Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Le 29 avril 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») a rejeté de façon sommaire l’appel de l’appelante à l’encontre d’une décision déclarant que son admissibilité à une pension de retraite au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) commencerait en novembre 2011. L’appelante fait appel de ce rejet sommaire.

Motifs de l’appel

[3] L’appelante fonde son appel sur l’alinéa 67(3)b) du RPC.

Question en litige

[4] La question dont le Tribunal est saisi peut être formulée en ces termes :

  1. a) Eu égard au rejet sommaire de l’appel de l’appelante, la division générale a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a rejeté l’appel de façon sommaire?

Droit applicable

[5] Le rejet sommaire d’un appel est prévu au paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »).Footnote 1Un appelant n’a pas besoin de permission pour interjeter appel d’une décision de la division générale qui rejette son appel de façon sommaire.Footnote 2 Toutefois, les moyens d’appel restent les mêmes, à savoir qu’un appel peut être déposé :

  1. 1) lorsqu’il y a manquement à la justice naturelle;
  2. 2) lorsque la division générale a commis une erreur de droit;
  3. 3) lorsque la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait qu’elle a commise de façon arbitraire ou abusive ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.Footnote 3

[6] Les dispositions législatives qui régissent le paiement d’une pension de retraite du RPC sont énoncées à l’article 67 du RPC. Le paragraphe 67(2) du RPC porte ce qui suit :

  1. (2)  En ce qui concerne une pension de retraite qui commence à être payable le 1er janvier 1987 ou après, si les requérants ne sont pas des ayants droit et sous réserve de l’article 62, lorsque le paiement de la pension de retraite est approuvé, la pension est payable mensuellement et commence avec le dernier en date des mois suivants :
  2. a) le mois au cours duquel le requérant atteint l’âge de soixante ans ;
  3. b) le mois suivant le mois au cours duquel le requérant a présenté une demande, s’il n’avait pas atteint l’âge de soixante-dix ans lorsqu’il a présenté sa demande;
  4. c) le mois suivant le mois au cours duquel le requérant a cessé, entièrement ou dans une large mesure, d’occuper un emploi rémunéré ou d’effectuer un travail autonome s’il n’a pas alors atteint l’âge de soixante-cinq ans;
  5. d) le mois au cours duquel le requérant a atteint l’âge de soixante-cinq ans, s’il n’a pas alors cessé, entièrement ou dans une large mesure, d’occuper un emploi rémunéré ou d’effectuer un travail autonome;
  6. e) le douzième mois précédant le mois suivant celui au cours duquel le requérant a produit sa demande, s’il était âgé de plus de soixante-dix ans au moment où il l’a produite;
  7. f) le mois au cours duquel le requérant a atteint l’âge de soixante-dix ans, s’il a produit sa demande après avoir atteint cet âge;
  8. g) le mois de janvier 1987, si le requérant a, avant ce mois, atteint l’âge de soixante ans sans avoir atteint l’âge de soixante-cinq ans;
  9. h) le mois que choisit le requérant dans sa demande.

[7] Il existe cependant une exception aux dispositions précitées dans laquelle le demandeur présente une demande après avoir atteint l’âge de soixante-cinq ans. Cette exception est stipulée au paragraphe 67(3) du RPC. Elle prévoit ce qui suit :

  1. (3) Exception – Dans le cas où le requérant a atteint l’âge de soixante-cinq ans avant la réception de la demande, la pension est payable et commence avec le dernier en date des mois suivants :
  2. a) le dernier en date du douzième mois précédant le mois suivant celui au cours duquel la demande a été présentée ou du mois de janvier 1995;
  3. b) le mois au cours duquel le requérant atteint l’âge de soixante-cinq ans;
  4. c) le mois choisi par le requérant dans la demande.

[8] La demande de l’appelante était visée par cette dernière disposition et, initialement, elle a été tranchée pour le mois que l’appelante a choisi. Ultérieurement, et à la demande de l’appelante, l’intimé a déterminé que la date à laquelle la pension de retraite de l’appelante devenait payable en application de l’alinéa 67(3)a) était novembre 2011.

