Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Comparutions

  • J. Z. : Appelante
  • Kaila Eadie : Représentante de l’appelante
  • Jin-Hua (Miki) Wu : Interprète (6 août 2015)
  • Yue (Ann) Yin : Interprète (20 août 2015)
  • R. A. : Témoin (6 août 2015)
  • W. Z. : Témoin
  • O. ;Z. : Observateur (6 août 2015)

Introduction

[1] L’appelante a commencé à toucher une pension partielle aux termes de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) ainsi que le Supplément de revenu garanti en novembre 2006. Dans une décision datée du 26 novembre 2012, l’intimé a déterminé que l’appelante avait quitté le Canada en janvier 2007 et qu’elle avait cessé d’y résider à partir de cette date. Ses prestations ont été annulées et l’intimé a demandé à l’appelante de rembourser la somme de 74 441,26 $ qu’elle a touchée entre août 2007 et novembre 2012.

[2] L’appelante a demandé que sa décision soit révisée. Dans sa décision de révision datée du 12 mars 2013, l’intimé a déterminé que l’appelante avait omis de fournir des renseignements au sujet de ses absences du Canada, et que compte tenu de ses absences ainsi que de ses voyages fréquents depuis décembre 2009, celle-ci ne respectait pas l’obligation de résidence nécessaire pour être admissible à une pension de la SV ou au SRG. La demande de remboursement de 74 411,26 $ a été maintenue. L’appelante a interjeté appel devant le Tribunal.

[3] Dans ses observations datées du 28 avril 2014, l’intimé a fait valoir que l’appelante avait bel et bien satisfait aux exigences en matière de résidence au Canada et qu’elle était admissible à une pension partielle de la SV au taux de 10/40e et au SRG, comme on le lui avait accordé au départ. Toutefois, il a indiqué que l’appelante n’avait pas résidé au Canada de janvier 2007 jusqu’en novembre 2009, de sorte qu’elle n’était pas admissible aux prestations de SV ou de SRG du mois d’août 2007 au mois de novembre 2009. L’intimé a également soutenu que l’appelante avait de nouveau satisfait aux exigences en matière de résidence au Canada à partir de décembre 2009 et qu’elle avait continué de le faire jusqu’en février 2011, mais que les preuves de sa résidence par la suite étaient insuffisantes.

[4] Cet appel a d’abord été instruit par téléconférence le 6 août 2015 pour les raisons suivantes :

  1. ce mode d’audience était le plus judicieux pour permettre à plusieurs participants d’y prendre part;
  2. la vidéoconférence était offerte près du lieu de résidence de l’appelante;
  3. ce mode d’audience respectait l’exigence énoncée dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] L’audience a été ajournée parce que l’appelante est devenue désorientée. Elle a par la suite présenté des documents indiquant qu’elle était allée consulter son médecin de famille ce jour-là, et que ce dernier avait diagnostiqué une perte de mémoire apparue soudainement. Elle s’était ensuite rendue à l’hôpital pour y subir des tests afin de vérifier si elle n’avait pas subi un AVC. Elle a reçu un diagnostic d’amnésie globale transitoire. En date du 11 août 2015, ses symptômes s’étaient entièrement résorbés, sauf en ce qui concerne l’amnésie entourant le jour de l’incident.

[6] Avec l’accord de la représentante de l’appelante, la nouvelle audience a été entendue par téléconférence le 20 août 2015.

Questions préliminaires

Documents présentés entre le 6 et le 20 août 2015

[7] En plus des documents portant sur le problème de santé qu’elle a éprouvé lors de l’audience par vidéoconférence, l’appelante a présenté des copies de ses billets d’avion et de ses itinéraires de voyage pour 2011 et 2012. Aucune copie traduite de ces documents n’était disponible avant le jour de la nouvelle audience. Étant donné que l’information que renfermaient ces documents ne semblait pas prêter à litige et qu’elle servait principalement à l’appelante d’aide-mémoire au sujet de ses voyages, le Tribunal a décidé d’admettre ces documents en preuve et n’a pas donné à l’intimé l’occasion de les examiner ou de faire des observations à leur sujet. Le Tribunal a estimé qu’il existait toujours une possibilité qu’une partie fournisse des preuves documentaires lors d’une audience, et que l’on devait présumer que les autres parties, en choisissant de ne pas assister à l’audience, ne souhaitaient pas prendre position ou ne manifestaient pas d’intérêt particulier à examiner ces éléments de preuve ou à présenter des observations à leur égard.

Droit applicable

[8] Le paragraphe 3(2) de la Loi sur la SV énonce les critères qui doivent être respectés pour pouvoir toucher une pension partielle de la SV :

  1. (2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, une pension partielle est payable aux personnes qui ne peuvent bénéficier de la pleine pension et qui, à la fois :
  2. a) ont au moins soixante-cinq ans;
  3. b) ont, après l’âge de dix-huit ans, résidé en tout au Canada pendant au moins dix ans mais moins de quarante ans avant la date d’agrément de leur demande et, si la période totale de résidence est inférieure à vingt ans, résidaient au Canada le jour précédant la date d’agrément de leur demande.

[9] Le paragraphe 21(1) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) explique la différence entre la résidence et la présence aux fins de la SV :

21 (1) Aux fins de la Loi et du présent règlement,

  1. a) une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada;
    et
  2. b) une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

[10] Les alinéas 21(4)a) et c), les sous-alinéas 21(5)a)(vi),(vii) et (viii) et l’alinéa 21(5)f) du Règlement sur la SV sont pertinents en l’espèce. Ils traitent de l’incidence sur la résidence au Canada que peuvent avoir certains types d’absences du pays :

(4) Lorsqu’une personne qui réside au Canada s’absente du Canada et que son absence

a) est temporaire et ne dépasse pas un an,
[…] ou

c) compte parmi les absences mentionnées au paragraphe (5),

cette absence est réputée n’avoir pas interrompu la résidence ou la présence de cette personne au Canada.

(5) Les absences du Canada dont il est question à l’alinéa (4)c) dans le cas d’un résident du Canada sont des absences qui se produisent dans les circonstances suivantes :

a) lorsque ledit résident était employé hors du Canada
[…]

  1. (vi) par une entreprise ou corporation canadienne en qualité de membre ou de représentant, si, au cours de sa période d’emploi hors du Canada, ce résident
  2. (vii) a conservé au Canada une demeure permanente à laquelle il avait l’intention de revenir, ou
  3. (viii) a gardé au Canada un établissement domestique autonome,

et il est revenu au Canada dans un délai de six mois après la fin de sa période d’emploi hors du Canada ou, au cours de sa période d’emploi hors du Canada, il a atteint un âge qui le rendait admissible à une pension en vertu de la Loi;
[…]

f) alors que cette personne était une personne à charge, qu’elle accompagnait la personne de qui elle dépendait et qu’elle résidait hors du Canada, si la personne de qui elle dépendait résidait au Canada et dont l’absence du Canada était motivée par l’une des circonstances prévues à l’alinéa a) ou b) et si la personne dépendante

  1. (i) est revenue au Canada avant le retour de la personne de qui elle dépendait ou dans un délai de six mois après son retour, ou dans un délai de six mois après la mort de cette personne, si cette personne est morte durant son absence du Canada.

[11] Les paragraphes 9(1) et (3) de la Loi sur la SV traitent du versement d’une pension de la SV lorsqu’une personne s’absente du Canada ou cesse d’y résider :

9 (1) Le service de la pension est suspendu après le sixième mois d’absence ininterrompue du Canada qui suit l’ouverture du droit à pension — le mois du départ n’étant pas compté et indépendamment du fait que celui-ci soit survenu avant ou après cette ouverture — et il ne peut reprendre que le mois où le pensionné revient au Canada.

