Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Introduction

[1] L’appelante interjette appel d’une décision de la division générale datée du 30 avril 2015 qui a rejeté de façon sommaire son appel relatif à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension aux termes du Régime de pensions du Canada. La division générale a rejeté de façon sommaire l’appel, car elle était convaincue qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[2] L’appelante a interjeté appel le 6 juillet 2015 (l’« avis d’appel »). Aucune permission d’en appeler n’est requise dans le cas des appels interjetés au titre du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi), car un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. L’appelante et l’intimé ont tous deux déposé des observations écrites. Puisque j’ai établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, l’appel dont je suis saisie procède en vertu de l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[3] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. 1. Quelle est la norme de contrôle qui s’applique au réexamen de décisions de la division générale?
  2. 2. La division générale a-t-elle commis une erreur en choisissant de rejeter de façon sommaire la demande de l’appelante?
  3. 3. La division générale-t-elle commis une erreur en accordant un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension entre l’appelante et la personne mise en cause?

Contexte factuel

[4] L’appelante et la personne mise en cause se sont mariées en mars 1978, se sont séparées en septembre 1990 et ont divorcé en février 1992. Les parties ont résidé au Michigan durant leur mariage, mais l’appelante travaillait en Ontario et cotisait au Régime de pensions du Canada de 1978 à 1989, alors que la personne mise en cause a travaillé au Michigan tout au long du mariage. Les parties ont obtenu un divorce sur consentement au Michigan. Les modalités de l’ordonnance du tribunal comprenaient une disposition selon laquelle tout intérêt présent ou passé de l’une ou l’autre des parties au regard d’une réclamation de pension, quelle qu’elle soit, ou de cotisation accumulée pour une pension, était aboli et que chaque partie maintiendrait ces intérêts exempts de tout droit ou de toute réclamation envers l’autre (GT1-26).

[5] L’appelante habite actuellement en Ontario, au Canada, alors que la personne mise en cause habite dans le Michigan, aux États‑Unis.

[6] Le 12 août 2011, la personne mise en cause a fait une demande de partage des crédits du Régime de pensions du Canada, c.-à-d. un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension. L’intimé a approuvé la demande de partage des crédits du Régime de pensions du Canada pour la période de 1978 à 1989.

[7] Le 9 août 2012, l’avocat de l’appelante a demandé un réexamen de la décision relative au partage. L’appelante a maintenu qu’il ne devrait pas y avoir de partage de tels crédits, car cela serait contraire aux dispositions de l’ordonnance de divorce du Michigan entre les parties. L’avocat a expliqué que les résultats du jugement du Michigan pour le divorce étaient que l’appelante renonçait à toute réclamation visant les prestations de sécurité sociale gagnées par l’époux durant le mariage. L’appelante comprenait qu’elle renonçait à une telle réclamation au motif que son époux renonçait à demander un partage de crédits du Régime de pensions du Canada. L’avocat a soutenu que l’ancien époux de l’appelante avait renoncé à ses droits sur toute pension de l’appelante et qu’aujourd’hui il ne devrait pas pouvoir se soustraire aux modalités de l’ordonnance de divorce du Michigan et demander les avantages prévus par la législation ontarienne, qui ne permet pas de se soustraire au partage des crédits non ajustés ouvrant droit à pension, alors que l’appelante n’était pas en mesure de le faire pour les paiements de sécurité sociale des États‑Unis.

[8] Le 9 novembre 2012, l’intimé a maintenu sa décision d’accepter la demande de la personne mise en cause pour un partage de crédit du Régime de pensions du Canada durant la période de 1978 à 1989. L’intimé a fait valoir ce qui suit :

[Traduction]

Selon le Régime de pensions du Canada, il peut y avoir partage des crédits dans les cas où un couple a obtenu le divorce le 1er janvier 1978 ou avant cette date. Il peut aussi y avoir partage des crédits dans les cas où un couple est séparé depuis plus d’un an, pourvu que la séparation ait eu lieu le 1er janvier 1987 ou avant cette date. 

