Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision

[1] Le Tribunal conclut que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès; par conséquent, l’appel est rejeté de façon sommaire.

Introduction

[2] Dans une lettre datée du 30 juillet 2013 et estampillée par l’intimé le 13 août 2013, l’appelant a demandé au ministre, conformément au paragraphe 81(3) du Régime de pensions du Canada (la Loi), d’annuler sa décision du 15 février 2005 en raison de faits nouveaux.

[3] Dans une lettre datée du 4 septembre 2013, l’intimé a informé l’appelant que sa demande ne pouvait être examinée.

[4] L’appelant interjette maintenant appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (le TSS).

Contexte

La demande initiale

[5] La demande de la partie mise en cause concernant le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP) en vertu du RPC a été estampillée par l’intimé le 16 mars 2004. Dans sa demande, la partie mise en cause a indiqué qu’elle avait épousé l’appelant le 5 juin 1976; qu’ils s’étaient séparés le 27 septembre 1996; et qu’ils avaient divorcé le 29 mai 1999.

[6] Le 14 avril 2014, la partie mise en cause a écrit à l’intimé pour lui demander que soit retirée sa demande de partage des crédits de pension. Le 3 mai 2014, l’intimé a approuvé un partage des crédits de pension non ajustés pour la période de janvier 1976 à décembre 1995. Le 7 mai 2004, l’intimé a refusé la demande de la partie mise en cause de retirer sa demande, parce que conformément à la Loi, une demande de partage de crédits de pension découlant d’un divorce survenu après le 1er janvier 1987 ne peut être retirée.

[7] Dans une lettre datée du 27 mai 2004, l’appelant a écrit à l’intimé pour lui demander de réexaminer sa décision de procéder au partage des crédits de pension.

[8] Dans une lettre datée du 15 février 2005, l’intimé a maintenu sa décision et a informé la partie mise en cause qu’il refusait de retirer sa demande. L’intimé a cité l’alinéa 55.1(1)a) de la Loi qui prévoit que dès que le ministre est informé qu’un divorce a été prononcé le ou après le 1er janvier 1987, et qu’il reçoit les renseignements prescrits, le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension est obligatoire. L’appelant demande maintenant l’annulation de cette décision du 15 février 2005.

Décision du tribunal de révision

[9] L’appelant a interjeté appel de la décision du 15 février 2005 devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR). Le 29 juillet 2005, la partie mise en cause a écrit au BCTR lui demandant que sa demande soit annulée, pour éviter à l’appelant des difficultés importantes.

[10] Dans une lettre envoyée au BCTR en date du 6 avril 2006, l’intimé a cité le paragraphe 55.1(5) de la Loi qui porte que le ministre peut refuser d’effectuer ce partage, s’il est convaincu que des prestations sont payables aux deux personnes visées par le partage ou à leur égard, et que le montant des deux prestations a diminué lors du partage ou diminuerait au moment où il a été proposé que le partage ait lieu. La lettre se poursuit ainsi :

[Traduction]
Conformément au paragraphe 55.1(5) du Régime de pensions du Canada, une demande de partage entre des parties divorcées peut être retirée s’il est prouvé que le partage serait préjudiciable pour les deux parties. Ce dossier a été examiné attentivement et il est clair que le partage des crédits de pension avantagerait Mme S. H. Les gains de Mme S. H. avant le partage et après le partage sont indiqués dans l’avis de partage des crédits de pension. Ainsi, le partage augmente ses prestations pour 18 des 20 années faisant l’objet du partage.

Les prestations du Régime de pensions du Canada sont calculées en fonction des gains et cotisations au Régime. Par conséquent, puisque les gains de Mme S. H. sont plus élevés en raison du partage, elle recevra des prestations plus importantes lorsqu’elle présentera une demande de pension de retraite ou d’invalidité.

En conséquence, puisque le partage des crédits de pension est avantageux pour l’un des ex-époux, le paragraphe 55.1(5) ne peut être appliqué pour annuler la demande de partage des crédits de pension.