[…]

(3) La cessation de résidence au Canada, qu’elle survienne avant ou après l’ouverture du droit à pension, entraîne la suspension des versements après le sixième mois qui suit la fin du mois où elle est survenue. Dans tous les cas, les versements peuvent reprendre à compter du mois où le pensionné réside de nouveau au Canada.

[12] Le paragraphe 11(1) de la Loi sur la SV prévoit le paiement du SRG aux bénéficiaires admissibles à la pension de la SV :

11. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie et de ses règlements, le pensionné peut recevoir le supplément de revenu mensuel garanti.

[13] Les alinéas 11(7)b), c) et d) traitent du versement du SRG lorsqu’une personne est absente du Canada ou cesse d’y résider :

(7) Il n’est versé aucun supplément pour
[…]

  1. (b) tout mois pour lequel le pensionné ne peut recevoir de pension;
  2. (c) tout mois complet d’absence suivant six mois d’absence ininterrompue du Canada, le mois du départ n’étant pas compté et indépendamment du fait que celui-ci soit survenu avant ou après l’ouverture du droit à pension;
  3. (d) tout mois complet de non-résidence au Canada suivant la période de six mois consécutive à la cessation de résidence, que celle-ci soit survenue avant ou après l’ouverture du droit à pension.

Question en litige

[14] Le Tribunal doit déterminer si l’appelante résidait au Canada ou y était présente, et le cas échéant, pendant quelles périodes exactement, afin de déterminer si elle était admissible à une pension de la SV ainsi qu’au SRG.

Preuve

Témoignage à l’audience

[15] L’appelante est née le 24 octobre 1941 à X, en Chine. Elle est arrivée au Canada avec son mari et sa petite fille en octobre 1996, à titre d’immigrante parrainée par sa fille aînée, W. Z., et par l’époux de cette dernière, O. Z. Ils vivaient tous ensemble dans la demeure de MONSIEUR et Mme W. Z., à X.

[16] En mai 1997, l’époux de l’appelante est retourné en Chine pour régler certaines affaires. Peu de temps après, il a reçu un diagnostic de cancer de l’estomac. Il est demeuré en Chine pour y subir une chirurgie et des traitements de chimiothérapie. En juillet 1997, l’appelante est allée en Chine rejoindre son mari. Ce dernier est décédé en Chine en avril 1998, et l’appelante est demeurée là-bas pendant une courte période à la suite de son décès avant de revenir au Canada. Elle a témoigné qu’elle est ensuite demeurée au Canada pendant plusieurs années et qu’elle n’a quitté le pays que pour des voyages occasionnels et infréquents.

[17] L’appelante et sa fille ont toutes deux témoigné qu’elle a toujours vécu avec W. Z. et O. Z. à leur domicile d’X. Elle n’avait pas les moyens d’acheter ou de louer sa propre maison; par ailleurs, dans leur culture, il est courant qu’un parent vive avec ses enfants adultes pour aider à entretenir la maison et à prendre soin des enfants. Les Z. se trouvaient très exactement dans cette situation, puisqu’ils travaillaient tous deux à temps plein et qu’ils avaient besoin d’aide pour le soin de leurs deux fils.

[18] Mme W. Z. a témoigné qu’elle avait immigré au Canada en 1987 et qu’après avoir terminé ses études, elle avait commencé à travailler à Umicore Ltd. Elle occupe toujours cet emploi. Ses parents n’ayant pas eu de fils, c’est à elle, l’aînée des filles, que revenait la responsabilité particulière de prendre soin de ses parents, autant sur le plan financier que sur le plan émotif. Elle a indiqué que si elle fournissait ce genre d’appui à sa mère, celle-ci lui offrait également une grande aide en retour, puisqu’elle l’aidait à entretenir la maison et à prendre soin des enfants en plus de soutenir sa carrière.

[19] L’appelante a témoigné qu’elle a toujours eu sa propre chambre et sa propre salle de bain dans la demeure des Z. et qu’elle y conserve ses effets personnels. Elle demeure dans la famille Z. du lundi au vendredi et passe la fin de semaine avec son autre fille, Y. Z. Mme W. Z. a témoigné que sa mère avait adopté cet horaire aux environs de 2006, lorsque Y. Z., qui vivait auparavant à X, était revenue vivre à X et s’était trouvé un appartement assez grand pour que sa mère puisse y demeurer régulièrement.

[20] Mme W. Z. a témoigné que l’appelante s’est inscrite au régime d’assurance‑maladie de l’Alberta (AHCIP) lorsqu’elle est arrivée au Canada et qu’elle n’a jamais cessé d’y souscrire. Ni l’appelante ni elle n’ont de souvenirs d’une occasion où l’AHCIP aurait communiqué avec l’appelante pour s’enquérir au sujet de sa résidence ou des exigences à cet égard, et ni l’une ni l’autre n’ont déclaré les voyages de l’appelante à l’AHCIP. L’appelante a un médecin de famille depuis son arrivée au Canada, mais comme elle est en assez bonne santé, elle ne l’a pas consulté pendant de nombreuses années. Elle a commencé à faire de la haute pression aux environs de 2007 ou 2008, puis elle a éprouvé des problèmes aux yeux et à l’estomac, de sorte qu’elle a reçu plus de soins médicaux depuis cette époque.

[21] L’appelante a témoigné qu’après son déménagement au Canada, elle y a ouvert un compte bancaire. Elle ne possède plus aucun bien en Chine ni dans aucun autre pays. Elle a une carte de la bibliothèque d’X et une carte d’abonnement à un centre récréatif local. Elle a un permis de conduire.

[22] L’appelante s’est jointe aux Témoins de Jéhovah en 2005, après avoir étudié pendant un certain temps auprès de cette communauté. Elle a témoigné que depuis cette date, elle va à l’église deux fois par semaine et elle sort régulièrement pour prêcher l’Évangile dans la communauté. Elle fréquente le centre récréatif local régulièrement depuis 2009 ou 2010 et elle connaît maintenant certaines personnes qui suivent les mêmes cours de mise en forme qu’elle. Elle ne les fréquente pas en dehors de ses cours, et lorsqu’elle interagit avec eux, c’est le plus souvent pour faire la promotion de sa religion.

[23] L’appelante est devenue citoyenne canadienne en 2006. Elle a témoigné que la Chine ne reconnaissait pas la double citoyenneté, de sorte qu’elle a, dans les faits, renoncé à sa citoyenneté chinoise. Lorsqu’elle se rend en Chine, elle doit obtenir un visa du gouvernement chinois.

[24] Mme W. Z. a témoigné que son employeur, Umicore, est une entreprise appartenant à des intérêts belges qui fabrique du matériel technique. En 2006, Umicore lui a confié une mission de trois ans consistant à mettre sur pied une entreprise conjointe en Chine. Elle y a vu une très belle occasion, qui plaçait toutefois sa famille devant un dilemme puisque son mari avait un bon emploi à X et que leur fils aîné était bien établi dans son école secondaire en plus d’être un joueur de hockey passionné. Ni l’un ni l’autre ne souhaitait quitter X, de sorte que MONSIEUR et Mme W. Z. ont décidé que celle-ci partirait seulement en Chine avec le plus jeune de leur fils, M. Z., qui avait alors une dizaine d’années.

[25] Mme W. Z. a indiqué qu’elle avait demandé à s’établir à X plutôt que sur les lieux du projet pour que M. Z. puisse fréquenter une école internationale. Comme cette situation la forçait à voyager beaucoup, elle a décidé d’amener l’appelante avec elle à X pour qu’elle puisse prendre soin de M. Z. et lui tenir compagnie.

