Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelante a présenté une demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP) le 29 novembre 2006. L’intimé a rejeté la demande lors de sa présentation initiale puis après révision. L’appelante a interjeté appel, devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR), de la décision découlant de la révision, et cet appel a été transféré au Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) en avril 2013.

[2] Cet appel a été instruit sur la foi du dossier pour les raisons suivantes :

  1. Le membre a établi qu’une autre audience n’était pas nécessaire.
  2. La crédibilité n’est pas un enjeu principal.
  3. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Droit applicable

[3] Conformément à l’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, les appels déposés devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’ont pas été instruits par le BCTR sont considérés comme ayant été déposés auprès de la division générale du Tribunal.

[4] Le paragraphe 55(1) du Régime de pensions du Canada (RPC) prévoit :

Sous réserve des autres dispositions du présent article, des paragraphes 55.2(2), (3) et (4) et de l’article 55.3, une demande écrite de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension d’ex-époux peut, dans les trente-six mois qui suivent la date d’un jugement accordant un divorce ou d’un jugement accordant la nullité d’un mariage, s’il est rendu avant le 1er janvier 1987 sans l’avoir été avant le 1er janvier 1978, être présentée au ministre par l’un ou l’autre des ex-époux ou pour son compte, ou par sa succession ou encore par toute personne prescrite. Les ex-époux peuvent convenir par écrit de présenter la demande après l’expiration du délai de trente-six mois.

Question en litige

[5] Le Tribunal doit décider si l’appelante était admissible au PGNAP.

Contexte et preuve

[6] L’appelante et feu D. S. se sont mariés le 22 décembre 1996, et ont divorcé le 21 février 1980. D. S. est décédé en décembre 2006. L’appelante n’a pas présenté de demande de PGNAP avant novembre 2006 (plus de 26 ans après le divorce). Puisque l'ancien époux de l'appelante est décédé, il n’est pas en mesure de signer une renonciation conformément au paragraphe 55(1) du Régime de pensions du Canada.

[7] L’appel a été mis en suspens, car un autre individu avait déposé une contestation en vertu de la Charte en ce qui a trait au délai maximal de trois ans. La division d’appel du Tribunal a récemment statué sur cette affaire et a conclu que l’article 55(1) ne viole pas la Charte. Une copie de cette décision a été envoyée à l’appelante le 17 avril dernier.

[8] La date limite est passée et aucune partie n’a interjeté appel à la Cour d’appel fédérale. Par conséquent, la décision de la division d’appel a une valeur persuasive pour la division générale.

Note à l'effet d'un possible rejet sommaire

[9] Le 25 juin 2015, le Tribunal a informé l'appelante que le membre du Tribunal chargé de l'appel envisageait le rejet sommaire de l'appel pour les raisons suivantes :

L’appelante et feu D. S. se sont mariés le 22 décembre 1966, et ont divorcé le 21 février 1980. L’appelante a présenté une demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP) le 29 novembre 2006. D. S. est décédé en décembre 2006.

Selon le paragraphe 55(1) du Régime de pensions du Canada, sous réserve de certaines conditions, lorsque les anciens conjoints ont divorcé après le 1 er janvier 1978 et avant le 1er janvier 1987, la demande de PGNAP doit avoir été faite dans les 36 mois du divorce, à moins que les deux ex-époux ou anciens conjoints ne signent un accord écrit. La demande de PGNAP de l'appelante a été présentée après le délai prescrit de trois ans.

L’appel a été mis en suspens, car un autre individu a dé>posé une contestation en vertu de la Charte en ce qui a trait au délai maximal de trois ans. La division d’appel du Tribunal a récemment statué sur cette affaire et a conclu que l’article 55(1) ne viole pas la Charte. Une copie de cette décision a été envoyée à l’appelante le 17 avril passé.

La date limite est passée et aucune partie n’a interjeté appel à la Cour d’appel fédérale. Par conséquent, la décision de la division d’appel a une valeur persuasive pour la division générale.

Puisque la demande de PGNAP de l’appelante a été présentée après l’expiration du délai de trois ans, l'appelante n'est pas admissible à un PGNAP.