[11] Le 10 avril 2007, un tribunal de révision a instruit l’appel de l’appelant, et le 8 juin 2007, il a énoncé ses motifs justifiant le rejet de cet appel.

[12] À l’audience, le représentant du ministre a fait référence à l’avis de partage des crédits de pension en ce qui concerne la partie mise en cause, et a souligné qu’il était clair que le partage avait augmenté ses crédits de pension. Il a fait valoir que, par conséquent, le paragraphe 55.1(5) ne s’appliquait pas. L’appelant a renvoyé le Tribunal au paragraphe 55.1 (5) et a soutenu que le ministre n’avait pas interprété correctement cette disposition, parce qu’il n’avait pas appliqué la clause d’exclusion pour élever des enfants (CEEE) à la demande avant de la traiter. Les motifs indiquent que, selon l’appelant, si la CEEE était appliquée à la demande de la partie mise en cause, cette dernière recevrait près de 100 % de ses prestations, et que même si elle avait davantage de crédits de pensions elle n’aurait pas les mêmes prestations.

[13] Le tribunal de révision a déterminé qu’il n’avait pas la compétence pour faire droit à cet appel fondé sur le paragraphe 55.1(5) et l’article 66 de la Loi. Toutefois, le tribunal a quand même examiné le fondement de l’argumentation de l’appelant et a conclu que le ministre avait correctement interprété la disposition de la CEEE. Le tribunal de révision a déterminé que rien dans le libellé de l’article 55 n’associe son application à la CEEE, et qu’à la lumière de l’avis de partage des crédits de pension il est clair que les prestations de la partie mise en cause ont augmenté à la suite du partage. Le tribunal de révision a conclu que le partage des crédits était obligatoire, et que le ministre était justifié de procéder au partage tel que l’exige la législation.

La cour d’appel fédérale ordonne d’accorder la permission d’en appeler à la CAP

[14] L’appelant a demandé la permission d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision à la Commission d’appel des pensions (CAP). Le 10 août 2007, la CAP a rejeté la demande de permission d’en appeler de l’appelant. Le 26 juin 2008, la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de l’appelant concernant le rejet de sa demande de permission d’en appeler. Le 5 octobre 2009, la Cour d’appel fédérale a annulé la décision de la Cour fédérale et a renvoyé l’affaire pour qu’elle soit réexaminée par un autre membre de la CAP, au motif que la permission d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision devrait être accordée.

Décision de la commission d’appel des pensions

[15] Le 26 juillet 2011, la CAP a confirmé la décision du tribunal de révision. L’appelant a demandé à la CAP que le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP) soit annulé, et qu’il soit fait selon une méthode différente. Plus précisément, il a demandé que les droits à pension soient ajustés avant que le partage soit fait en appliquant à la partie mise en cause les dispositions de la CEEE. La CAP a souligné que les dispositions de la Loi ne permettaient pas de procéder ainsi.

[16] L’appelant a aussi tenté de faire valoir que l’article 55.1 de la Loi était discriminatoire et contraire à l’article 15 de la Charte du fait qu’il ne permet pas de procéder ainsi, et que par conséquent il est inopérant et sans effet. La CAP a refusé d’entendre l’argument constitutionnel parce que l’appelant n’avait pas signifié d’avis de question constitutionnelle. La CAP a donc rejeté l’appel de l’appelant.