[26] Mme W. Z. a témoigné qu’Umicore s’était chargé de faire toutes les démarches pour leur déménagement en Chine. Ainsi, c’est Umicore qui a retenu les services d’une entreprise de relogement, qui a obtenu tous les visas et les permis dont ils avaient besoin tous les trois et qui leur a trouvé un appartement meublé. M. Z., l’appelante et elle ont seulement dû apporter leurs vêtements du Canada. Elle a commencé à faire des allers-retours entre le Canada et X à l’automne 2006, afin de transférer son emploi et de s’installer à X. L’appelante et M. Z. sont arrivés en janvier 2007, une fois que tout était prêt pour eux.

[27] Mme W. Z. a expliqué que pendant les trois ans qu’elle a passés en Chine, Umicore avait un bureau à X et elle relevait de l’administration centrale de l’entreprise en Belgique. Elle passait habituellement deux semaines sur les lieux du projet et deux semaines à X. Sa mère avait rarement du temps libre puisque M. Z. était avec elle, de sorte qu’elle restait à l’appartement à X. Son mari et son fils aîné venaient parfois leur rendre visite et demeuraient dans l’appartement avec eux.

[28] L’appelante a indiqué qu’elle croyait qu’elle avait peut-être ouvert un compte bancaire après son arrivée à X en 2007. Sa fille a indiqué qu’elle n’était pas au courant de l’existence d’un tel compte et que c’était elle qui assumait toutes les dépenses de l’appelante.

[29] L’appelante a indiqué que pendant son séjour en Chine, elle était convaincue que son domicile se trouvait en fait au Canada, étant donné que ses filles, ses petits-enfants et tous ses biens s’y trouvaient. Elle ne considérait pas que son domicile se trouvait en Chine, puisque aucun de ses biens ne s’y trouvait. Même si, au départ, elle avait indiqué qu’elle n’était pas en mesure de pratiquer sa religion là-bas, elle a donné des éclaircissements par la suite et expliqué que même si les Témoins de Jéhovah n’étaient pas reconnus en Chine, elle avait été en mesure de se joindre à un groupe à X et de pratique sa religion en privé. Elle alternait les prières et l’étude de la Bible.

[30] L’horaire de l’appelante tournait autour de celui de M. Z.. Pendant les congés scolaires, ils retournaient à X. L’appelante a indiqué que pendant ces voyages au Canada, elle réintégrait sa chambre dans la demeure des Z. et reprenait sa routine : aller à l’église toutes les semaines, faire des travaux ménagers, s’occuper des enfants et prêcher l’Évangile. Elle était allée consulter son médecin à l’occasion. Elle avait également renouvelé des prescriptions, et pour que celles-ci demeurent valides, elle demandait à sa fille de continuer à les renouveler en son absence.

[31] L’emploi de Mme W. Z. en Chine a pris fin en septembre 2009 : celle-ci et M. Z. sont alors retournés au Canada. L’appelante a indiqué que comme son visa était encore valide pour quelques mois, elle avait passé les mois d’octobre et de novembre à visiter diverses provinces de la Chine et était rentrée au Canada avant Noël 2009.

[32] Mme W. Z. et l’appelante ont toutes deux affirmé qu’après septembre 2009, comme M. Z. fréquentait l’école secondaire, il n’était plus nécessaire que l’appelante demeure constamment sur les lieux. Sa famille l’a donc encouragée à voyager tandis qu’elle était encore assez jeune pour le faire. L’appelante n’avait voyagé que très peu par le passé et elle avait envie de découvrir la Chine et d’autres endroits du monde. Elle préférait faire des circuits de groupe organisés par des voyagistes chinois en raison de la langue et du meilleur traitement que ceux-ci réservaient aux aînés. Toutefois, ces voyagistes ne permettaient généralement pas aux personnes de plus de 75 ans de voyager sans être accompagnées d’un membre de la famille plus jeune : l’appelante souhaitait donc voyager le plus possible avant d’en arriver là.

[33] L’appelante a indiqué que même après avoir perdu sa citoyenneté chinoise, elle avait pu continuer à utiliser son passeport chinois parce qu’il ne lui avait pas été confisqué. Elle a témoigné qu’elle avait continué à s’en servir parce qu’il lui était ainsi bien plus facile de retourner en Chine et de voyager dans le pays. De plus, son passeport lui donnait un rabais sur le prix d’entrée des parcs chinois. Elle a continué d’utiliser son passeport presque jusqu’à ce qu’il atteigne sa date d’expiration, en mars 2011.

[34] Mme W. Z. a indiqué que c’est une agence de voyages d’X qui gérait tous les préparatifs des voyages de l’appelante. Cette dernière ne contractait pas d’assurance médicale de voyage parce qu’elle n’en avait jamais eu besoin. Elle emportait ses prescriptions et ses gouttes oculaires d’X, ainsi que ses vêtements. Lorsqu’elle était en voyage, sa chambre dans la demeure des Z. demeurait intacte, sauf pour l’entretien ménager. Mme W. Z. a affirmé que même lorsque l’appelante était absente, elle avait toujours l’impression qu’elle faisait partie de la famille.

[35] L’appelante a indiqué que c’était l’agence de voyage qui effectuait toutes les démarches relatives aux chambres d’hôtels, aux restaurants et aux excursions. Elle emportait ses vêtements et de l’argent; tout le reste demeurait dans sa chambre à X. D’anciennes camarades de classe et des amis de Chine l’accompagnaient dans ses voyages. Pendant ses circuits de groupe, elle demeurait avec le reste du groupe à l’hôtel, mais il lui est aussi arrivé de rendre visite à son frère à X. Lorsqu’elle demeurait chez son frère, son neveu lui cédait sa chambre et couchait dans le salon. Lorsqu’elle ne se trouvait pas chez son frère, elle ne laissait rien chez lui. Pendant ses voyages, elle n’était pas en mesure de continuer à pratiquer sa religion parce que les horaires étaient chargés et qu’elle ne savait pas où aller pour assister à des rencontres.

[36] À l’audience, l’appelante n’est pas arrivée à se rappeler de beaucoup de détails quant aux endroits qu’elle a visités après 2009. Elle a témoigné qu’en juin 2010, ses filles et elle étaient allées passer quelques jours à Las Vegas. En octobre et en novembre 2011, elle avait voyagé en Chine, visitant plusieurs provinces du pays. En 2012, elle a visité de nombreux endroits, notamment la France, la Suisse et l’Italie. Elle est allée au Mexique, est repartie en Chine puis a visité la Mongolie. Elle se souvient qu’elle est allée en Chine de janvier à avril 2013 et qu’elle y a retrouvé des camarades de classe arrivant de Taïwan et des États-Unis. Elle a indiqué qu’elle n’a fait qu’un seul voyage en 2014 : elle s’est rendue au mariage de son neveu en Chine, où elle est demeurée pendant environ deux mois, en juin et en juillet. En 2015, elle est allée en Chine, en Australie et en Nouvelle-Zélande entre les mois de février et d’avril.

[37] De façon générale, le témoignage livré par Mme W. Z. au sujet des voyages de l’appelante confirme celui de cette dernière. Elle a témoigné que toute la famille croyait que tant que l’appelante revenait au Canada au moins tous les six mois, elle demeurerait admissible aux prestations de SV. Les membres de la famille ont appris que leur mère faisait l’objet d’une enquête au sujet de sa résidence aux environs de 2011. Jusque-là, les membres de la famille croyaient que les voyages de l’appelante ne posaient pas problème puisqu’ils avaient expliqué la situation à l’enquêteur et que celui-ci n’avait pas conseillé à l’appelante de cesser ses voyages. Lorsque les prestations de l’appelante ont été suspendues, en novembre 2012, l’appelante s’est mise à voyager moins.