Observations

[9] L’appelante soutient que les dispositions législatives autorisent l’intimé à lui accorder une pension de retraite rétroactivement à partir de son soixante-cinquième anniversaire.

[10] L’avocat de l’intimé réplique que la division générale a correctement cité le critère applicable aux rejets sommaires en application de l’article 53 de la Loi sur le MEDS, qu’elle a correctement énoncé et appliqué les dispositions législatives applicables concernant la rétroactivité maximale des paiements de prestations de retraite à l’appelante au titre du RPC et que la division générale n’a pas commis d’erreur dans son application des faits au droit applicable. En outre, l’avocat de l’intimé affirme que la décision de la division générale est raisonnable et qu’elle ne renferme pas d’erreurs susceptibles de contrôle qui permettraient à la division d’appel d’intervenir. Par conséquent, l’appel devrait être rejeté.

Analyse

[11] Les faits non contestés de l’espèce sont les suivants :

L’appelante a eu soixante-cinq ans le 24 octobre 2002. Elle a demandé une pension de retraite au titre du RPC en octobre 2012, alors qu’elle était âgée de soixante-quinze ans. Dans sa demande, l’appelante a demandé à ce que le paiement de sa pension de retraite commence en décembre 2012 et, initialement, c’est ce qui s’est produit. L’appelante a ensuite demandé à l’intimé de réviser la date de début de versement de sa pension et, en révision, l’intimé lui a accordé un versement de sa pension de retraite rétroactif à novembre 2011. Devant la division générale, l’appelante a demandé à ce que sa pension lui soit versée rétroactivement au 24 octobre 2002, date à laquelle elle a eu soixante-cinq ans. Dans une décision datée du 29 avril 2015, la division générale a rejeté l’appel de façon sommaire au motif qu’il n’avait pas de chance raisonnable de succès.

[12] Le résultat de cet appel dépend de la réponse à la question de savoir si le Tribunal a le pouvoir d’accorder une rétroactivité sur une période plus longue que les onze mois que le ministre a accordés pour la date de début de versement de la pension de retraite de l’appelante. Pour les motifs exposés ci-dessous, la réponse à cette question est que le Tribunal n’a pas ce pouvoir et que, par conséquent, la décision de la division générale de rejeter de façon sommaire l’appel est raisonnable.

Norme de contrôle

[13] L’intimé a fait valoir que la norme de contrôle applicable à la décision de la division générale de rejeter l’appel sommairement est celle de la « raisonnabilité ». Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada (CSC) a conclu qu’au moment de réviser une décision sur des questions de fait, des questions mixtes de droit et de fait et des questions de droit en lien avec l’interprétation de la loi constitutive d’un tribunal, la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité. En l’espèce, la question en litige porte sur une conclusion de fait (l’âge qu’avait l’appelante lorsqu’elle a déposé la demande) ainsi que de droit (la disposition législative applicable dans le cas d’une demande présentée après que le demandeur a atteint l’âge de soixante-cinq ans). Ainsi, lorsqu’on applique l’arrêt Dunsmuir, la norme de contrôle applicable à la décision rendue par la division générale est celle de la raisonnabilité.

Compétence ou pouvoir du Tribunal d’accorder à l’appelante le redressement sollicité

[14] Pour ce qui est de la question de savoir si le Tribunal a compétence ou a la capacité d’accorder à l’appelante le redressement qu’elle demande, le Tribunal ne possède pas la compétence voulue ou le pouvoir nécessaire à cette fin. Bien que l’article 82 du RPC confère expressément au Tribunal le pouvoir d’instruire les appels d’une décision en révision du ministre intimé,Footnote 4 le Tribunal ne peut exercer que la compétence que lui accorde sa loi constitutive. Dans l’arrêt Conway,Footnote 5 la CSC a clairement statué qu’un tribunal ne peut accorder que les réparations que sa loi constitutive l’habilite à accorder. La juge Abella, s’exprimant au nom de la CSC, après avoir conclu que la Commission ontarienne d’examen (la « Commission ») était un tribunal compétent pour ce qui est d’accorder des réparations au titre de l’article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés, a refusé à M. Conway les réparations qu’il demandait. La juge Abella a fait la conclusion suivante :