Décision de la Cour d’appel fédérale

[17] L’appelant a présenté à la Cour d’appel fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision de la CAP. Le 27 juin 2013, la Cour d’appel fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de l’appelant. Dans sa demande de contrôle judiciaire, l’appelant a cherché à contester la validité constitutionnelle de l’article 55.1 de la Loi. La Cour d’appel fédérale a indiqué qu’il ne peut le faire; il ne peut soulever une question constitutionnelle devant la Cour d’appel fédérale que si elle a été dûment soulevée devant la CAP et que cette dernière s’est prononcée sur celle-ci. La Cour d’appel fédérale a toutefois ajouté que l’argument constitutionnel de l’appelant — à savoir que l’interaction entre l’article 55.1 et la clause d’exclusion pour élever des enfants qui figure dans le Régime est source d’iniquité et de discrimination au sens de l’article 15 — doit être rejeté pour deux raisons. Premièrement, l’appelant n’a présenté aucun élément de preuve établissant que les dispositions en cause créent une discrimination de la nature de celle décrite par la Cour suprême du Canada. Deuxièmement, l’argument de l’appelant en l’espèce est identique à celui qu’a fait valoir le demandeur dans Runchey c Canada (Procureur général), 2013 CAF 16. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a rejeté la thèse du demandeur voulant que les dispositions en interaction étaient discriminatoires au sens de l’article 15. La Cour a indiqué que ce n’est qu’en modifiant les dispositions de la Loi qu’il serait possible de remédier à l’iniquité dénoncée par l’appelant.

Question en litige

[18] Le Tribunal doit déterminer si l’appel doit être rejeté de façon sommaire.

Droit applicable

[19] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit que la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[20] Conformément à l’article 22 du Règlement sur le tribunal de la sécurité sociale, avant de rejeter de façon sommaire l’appel en vertu du paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division générale avise l’appelant par écrit et lui donne un délai raisonnable pour présenter des observations.

La demande et l’avis d’appel

[21] Dans une lettre datée du 30 juillet 2013, l’appelant a demandé, conformément au paragraphe 81(3) de la Loi, que la décision de l’intimé datée du 15 février 2005 (voir paragraphe 8 ci-dessus) soit annulée, en raison de faits nouveaux. Il porte en appel la décision de l’intimé selon laquelle sa demande ne pouvait pas être examinée.

[22] Dans sa demande fondée sur le paragraphe 81(3) de la Loi, l’appelant a souligné qu’il avait porté en appel la décision de l’intimé datée du 15 février 2005, et que l’appel et les audiences subséquentes ont donné lieu à la décision de la Cour d’appel fédérale rendue le 27 juin 2013. Il a fait valoir que, [traduction] « les différentes audiences et décisions et les commentaires contenus dans les décisions tout au long du processus, ont révélé des faits nouveaux dans cette affaire. »

[23] Dans son avis d’appel, l’appelant a indiqué que la décision du 15 février 2005 devrait être modifiée parce que le représentant légal du Procureur général du Canada a déclaré qu’elle était injuste, parce qu’elle viole l’article 28 de la Constitution canadienne, parce qu’elle démontre une attitude discriminatoire fondée sur le sexe et parce qu’elle ne respecte pas le principe juridique de l’article 15 de la Charte.

La décision de l’intimé

[24] Dans sa décision rejetant la demande de l’appelant fondée sur le paragraphe 81(3), l’intimé a indiqué que la Cour d’appel fédérale avait rejeté la demande de contrôle judiciaire de l’appelant concernant la décision de la CAP du 26 juillet 2011; que la décision de la CAP est maintenant définitive et obligatoire; que cette affaire est maintenant réglée; et que, par conséquent, la demande de l’appelant ne peut faire l’objet d’un examen.

Avis d’intention de rejeter de façon sommaire l’appel

[25] Conformément à l’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, l’appelant a reçu un avis écrit de l’intention de la division générale de rejeter de façon sommaire l’appel et s’est vu accorder un délai raisonnable pour présenter ses observations.

[26] L’avis d’intention indique que le membre chargé de cet appel envisage de rejeter de façon sommaire l’appel parce que :

[Traduction]
L’appelant cherche à faire annuler la décision rendue le 15 février 2005 à la suite du réexamen, laquelle a confirmé la décision de procéder au partage des crédits de pension entre l’appelant et son ex-épouse. L’appelant présente une demande en vertu du paragraphe 81(3) de la Loi, qui prévoit que « [l]e ministre peut, en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier une décision qu’il a lui-même rendue conformément à la présente loi. »

Dans sa demande d’annulation datée du 30 juillet 2013, l’appelant a déclaré ce qui suit :

En juin 2004, j’ai interjeté appel auprès du ministre concernant le dossier mentionné précédemment. Cet appel et les audiences subséquentes ont donné lieu à la décision rendue par la Cour d’appel fédérale le 27 juin 2013 (A-1-12). Les différentes audiences et décisions, ainsi que les commentaires contenus dans les décisions tout au long du processus, ont révélé des faits nouveaux dans cette affaire.