[38] R. A. a témoigné que l’appelante appartient à la congrégation chinoise des Témoins de Jéhovah à X et que c’est dans ce contexte qu’elles se sont connues aux environs de 2004. À cette époque, elle voyait l’appelante jusqu’à quatre fois par semaine dans le cadre de rencontres et d’activités bénévoles. Mme R. A. a indiqué que l’appelante avait toujours joué un rôle actif dans la congrégation et qu’elle avait fait preuve de leadership pour organiser des études de la Bible au domicile d’autres personnes. Elle a indiqué que lorsque l’appelante se trouvait en Chine de 2007 à 2009, elle était encore considérée comme un membre de la congrégation, et qu’elle assistait aux rencontres, faisait du bénévolat et donnait des présentations lorsqu’elle venait à X. Si elle participait à des activités de nature religieuse en Chine, que ce soit de façon formelle ou informelle, elle le signalait aux anciens ou à Mme R. A. lorsqu’elle revenait au Canada. Mme R. A. croyait que depuis le milieu de 2012, l’appelante avait beaucoup moins voyagé, puisqu’elle l’avait vue plus souvent à partir de cette période.

Preuve documentaire

[39] L’appelante a présenté une demande de pension de la SV et de SRG à l’intimé le 8 février 2006. À la page 2 de la demande, elle a indiqué qu’elle souhaitait que ses prestations soient déposées directement dans le compte de son institution financière située au Canada. Le formulaire de demande précisait : [traduction] « Vous pouvez utiliser le dépôt direct seulement si vous avez un compte dans une institution financière située au Canada ».

[40] Une lettre de l’intimé datée du 29 juin 2006 a avisé l’appelante du fait que sa demande avait été approuvée et qu’elle toucherait une pension partielle de 10/40e à compter de novembre 2006. Cette lettre était ainsi formulée :

[Traduction]
Vous devez nous aviser si vous déménagez, si vous quittez le Canada pendant plus de six mois ou si vous déménagez d’un pays à un autre à l’extérieur du Canada. Cette situation pourrait avoir une incidence sur votre admissibilité aux prestations ou votre situation fiscale.

Puisque vous n’avez pas habité au Canada pendant au moins 20 ans après votre 18e anniversaire de naissance, vous pourrez recevoir des paiements seulement pour le mois de votre départ du Canada et les six mois suivants. Après cette période, nous arrêterons de payer votre prestation. Si vous revenez habiter au Canada et que vous remplissez toutes les conditions d’admissibilité à ce moment‑là, nous recommencerons à payer votre prestation.

Le Supplément de revenu garanti est payable seulement pour le mois de votre départ du Canada et les six mois suivants.

[41] Dans le cadre de l’enquête menée par l’intimé sur son statut de résidente, l’appelante a eu à remplir un formulaire indiquant les dates de départ et de retour de ses séjours à l’étranger. L’appelante a rempli et signé ce document le 8 avril 2011. Elle y a déclaré qu’elle était absente du Canada et qu’elle se trouvait en Chine du 23 juillet 1997 au 29 mai 1998 en raison de la maladie et du décès de son époux, puis du 7 janvier au 16 juin 2007, du 2 septembre 2007 au 2 février 2008, du 18 février au 14 juin 2008, du 22 août 2008 au 19 janvier 2009, du 9 février au 27 juin 2009, du 21 juillet au 19 décembre 2009 et du 15 août 2010 au 11 février 2011.

[42] Le 1er février 2012, l’appelante a rempli un autre questionnaire, à la demande de l’intimé. Dans ce document, et dans les pages additionnelles qui y étaient jointes, elle a fait les déclarations suivantes qui sont pertinentes pour la présente décision. Mme W. Z. lui a apporté de l’aide en ce qui concerne la documentation écrite.

  1. Lorsqu’elle a quitté la Chine, en octobre 1996, elle a fermé son domicile et fermé tous ses comptes bancaires et ses comptes de crédit là-bas. Elle n’a pas annulé les comptes des fournisseurs de services publics. Son mari et elle n’ont pas eu le temps de s’occuper de leur propriété avant de quitter la Chine : c’est pourquoi son mari y est retourné en mai 1997.
  2. Lorsqu’elle a quitté le Canada le 23 juillet 1997, elle avait l’intention de retourner habiter en Chine, mais elle avait acheté un billet de retour ouvert parce qu’elle voulait revenir au Canada dès que son mari serait rétabli. Elle est retournée vivre à l’endroit où elle vivait auparavant en Chine le 23 juillet 1997.
  3. Son mari est décédé le 29 avril 1998, et elle est revenue au Canada le 29 mai 1998. Elle est retournée en Chine pour la cérémonie entourant le premier anniversaire du décès de son mari et elle est rentrée au Canada le 31 mai 1999. Peu après, elle a appris que sa belle-sœur était atteinte d’un cancer à un stade avancé, et elle est retournée en Chine le 18 septembre 1999 pour l’accompagner. Elle est rentrée au Canada le 15 novembre 1999.
  4. Mme W. Z. a signé une entente visant une affectation à l’étranger de trois ans avec son employeur Umicore, qu’elle décrit comme « une entreprise belge présente à l’échelle mondiale », à titre de vice-directrice générale à X, en vue de mettre sur pied une entreprise conjointe. Son supérieur direct actuel est Laurent Gautier, de la division Corée d’Umicore.
  5. L’appelante est allée en Chine en janvier 2007 pour aider Mme W. Z. parce que cette dernière voyageait beaucoup et qu’elle voulait pouvoir confier son fils à une personne digne de confiance en son absence. L’appelante est revenue au Canada avec son petit‑fils tous les étés ainsi que pendant le congé des Fêtes de 2007 à 2009.
  6. Maintenant qu’elle est plus âgée et que ses petits-fils n’ont plus besoin d’elle chaque jour, ses filles l’ont encouragée à faire des activités pour elle-même. À compter de 2010, elle a commencé à faire de nombreux voyages en Chine. Comme les personnes de plus de 75 ans ne peuvent participer aux circuits touristiques, elle essaie de visiter le plus d’endroits possible avant d’atteindre cet âge.
  7. Du 3 au 6 juin 2010, elle est allée en vacances à Las Vegas avec ses filles.
  8. Après le 11 février 2011, elle a quitté le Canada pendant plus de 90 jours à l’occasion d’un voyage qui s’est étendu du 17 août 2011 au 31 janvier 2012.
  9. Elle entend passer le reste de sa vie au Canada. Elle n’a que deux filles, qui vivent toutes deux à X. Elle demeure chez l’une d’entre elles sur semaine et chez l’autre la fin de semaine.

[43] Une lettre datée du 17 juin 2011 et signée par monsieur  P. de TD Canada Trust indique que l’appelante est une cliente de cette banque depuis octobre 1996. Des relevés couvrant une période de deux ans ont été fournis.

[44] L’appelante a fourni des reçus de prescriptions allant de juillet 2008 à octobre 2010.

[45] Un énoncé des prestations versées par l’AHCIP montre que des services ont été fournis à l’appelante du 1er juillet 2003 au 7 mai 2011. Ce document indique qu’après décembre 2009, l’appelante a consulté un médecin en janvier, en juin et en juillet 2010, ainsi qu’en février, en mars et en avril 2011.

[46] Bon nombre des photocopies de pages du passeport chinois et du passeport canadien de l’appelante qui se trouvent au dossier sont difficiles à déchiffrer. La représentante de l’appelante a convenu que les dates de passeport qui figurent dans la Feuille de renseignement sur les enquêtes datée du 14 février 2012 sont exactes dans l’ensemble en ce qui a trait aux voyages à l’étranger de l’appelante entre le 7 octobre 1996 et le 19 février 2011. Elle n’a remis en question aucun élément précis.