Le Tribunal est toutefois lié par les dispositions du Régime de pensions du Canada. Il n’est pas habilitéà invoquer un principe d’équité, quel qu’il soit, à l’égard des appels dont il est saisi. Le Tribunal est un décideur dont les pouvoirs sont conférés par la Loi; il est tenu d’interpréter et d’appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans le RPC : MSD c. Kendall (le 7 juin 2004), CP 21690 (CAP).

[10] Le 15 juillet 2015, l'avocat de l'appelant, monsieur Granatstein, a présenté une objection au rejet sommaire de l'appel, au motif que l'appel a une chance raisonnable de succès puisque le paragraphe 55(1) du Régime de pensions du Canada ne prévoit pas de délai maximal de trois ans pour présenter une PGNAP. Monsieur Granatstein a fourni des observations détaillées ainsi que de la jurisprudence au soutien de ses observations.

[11] À la suite des objections de monsieur Granatstein, le membre du Tribunal a conclu que l'appel devrait être instruit SUR LA FOI DU Dossier et que les deux parties ont eu l'occasion de présenter d'autres observations.

Observations

[12] Monsieur Granatstein soutient que l’appelante est admissible à un PGNAP pour les raisons suivantes :

  1. Le paragraphe 55(1) du Régime de pensions du Canada ne prévoit pas que la demande de PGNAP d'une ancienne épouse doit être présentée dans un délai maximal de trois ans suivant un divorce pour les raisons suivantes :
    1. [Dans la version anglaise du Régime de pensions du Canada] du paragraphe 55(10), il n'y a pas de virgule avant les mots « après la date d’un jugement accordant un divorce... » ce qui signifie que ces mots s'appliquent seulement à l'antécédent « si les ex-époux conviennent par écrit, en tout temps... » Par conséquent, les mots « après la date d’un jugement accordant un divorce... » ne qualifient pas le premier antécédent ou les mots « dans les 36 mois ».
    2. On devrait donner une interprétation large aux lois à caractère social, telles que le Régime de pensions du Canada.
    3. Le paragraphe 55(1) tranche avec les paragraphes 60(2) et 60(30 qui énoncent clairement un délai maximal d'une année pour présenter des demandes de prestations après le décès alors que « le délai pour présenter une demande... n'est pas laissé seul en suspens comme dans le cas du paragraphe 55(1). »
    4. La version française du paragraphe 55(1) ne prévoit pas de délai maximal de trois ans et lorsque les termes d'une version soulèvent des ambiguïtés, le Tribunal devrait d'abord se reporter à la version dans l'autre langue officielle pour déterminer si le sens est clair et sans équivoque.

[13] L’intimé a fait valoir ce qui suit :

  1. L’appelante n’était pas admissible au partage des droits du RPC, car sa demande avait été faite après le délai de 36 mois prévu au paragraphe 55(1) du Régime de pensions du Canada ;
  2. L’appelante ne peut pas être exemptée de l'obligation de respecter ce délai puisque son ancien époux est décédé.

Observations à caractère juridique de l'intimé

[14] En réponse à une demande du Tribunal, l'intimé a présenté des observations à caractère juridique le 2 novembre 1915 (GT8).

Historiques des dispositions relatives au PGNAP

[15] Parmi ses observations à caractère juridique, l'intimé a dressé un historique du PGNAP et des différents amendements aux dispositions du Régime de pensions du Canada.

[16] L'intimé a fait référence aux débats de la Chambre des communes de 1977 portant sur l'origine des dispositions relatives au PGNAP. Les débats donnaient à penser que sans délai maximal de trois ans, l'administration du partage des droits serait virtuellement impossible (paragraphes 28-30 des observations).

[17] Les observations indiquent qu'à compter du 1er janvier 1987, le partage des droits est devenu obligatoire pour les couples mariés dès que le ministre est informé du jugement définitif de divorce ou de la nullité du mariage et qu'il reçoit les renseignements relatifs au mariage en question. À la suite de ce changement, le délai de trois ans, pendant lequel les anciens époux ayant divorcé après le 1er janvier 1987 pouvaient demander un partage des droits, a été aboli. Les nouvelles dispositions relatives au partage des droits sont prévues à l'article 55.1 du Régime de pensions du Canada (paragraphe 23 des observations).