Conformément au paragraphe 81(3) de la Loi, par la présente je demande que le ministre annule la décision qui m’a été communiquée dans la lettre du 15 février 2005.

Dans son avis d’appel, l’appelant fait valoir que :

La décision rendue à la suite du réexamen devrait être modifiée pour plusieurs raisons. Le représentant légal du Procureur général du Canada a déclaré qu’elle était injuste parce qu’elle viole l’article 28 de la Constitution canadienne, parce qu’elle démontre une attitude discriminatoire fondée sur le sexe et parce qu’elle ne respecte pas le principe juridique de l’article 15 de la Charte.

Pour que la décision antérieure soit annulée sur la base de faits nouveaux, ces faits doivent satisfaire au critère relatif à la pertinence et à la possibilité de les découvrir. Pour répondre à ce critère, l’appelant doit prouver :

  1. Qu’ils n’auraient pu être produits lors de l’audience initiale, malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.
  2. La preuve doit être pertinente, en ce sens qu’elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant à l’audience.
  3. La preuve doit être plausible, en ce sens qu’on puisse raisonnablement y ajouter foi.
  4. La preuve doit être telle que, si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits à l’audience, elle aurait influé sur le résultat.

Dans sa demande d’annulation du 30 juillet 2013, l’appelant a fait des allégations non étayées concernant des faits nouveaux qui auraient été révélés dans les audiences, les décisions et les commentaires contenus dans les décisions. Il n’a toutefois pas établi quels étaient ces faits nouveaux.

Dans son avis d’appel, l’appelant se fonde sur une déclaration qu’aurait faite le représentant du procureur général et il soulève aussi des questions constitutionnelles. Une déclaration que pourrait avoir faite un représentant n’est qu’une déclaration, et ne constitue pas un fait nouveau. En outre, le fait qu’une personne ait pensé que la décision était injuste, n’a aucune valeur légale, et n’a pas d’importance pour décider s’il faut procéder au partage des crédits de pension.

Les arguments constitutionnels ne sont pas des faits nouveaux, et l’appelant les avait soulevés et/ou devait les avoir soulevés lors de l’instance initiale. Il ne peut les invoquer à nouveau et/ou soulever de nouveaux arguments juridiques dans le cadre d’une demande d’annulation.

Réponse de l’appelant à l’avis d’intention

[27] L’appelant a présenté une réponse écrite détaillée à l’avis d’intention. Il a invoqué les nouveaux critères et renseignements suivants :

  1. la partie mise en cause a eu soixante ans et, au même moment, a présenté une demande de prestations du RPC;
  2. le tableau et le calcul permettront de démontrer que les crédits de pension qui lui ont été enlevés et qui ont été transférés à la partie mise en cause ne seront pas nécessaires à cette dernière;
  3. elle obtiendra un montant pratiquement équivalent grâce aux dispositions de la CEEE, mais les crédits non nécessaires ou inutilisés ne lui seront pas retournés;
  4. la Loi n’autorise pas les crédits redondants ou annulés;
  5. le problème avec les crédits perdus ou volés ne s’applique qu’aux parents divorcés qui travaillaient à l’extérieur de la maison dans la plupart des provinces, et ils n’ont pas pris conscience de ce régime au moment du divorce, mais seulement lorsqu’ils ont présenté une demande de prestations;
  6. si les éléments de preuve figurant au dossier de la partie mise en cause, auxquels il n’a pas accès et qui font actuellement l’objet d’une mise à jour, avaient été connus au moment de l’audience initiale, ils auraient eu une incidence importante;
  7. l’augmentation des crédits en faveur de la partie mise en cause lui a été temporairement attribuée sur papier et n’a qu’un effet marginal sur les prestations parce que l’intimé n’a pas fait de distinction entre les crédits et les prestations;
  8. il a fait référence à la décision Bernier (CP21241) qui indique que les faits sont criants et demandent réparation mais cela dépasse la compétence de la CAP, et il a fait valoir qu’en raison de l’injustice, il y a manquement aux dispositions concernant l’équité de la Charte des droits.