[101] Conclure que la Commission peut accorder à M. Conway une libération inconditionnelle même si elle estime qu’il représente un risque important pour la sécurité du public, ou ordonner au CTSM de lui prodiguer un traitement particulier irait manifestement à l’encontre de l’intention du législateur. Compte tenu du régime législatif et des considérations d’ordre constitutionnel, la Commission ne peut accorder pareilles réparations à M. Conway.

[15] Dans Canada (Procureur général) c. Lise Vinet-Proulx, T-200-06, 2007 CF 99, la Cour fédérale a délimité la compétence du Tribunal de révision dans le contexte de décisions du ministre rendues en application du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (la « LSV »), L.R.C. 1985, chap. O-9. Dans cette affaire où la demande de prestations de retraite avait été reçue en avril 2004 et où la législation limitait la rétroactivité à un anFootnote 6, le juge Martineau a conclu, au paragraphe 14, que « le Tribunal de révision n’avait pas compétence pour octroyer une pension rétroactive à partir du mois de juillet 2002, ce qui est contraire aux prescriptions des dispositions législatives et réglementaires en vertu desquelles la décision initiale et la décision révisée du ministre sont fondées. »

[16] Le paragraphe 67(3) du RPC prévoit un plafond semblable d’un an lorsque le demandeur d’une pension de retraite était déjà âgé de soixante-cinq ans lorsqu’il a déposé sa demande de pension. Ainsi, lorsqu’on applique la logique de Vinet-Proulx, la division générale n’a pas compétence pour accorder des prestations de retraite à l’appelante rétroactivement à partir du mois d’octobre 2002.

Décision de rejeter sommairement l’appel

[17] La division générale a la compétence expresse de rejeter un appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a pas de chance raisonnable de succès. La Cour d’appel fédérale a assimilé une chance raisonnable de succès à une cause défendable : Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63. La question de ce qu’est le critère à appliquer pour déterminer si un appel a une chance raisonnable de succès ou s’il soulève une cause défendable dans le contexte du Tribunal peut très bien être sujette à débat, mais je considère que lorsque les faits ne sont pas contestés et que le droit applicable est clair et que, à la lumière des faits non contestés et du droit applicable, une seule décision claire peut être rendue qui n’est pas favorable à l’appelant, alors ce critère n’est pas satisfait. C’est le cas ici et, par conséquent, la décision de la division générale de rejeter l’appel de façon sommaire est tout à fait justifiée.

[18] Dans la présente affaire, les faits ne sont pas contestés. L’appelante a eu soixante-cinq ans le 24 octobre 2002. Elle n’a pas, alors, demandé de pension de retraite au titre du RPC. L’appelante a présenté une demande de pension dix ans plus tard, alors qu’elle était âgée de soixante-quinze ans. On a d’abord commencé à lui verser sa pension en décembre 2012, cependant, sur révision, l’intimé a modifié la date de début de versement de la pension pour la fixer à novembre 2011. L’alinéa 67(3)a) du RPC est la disposition législative applicable. Cette disposition limite la rétroactivité à douze mois dans les cas où la demande de prestations de retraite est présentée après que le demandeur a eu soixante-cinq ans. L’appelante ayant déposé sa demande de pension de retraite longtemps après son soixante-cinquième anniversaire, elle est malheureusement assujettie aux dispositions de la loi, dispositions dont le Tribunal n’a pas le pouvoir de s’écarter. En conséquence, l’appel de l’appelante doit être rejeté.

Conclusion

[19] L’appel est rejeté.

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