Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Comparutions

  • I. M. : Appelant
  • F. P. : Témoin

Décision

[1] Le Tribunal conclut que l’appelant est admissible aux prestations de survivant du Régime de pensions du Canada.

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de prestations de survivant du RPC de l’appelant le 4 août 2010. L’intimé a rejeté la demande initiale ainsi que la demande de révision, puis l’appelant a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] Le présent appel a été instruit par vidéoconférence pour les raisons énoncées dans l’avis d’audience daté du 15 août 2014.

Droit applicable

[4] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit qu’un appel qui a été présenté devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été présenté devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’alinéa 44(1) d) du Régime de pensions du Canada (la Loi)prévoit qu’une pension de survivant doit être payée à la personne qui a la qualité de survivant d’un cotisant. Le paragraphe 42(1) de la Loi définit le survivant comme le conjoint de fait du cotisant au décès de celui-ci, et à défaut de conjoint de fait, comme l’époux du cotisant au décès de celui-ci.

[6] Le paragraphe 2(1) de la Loi définit le conjoint de fait comme la personne qui, au moment du décès, vit avec un cotisant dans une relation conjugale depuis au moins un an. La jurisprudence a déterminé qu’un conjoint de fait n’est pas admissible s’il est séparé du cotisant au moment du décès de celui-ci.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit trancher la question de savoir si l’appelant vivait dans une relation conjugale avec M. F. de façon continue depuis au moins un an au moment du décès de M. F. Il incombe à l’appelant de prouver la relation de conjoint de fait, selon la prépondérance des probabilités.

Documents relatifs à la demande

[8] Dans sa demande de prestations de survivant du RPC, estampillée par l’intimé le 4 août 2010, l’appelant a indiqué que M. F. est décédé le 3 juillet 2010; qu’il avait commencé à vivre avec lui le 1er septembre 1990, et qu’ils ne vivaient plus ensemble au moment du décès. Dans sa demande de prestations de décès du RPC, estampillée le même jour, l’appelant a décrit sa relation avec M. F. comme « conjoint de fait séparé ». Dans une déclaration solennelle assermentée le 28 juillet 2010, jointe aux demandes, l’appelant a déclaré qu’il avait vécu avec M. F. pendant 16 ans, soit du 1er septembre 1990 au 28 juin 2006.

[9] Dans sa lettre de demande de révision, estampillée par l’intimé le 25 février 2011, l’appelant a indiqué que M. F. et lui étaient dans une relation conjugale continue depuis plus de 20 ans jusqu’au décès de M. F., le 3 juillet 2010. Il a aussi expliqué qu’ils avaient des adresses différentes en raison de leur plan d’investissement, et que, bien qu’ils aient eu des adresses différentes, il n’a jamais quitté la maison.

Preuve orale

Preuve de l’appelant

[10] Dans son témoignage à l’audience, l’appelant a confirmé que M. F. et lui avaient vécu de manière continue dans une union de fait jusqu’au décès de M. F. En 1997, ils ont acheté conjointement une maison sur l’avenue X. La maison était leur propriété conjointe jusqu’en juin 2006, date à laquelle M. F. a décidé d’acheter un condominium sur la rue X à titre d’investissement. La maison a été transférée au seul nom de M. F., et le condominium a été mis au nom de l’appelant seulement. M. F. a enregistré une hypothèque sur la propriété de l’avenue X pour payer le condominium. M. F. a proposé qu’ils agissent de cette façon parce qu’il était marchand d’art, et qu’il souhaitait déduire 100 % des dépenses de l’avenue X dans sa déclaration d’impôt sur le revenu. Il y avait aussi d’autres considérations, notamment le fait qu’il voulait éviter de réaliser un gain en capital si le condominium était vendu avec profit, et parce qu’il touchait des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) et que les exigences de ce programme limitaient le nombre de propriétés au nom de l’appelant à une seule.

[11] Rien n’a changé après juin 2006; il a continué de vivre dans la maison de l’avenue X et de partager la même chambre avec M. F. Ils ont continué de vivre dans une relation de conjoint de fait jusqu’au décès de M. F. Il n’a jamais déménagé ses vêtements ni ses objets personnels au condominium. Ils ont déménagé certains meubles au condominium, qui était utilisé comme endroit pour loger des artistes, des amis et des membres de la famille lorsqu’ils venaient à Toronto.

[12] Il s’est présenté à un centre Service Canada en compagnie de F. P. pour remplir les formulaires. F. P. a rempli tous les formulaires car il était trop émotif pour le faire. M. F. était décédé subitement au cours d’une fête, et une enquête policière était en cours parce que l’on craignait qu’il se soit fait offrir de la drogue. L’appelant n’assistait pas à la fête en question, et il n’a rien su de ce qui s’était passé parce que la police menait une enquête. Il a appelé la police et les hôpitaux en vain, et pendant deux jours il ne savait même pas que M. F. était décédé.