Dans certaines circonstances, il peut y avoir partage des crédits malgré une entente ou une ordonnance du tribunal. Le Régime de pensions du Canada porte que nous ne sommes pas liés par les dispositions d’ententes ou les ordonnances de tribunal faites le 4 juin 1986 ou après cette date, à moins qu’elles mentionnent expressément que les parties ont renoncé à leurs droits au titre du Régime de pensions du Canada, et que les lois provinciales permettent spécifiquement aux parties de renoncer à leurs droits à un partage des crédits. À l’heure actuelle, seules les ententes et ordonnances de tribunal établies dans les provinces de la Saskatchewan, de la Colombie‑Britannique et du Québec sont régies par des lois qui permettent une disposition de ce type dans une entente. 

Bien que l’entente [de la personne mise en cause et de l’appelante] a été conclue dans l’État du Michigan, et pourrait être reconnue par la province de l’Ontario, nous ne sommes pas liés par cette entente et nous devons maintenir la décision de diviser les crédits de pension pour la période pendant laquelle [la personne mise en cause et l’appelante] résidaient ensemble.

[9] Au début de 2013, l’appelante a déposé un appel auprès du Bureau du commissaire des tribunaux de révision (BCTR). Aux termes de l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable (LECPD), tout appel présenté avant le 1er avril 2013, au titre du paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 229 de la LECPD, est réputée avoir été déposé auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 1er avril 2013.  Le 1er avril 2013, le BCTR a transféré au Tribunal de la sécurité sociale l’appel de l’appelante à l’encontre de la décision de réexamen. Cela a été communiqué aux parties.

[10] Le 12 mars 2014, l’appelante a déposé un avis de préparation, de même qu’une lettre datée du 22 mars 2012 de la personne mise en cause, dans lequel cette dernière indique que [traduction] «  le partage n’aura aucune incidence sur les prestations [de l’appelante] par l’intermédiaire de Pension Canada » (GT3). Le 27 mai 2015, l’appelante a déposé un Formulaire de renseignements sur l’audience (GT4). Le 4 septembre 2014, l’intimé a présenté des observations.

[11] Le 16 mars 2015, la division générale a avisé par écrit à l’appelante de son intention de rejeter l’appel de façon sommaire pour les raisons suivantes : 

  1. 1) L’alinéa 55.1(1)a) du Régime de pensions du Canada prévoit qu’il doit y avoir un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension : dans le cas d’époux, lorsqu’est rendu un jugement accordant un divorce, dès que l’intimé est informé du jugement.
  2. 2) Le paragraphe 55.2(2) prévoit qu’une ordonnance de tribunal conclue après le 4 juin 1986 est sans effet quant à l’intimé en ce qui concerne le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension en application de l’article 55.1.
  3. 3) L’appelante et l’autre partie se sont mariées le 12 mars 1978. Ils ont ensuite vécu ensemble jusqu’au 1er septembre 1990, et ont divorcé par jugement prononcé le 10 février 1992.
  4. 4) L’intimé a été informé du jugement de divorce le 12 août 2001, date à laquelle il a reçu une demande de division des crédits du RPC de la part de l’autre partie.
  5. 5) La décision de diviser les crédits de pension du RPC de l’appelante était obligatoire après que l’intimé ait été informé du jugement de divorce, et aucune disposition du jugement interdisant la division de ces crédits ne lie l’intimé.

[12] La division générale a invité l’appelante à fournir des observations écrites détaillées au plus tard le 17 avril 2015 si elle croit que l’appel ne devrait pas être rejeté de façon sommaire, en expliquant pourquoi son appel avait une chance raisonnable de succès.

