Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Il s’agit d’un appel lié au rejet sommaire d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision relative à un réexamen.

[3] L’appelant a fait une demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP) entre lui et L. E., son épouse. Sa demande a été acceptée en partie. L’intimé a rejeté sa demande pour les années 1991 à 2010, puisque l’appelant recevait des prestations d’invalidité durant cette période. L’appelant a demandé à l’intimé de réexaminer sa décision d’exclure ces années du partage des gains, ce qu’il a fait. Toutefois, l’intimé n’a pas changé sa décision. L’appelant a interjeté appel de la décision relative au réexamen auprès du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal).

[4] Le 24 mars 2015, un membre de la division générale du Tribunal a rendu une décision rejetant sommairement l’appel de l’appelant. Le membre a conclu que l’alinéa 55.2(8)d) du Régime de pensions du Canada s’appliquait aux faits de l’affaire. De plus, le membre a déterminé que pour cette affaire, il était approprié d’appliquer les dispositions relatives au rejet sommaire de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi).

[5] L’appelant a interjeté appel devant la division d’appel.

Motifs de l’appel

[6] L’appelant a soutenu que l’alinéa 58(1)c) de la Loi était le motif de l’appel. Il a affirmé que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Il a soutenu que la division générale a tiré des conclusions de fait erronées parce qu’elle a refusé d’accepter le fait qu’il cotisait au Régime de pensions du Canada (RPC) durant la période exclue et que le partage de crédit effectué en 2013 était fondé sur une période qui avait commencé en 1985 et qui incluait les années en cause.

[8] L’appelant a présenté les observations suivantes :

  1. La preuve présentée à la division générale démontre que R. E. a cotisé au RPC de façon continue de 1991 à aujourd’hui. Les lettres datées du 12 octobre 2007 et du 23 mai 2008 indiquent le montant des cotisations hebdomadaires de R. E. au RPC à partir du 1er janvier 2007. Comme le démontrent ces deux lettres, R. E. a versé à partir du 1er janvier 2007 une cotisation hebdomadaire de 38,27 $ pendant cette année. Deux autres lettres datées du 27 décembre 2013 et du 29 décembre 2014 indiquent les cotisations hebdomadaires au RPC pour les années subséquentes. D’après ces lettres, les cotisations hebdomadaires avaient été utilisées depuis 1991.
  2. La division générale a ignoré les éléments de preuve présentés démontrant que L. E. était en litige avec la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) de l’Ontario durant l’année 1985. Un élément de preuve démontrant que L. E. recevait des prestations de la CSPAAT de l’Ontario figure dans la lettre du 18 octobre 1985 de McKaig & McKaig Barristers & Solicitors. Le litige a été résolu et L. E. a reçu des prestations de la CSPAAT de 1985 à aujourd’hui. Le T5 de 2010 de L. E., émis par la CSPAAT, est joint à cet appel. Puisque L. E. a reçu des prestations de la CSPAAT de 1985 à aujourd’hui, elle n’a aucun droit à la pension de R. E. aux termes de l’article 55.1 du Régime de pensions du Canada. Toutefois, selon les calculs du RPC pour le partage de la pension effectué en 2013, l’année 1985 et les années suivantes ont été incluses dans le partage de la pension.

Question en litige

[9] Le Tribunal formule la question en litige de la façon suivante :

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Droit applicable

[10] Un certain nombre de dispositions législatives s’appliquent au présent appel, notamment l’article 55 du Régime de pensions du Canada ainsi que l’article 58 et le paragraphe 53(1) de la Loi. L’article 58 de la Loi énonce les moyens d’appel. Aux termes de cet article, un appelant peut interjeter appel uniquement sur la base de l’un ou l’autre des trois motifs suivants :

  1. (1) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;
  2. (2) la division générale a commis une erreur de droit;
  3. (3) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.Footnote 1

[11] Le paragraphe 53(1) de la Loi donne expressément à la division générale le pouvoir de rejeter un appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succèsFootnote 2.  Dans Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 et  Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’une chance raisonnable de succès équivaut à une cause défendable. L’Oxford English Dictionary définit le mot « défendable » ainsi : [traduction] « pouvant être débattu ou affirmé »Footnote 3. Quand la division générale exerce son pouvoir de rejet sommaire, l’appelant n’a pas besoin de permission d’en appeler et peut donc interjeter appel directement. Toutefois, les motifs d’appel demeurent les mêmes, tels qu’énoncés précédemment.Footnote 4