Analyse

[28] Le Tribunal a déterminé que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès pour deux raisons. Premièrement, le paragraphe 81(3) de la Loi n’est pas applicable puisqu’il y a eu un appel infructueux au tribunal de révision, et/ou comme en l’espèce, un autre appel infructueux devant la Commission d’appel des pensions. Il ne s’applique qu’aux affaires n’ayant pas fait l’objet d’appel. Deuxièmement, même si le paragraphe 81(3) était applicable, les faits et les allégations présentés par l’appelant n’ont aucune probabilité raisonnable de satisfaire le critère des faits nouveaux.

Le paragraphe 81(3) n’est pas applicable

[29] Le paragraphe 81(3) de la Loi prévoit que le ministre peut, en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier une décision qu’il a lui-même rendue conformément à cette loi.

[30] Cette disposition doit être interprétée conjointement avec d’autres dispositions législatives applicables.

[31] Jusqu’au 1er avril 2013, le paragraphe 84(1) de la Loi prévoyait que la décision du tribunal de révision, sauf disposition contraire de cette loi, ou celle de la Commission d’appel des pensions, sauf contrôle judiciaire dont elle peut faire l’objet aux termes de la Loi sur les Cours fédérales, est définitive et obligatoire pour l’application de la loi. Le 1er avril 2013, cette disposition a été remplacée par ce qui est maintenant l’article 68 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, qui prévoit que la décision du Tribunal à l’égard d’une demande présentée sous le régime de cette loi est définitive et sans appel; elle peut cependant faire l’objet d’un contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur les Cours fédérales. Cette disposition a le même effet que l’ancien paragraphe 84(1) de la Loi.

[32] La doctrine de la chose jugée (res judicata) s’applique à la décision du tribunal de révision datée du 8 juin 2007 (voir paragraphes 12 et 13 ci-dessus) et à la décision de la Commission d’appel des pensions datée du 26 juillet 2011 (voir paragraphes 15 et 16 ci-dessus). Cette doctrine empêche une partie de saisir un tribunal d’une question déjà tranchée par une cour ou un tribunal, tout en gardant à l’esprit que l’objectif fondamental est d’établir l’équilibre entre l’intérêt public qui consiste à assurer le caractère définitif des litiges et l’autre intérêt public qui est d’assurer que, dans une affaire donnée, justice soit rendue : Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] CSC 44.

[33] Pour les tribunaux comme le TSS, la règle générale a été établie ainsi dans l’arrêt Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848 :

[…] lorsqu’un tel tribunal a statué définitivement sur une question dont il était saisi conformément à sa loi habilitante, il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu’il a changé d’avis, parce qu’il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé. Il ne peut le faire que si la loi le lui permet ou s’il y a eu un lapsus ou une erreur […]

[34] L’existence de faits nouveaux peut toutefois déclencher la réouverture d’une affaire par le Tribunal. Jusqu’au 1er avril 2013, le droit de l’appelant de présenter une demande sur la base de faits nouveaux était régi par le paragraphe 84(2) de la Loi, qui prévoyait que, indépendamment du paragraphe (1), le ministre, un tribunal de révision ou la Commission d’appel des pensions peut, en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier une décision qu’il a lui-même rendue ou qu’elle a elle-même rendue conformément à la loi.

[35] Le 1er avril 2013, cette disposition a été remplacée par ce qui est maintenant l’alinéa 66(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, qui prévoit que le Tribunal peut annuler ou modifier toute décision qu’il a rendue en vertu de la Loi, si des faits nouveaux et essentiels qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable lui sont présentés. Le paragraphe 66(2) prévoit que la demande d’annulation ou de modification doit être présentée au plus tard un an après la date où l’appelant reçoit communication de la décision. Le paragraphe 66(3) prévoit qu’il ne peut être présenté plus d’une demande d’annulation ou de modification par toute partie visée par la décision. Le paragraphe 66(4) prévoit que la décision est annulée ou modifiée par la division qui l’a rendue.

