu’au moment où il a présenté sa demande, le 7 avril 1998, il ne prenait aucun médicament ». La Commission d’appel des pensions a fait remarquer que, dans l’une des pièces portées à sa connaissance, le demandeur n’avait fait mention d’aucun médicament ni d’aucun traitement. Je ne relève nulle part dans les dossiers médicaux présentés par le demandeur qu’il aurait pris des médicaments dès 1997 ou 1998. Dans ses observations du 20 juin 2014, le demandeur a les nombreux médicaments qu’il prétend avoir pris de 1997 à aujourd’hui, notamment : Vioxx, Robaxacet, Novo-Profen, Celebrex, Naproxen, de la cortisone, Endocet et du furosémide (Teva). Je constate cependant que même le rapport de consultation du Dr Connelly daté de février 2007 et le dernier rapport médical du RPC daté du 16 mai 2013 et produit par le Dr Rahman ne semblent pas appuyer les observations du demandeur. En effet, le rapport du Dr Connelly indique que le seul médicament pris par le demandeur à ce moment-là était le Celebrex, et le rapport de mai 2013 mentionne qu’il ne prenait que du Naproxen. De toute façon, même si j’acceptais le fait que les dossiers indiquent que le demandeur prend divers analgésiques et d’autres médicaments depuis 1997 ou 1998, cela ne changerait rien à l’issue de l’audience devant la Commission d’appel des pensions. Le fait que le demandeur prend des analgésiques ne permet généralement pas de mesurer de manière fiable la gravité de l’invalidité. À mon avis, le fait qu’il ait pu prendre différents médicaments depuis au moins 1997 n’aurait aucune incidence sur l’issue de l’audience devant la Commission d’appel des pensions.

[48] Dans l’ensemble, le demandeur n’a pas démontré que la preuve remplit la deuxième partie du critère selon laquelle les « faits nouveaux » sont essentiels et qu’il est raisonnable de penser qu’ils pourraient avoir une incidence sur l’issue de la première audience.

[49] Outre les dossiers des parties tierces, le dossier médical du Dr Gorman contient aussi diverses notes manuscrites. À cet égard, je souscris aux observations émises par la Commission d’appel des pensions dans sa décision du 20 février 2007, c’est-à-dire que les notes médicales manuscrites ont été rédigées [traduction] « dans le style habituellement incompréhensible d’un médecin ». Les notes manuscrites ont donc une utilité très limitée.

[50] Le demandeur ne m’a pas convaincue que sa demande satisfaisait aux aspects du critère selon lesquels un fait nouveau « aurait pu être connu » ou était « essentiel ».

Invalidité grave et prolongée

[51] Ayant décidé que la demande fondée sur des faits nouveaux n’établit pas l’existence de faits nouveaux, je n’ai pas à évaluer si l’invalidité du demandeur était grave et prolongée au moment où sa PMA a pris fin.

Conclusion

[52] La demande est rejetée.

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