[12] Le Régime de pensions du Canada permet le PGNAP ou, comme nous le qualifions dans la présente décision, le partage des crédits de pension, entre des ex-époux après la dissolution du mariage (Régime de pensions du Canada, article 55). Parallèlement, le Régime de pensions du Canada impose un certain nombre de conditions ou de restrictions en ce qui a trait à ce partage. Le paragraphe 55(6) énonce les circonstances dans lesquelles il ne peut pas y avoir de partage des crédits de pension. Le fait de [traduction] « recevoir une pension d’invalidité » est énoncé explicitement comme étant une situation dans laquelle il ne peut pas y avoir de partage des crédits de pension. Ce paragraphe prévoit ceci :

  1. (6) Absence de partage – Aucun partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension pour une période de cohabitation n’est effectué :
    1. (d) pour tout mois qui, en raison d’une invalidité, est exclu de la période cotisable de l’un ou l’autre des ex-époux en conformité avec la présente loi ou avec un régime provincial de pensions (L.R.C. 1985, c. 30 (2e supp.), par. 22(3); 2000, ch. 12, par. 46(3).

[13] L’appelant a admis que depuis le début des années 1980 jusqu’à aujourd’hui (2015), il ne reçoit pas une, mais deux pensions d’invalidité. Toutefois, il a soutenu que pendant plusieurs années durant la même période, il a travaillé et cotisé au RPC. Dans ses observations, il dit qu’il ne devrait pas être touché par l’exclusion pour invalidité.

Analyse

[14] Lorsqu’il interjette appel devant la division d’appel, un appelant doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la décision de la division générale contrevenait à l’un des motifs d’appel énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi. La tâche de la division d’appel est de déterminer si l’appelant s’est déchargé de son fardeau. En l’espèce, l’appelant a soutenu que la division générale contrevenait au troisième motif d’appel. Pour les raisons mentionnées ci‑dessous, le Tribunal estime que l’appelant ne s’est pas déchargé de son fardeau.

Norme de contrôle

[15] Pour évaluer si, comme le soutient l’appelant, la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance, le Tribunal doit d’abord déterminer la norme de contrôle adéquate qui doit être appliquée à la décision de la division générale. Jusqu’à présent, ni la Cour fédérale ni la Cour d’appel fédérale n’ont énoncé la norme de contrôle adéquate que la division d’appel doit appliquer pour les décisions de la division générale. L’appelant n’a présenté aucune observation à cet égard; toutefois, l’intimé a indiqué que la norme de la « décision raisonnable » est la norme appropriée avec laquelle le Tribunal doit examiner une décision de la division générale.

[16] Dans DunsmuirFootnote 5, la Cour suprême du Canada (CSC) a énuméré deux normes de contrôle : celle de la « décision raisonnable » et celle de la « décision correcte ». Dans leur examen de la norme de la « décision raisonnable », au paragraphe 47, les juges Bastarache et LeBel ont indiqués ce qui était devenu la définition acceptée de cette norme :

[47] La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables.  Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[17] Concernant la norme de contrôle de la décision correcte, les juges ont dit ceci :

[50] […] La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la conclusion du décideur. En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose. La cour de révision doit se demander dès le départ si la décision du tribunal administratif était la bonne.

[18] Pour déterminer quelle norme de contrôle appropriée doit être appliquée, le Tribunal adopte l’approche énoncée dans Dunsmuir, selon laquelle en « présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, la retenue s’impose habituellement d’emblée (Mossop, p. 599‑600; Dr Q, par. 29; Suresh, par. 29‑30). Nous sommes d’avis que la même norme de contrôle doit s’appliquer lorsque le droit et les faits s’entrelacent et ne peuvent aisément être dissociés. »

[19] La question dont est saisie la division générale nécessite plusieurs conclusions de fait. La division générale devait d’abord déterminer si l’un ou l’autre des anciens époux avait reçu une pension d’invalidité et, le cas échéant, qui et quand. À partir de ces conclusions de fait initiales, la division générale devait appliquer le droit applicable concernant le « partage » ou « l’absence de partage », selon le cas.