[13] L’appelant a informé la représentante de Service Canada que la maison où ils vivaient n’était pas à son nom, et après avoir discuté avec elle, il a compris que pour être considérés comme des conjoints de fait, ils devaient être conjointement propriétaires ou locataires de leur résidence. Elle lui a dit d’indiquer sur les formulaires qu’ils étaient des « conjoints de fait séparés » et que cela couvrirait sa situation pourvu qu’aucun des deux n’ait indiqué qu’il était en relation avec quelqu’un d’autre. Elle lui a remis un formulaire de déclaration solennelle à remplir et c’est F. P. qui l’a rempli en tenant compte de leur discussion avec la représentante de Service Canada. Cette déclaration solennelle a été assermentée par une personne du bureau de Service Canada.

[14] L’appelant a examiné avec le Tribunal les documents contenus aux pages 53 à 82 du dossier d’audience. Le certificat de nomination d’un fiduciaire testamentaire daté du 29 novembre 2010, et le dernier testament de M. F. fait le 29 novembre 2006 confirment que l’appelant était l’exécuteur et le seul bénéficiaire de la succession de M. F. Le certificat de décès de M. F. daté du 6 juillet 2010 indique que les dispositions concernant la crémation/l’enterrement de M. F. ont été prises par l’appelant, et il y est décrit comme le conjoint et l’exécuteur de M. F. L’appelant a déclaré qu’il avait organisé les funérailles. La lettre d’un avocat datée du 28 avril 2011 confirme que la propriété de l’avenue X a été transférée au nom de l’appelant. Le relevé de compte d’Ing Insurance daté du 13 avril 2006, pour la période du 6 juin 2006 au 6 juin 2007 confirme que l’assurance de la maison était encore au nom des deux conjoints après juin 2006. La convention d’achat / vente pour la maison de l’avenue X confirme qu’ils ont tous les deux signé le contrat d’achat de cette maison en 1997. Le compte de taxes de la ville de Toronto daté de mai 2008 confirme que les deux noms figuraient encore sur le dossier fiscal de la maison de l’avenue X après juin 2006. Le relevé de la marge de crédit de la Banque royale daté du 6 mai 2010 confirme que la marge de crédit utilisée pour acheter la maison de l’avenue X en 1997 était toujours active, et n’avait jamais été fermée. Le relevé du Fonds mutuel TD daté d’avril 2010 confirme que l’appelant avait été désigné comme bénéficiaire des REER de M. F. La lettre du 12 juillet 2010 de Manuvie confirme qu’il était le bénéficiaire de la police d’assurance-vie de M. F.

Témoignage de F. P.

[15] F. P. a déclaré qu’il avait rencontré l’appelant et M. F. en 2007. Il a ajouté qu’il était allé plusieurs fois à leur maison de l’avenue X et il a confirmé qu’ils y vivaient manifestement ensemble. La première fois qu’il s’est rendu les voir, il a eu droit à une visite de la maison, et il a pu observer leur mode de vie; il a vu plusieurs de leurs effets personnels au même endroit, y compris dans la chambre. Cette situation n’a pas changé jusqu’au décès de M. F., et il a toujours été évident qu’ils vivaient ensemble.

[16] Il se rappelle qu’ils lui avaient dit que le condominium avait été acheté à titre d’investissement. Il a visité le condominium, et il confirme qu’aucun des deux conjoints n’y vivaient. Il était dépouillé, contenait peu de meubles et ressemblait à une chambre d’hôtel. Différents artistes, ainsi que des amis et des membres de la famille y logeaient lorsqu’ils venaient les visiter. Il était utilisé comme un endroit de plus pour accueillir leurs visiteurs à Toronto.

[17] Il a accompagné l’appelant au centre Service Canada parce que l’appelant était tellement désemparé sur le plan émotif qu’il n’aurait pas été en mesure d’y aller seul. Il a dû remplir les formulaires parce que l’appelant ne pouvait le faire sans craquer. L’appelant s’inquiétait du fait que son nom n’apparaissait pas sur l’hypothèque de la maison, et il a soulevé cette question auprès de la représentante de Service Canada. Elle lui a dit que si son nom n’apparaissait pas sur les titres de propriété de la maison, il ne serait pas admissible, et que pour être admissible il devait déclarer qu’ils étaient séparés. Elle lui a remis le formulaire de déclaration solennelle et lui a dit d’indiquer qu’ils étaient des conjoints de fait séparés. L’appelant n’était pas à l’aise avec cette façon de faire, mais elle lui a dit que c’était correct et qu’il serait admissible s’il remplissait les formulaires de cette manière.