[47] Les inscriptions dans les passeports indiquent qu’après avoir quitté le Canada le 7 janvier 2007, l’appelante était demeurée en Chine jusqu’au 16 juin 2007. Elle a alors passé environ deux mois et demi au Canada avant de retourner à X en septembre. Elle est revenue au Canada le 2 février 2008 et y est restée 10 jours avant de repartir pour la Chine. Ses voyages suivants au Canada ont eu lieu entre le 14 juin et le 22 août 2008, puis entre le 19 janvier et le 9 février 2009. Elle est revenue au Canada le 19 juin 2009, mais elle est repartie puisqu’elle est entrée de nouveau au pays le 27 juin, avant de retourner en Chine trois semaines plus tard, le 21 juillet 2009. Elle est ensuite rentrée au Canada le 19 décembre 2009.

[48] Les inscriptions dans les passeports indiquent que le 2 février 2010, l’appelante est arrivée en Chine et est presque tout de suite repartie pour faire un voyage comprenant un séjour en Russie. Elle est retournée en Chine le 2 avril 2010, puis est repartie un mois plus tard à destination de Vancouver, le 3 mai 2010. Elle semble avoir quitté le pays à nouveau, puisque son passeport indique qu’elle est arrivée à X le 6 juin 2010. Elle est arrivée en Chine le 15 août 2010 et est repartie le 11 novembre 2010. Pendant les neuf jours qui ont suivi, l’appelante a voyagé en Thaïlande, à Singapour et en Malaisie, pour enfin regagner la Chine le 20 novembre 2010. Elle a quitté la Chine le 11 février 2011.

[49] Les enquêtes et les entrevues entourant les voyages de l’appelante ont été réalisées par A. Simmonds, un employé de l’intimé, entre 2010 et 2012. Ses rapports au dossier renferment des renseignements similaires à ceux que l’appelante et Mme W. Z. ont fournis dans leur témoignage, ou dans des documents écrits présentés auparavant. De plus, les renseignements pertinents suivants y sont révélés :

  1. L’appelante est revenue au Canada en février 2011 et s’est présentée à une entrevue le 9 mars 2011. Elle a répondu à des demandes d’information en mai et en juillet 2011.
  2. Un itinéraire de l’agence Express Travel and Tour Limited à X montre que l’appelante a réservé une place à bord d’un vol reliant X à Vancouver puis à X le 15 mai 2012, ainsi qu’un vol de retour le 17 octobre 2012. Les cartes d’embarquement montrent qu’au cours de cette période, l’appelante est allée à Paris, à Istanbul et à Rome.

[50] Le passeport canadien de l’appelante émis le 10 avril 2012 montre qu’elle a obtenu un visa de la Chine le 27 avril 2012, qui exigeait qu’elle entre au pays avant le 27 juillet 2012. Le passeport montre également qu’elle est allée en Chine, en France et en Italie en septembre et en octobre 2012 et qu’elle a obtenu un autre visa pour la Chine le 5 décembre 2012. Celui-là exigeait qu’elle entre au pays avant le 5 mars 2013.

[51] Des reçus montrent que l’appelante a versé des dons à la Mandarin Congregation of Jehovah’s Witnesses d’X en 2007, 2008, 2010, 2011 ainsi qu’à deux reprises en 2012, et qu’elle a également donné à la Watch Tower Bible and Tract Society of Canada de 2007 à 2012.

Observations

[52] À l’audience, l’appelante a fait valoir ce qui suit :

  1. Les seules périodes de résidence en litige sont celles allant de janvier 2007 à décembre 2009, et la période suivant février 2011. Au cours de ces périodes, l’appelante n’a jamais quitté le Canada pendant plus de six mois et elle a toujours manifesté son intention de revenir au Canada. L’effet cumulatif des divers indices de sa résidence devrait être pris en compte, et une importance indue ne devrait pas être accordée à sa présence au pays.
  2. Au cours de la première période, l’appelante avait quitté le Canada parce qu’il lui fallait déménager en Chine pour aller s’occuper de son petit-fils. Elle revenait au Canada chaque fois qu’elle le pouvait, pendant les congés scolaires, et elle avait conservé des liens familiaux et permanents au Canada pendant son séjour, sans en établir d’autres en Chine. Elle demeurait donc une résidente du Canada.
  3. Après février 2011, l’appelante voyageait autour du monde. Elle avait adopté un mode de vie de nomade, mais son domicile permanent et ses biens se trouvaient tout de même au Canada, et elle revenait au pays entre ses voyages. Elle n’a pas cessé d’être une résidente du Canada.
  4. Tous les biens personnels de l’appelante se trouvent au Canada. C’est là que se trouve son compte bancaire. Elle a un permis de conduire et une carte de bibliothèque. Il n’a ni meubles ni biens en Chine et n’y a pas de demeure permanente.
  5. Pendant ses séjours à l’extérieur du Canada, l’appelante entretenait des liens sociaux au Canada par l’intermédiaire de son église.
  6. Les enfants et les petits-enfants de l’appelante sont des citoyens canadiens et sa vie tourne autour d’eux. Elle fait partie intégrante du ménage à X.
  7. Les décisions rendues auparavant par le Tribunal de révision dans des affaires dont les faits sont similaires confirment la position de l’appelante.
  8. La raison d’être de la SV est d’offrir une prestation sociale aux aînés du Canada. Comme il s’agit d’un objectif d’abord ouvert et social, les critères d’admissibilité devraient être interprétés de façon libérale.

[53] Dans diverses observations écrites, l’appelante a fait valoir des arguments semblables à ceux présentés ci-dessus, en plus des arguments suivants :

  1. L’appelante était absente du Canada de 2007 à 2009 parce qu’elle accompagnait sa fille qui était employée par une société canadienne; par conséquent, sa résidence n’avait pas été interrompue au sens de l’alinéa 21(5)f) du Règlement sur la SV.
  2. L’appelante a respecté la loi. L’intimé lui a indiqué qu’il lui suffisait de le prévenir si elle entendait quitter le pays pendant plus de six mois. Elle avait pris soin de restreindre ses voyages à moins de six mois, ce qui lui avait fait encourir des dépenses personnelles importantes : cette démarche démontrait clairement qu’elle avait l’intention de résider au Canada et d’y établir sa demeure.
  3. Le nombre de jours passés par l’appelante au Canada n’est pas pertinent pour établir sa résidence aux fins de l’admissibilité à la SV. Ce qui est pertinent, c’est de déterminer si elle a quitté le Canada pendant une période de plus d’un an et si elle avait l’intention d’établir sa demeure au Canada. Ce qui est pertinent, pour le paiement ininterrompu de sa pension, c’est de savoir si l’une ou l’autre de ses absences a duré plus de six mois.
  4. Le fait de demander à l’appelante de rembourser tout trop-payé lui causerait un préjudice indu.

[54] L’intimé a fait valoir ce qui suit :

  1. L’appelante a résidé au Canada d’octobre 1996 à janvier 2007, de sorte qu’elle était admissible à une pension partielle de la SV et au SRG de novembre 2006 à juillet 2007.
  2. L’appelante a cessé de résider au Canada lorsqu’elle est partie en Chine en janvier 2007. À partir d’août 2007, elle n’était plus admissible aux prestations de la SV et au SRG puisqu’elle ne résidait plus au pays et qu’elle avait été absente du Canada pendant plus de 6 mois.
  3. Les séjours de l’appelante à l’extérieur du Canada entre janvier 2007 et décembre 2009 n’étaient pas de nature temporaire, et l’appelante avait établi sa demeure en Chine et y vivait ordinairement pendant cette période.
  4. L’appelante a recommencé à résider au Canada de décembre 2009 à février 2011 et était admissible aux prestations de SV et au SRG de décembre 2009 à septembre 2011.
  5. Ses déclarations et ses habitudes de voyage après février 2011 indiquent qu’elle n’a pas été solidement établie au Canada depuis mars 2011.