[36] Ces dispositions reproduisent le paragraphe 84(2) de la Loi qui a été abrogé en date du 1er avril 2013, toutefois avec des différences notables : premièrement, le nouvel article codifie l’exigence de la diligence raisonnable issue de la common law; deuxièmement, la demande doit être présentée au plus tard un an après la date de la décision originale; et troisièmement, le demandeur ne peut présenter plus d’une demande concernant une décision en particulier.

[37] Il existe une autre différence qui revêt une importance particulière pour le présent appel. Le paragraphe 66(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social ne s’applique pas à une demande d’annulation ou de modification d’une décision du ministre. Une telle demande est maintenant couverte par le paragraphe 81(3) entièrement nouveau, entré en vigueur le 1er avril 2013.

[38] Toutes ces dispositions doivent être interprétées conjointement les unes avec les autres, et le Tribunal est convaincu que le paragraphe 81(3) ne s’applique qu’aux cas où il n’y a pas eu d’appel devant un tribunal de révision. Lorsqu’un appelant a été débouté devant un tribunal de révision, ou comme dans le cas qui nous occupe, devant la Commission d’appel des pensions, les droits de l’appelant concernant une demande fondée sur des faits nouveaux sont maintenant régis uniquement par le paragraphe 66(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[39] Dans les situations où l’appelant a déjà été débouté de son appel à l’encontre d’une décision du ministre, permettre à l’appelant de présenter au ministre une demande fondée sur des faits nouveaux serait contraire aux dispositions qui portent que les décisions du tribunal de révision sont définitives et obligatoires. Si de telles décisions doivent être réexaminées sur la base de faits nouveaux, la demande doit être faite au tribunal qui a rendu la décision finale et exécutoire. La procédure suivie par l’appelant, si elle était permise, ouvrirait la porte à un nombre illimité de demandes fondées sur des faits nouveaux, sur une période de temps illimitée, après un appel rejeté. Cela irait à l’encontre des nouvelles limites établies aux paragraphes 66(2) et 66(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, qui prévoient qu’une telle demande doit être présentée au plus tard un an après la communication de la décision, et qu’une seule demande doit être présentée concernant une décision.

[40] Dans le cas qui nous occupe, la décision que l’appelant cherche à faire annuler ou modifier a été rendue en février 2005, et cette décision a été portée en appel sans succès devant le tribunal de révision ainsi que devant la Commission d’appel des pensions. L’appelant n’a présenté la présente demande que lorsque sa demande de contrôle judiciaire a été rejetée par la Cour fédérale en juin 2013.

[41] Le paragraphe 81(3) n’établit aucune limite quant au temps ou au nombre de demandes. Si l’appelant peut se prévaloir de cette procédure, en pratique cela a pour effet d’annuler les limites établies dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social à l’égard d’un appelant qui a été débouté devant le tribunal de révision (ou maintenant devant le Tribunal de la sécurité sociale) en lui permettant de présenter des demandes illimitées d’annulation ou de modification de la décision du ministre. Cela irait clairement à l’encontre des objectifs des paragraphes 66(2) et 66(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, qui ont pour but d’imposer des limites quant au délai et au nombre de demandes fondées sur des faits nouveaux.

[42] Le Tribunal a déterminé que le paragraphe 81(3) de la Loi ne s’applique pas lorsqu’un appel a été porté sans succès devant le tribunal de révision, et/ou comme dans le cas qui nous occupe, un appel sans succès devant la Commission d’appel des pensions. Cette disposition ne s’applique qu’aux cas où aucun appel n’a été interjeté.

Les allégations de l’appelant ne constituent pas des faits nouveaux

[43] Advenant le cas où le Tribunal serait dans l’erreur concernant l’applicabilité du paragraphe 81(3), le Tribunal s’est aussi prononcé sur les chances raisonnables que présentaient les allégations de l’appelant à l’égard du critère des faits nouveaux.