[20] Dans le cas de l’appelant, la conclusion de fait de la division générale a été facilitée, car l’appelant a admis avoir reçu non pas une, mais deux pensions d’invalidité. Il a répété cet aveu dans les observations qu’il a présentées lors de l’appel. En faisant référence aux documents joints à ses observations, l’appelant a affirmé ceci :

[Traduction] Je reçois ces deux pensions d’invalidité depuis le début des années 1980. J’ai aussi travaillé, cotisé au Régime de pensions du Canada, et reçu des prestations d’invalidité de la CSPAAT avant mon accident en 1987. Cela démontre encore une fois que l’alinéa 55.2(8)d) du Régime de pensions du Canada ne s’applique pas à la présente affaire de partage de la pension. (AD2-4)

[21] La division générale devait aussi appliquer la loi en ce qui concerne les rejets sommaires. Le Tribunal estime que la question d’ordre juridique consistant à déterminer si l’appelant est exclu du partage est étroitement liée à la question factuelle consistant à déterminer s’il a reçu une pension d’invalidité au titre du RPC ou d’un régime provincial. D’une façon similaire, la question d’ordre juridique visant à savoir si l’appel devrait être rejeté de façon sommaire est également étroitement liée à la question factuelle qui sous-tend l’admissibilité du demandeur à un partage des crédits de pension ainsi qu’à la question d’ordre juridique concernant le PGNAP. Compte tenu de l’énoncé de Dunsmuir concernant l’approche à adopter lorsque les questions juridiques et factuelles sont étroitement liées et ne peuvent pas être facilement séparées, le Tribunal estime que la « décision correcte » est la norme de contrôle appropriée de cette décision de la division générale.

La décision de la division générale était-elle raisonnable?

[22] Le Tribunal doit déterminer si la décision de la division générale est raisonnable au sens où le processus décisionnel respecte les critères relatifs à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité. De plus, le Tribunal doit déterminer si la décision de la division générale appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[23] L’intimé fait valoir auprès du Tribunal que, d’après lui, la décision de la division générale de rejeter sommairement l’appel est raisonnable. L’avocat de l’intimé a soutenu que la décision ne contenait aucune erreur susceptible de révision, et que la division générale s’est correctement reportée à la loi et l’a appliquée de manière raisonnable aux faits. (AD3-9, AD3‑10)

La décision de la division générale comprend une justification, et elle est transparente et intelligible.

[24] Le Tribunal estime que la décision de la division générale respecte les critères de justification, de transparence et d’intelligibilité pour les raisons suivantes. Premièrement, en ce qui a trait à la demande de PGNAP, la division générale a correctement énoncé le droit applicable en ce qui a trait aux situations où il ne peut pas y avoir partage des crédits de pension. Deuxièmement, les faits qui ont mené la division générale à prendre cette décision sont clairs. Il n’est pas contesté que l’appelant recevait une pension d’invalidité durant les années en cause. Troisièmement, l’application du droit applicable aux faits de l’affaire ne pouvait mener qu’à une seule conclusion prévisible, c’est‑à‑dire l’exclusion de l’appelant du PGNAP. Le Tribunal est d’avis que dans de telles circonstances, où les faits pertinents ne sont pas contestés : le droit applicable est clair, et lorsque les faits et le droit appliqué ne sont pas contestés, une seule décision claire peut être rendue, c’est-à-dire une décision à l’encontre de l’appelant; par conséquent, aucune cause défendable ne peut être démontrée.

[25] Le Tribunal en arrive à la même conclusion en ce qui a trait à la décision de la division générale de rejeter l’appel de façon sommaire. La division générale a correctement énoncé le droit applicable concernant le rejet sommaire; qui plus est, l’appelant n’avait pas de cause défendable, car il était directement visé par l’alinéa 55(6)d) du Régime de pensions du Canada, comme mentionné auparavant, puisqu’il recevait une pension d’invalidité durant la période exclue. Les dispositions relatives au rejet sommaire de la Loi exigent que la division générale rejette un appel lorsqu’elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. C’est le cas en l’espèce. Par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur susceptible de révision en évoquant et en appliquant le paragraphe 53(1) de la Loi. La décision de rejeter sommairement l’appel respecte les critères de justification, de transparence et d’intelligibilité. De plus, elle appartient bel et bien aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit applicable.

Conclusion

[26] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal conclut que la division générale n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[27] L’appel est rejeté.

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