[18] Les dispositions relatives au PGNAP qui précédaient ce qui est aujourd'hui le paragraphe 55(1) du Régime de pensions du Canada, qui prévoit un délai maximal, demeurent en vigueur pour tous les divorces et nullités de mariage qui ont été déclarés après le 1er janvier 1978 et avant le 1er janvier 1987.

Résumé des observations de l'intimé

[19] Les observations de l'intimé se résument comme suit :

  1. Les arguments soulevés par l'avocat de l'appelant relativement à l'interprétation des lois et portant sur la présence d'une virgule et sur la comparaison des versions française et anglaise du paragraphe 55(1) sont voués à l’échec.
  2. Étant donné la présomption contre l'addition de termes dans la législation, le groupe prépositionnel « dans les 36 mois » doit se rapporter à quelque chose. La seule portion du paragraphe 55(1) à laquelle il peut se rapporter est « la date d’un jugement accordant un divorce ou d’un jugement accordant la nullité d’un mariage. »
  3. Bien que la présence ou l'absence d'une virgule puisse parfois créer une certaine ambiguïté, ce n'est pas le cas en l'espèce.
  4. L'historique législatif des dispositions du RPC et du régime de partage des droits ne concorde pas avec l'argument de l'appelante selon lequel le délai de 36 mois ne s'applique ni à l'appelante ni à personne d'autre.
  5. La version française du paragraphe 55(1) est limpide - le délai de trois ans correspond à la période pendant laquelle une demande de PGNAP peut être présentée à la suite de la date d'un jugement accordant le divorce ou déclarant la nullité du mariage. De plus, l’évolution des dispositions législatives le confirme.
  6. En outre, l'utilisation des termes « peut/may » s'explique par le fait qu'une demande de partage est facultative.

Analyse

[20] Il n'y a pas de doute que n'eut été du délai de trois ans, l'appelant aurait droit au PGNAP. Cependant, le Tribunal a conclu que le paragraphe 55(1) du Régime de pensions du Canada prévoit un délai maximal de trois ans pour les divorces prononcés avant le 1er janvier 1987 sans l’avoir été avant le 1er janvier 1978. Puisque l'appelante s'est divorcée en février 1980 et qu'elle n'a pas présenté de demande de PGNAC avant novembre 2006, elle n'a pas droit au PGNAC.

Argument relatif à la ponctuation

[21] Monsieur Granatstein a fait référence à une décision de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, Bell v. A.G. Canada and A.G.N.S. [2001 NSSC 112] et s'est appuyé sur la référence du juge Davidson à l'égard de Interpretation of Legislation in Canada de Pierre-André Côté (2e édition) aux pages 62 et 63 où on mentionne :

[traduction] Au Canada, on considère la ponctuation comme une partie intégrante de la loi. On doit en tenir compte dans son interprétation :

Au moment de rédiger une disposition, je suis d’avis qu’on devrait tenir compte de la ponctuation...

La ponctuation, plus particulièrement la virgule, est essentielle à la communication écrite. Les juges ne peuvent l’ignorer complètement.

[22] Il a aussi fait référence à Driedger (3e édition) à la page 277 :

... [traduction] Une virgule qui précède un groupe de mots indique habituellement que ces mots s'appliquent à tous les antécédents, alors que l'absence de virgule signifie que les mots s'appliqueront seulement au dernier antécédent.