[44] Le critère des faits nouveaux à satisfaire pour annuler une décision antérieure, ainsi que l’analyse du Tribunal concernant son applicabilité aux allégations de l’appelant dans le cadre de sa demande d’annulation de la décision fondée sur le paragraphe 81(3) et de son avis d’appel, sont énoncés au paragraphe 26 ci-dessus. Pour les raisons énoncées, le Tribunal a déterminé que ces allégations n’ont aucune chance raisonnable de satisfaire au critère des faits nouveaux.

[45] Le Tribunal a aussi déterminé que les allégations soulevées par l’appelant dans sa réponse à l’avis d’intention (voir paragraphe 27 ci-dessus) n’ont aucune chance raisonnable de satisfaire au critère des faits nouveaux.

[46] Dans sa réponse, l’appelant fait valoir que son ex-épouse a maintenant soixante ans et qu’elle présente une demande de prestations du RPC, et qu’en raison des dispositions de la CEEE, elle recevra un montant pratiquement équivalent au montant qu’elle aurait reçu sans le partage des crédits de pension. Il prétend aussi que les crédits non nécessaires ou inutilisés devraient lui être retournés. Il soutient aussi que cette situation est injuste et contraire à la Charte des droits. Ces arguments sont les mêmes que ceux qu’il a déjà présentés dans les procédures précédentes.

[47] Dans les arguments qu’il a présentés devant le tribunal de révision (voir paragraphe 12 ci-dessus), l’appelant a fait valoir que le ministre n’a pas correctement interprété le paragraphe 55.1(5) parce qu’il n’a pas appliqué les dispositions de la CEEE avant de procéder au partage des crédits et que la partie mise en cause recevrait environ 100 % des prestations, même sans partage des crédits. Le tribunal de révision a conclu que rien dans le libellé de l’article 55 n’associe son application à la CEEE, et qu’à la lumière de l’avis de partage des crédits de pension il est clair que les prestations de la partie mise en cause augmentent en raison du partage (voir paragraphe 13 ci-dessus). L’appelant a invoqué les mêmes arguments sans succès devant la CAP et la Cour d’appel fédérale. Il a aussi tenté en vain de faire valoir des arguments constitutionnels.

[48] L’appelant fait valoir principalement que son épouse présente maintenant une demande de prestations du RPC et que, vraisemblablement, après que les dispositions de la CEEE auront été appliquées, elle obtiendra peu d’avantages du partage de crédits. En soutenant cette position, il interprète de façon erronée la question en litige dans les instances précédentes, qui consistait à déterminer si la partie mise en cause pouvait retirer sa demande de partage de crédits. Il a été statué que le partage de crédits est obligatoire, et qu’il ne peut être annulé parce que le paragraphe 55.1(5) n’est pas applicable.

[49] Le paragraphe 55.1(5) prévoit que le ministre peut refuser d’effectuer le partage, ou l’annuler, s’il est convaincu que des prestations sont payables aux deux personnes visées par le partage, et que le montant des deux prestations a diminué lors du partage ou diminuerait au moment où il a été proposé que le partage ait lieu (italique ajouté). Dans le cas qui nous occupe, le partage a été effectué en mai 2004, et le tribunal de révision a déterminé qu’au moment du partage le montant des prestations de la partie mise en cause avait augmenté. Le montant réel du revenu de pension que l’appelant va maintenant recevoir après l’application de la CEEE n’est absolument pas pertinent. La seule question pertinente concerne l’effet du partage sur les prestations de la partie mise en cause à la date du partage en mai 2004.

[50] Les instances précédentes ont déterminé de manière définitive que ses prestations avaient augmenté; que, par conséquent, le partage était obligatoire; et que le paragraphe 55.1(5) n’était pas applicable. L’appelant tente maintenant de contester ces conclusions sous le couvert d’une demande fondée sur des faits nouveaux.

[51] Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[52] L’appel est rejeté de façon sommaire.

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