[13] L’appelante a déposé ses observations le 23 avril 2015. Elle a expliqué qu’elle a longtemps cru que la personne mise en cause ne ferait jamais de réclamation pour l’une ou l’autre de ses pensions. Elle a soutenu que le jugement de divorce sur consentement de l’Oakland County Circuit Court du Michigan, daté du 10 février 1992, indique clairement qu’aucune des parties n’a de réclamation pour une pension de l’autre partie et que [traduction] « tout intérêt… à l’égard de toute réclamation ou pension… est, par la présente, aboli ». L’appelante soutient que toute demande de la personne mise en cause pour obtenir des prestations au titre du Régime de pensions du Canadaest par conséquent en violation directe de leur jugement de divorce sur consentement. Elle ajoute qu’il serait déraisonnable de s’attendre à ce qu’une ordonnance de divorce faite au Michigan mentionne spécifiquement le Régime de pensions du Canada, puisque ce régime n’existe pas aux États‑Unis. Elle soutient que les dispositions du Régime de pensions du Canada ne devraient pas s’appliquer, puisque le Michigan ne fait pas partie des provinces canadiennes permettant la non-participation au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension. L’appelante soutient qu’il serait maintenant injuste que la personne mise en cause se voit accorder la permission de se soustraire aux modalités de son ordonnance de divorce et soit en mesure de profiter des lois canadiennes afin de réclamer une partie de sa pension. L’appelante note aussi que sa pension sera réduite considérablement en raison du partage des crédits.

[14] Le 30 avril 2015, la division générale a rendu sa décision en se fondant sur les dispositions suivantes :

  1. i. Le paragraphe 53(1) de la Loi, qui prévoit que la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.
  2. ii. L’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, qui prévoit qu’avant de rejeter un appel de façon sommaire, la division générale doit aviser l’appelant par écrit et lui donner un délai raisonnable pour présenter des observations.
  3. iii. L’alinéa 55.1(1)a) du Régime de pensions du Canada,qui prévoit qu’il doit y avoir partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension dans le cas d’époux, lorsqu’est rendu un jugement accordant un divorce, dès que l’intimé est informé du jugement.
  4. iv. Le paragraphe 55.2(2) du Régime de pensions du Canada, qui prévoit qu’une ordonnance de tribunal rendue le 4 juin 1986 ou après cette date est sans effet quant à l’intimé en ce qui concerne le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension aux termes du paragraphe 55.1.
  5. v. Le paragraphe 55.1(4) du Régime de pensions du Canada, qui prévoit que seuls les mois où les personnes visées par le partage ont cohabité, établis aux termes du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, sont pris en considération pour déterminer la période à laquelle s’applique le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension de ces personnes.
  6. vi. Le paragraphe 78.1(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, quiprévoit que les mois où les ex-époux ont cohabité sont déterminés de la manière suivante : le premier mois est celui où leur mariage a été célébré, et le dernier est le mois précédant celui où ils ont commencé à vivre séparément.

[15] Le 6 juillet 2015, l’appelante a interjeté appel de la décision relative au rejet sommaire de la division générale.

Observations

[16] L’appelante a déposé l’avis d’appel le 29 juin 2015. Elle ne fait aucune allégation précise selon laquelle la division générale a commis une erreur, que ce soit en choisissant de rejeter son appel de façon sommaire, ou en déterminant qu’un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension s’applique. Toutefois, ses observations peuvent être interprétées comme suit : elle allègue que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte du jugement de divorce sur consentement rendu au Michigan. L’appelante soutient que le jugement de divorce est définitif et lie les parties, et que par conséquent la personne mise en cause n’a pas à faire de réclamation visant l’une ou l’autre de ses pensions. L’appelante soutient qu’il serait déraisonnable de s’attendre à ce qu’une ordonnance de divorce du Michigan indique précisément qu’il ne peut pas y avoir partage de crédits du Régime de pensions du Canada, et qu’il serait injuste de permettre maintenant à la personne mise en cause de se soustraire aux modalités du divorce et de tirer profit du droit canadien pour obtenir un partage des crédits de pension, alors qu’il est impossible pour elle de demander un partage réciproque pour toute pension de la personne mise en cause. Même si la personne mise en cause est d’avis qu’un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension n’aurait aucune incidence sur l’appelante, celle‑ci indique qu’en fait sa pension serait réduite considérablement, et qu’il serait ainsi beaucoup plus difficile pour elle de prendre sa retraite.

