Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision

[1] Le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) rejette les demandes de prorogation de délai pour le dépôt de la demande de permission d’en appeler et refuse la permission d’en appeler.

Contexte

[2] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (la demande) d’une décision rendue par le tribunal de révision le 19 février 2013. La demanderesse demande également la prorogation du délai pour le dépôt de la demande. 

[3] La décision dont la demanderesse souhaite interjeter appel a établi que sa demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension était prescrite. Elle établissait en outre que la demanderesse ne souffrait pas d’incapacité au sens de l’article 55.3 du Régime de pensions du Canada (RPC). 

[4] Le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) a reçu la demande le 19 juin 2013, alors que la demanderesse devait la faire parvenir au plus tard le 20 mai 2013. 

Motifs des demandes

La demande tardive

[5] La demanderesse affirme que sa demande, dans les faits, n’était pas en retard.  Elle soutient avoir fait parvenir la demande initiale au Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR) bien avant l’expiration du délai de 90 jours. D’après la demanderesse, sa demande de mai 2013 est en réalité une seconde demande.

La demande

[6] En ce qui concerne la demande comme telle, la demanderesse dit avoir été mal informée au sujet du partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension, que des changements étaient survenus peu après son divorce et que la loi exerce essentiellement une discrimination à son encontre. Elle soutient aussi que, eu raison de la conduite d’un membre du tribunal de révision, il y avait une crainte raisonnable de partialité à l’égard du processus décisionnel du tribunal de révision. Selon la demanderesse, le tribunal de révision avait jugé son appel à l’avance.

Questions en litige

[7] Le Tribunal doit trancher les deux questions suivantes :

  1. a) Est-il approprié en l’espèce que le Tribunal proroge le délai pour le dépôt de la demande?
  2. b) Si le Tribunal décide d’accueillir la demande de prorogation du délai pour le dépôt de la demande, l’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

Prorogation du délai

[8] Les demandes de prorogation de délai pour le dépôt des demandes de permission d’en appeler sont régies par le paragraphe 57(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. La disposition permet au Tribunal de proroger le délai pour présenter une demande de permission d’en appeler tout en prévoyant une limite maximale d’un an pour présenter la demande et, par analogie, pour accorder une prorogation du délai.  

[9] La demanderesse affirme avoir envoyé une première demande au BCTR le 29 avril 2013. Elle a appelé le BCTR le 16 mai 2013, et on l’a informée à ce moment-là que le BCTR n’existait plus. On n’a pas pu lui dire où était sa demande. On lui a conseillé de s’adresser au nouveau Tribunal. La demanderesse décrit une série de tentatives infructueuses pour déposer une demande auprès du Tribunal par voie électronique. Ce n’est qu’après le 21 mai 2013 qu’elle a pu établir un contact avec le Tribunal et recevoir des conseils sur la façon de procéder.  

[10] Le dossier du Tribunal contient effectivement une lettre de la demanderesse datée du 29 avril 2013. Toutefois, dans cette lettre, la demanderesse indique qu’elle ne souhaite plus faire appel. Les dossiers du Tribunal indiquent que cette lettre venait du BCTR. La demanderesse insiste pour dire qu’il y a une seconde lettre datée du même jour et que, dans cette lettre, elle exprime son souhait de poursuivre l’appel. Le Tribunal n’a aucune trace de cette seconde lettre. La demanderesse n’a pas non plus fourni au Tribunal de copie de cette seconde lettre ni de preuve de transmission par télécopieur. Le dossier du Tribunal ne contient qu’une lettre de la demanderesse indiquant expressément son désir de poursuivre son appel. Cette lettre est datée du 29 avril 2014, et non du 29 avril 2013.

[11] Il incombe à la partie qui demande une prorogation du délai pour le dépôt d’une demande de démontrer qu’elle respecte le critère de la common law relatif à l’octroi d’une prorogation de délai. La Cour fédérale a énoncé le critère dans l’affaire Gattelaro, comme suit : lorsqu’il exerce le pouvoir de proroger le délai pour le dépôt d’une demande de permission d’en appeler, le membre du Tribunal doit tenir compte des critères suivants :

  • il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  • la cause est défendable;
  • le retard a été raisonnablement expliqué;
  • la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[12] Malgré le fait que la demanderesse affirme avoir présenté une demande le 29 avril 2013, le Tribunal ne trouve aucune preuve de cette demande. L’avocat du défendeur soutient que la demanderesse ne s’est pas déchargée de son fardeau de fournir une explication raisonnable pour le retard et que la demande de prorogation de délai devrait donc être rejetée. Le Tribunal souscrit à cet avis. La demanderesse a peut-être une intention persistante de poursuivre l’appel, mais elle n’a pas fourni d’explication raisonnable au sujet de son retard. Par conséquent, le Tribunal rejette la demande de prorogation de délai pour le dépôt d’une demande de permission d’en appeler de la décision du 19 avril 2013 du tribunal de révision.

Motifs supplémentaires

[13] Par ailleurs, le Tribunal n’est pas convaincu que la cause de la demanderesse soit défendable. La demanderesse a demandé un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension de son ex-mari. Les parties ont divorcé en 1986, et le divorce est devenu définitif le 7 mai 1986. Au moment où les parties ont divorcé, il n’y avait pas de partage automatique des droits à pension. La loi en vigueur à l’époque prévoyait que la demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension devait être déposée dans les 36 mois suivant la date du jugement irrévocable de divorce. Dans le cas de la demanderesse, elle devait transmettre la demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension quelque temps avant le 6 mai 1989. La demanderesse a présenté sa demande en septembre 2011.  

[14] Deux circonstances auraient pu permettre à la demanderesse de profiter d’un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension. D’abord, son ex-mari devait consentir au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension; ensuite, faute d’un tel accord, la demanderesse devait démontrer qu’elle était incapable au sens de la loi pour que sa demande puisse être antidatée. Malheureusement pour la demanderesse, aucune de ces circonstances ne s’appliquait à son cas. Son ex-mari a refusé son consentement, et rien dans le dossier médical ni dans les autres preuves qu’on lui a soumises n’a permis au tribunal de révision d’établir que la demanderesse avait souffert d’un problème physique ou mental suffisamment grave pour qu’il la rende incapable de former l’intention de demander un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension pendant la période applicable.  

[15] Inutile de dire que la demanderesse n’est pas d’accord avec les conclusions du tribunal de révision. Toutefois, la question de savoir si la demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension était prescrite est une question mixte de droit et de fait, et, selon le Tribunal, il en va de même de la question de savoir si la demanderesse respecte le critère d’incapacité. Ainsi, la norme de la décision raisonnable s’applique à la décision.

[16] Le Tribunal estime que la décision est raisonnable, en ce sens que la justification de la décision, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel ont été établies. La demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension est manifestement en retard puisqu’elle a été déposée bien après le délai de 36 mois, et l’ex-mari de la demanderesse ne consent pas au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension. De plus, même si la demanderesse peut avoir démontré qu’elle avait eu des périodes de mauvaise santé pendant les années qui ont séparé le moment où le divorce est devenu définitif et la date de sa demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension, il a été établi qu’elle était également retournée aux études et qu’elle avait travaillé, ce qui rompt la continuité exigée pour constater une « incapacité ».

[17] Par conséquent, le Tribunal juge que la décision du tribunal de révision est raisonnable et fait partie des issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit et des exigences du RPC. 

Conclusion

[18] La demande de prorogation du délai pour le dépôt de la demande de permission d’en appeler est rejetée.

[19] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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