[23] Cependant, dans l'affaire Bell, le juge Davidson a déclaré, au paragraphe 33, que [traduction] « au Canada les tribunaux s'intéressent à la ponctuation avec circonspection ». Il a aussi déclaré : [traduction] « Même si on admet que la ponctuation fait partie de la loi, on doit lui accorder une importance relative. Comme pour ce qui est des autres aspects d'une loi, les autorités estiment que l'importance accordée à la ponctuation variera selon les circonstances. »

[24] Le juge Davisdson a poursuivi en s'exprimant de la sorte :

[traduction] La ponctuation, particulièrement la virgule, joue un rôle essentiel dans la communication écrite. Les juges ne peuvent en faire abstraction. Cependant, ils seront réticents à fonder leur décision sur la seule présence, ou absence, de certains signes de ponctuation, et ce, pour plusieurs raisons : la ponctuation ne fait pas l’objet de règles rigoureuses et clairement définies ». Dans la mesure où elles existent, les règles peuvent avoir été mal comprises et mal appliquées. Un écrit peut alors être « trop ou mal ponctué ».

En réponse aux arguments fondés sur la ponctuation, les tribunaux ne doivent pas seulement faire référence à la nature peu fiable de la ponctuation; ils doivent aussi tenir compte du contexte et de l'objet de la loi. Le sens d'une « virgule mal placée » ne pourra outrepasser la signification d'une disposition législative dans son ensemble.

[25] Le Tribunal estime que la présence d'une virgule n'est pas une approche fiable de l'interprétation des lois et qu'il devrait plutôt adopter une approche contextuelle en se concentrant sur le sens ordinaire des dispositions législatives et sur l'intention du législateur.

Interprétation dans un contexte global

[26] La Cour suprême du Canada, dans Verdun c. Banque Toronto-Dominion [1996] 3 R.C.S. 550, a énoncé les « principes modernes » de l'interprétation des lois. Au paragraphe six de la décision, la juge L'Heureux-Dubé a cité l'ouvrage Driedger on the Construction of Statutes (3e édition, 1994), à la page 131 :

Il n’existe qu’une seule règle d’interprétation moderne : les tribunaux sont tenus d’interpréter un texte législatif dans son contexte global, en tenant compte de l’objet du texte en question, des conséquences des interprétations proposées, des présomptions et des règles spéciales d’interprétation, ainsi que des sources acceptables d’aide extérieure. Autrement dit, les tribunaux doivent tenir compte de tous les indices pertinents et acceptables du sens d’un texte législatif. Cela fait, ils doivent ensuite adopter l’interprétation qui est appropriée. L’interprétation appropriée est celle qui peut être justifiée en raison a) de sa plausibilité, c’est‑à‑dire sa conformité avec le texte législatif, b) de son efficacité, dans le sens où elle favorise la réalisation de l’objet du texte législatif, et c) de son acceptabilité, dans le sens où le résultat est raisonnable et juste.

[27] Au paragraphe 22 de la décision, le juge Iacobbucci a cité Driedger comme suit :

De nos jours, il n’y a qu’un seul principe ou méthode; il faut interpréter les termes d’une loi dans leur contexte global selon le sens grammatical et ordinaire qui s’harmonise avec l’économie et l’objet de la loi et l’intention du législateur. Dans Victoria (City) c. Bishop of Vancouver Island [[1921] A.C. 384, à la p. 387], lord Atkinson l’a exposé en ces termes :

Dans l’interprétation des lois, on doit donner aux termes leur sens grammatical ordinaire, à moins que quelque chose dans le contexte, ou dans l’objet visé par la loi où ils figurent, ou encore dans les circonstances où ils sont employés, n’indique qu’ils ont été employés dans un sens particulier et différent de leur acception grammaticale ordinaire.

[28] Le Tribunal, pour interpréter la disposition dans son contexte global et par rapport aux dispositions de la loi, s'est appuyé sur les éléments suivants :

  • Selon une interprétation claire et simple de la disposition, « dans les 36 mois » complète la première possibilité qui consiste en une demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension dans le cas de divorces prononcés avant le 1er janvier 1987 sans l’avoir été avant le 1er janvier 1978.
  • « Dans les 36 mois » est suivi de « ou » qui donne à penser que la demande peut être présentée en tout temps si les parties y consentent par écrit.
  • Si, comme le soutient monsieur Granatstein, le délai de 36 mois n'existe pas, l'expression « dans les 36 mois » ne serait d'aucune utilité, tout comme la possibilité selon laquelle les parties peuvent consentir par écrit. Le législateur n’a sûrement pas ajouté, sans raison, une phrase et une possibilité inutiles.
  • Si la thèse de l'appelante était retenue, l'article 55.1 du Régime de pensions du Canada, qui s'applique aux divorces prononcés à partir du 1er janvier 1987, n'aurait aucune raison d'être. Sans délai de 36 mois, un seul article portant sur tous les divorces prononcés après le 1er janvier 1978 serait nécessaire.