[17] L’appelante soutient aussi que seulement quatre provinces se sont, jusqu’à présent, soustraites à la loi régissant le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension du Régime de pensions du Canada, et puisque le Michigan n’est pas l’une des provinces canadiennes qui avaient le choix de s’y soustraire ou non, cette loi ne devrait pas s’appliquer au Michigan.

[18] L’intimé a déposé des observations écrites le 20 août 2015. L’intimé soutient que la division générale a correctement énoncé le critère relatif au rejet sommaire aux termes de l’article 53 de la Loi. L’intimé soutient aussi que la division générale a correctement énoncé le droit en ce qui concerne le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension aux termes des articles 55.1 et 55.2 du Régime de pensions du Canada. L’intimé soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur dans son application de la loi aux faits, qui ne sont pas contestés. L’intimé soutient que, d’après le Régime de pensions du Canada, un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension est obligatoire après un jugement de divorce, une fois que l’intimé est informé du jugement de divorce. L’intimé soutient qu’une ordonnance du tribunal ne lie pas l’intimé aux fins d’un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension, sauf si les exigences énoncées au paragraphe 55.2(3) du Régime de pensions du Canada sont respectées. L’intimé fait remarquer qu’à l’heure actuelle, seuls la Saskatchewan, la Colombie‑Britannique, le Québec et l’Alberta ont adopté des lois qui permettent aux parties de se soustraire à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension aux termes du Régime de pensions du Canada.

[19] L’intimé soutient que puisqu’un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension était obligatoire et qu’un jugement sur consentement a été rendu au Michigan (États‑Unis), où aucune loi ne permet aux parties de se soustraire à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension aux termes du Régime de pensions du Canada, l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès. L’intimé soutient que, par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur en rejetant de façon sommaire l’appel. L’intimé soutient que la décision de la division générale ne contient aucune erreur susceptible de révision qui permettrait l’intervention de la division d’appel. L’intimé soutient que la division générale a correctement énoncé le droit applicable et l’a appliqué de manière raisonnable aux faits, et que l’appel devrait donc être rejeté.

[20] La personne mise en cause n’a présenté aucune observation écrite.

Question en litige 1 : Norme de contrôle

[21] L’appelante n’a pas abordé la question de la norme de contrôle.

[22] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[23] L’intimé soutient que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et aux questions mixtes de droit et de fait est celle de la raisonnabilité. L’intimé ajoute que pour les questions de droit, la division d’appel n’a pas à faire preuve de déférence à l’égard de la décision de la division générale, et qu’elle doit appliquer la bonne norme. J’accepte les observations de l’intimé selon lesquelles la norme de contrôle applicable dépendra de la nature des erreurs alléguées en cause.

[24] L’intimé soutient que la principale question en litige dans cet appel, qui consiste à déterminer si la division générale a commis une erreur en rejetant de façon sommaire l’appel au motif qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès, comprend une question mixte de fait et de droit, et que la décision de la division générale doit par conséquent être examinée en fonction de la norme de la raisonnabilité.

[25] L’intimé soutient que la norme de contrôle de la décision correcte s’applique au critère relatif au rejet sommaire énoncé par la division générale ainsi qu’à l’énoncé du droit de la division générale en ce qui a trait au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension aux termes du Régime de pensions du Canada.

[26] Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a établi que lorsqu’une cour de révision applique la norme de la décision correcte, elle n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse, et elle substituera au besoin, sa propre conclusion pour rendre la bonne décision.

[27] La Cour suprême du Canada énonce le caractère raisonnable de l’approche dans Dunsmuir, au paragraphe 47 :

Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[28] L’appelante ne conteste aucune des conclusions de fait tirées par la division générale. Elle soutient plutôt que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte du jugement de divorce sur consentement rendu au Michigan. Elle soutient que le jugement de divorce est définitif et lie les parties. Si ces observations sont corroborées, elles constitueraient une erreur de droit de la part de la division générale. Pour une erreur de droit, la norme de la décision correcte s’applique.