Observations

[18] L’appelant a fait valoir qu’il a droit aux prestations de survivant pour les raisons suivantes :

  1. a) M. F. et lui ont vécu dans une relation conjugale continue de septembre 1990 jusqu’au décès de M. F. le 3 juillet 2010.
  2. b) Rien dans leur relation n’a changé après juin 2006, et il a continué de vivre avec M. F. dans la maison de l’avenue X jusqu’au décès de M. F.
  3. c) La preuve documentaire confirme leur relation continue de conjoint de fait après juin 2006.

[19] L’intimé a fait valoir que l’appelant n’a pas droit aux prestations de survivant pour les raisons suivantes :

  1. a) Les déclarations du demandeur dans ses demandes du RPC et la déclaration solennelle jointe, indiquent que l’appelant et M. F. se sont séparés en juin 2006.
  2. b) Si ces déclarations sont exactes, ils ne vivaient pas ensemble au moment du décès, et l’appelant n’est pas admissible aux prestations de survivant.

Analyse

[20] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’au moment du décès de M. F., il habitait avec lui à titre de conjoint de fait, conformément à la définition de la Loi.

[21] Appelé à déterminer si les partenaires cohabitent, le Tribunal doit tenir compte d’éléments comme l’interdépendance financière continue, les relations sexuelles, la résidence commune, les dépenses de chacun dans des occasions spéciales, le partage des responsabilités du foyer, l’utilisation partagée de biens, les vacances communes, une dépendance mutuelle continue, le fait d’être nommé bénéficiaire dans le testament de l’autre, le fait d’être nommé bénéficiaire de la police d’assurance de l’autre, l’endroit où chacun conserve ses vêtements, la personne qui prend soin du conjoint malade, la communication entre les parties, la reconnaissance publique de leur relation, l’état civil déclaré dans différentes demandes et autres formulaires, et la personne qui a pris en charge les arrangements funéraires du défunt : Betts c Shannon (2001), CCH, C.E.B & P.G.R No 8661, pp. 6775-6782).

[22] À la lumière des déclarations faites par l’appelant dans ses demandes du RPC et de la déclaration solennelle en pièce jointe, il est compréhensible que l’intimé ait initialement refusé la demande de prestations de survivant de l’appelant. Ces déclarations indiquent que l’appelant et M. F. s’étaient séparés en juin 2006 et qu’ils n’habitaient plus ensemble comme des conjoints de fait au moment du décès. Ces déclarations, particulièrement la déclaration solennelle sous serment, sont troublantes. Toutefois, compte tenu des témoignages et de la preuve documentaire, le Tribunal est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant et M. F. ont continué de cohabiter en union de fait dans la maison de l’avenue X jusqu’à la date du décès.

[23] L’appelant s’est montré franc et cohérent dans son témoignage. Il a volontiers accepté la responsabilité des inexactitudes dans ses demandes de RPC; mais il a été clair lorsqu’il a affirmé que rien n’avait changé après juin 2006, et que M. F. et lui avaient continué de vivre en union de fait. Avec raison, il était bouleversé sur le plan émotif lorsqu’il a signé les demandes et la déclaration solennelle, et il était incapable de remplir ces formulaires parce que cela le troublait énormément. La preuve de l’appelant a été confirmée par le témoignage de F. P. Ce dernier avait été exclu de la salle d’audience pendant le témoignage de l’appelant, et dans son propre témoignage il a confirmé l’existence de l’union de fait continue, le fait que l’appelant a continué de vivre dans la maison de l’avenue X et de partager la même chambre avec M. F., et aussi le fait que le condominium était utilisé comme une chambre d’hôtel destinée à accueillir des visiteurs.

[24] Concrètement, la documentation démontre que l’union de fait s’est poursuivie après juin 2006. M. F. a fait un nouveau testament en novembre 2006, et a nommé l’appelant l’unique bénéficiaire et exécuteur de sa succession. L’appelant était aussi le bénéficiaire de sa police d’assurance et de ses REER. L’assurance-habitation, les factures de services publics et de taxes indiquent une cohabitation continue dans la maison de l’avenue X. L’appelant s’est chargé des funérailles de M. F. et a été décrit comme son conjoint et son exécuteur sur le certificat de décès.

[25] Après avoir examiné la totalité de la preuve, le Tribunal est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant et M. F. ont cohabité de manière continue en union de fait de septembre 1990 jusqu’au décès de M. F. en juillet 2010.

Conclusion

[26] L’appelant est le survivant du cotisant décédé M. F., conformément au critère énoncé dans le Régime de pensions du Canada. Par conséquent, il a droit aux prestations de survivant.

[27] L’appel est accueilli.

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