Analyse

[55] Le Tribunal a déterminé que l’appelante et les autres témoins étaient crédibles. Les incohérences relevées dans les éléments de preuve au fil des ans peuvent être attribuées à des problèmes de langue et sont sans importance. Il est manifeste que Mme W. Z. et l’appelante ont décrit les voyages de cette dernière au meilleur de leurs souvenirs à compter de la date où elle a présenté sa demande de SV, et qu’elles n’ont d’aucune façon tenté de faire de la fraude. Il est également manifeste que les dates où l’appelante se trouvait au Canada ne sont pas contestées, au moins jusqu’en février. La question en litige repose sur l’importance de la présence ou de l’absence de l’appelante à divers moments ainsi que sur la question de savoir si les preuves de résidence au Canada étaient suffisantes après février 2011.

[56] La décision faisant l’objet de l’appel a été rendue par l’intimé le 12 mars 2013, conformément au paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la SV. Aux termes de cette décision, l’appelante n’était admissible ni à la SV ni au SRG, dans aucune mesure. L’intimé est ensuite revenu sur sa position et a fait valoir que l’appelante avait résidé au Canada d’octobre 1996 à janvier 2007 et de décembre 2009 à février 2011. Par conséquent, seules deux périodes sont contestées par les deux parties : de janvier 2007 à décembre 2009, et de février 2011 à aujourd’hui.

[57] Le Tribunal s’est demandé si le fait pour l’intimé d’être revenu sur sa position au cours du processus d’appel constituait une nouvelle décision aux termes du paragraphe 27.1(2). Si tel était le cas, cela pourrait avoir une incidence sur la compétence du Tribunal à trancher la question de la résidence de l’appelante avant janvier 2007 et entre décembre 2009 et février 2011. Que l’intimé ait ou non la capacité de modifier une décision à ce stade de la procédure, le Tribunal a décidé qu’en l’espèce, l’intimé n’avait pas modifié sa décision. Les observations écrites de l’intimé montrent clairement qu’il est revenu sur sa position. Les termes employés ne laissent pas croire que la décision visée par l’appel a été changée. Par conséquent, le Tribunal a la compétence, et même en fait l’obligation, de trancher la question de la résidence et de la présence de l’appelante au Canada depuis octobre 1996.

[58] Comme le précise le texte de loi cité ci-dessus, une pension partielle de la SV est payable à une personne qui a résidé au Canada pendant au moins 10 ans si elle est une résidente du Canada le jour précédant l’approbation de sa demande. Le montant de la pension partielle est calculé en fonction du nombre d’années, jusqu’à concurrence de 40, pendant lesquelles la personne a été résidente du Canada après avoir atteint l’âge de 18 ans. Par exemple, une personne qui a été résidente du Canada pendant 10 ans touche une pension correspondant au 10/40e du plein montant.

[59] Le paiement de la pension de la SV est suspendu lorsqu’une personne s’absente du Canada pour 6 mois consécutifs, sans compter le mois de son départ, mais le paiement reprend le mois où la personne pensionnée revient au Canada. La pension est également suspendue six mois après la fin du mois où la personne pensionnée cesse d’habiter au Canada, et reprend le mois au cours duquel cette personne redevient résidente du Canada.

[60] Le SRG est payable au bénéficiaire d’une pension de la SV qui réside au Canada et dont le revenu se situe en dessous d’un certain seuil. Le SRG n’est pas payable à une personne qui s’absente du Canada pendant six mois consécutifs, sans compter le mois de son départ, et n’est pas non plus payable six mois après qu’une personne cesse de résider au Canada.

[61] L’article 21 du Règlement sur la SV régit les décisions concernant la question de savoir si une personne réside au Canada ou si elle y est seulement présente. Une personne réside ici si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Une personne est présente ici lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

[62] L’article 21 énonce des circonstances particulières qui font en sorte qu’une personne est réputée résider au Canada ou ne pas y résider, et qui font en sorte qu’une absence du Canada est réputée n’avoir pas interrompu la résidence ou la présence d’une personne au Canada. Une disposition particulièrement importante en l’espèce prévoit que la résidence ou la présence n’est pas interrompue « lorsqu’une personne qui réside au Canada s’absente du Canada et que son absence est temporaire et ne dépasse pas un an » ou lorsqu’une personne de qui le demandeur est dépendant est employée hors du Canada, si son employeur est une entreprise ou une corporation canadienne et que cette personne a conservé au Canada une demeure permanente, et si la personne dépendante est revenue au Canada dans un délai de six mois après le retour de la personne de qui elle dépendait.

[63] Dans la décision Singh c. Canada (PG) 2013 CF 437 (Singh), la Cour a précisé qu’il incombait à la demanderesse d’établir qu’elle avait droit à une pension de la SV, et elle a précisé ce qui suit :

[29] […] Il est bien établi en droit que la résidence est une question de fait qui requiert l’examen de toute la situation de la personne concernée (voir Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Ding, 2005 CF 76 (CanLII), aux paragraphes 57 et 58 (Ding)). Pour l’application de la [Loi sur la SV], l’intention de résider au Canada n’équivaut pas à la résidence.

[30] Plusieurs facteurs peuvent être pris en compte pour décider si les exigences de la [Loi sur la SV] en matière de résidence ont été remplies : des liens avec des biens personnels; des liens sociaux au Canada; d’autres liens fiscaux au Canada (tels que l’assurance-maladie, un permis de conduire, un bail de location, des dossiers fiscaux, etc.); des liens dans un autre pays; la régularité et la durée du séjour au Canada, ainsi que la fréquence et la durée des absences du Canada; le mode de vie de l’intéressé ou son établissement ici.

[64] Les notions de résidence et de domicile ont également été abordées dans la décision Ding et, plus récemment, dans la décision Duncan c. Canada (Procureur général) 2013 CF 319 (Duncan) :

[49] Dans la décision Ding, précitée, la Cour a examiné attentivement la relation entre les intentions d’un demandeur et l’approche adoptée par les tribunaux lorsqu’ils examinaient la notion de résidence dans le contexte de la LIR. À cet égard, le juge Russell a conclu qu’« un soin considérable a été pris pour établir une distinction entre un changement de “domicile” (changement qui dépend de la volonté de l’individu) et un changement de “résidence”, qui dépend de faits extérieurs à l’intention de l’intéressé » (au paragraphe 57).

[50]    Le juge Russell conclut que la résidence est une question de fait qui requiert l’examen de toute la situation de la personne concernée et que se concentrer sur les « intentions évidentes » d’un demandeur à l’exclusion d’autres facteurs dans une affaire qui conduiraient à une conclusion contraire constitue une erreur susceptible de révision. […]

[51] Telle que décrite ci‑dessus, la résidence, quelle qu’en soit l’interprétation, doit être mise en contraste avec la notion de domicile, qui met l’accent sur l’intention d’un particulier. Le libellé de l’alinéa 21(1)a) du Règlement sur la SV rend encore plus claire la composante factuelle de la définition de la résidence dans la LSV. En liant la notion de résidence à la demeure d’une personne (« home » dans la version anglaise) et en utilisant les mots « vit ordinairement » (« ordinarily lives » dans la version anglaise), il ne fait aucun doute qu’une personne devra établir que le Canada est ou était, pour la période prescrite par la loi, l’endroit où elle est ancrée dans les faits.

[65] L’appelante est arrivée au Canada en octobre 1996 et elle s’est installée dans la maison de sa fille et de son beau-fils. En 1997, elle est partie en Chine pour aider son mari, qui était tombé malade pendant qu’il mettait ses affaires en ordre là-bas. Même si elle a indiqué, dans l’un des questionnaires, qu’à l’époque elle avait l’intention de vivre en Chine, il ressort clairement du témoignage oral et des autres éléments de preuve documentaire qu’en fait, elle ne retournait pas en Chine pour y vivre, et que son séjour était un séjour temporaire ayant pour seul but d’aider son mari jusqu’à ce qu’il soit assez rétabli pour revenir au Canada. Lorsqu’elle est revenue au Canada à la suite du décès de son mari, à la suite d’une absence de 10 mois, elle s’est réinstallée à X et y est demeurée jusqu’à l’année suivante, lorsqu’elle est retournée en Chine pendant deux mois pour commémorer le décès de son mari. Lorsqu’elle est revenue au Canada en mai 1999, elle ne prévoyait pas repartir et n’avait pas fait de plans en ce sens : elle n’est repartie que pour aider une parente mourante, et seulement pour deux mois.