Question en litige 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur en choisissant de rejeter de façon sommaire l’appel de l’appelante?

[29] Bien que l’appelante ne semble pas remettre en question le caractère approprié de la procédure de rejet sommaire, je traiterai cette question avant d’évaluer la décision de la division générale.

[30] L’intimé soutient que la première tâche de la division générale était de cerner le droit applicable en ce qui concerne un rejet sommaire aux termes de l’article 53 de la Loi. L’intimé soutient que la décision de la division générale de rejeter de façon sommaire l’appel ne contient aucune erreur susceptible de révision permettant l’intervention de la division d’appel. L’intimé ajoute que la décision est raisonnable. 

[31] Aux termes du paragraphe 53(1) de la Loi, la division générale doit rejeter de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. Si la division générale n’a pas indiqué le critère approprié ou encore si elle a mal énoncé le critère, elle a alors commis une erreur de droit. Si tel est le cas, selon la norme de la décision correcte, je devrai effectuer ma propre analyse et substituer à la décision rendue celle que je jugerais correcte : Dunsmuir et Housen c. Nikolaisen, [2002] R.C.S. 235, 2002 CSC 33 (CanLII) au paragr. 8.

[32] En l’espèce, la division générale a correctement énoncé le critère en citant le paragraphe 53(1) de la Loi aux paragraphes 4 et 19 de sa décision.

[33] Il ne suffit pas de citer le critère de rejet sommaire énoncé au paragraphe 53(1) de la Loi; il faut aussi l’appliquer correctement. Après avoir correctement déterminé le critère, la deuxième étape exige que la division générale applique le droit aux faits. Si le droit pertinent est appliqué, la décision relative au rejet sommaire doit être raisonnable. Cela nécessite une évaluation en fonction de la norme de la raisonnabilité, car il s’agit d’une question mixte de fait et de droit.

[34] Pour déterminer le caractère approprié d’une procédure de rejet sommaire et si un appel a une chance raisonnable de succès, un décideur doit établir s’il existe une [traduction] «  question litigieuse » ou si la demande est fondée. Dans A.P. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social et P.P., (12 août 2015), TSSDA-15-297 (non publié à l’heure actuelle), pour déterminer s’il y a lieu de rejeter un appel de façon sommaire, j’ai utilisé les expressions suivantes : affaire « sans aucun espoir » de succès ou dont le fondement est « faible ». Pour autant que l’appel soit fondé sur des faits adéquats et que l’issue ne soit pas manifeste, il n’y a pas lieu de prononcer un rejet sommaire. J’ai déterminé qu’il ne conviendrait pas de rejeter de façon sommaire un appel dont le fondement est faible, lequel exige forcément d’évaluer le bien-fondé de l’affaire, d’examiner la preuve et de déterminer la valeur de celle-ci. À mon avis, « aucune chance raisonnable de succès » a été essentiellement défini plus ou moins comme suit dans la jurisprudence : [traduction] « aucune chance de succès ».

[35] La division générale a estimé qu’elle était habilitée seulement dans la mesure où sa loi habilitante le lui permet et qu’elle doit interpréter et appliquer les dispositions énoncées dans le Régime de pensions du Canada. La division générale a jugé que les dispositions du Régime de pensions du Canada étaient claires, et la preuve sans équivoque. Au bout du compte, la division générale a estimé que le Régime de pensions du Canada l’emportait sur l’ordonnance de divorce émise au Michigan, aux fins d’un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension en application du Régime de pensions du Canada.

[36] La division générale a examiné si, à la lumière des faits qui lui avaient été présentés, l’appel satisfaisait à la norme élevée énoncée au paragraphe 53(1) de la Loi. La division générale a été incapable de trouver un fondement factuel ou adéquat pour appuyer l’appel. La division générale a estimé que l’appelante n’avait aucune chance d’avoir gain de cause en appel, compte tenu du droit et des faits. Puisque la division générale était convaincue que l’appel était sans fondement, elle a conclu à juste titre que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès, et elle l’a adéquatement rejeté de façon sommaire pour ce motif. 