Autres cas

[29] Le paragraphe 55(1) du Régime de pensions du Canada est entré en jeu à de nombreuses occasions et dans chaque cas on a tenu compte du délai de 36 mois pour présenter une demande de PGNAP se rapportant aux divorces prononcés avant le 1er janvier 1987 sans l’avoir été avant le 1er janvier 1978. En aucun cas on n’a fait référence à l’inexistence du délai de 36 mois comme le soutient l'appelante, ce qui appuie la position selon laquelle le délai maximal de trois ans est clair et sans équivoque.

[30] La décision relative à la contestation fondée sur la Charte, dont il fut question précédemment au paragraphe 7, porte sur une contestation infructueuse du délai de 36 mois qui, selon l'appelante, n'existe pas. Cette affaire a d'abord été instruite par un tribunal de révision du BCTR, puis par la Commission d'appel des pensions (CAP), par la Cour fédérale et finalement par la division d'appel du Tribunal de la sécurité sociale. L'absence du délai de trois ans n'a jamais été soulevée dans le cadre des procédures. En l'absence d'un tel délai, la contestation fondée sur la Charte aurait été inutile.

[31] Dans les affaires Von Der Kammer c. MNHW (19 juillet 1991), CP 1916 et Warner c. MEI (novembre 1995), CP 2710, la CAP a déclaré que, malgré la présence du terme "peut" au paragraphe 55(1), une demande de PGNAP doit être présentée dans les 36 mois de la date du jugement définitif de divorce et que la CAP n'a pas la compétence pour proroger le délai. Dans l'affaire Harrison-Wilson c. MSD (14 avril 2005) CP 22023, la CAP a conclu qu'une dispense signée de la main de l'administrateur d'une succession, dans laquelle il renonçait au délai de 36 mois prévu au paragraphe 55(1) pour présenter une demande de PGNAP, était inopérante.

[32] Ces décisions, bien qu'elles ne soient pas contraignantes, servent de lignes directrices au Tribunal. Chacune tient compte du fait que le paragraphe 55(1) prévoit un délai de 36 mois.

Autres observations de l’appelante

[33] Toutes les autres observations de l'appelante, énoncées précédemment aux alinéas 12(a) 2-4, reposent sur l'hypothèse selon laquelle l'interprétation du paragraphe 55(1) soulève une certaine ambiguïté. Puisque le Tribunal est d'avis que le délai de trois ans est clair et sans équivoque, ces observations subsidiaires doivent être rejetées.

Argument relatif à la loi à caractère social

[34] Parmi les observations de monsieur Granatstein se trouve la suivante :

Au Canada, les tribunaux se sont montrés soucieux de donner une interprétation libérale aux « lois à caractère social ». La Cour suprême du Canada dans l'arrêt Rizzo, a souligné que la législation conférant des avantages devait être interprétée de façon libérale et généreuse, et que tout doute découlant de l’ambiguïté des textes devait se résoudre en faveur du demandeur. Cette approche interprétative de la législation a été adoptée dans plusieurs décisions de la Cour suprême qui portent sur la Loi sur l'assurance-emploi ainsi que sur le Régime de pensions du Canada.

[35] Ce Tribunal admet que le Régime de pensions du Canada est une loi à caractère social qui prévoit des prestations. Cependant, « aucune ambiguïté ne résulte des termes » du paragraphe 55(1) au sujet des exigences du délai de trois ans.