[66] L’appelante faisait partie intégrante du ménage des Z. à X, puisqu’elle prenait soin des enfants et qu’elle aidait à l’entretien de la maison. Le Tribunal estime qu’à compter d’octobre 1996, elle y vivait ordinairement et elle y avait établi sa demeure. Le Tribunal juge que les absences de l’appelante entre cette date et janvier 2007 étaient de nature temporaire et ne dépassaient pas un an. Sa résidence au Canada était donc continue entre octobre 1996 et le 6 janvier 2007, conformément au paragraphe 21(4) du Règlement sur la SV.

[67] Le Tribunal conclut que l’appelante a cessé de résider au Canada le 7 janvier 2007, lorsqu’elle est déménagée à X, en Chine. À cette date, le Canada a cessé d’être le lieu où elle était ancrée dans les faits. Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal a tenu compte de ce qui suit :

  1. L’appelante a quitté le pays à titre de membre d’une unité familiale qui comprenait sa fille, son petit-fils et elle. Même si le déménagement en Chine découlait d’un contrat de travail et que l’appelante avait l’intention de retourner au Canada dès qu’il prendrait fin, il reste que ce déménagement visait une période de trois ans qui comprenait un travail à temps plein pour Mme W. Z., l’école à temps plein pour son fils et des responsabilités à temps plein pour l’appelante pour assurer la garde de l’enfant et l’entretien de la maison.
  2. Le Tribunal a tenu compte du fait qu’à cette époque, l’appelante n’était plus une citoyenne de la Chine et que c’est l’employeur de Mme W. Z. qui avait pris toutes les dispositions nécessaires pour le déménagement et les visas et qui avait fourni un appartement meublé à X. Ces arguments ne suffisent pas à compenser le fait que peu importe sa citoyenneté ou son statut juridique, l’appelante a pu entrer en Chine et a reçu des permis ou des visas qui lui ont permis de vivre là-bas pendant trois ans, dans un logement de longue durée, où elle appartenait à temps plein à un établissement domestique. La routine quotidienne de l’appelante tournait autour de la garde de son petit-fils. Tout comme elle faisait partie intégrante du ménage familial à X, elle est devenue une partie intégrante du nouveau ménage que les membres de sa famille ont établi à X en y déménageant.
  3. Même si l’appelante a uniquement emporté ses vêtements en Chine dans le cadre de son déménagement, il n’était pas nécessaire qu’elle emporte quoi que ce soit d’autre. Le Tribunal souligne que lorsqu’elle est arrivée au Canada et y a établi sa résidence, en 1996, l’appelante n’avait également emporté que ses vêtements. Sa fille et l’employeur de sa fille ont pourvu à ses autres besoins en Chine. Elle ne possède que très peu de biens, de sorte que le fait d’être arrivée en Chine avec très peu de choses en 2007 ne signifie pas qu’elle n’y a pas établi sa résidence.
  4. L’appelante a conservé un compte bancaire canadien ainsi que sa carte de bibliothèque, son abonnement au centre récréatif et sa couverture de l’AHCIP pendant qu’elle se trouvait en Chine. Dans les circonstances de cette affaire, ces éléments ne constituent pas une preuve de résidence continue au Canada. L’appelante avait l’intention de retourner à X à l’occasion, de sorte qu’elle avait intérêt à conserver accès à des fonds et des soins de santé au Canada ainsi qu’à des installations communautaires au pays. Elle avait besoin d’un compte bancaire au Canada pour le dépôt direct de ses prestations de SV. De façon générale, elle était en bonne santé et elle croyait qu’elle pouvait se débrouiller en Chine sans soins médicaux. Rien ne montre que l’AHCIP était au courant du fait que l’appelante ne se trouvait pas dans la province; le fait que sa couverture ait continué après janvier 2007 n’est donc pas pertinent pour rendre une décision sur son statut de résidente aux fins de la SV.
  5. L’appelante a témoigné qu’à X, son réseau social tournait principalement autour de ses activités religieuses. Elle entretenait également, de façon plus superficielle, des liens avec les personnes qui suivent les mêmes cours de mise en forme qu’elle, mais elle ne les fréquentait pas en dehors de ces cours. Même si elle est demeurée membre de la congrégation d’X et qu’elle y a fait des dons, elle a également été en mesure de prendre part à des rencontres et de continuer à pratiquer sa religion de façon régulière pendant qu’elle vivait à X.
  6. Le Tribunal accepte la preuve selon laquelle au cours de cette période, l’appelante est revenue au Canada de façon périodique et ne s’est jamais absentée plus de six mois. Le Tribunal n’accepte pas que cette preuve démontre qu’elle n’a pas cessé de résider au Canada. Une personne peut être présente au Canada sans être résidente. Les dispositions relatives à la période de six mois dont il est question aux paragraphes 9(1), 9(3) et 11(7) de la Loi sur la SV portent uniquement sur le paiement d’une pension ou du SRG pendant qu’une personne se trouve à l’extérieur du Canada. Ni la Loi sur la SV ni le Règlement sur la SV ne précisent que tout ce qu’une personne a à faire pour établir sa résidence est d’être présent au pays tous les six mois.
  7. L’appelante a fait valoir qu’elle n’avait pas renoncé à sa résidence au Canada parce qu’elle n’avait eu d’autre choix que de déménager en Chine pour des raisons familiales et financières, que c’était au Canada qu’elle était attachée et qu’elle avait l’intention de demeurer une résidente du Canada. De nombreuses personnes se voient forcées de déménager pour des raisons qui échappent à leur contrôle, notamment des raisons familiales, financières ou culturelles. Dans les décisions Ding et Duncan, la Cour a souligné la distinction entre un changement de domicile, qui découle de la volonté d’une personne, et un changement de résidence, qui découle d’un contexte factuel. L’admissibilité aux prestations de la SV se fonde sur la résidence, et pas sur le domicile. La définition de « résident » donnée à l’article 21 du Règlement sur la SV précise que la personne doit établir sa demeure au pays et y vivre ordinairement. Le fait qu’une personne souhaite y vivre, ne souhaite pas en partir ou ait l’intention d’y retourner peut être pris en compte pour déterminer si la personne réside au Canada, mais il doit être pondéré avec tous les autres facteurs. En l’espèce, le Tribunal estime que le fait que l’appelante soit déménagée à l’étranger le 7 janvier 2007 pour s’installer en Chine pour une période prolongée au sein d’une unité familiale l’emporte sur les souhaits ou les intentions de cette dernière. À ce moment-là, l’appelante a cessé de résider au Canada.
  8. L’appelante ne peut se prévaloir des alinéas 21(4)a) et c) du Règlement sur la SV. Ils s’appliquent uniquement à « une personne qui réside au Canada ». À partir du 7 janvier 2007, l’appelante n’était plus une résidente du Canada. De plus, l’absence visée par l’alinéa 21(4)a) « est temporaire ». Même si ce terme n’est pas défini dans la loi, le Tribunal estime que sa signification dans ce contexte ne peut englober une situation où pendant une période de presque trois ans, il était habituel pour l’appelante d’être absente du Canada, hormis pendant de courts séjours au pays, à la suite desquels elle retournait vivre à sa résidence habituelle en Chine. L’absence dont il est question à l’alinéa 21(4)c) et qui pourrait peut-être s’appliquer à l’appelante, soit l’alinéa 21(5)f), ne sert pas la cause de cette dernière. En effet, selon la preuve de Mme W. Z., aussi bien la preuve écrite que son témoignage oral, Umicore est une entreprise basée en Belgique. Au Canada, Mme W. Z. relevait directement d’un supérieur en Corée. À X, elle relevait de l’administration centrale en Belgique. La loi ne précise pas ce qui fait qu’une entreprise ou une corporation est considérée comme étant canadienne. Le Tribunal estime qu’une entreprise basée dans un pays étranger, dont l’administration centrale et le contrôle s’effectuent ailleurs qu’au Canada, ne constitue pas une entreprise ou une corporation canadienne. L’emploi de Mme W. Z. auprès d’Umicore n’est donc pas visé par la législation et l’alinéa 21(5)f) ne s’applique pas à l’appelante.
  9. L’appelante a fait valoir qu’il ne fallait pas mettre l’accent sur le nombre de jours où elle était présente au Canada. Dans la décision Singh,la Cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 34 :
    […] puisque la question de la résidence repose sur les faits, il y a lieu de penser que la présence effective au Canada et la fréquence des absences du pays constitueront un facteur crucial dans la majorité des cas.