Question en litige 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur en permettant un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension entre l’appelant et la personne mise en cause?

[37] Cette question est étroitement liée à la question précédente qui consistait à déterminer si la division générale a commis une erreur en choisissant de rejeter de façon sommaire la demande de l’appelante. 

[38] Comme je l’ai mentionné précédemment, l’appelante ne formule aucune allégation précise d’erreur qui aurait pu être commise par la division générale. Je comprends toutefois qu’elle allègue que la division générale a commis une erreur en ne considérant pas le jugement de divorce sur consentement rendu au Michigan comme étant définitif et liant la personne mise en cause. Elle soutient que l’ordonnance de divorce devrait empêcher le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension aux termes du Régime de pensions du Canada. Ces observations reflètent celles qui ont été présentées précédemment à la division générale par l’appelante. La division générale a aussi résumé les observations de l’appelante au paragraphe 13 de sa décision; l’on ne peut donc dire qu’elle ne les connaissait pas.

[39] Après avoir examiné le droit applicable, particulièrement les articles 55.1 et 55.2 du Régime de pensions du Canada, la division générale a conclu qu’après un jugement de divorce et suite à une demande de partage par une partie, le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension est obligatoire. Aux termes du paragraphe 55.2(2) du Régime de pensions du Canada, une entente entre conjoints ou une ordonnance d’un tribunal est sans effet quant à l’intimé. Le partage est fait, sous réserve de l’exception énoncée au paragraphe 55.2(3) du Régime de pensions du Canada, c.-à-d. lorsque les parties ont conclu une entente écrite dans laquelle il est indiqué qu’elles se soustraient du partage au titre du Régime de pensions du Canada, que cette disposition de l’entente est expressément autorisée dans la province qui régit l’entente, et que cette disposition n’a pas été invalidée par une ordonnance de tribunal. La reformulation du droit par la division générale, en ce qui concerne le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension, était correcte.

[40] L’appelante soutient que le Régime de pensions du Canada ne devrait s’appliquer d’aucune façon à l’extérieur du Canada, car un tribunal étranger ne pourrait jamais ordonner qu’il n’y ait pas de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension aux termes du Régime de pensions du Canada. Bien qu’il est vrai qu’un tribunal étranger n’a aucune compétence en matière de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension aux termes du Régime de pensions du Canada, la même chose est vraie pour toute ordonnance de tribunal, y compris les ordonnances de tribunaux provinciaux, aux termes du paragraphe 55.2(2) du Régime de pensions du Canada (à moins qu’il existe une entente entre conjoints liant le ministre, qui n’a pas été invalidé par une ordonnance du tribunal, comme il est indiqué au paragraphe 55.2(3) du Régime de pensions du Canada).

[41] Même si l’appelante et la personne mise en cause avaient conclu une entente indiquant qu’elle devait être régie par les lois en vigueur en Ontario, où l’appelante a travaillé durant leur mariage, en aucune circonstance les deux époux n’auraient pu se soustraire au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension aux termes du Régime de pensions du Canada.

[42] En se fondant sur l’ensemble des faits qui lui ont été présentés, la division générale n’a eu d’autre choix que de rejeter l’appel de l’appelante qui contestait le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension. Puisqu’il n’y avait aucun fondement pour refuser un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (il n’y avait aucune question litigieuse ou la demande n’était pas fondée), la division générale a conclu adéquatement que l’affaire pouvait être rejetée de façon sommaire.

[43] L’avocat de l’intimé soutient que la décision de la division générale est entièrement raisonnable puisqu’elle est transparente et intelligible, et qu’elle est la seule issue possible fondée sur le droit et les faits. L’avocat de l’intimé soutient aussi que puisque la division générale a correctement énoncé le droit et l’a raisonnablement appliqué aux faits, la décision ne contient aucune erreur susceptible de révision permettant l’intervention de la division d’appel. J’accepte ces observations.

Conclusion

[44] L’appel est rejeté.

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