Argument relatif aux paragraphes 60(2) et 60(3)

[36] Le Tribunal refuse d'admettre que le paragraphe 55(1) tranche avec les paragraphes 60(2) et 60(3), et que le délai de trois ans prévu au paragraphe 55(1) se retrouve abandonné, comme le soutient monsieur Granatstein. Les paragraphes 60(2) et 60(3) qui traitent des demandes de prestations après le décès prévoient :

art. 60(2) ...une demande de prestation... ne peut être approuvée... que lorsque elle est présentée dans les douze mois suivant le décès de la personne;

art. 60(3) ...une demande peut être présentée dans l'année qui suit ce décès...

[37] On ne devrait pas tirer de conclusion de simples variations de la syntaxe dans les dispositions législatives traitant de ces questions. Le Tribunal souligne également que les paragraphes 60(2) et 60(3) utilisent aussi le verbe « peut » et que monsieur Granatstein n'a pas indiqué que de ce fait la nature obligatoire du délai d'un an mentionné à ces dispositions était affaiblie.

Argument relatif à la version française

[38] Monsieur Granatstein a aussi fait valoir que la version française du paragraphe 55(1) ne prévoit pas que la demande d'un ex-époux doit être présentée dans le délai de trois ans parce que les termes et la syntaxe de cette disposition font d'elle une disposition permissive, et non obligatoire. Il ajoute que lorsque les termes d'une version soulèvent des ambiguïtés, le Tribunal devrait d'abord se reporter à la version dans l'autre langue officielle pour déterminer si le sens est clair et sans équivoque.

[39] Non seulement le Tribunal a décidé que la version anglaise du paragraphe 55(1) était claire et sans équivoque, mais il a en outre désapprouvé l'interprétation de monsieur Granatstein de la version française. Monsieur Granatstein a notamment fait valoir :

La version française du paragraphe prévoit qu'un ex-époux « peut » présenter une demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension d'un ex-époux dans les 36 mois suivant le divorce.

La version française prévoit, dans une phrase distincte, que les ex-époux peuvent convenir par écrit de présenter la demande après l'expiration du délai de 36 mois.

En séparant les dispositions applicables à un ex-époux des dispositions applicables aux ex-époux qui conviennent par écrit, la version française de ce paragraphe fait de la disposition applicable à un ex-époux une disposition permissive, et non obligatoire. Par conséquent, le paragraphe n'empêche pas un ex-époux de demander le partage après le délai de 36 mois. Il n'est pas interdit de présenter une demande plus de 36 mois après le divorce.

[40] Il ne semble pas y avoir de différence importante entre la version anglaise et la version française du paragraphe 55(1). Dans les deux cas, la terminologie permissive permet de présenter une demande en tout temps dans les trois années suivant le divorce. Rien n'indique que le délai de trois ans n'est pas obligatoire (à moins d'une renonciation de la part d'un ex-époux). S'il n'était pas obligatoire, il n'aurait pas le moindre effet dans chacune des versions et la renonciation ne serait pas nécessaire.

Date limite

[41] La demande de PGNAP de l’appelante a été présentée après l’expiration du délai de trois ans prévu au paragraphe 55(1) du Régime de pensions du Canada. Puisque l’ex-époux de l’appelante est décédé, il ne peut pas renoncer au délai.

[42] Le Tribunal est sensible à la situation de l’appelante et reconnaît qu’il est injuste qu’elle ne puisse recevoir le PGNAP auquel elle aurait eu droit, n'eût été délai maximal de trois ans.

[43] Malheureusement, le Tribunal est lié par les dispositions du RPC. Il n’est pas habilité à invoquer un principe d’équité, quel qu’il soit, à l’égard des appels dont il est saisi. Le Tribunal est un décideur dont les pouvoirs sont conférés par le Régime de pensions du Canada; il est tenu d’interpréter et d’appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans le RPC : MSD c. Kendall (le 7 juin 2004), CP 21690 (CAP).

[44] Le Tribunal n’a pas le pouvoir de déroger aux dispositions du Régime de pensions du Canada ni de rendre des décisions en se fondant sur l’équité, la compassion ou les circonstances atténuantes.

[45] Malheureusement, le Tribunal est forcé de conclure que l’appelante n’est pas admissible à un PGNAP.

Conclusion

[46] L’appel est rejeté.

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