L’appelante a quitté le Canada le 7 janvier 2007 et y est revenue le 19 décembre 2009. Pendant cette période, elle a été présente au Canada pendant un peu plus de 200 jours sur les 1077 jours possibles. Ces séjours ont été répartis en cinq visites d’une durée allant de 10 à 78 jours. Après chaque visite, l’appelante retournait à l’appartement de X et y demeurait. Le nombre de jours qu’elle a passés dans une résidence permanente en Chine était bien supérieur au nombre de jours passés au Canada. Même s’il ne s’agit pas du seul facteur à prendre en compte, il s’agit d’un facteur important qui ne saurait être ignoré.

[68] Le Tribunal conclut que l’appelante est redevenue une résidente du Canada lorsqu’elle est rentrée au pays le 19 décembre 2009. À ce moment, sa fille et son petit-fils étaient retournés vivre à X, de sorte que ses liens familiaux les plus solides et ses sources de soutien financier ne se trouvaient plus en Chine. Elle n’avait plus d’endroit où habiter en Chine et n’y est demeurée que pour voyager dans ce pays. Lorsqu’elle est revenue au Canada, elle s’est réinstallée dans la chambre qu’elle occupait auparavant et a repris le mode de vie qu’elle menait avant son départ. À ce moment, elle a commencé à vivre habituellement au Canada et y a établi sa demeure.

[69] L’appelante a de nouveau quitté le Canada le 2 février 2010. Au cours de l’année suivante, elle a fréquemment séjourné à l’étranger, parfois pendant plusieurs mois. Elle passait son temps à voyager à divers endroits, et au cours de ces séjours, elle demeurait à l’hôtel ou chez son frère, à X, dans une chambre que ce dernier libérait pour elle. Les voyages à l’étranger et les retours au pays de l’appelante après février 2011 ne sont pas consignés dans son passeport. Les dossiers de l’AHCIP, les déclarations écrites de l’appelante et de Mme W. Z. et les rapports d’enquêtes indiquent tous que l’appelante se trouvait au Canada à différents moments et qu’elle demeurait à son domicile d’X. Le Tribunal accepte la preuve des témoins selon laquelle depuis février 2011, l’appelante a conservé les mêmes habitudes de voyage qu’elle avait établies en 2010, mais qu’elle a fait un moins grand nombre de voyages. Le Tribunal accepte également la preuve et conclut que, tout comme pour la période allant de novembre 2006 à décembre 2009 dont il a été question plus tôt, depuis décembre 2009, les séjours à l’étranger de l’appelante ont été d’une durée inférieure à six mois.

[70] Le Tribunal conclut qu’une fois que l’appelante est redevenue résidente du Canada en décembre 2009, ses séjours subséquents à l’étranger ont été temporaires et n’ont pas dépassé un an, de sorte que sa résidence depuis cette époque n’a pas été interrompue aux termes de l’alinéa 21(4)a) du Règlement sur la SV. La différence entre cette période et la période de janvier 2007 à décembre 2009 est qu’à partir de décembre 2009, lorsque l’appelante quittait le Canada, elle ne reprenait pas un mode de vie ordinaire comme celui qu’elle avait auparavant à X. Soit elle dormait à l’hôtel dans diverses parties du monde, soit elle habitait temporairement avec son frère. Elle ne s’était pas établie là-bas et n’appartenait pas à un quelconque ménage. Elle n’avait pas repris ses activités religieuses puisqu’elle n’était jamais assez longtemps au même endroit pour venir à connaître les lieux et les moments d’éventuelles rencontres.

[71] Le Tribunal a examiné la jurisprudence présentée par l’appelante, mais il souligne que dans la demande Singer c. Canada (Procureur général), 2010 CF 607, la Cour a énoncé ce qui suit :

[33] Il importe toutefois de souligner qu’il est dangereux d’invoquer un précédent, en ce sens que la valeur accordée à un facteur dans une situation déterminée ne conviendra pas dans un autre contexte.

[…]

[36] Bien que la Cour ait examiné attentivement chacune des décisions citées, il n’est pas nécessaire d’en dire davantage à leur sujet puisque, comme nous l’avons déjà mentionné, elles confirment simplement que le critère est fluide.

[72] Le Tribunal souligne également que les décisions précédentes du Tribunal ou du Tribunal de révision ne sont pas exécutoires, et il convient du fait qu’elles sont très peu utiles pour déterminer en quoi consiste réellement la résidence dans une situation factuelle donnée.

[73] Le Tribunal reconnaît qu’à titre de législation sur les prestations, la Loi sur la SV doit être interprétée de façon libérale. Toutefois, la notion de résidence au Canada est définie dans le Règlement sur la SV, et le critère à appliquer pour déterminer la résidence a été énoncé à maintes reprises par les tribunaux. Le Tribunal ne peut ignorer les faits ou leur accorder moins de poids que la loi n’exige pour pouvoir accorder une prestation à une personne qui ne répond pas à la définition.

[74] L’appelante a fait valoir que si l’on exigeait qu’elle rembourse le trop-payé, cela lui causerait un préjudice. Le paragraphe 37(4) de la Loi sur la SV permet au ministre d’annuler un trop-payé dans certaines circonstances, notamment les situations où le fait de réclamer le remboursement causerait un préjudice indu. La décision d’annuler un trop-payé relève de la seule discrétion du ministre. Peu importe les circonstances, le Tribunal n’a pas la compétence nécessaire pour entendre un tel appel à cet égard ou pour intervenir dans une telle décision, et il ne peut ordonner au ministre de mener une enquête pour déterminer s’il y aurait lieu de prendre une telle décision (Pincombe c. Canada (Procureur général) [1995] A.C.F. no 1320 (CAF); Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Tucker 2003 CAF 278).

Conclusion

[75] Le Tribunal conclut que l’appelante était une résidente du Canada dès qu’elle a eu ses 18 ans en octobre 1996 et qu’elle l’est demeurée jusqu’au 6 janvier 2007, ainsi que du 19 décembre 2009 jusqu’à aujourd’hui.

[76] Le Tribunal conclut que depuis novembre 2006, l’appelante ne s’est pas absentée du Canada pour une période de six mois ou plus.

[77] Le Tribunal conclut qu’une pension partielle de SV au taux de 10/40e ainsi que le SRG étaient payables à l’appelante à compter de novembre 2006, soit le mois où elle a eu 65 ans, jusqu’au mois de juillet 2007 inclusivement, ce qui correspond au sixième mois suivant la fin du mois où elle a cessé d’être une résidente du Canada.

[78] Le Tribunal conclut que la pension partielle de la SV et les prestations partielles du SRG de l’appelante sont redevenues payables à compter de décembre 2009 et le demeurent jusqu’à aujourd’hui.

[79] L’appel est accueilli en partie.

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