Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’intimé a estampillé le 24 septembre 2012 la demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (division des crédits) au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) présentée par l’appelante. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] L’audience de l’appel a été tenue au moyen de questions et réponses écrites pour les motifs suivants :

  1. il manque des renseignements au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications;
  2. le mode d’audience est conforme à la disposition du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] Le paragraphe 55(1) du RPC prévoit ce qui suit :

  1. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, des paragraphes 55.2(2), (3) et (4) et de l’article 55.3, une demande écrite de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension d’ex-époux peut, dans les trente-six mois suivant la date d’un jugement accordant un divorce ou d’un jugement accordant la nullité d’un mariage, s’il est rendu avant le 1er janvier 1987 sans l’avoir été avant le 1er janvier 1978, être présentée au ministre par l’un ou l’autre des ex-époux ou pour son compte, ou par sa succession ou encore par toute personne prescrite. Les ex-époux peuvent convenir par écrit de présenter la demande après l’expiration du délai de trente-six mois.

[4] Le paragraphe 55(2) prévoit ce qui suit :

  1. (2) Pour l’application du présent article :
  2. a) par dérogation aux alinéas b) et c), les ex-époux doivent avoir cohabité durant le mariage pendant au moins trente-six mois consécutifs avant qu’une demande visée au paragraphe (1) puisse être approuvée par le ministre;
  3. b) le mariage est réputé avoir été célébré ou annulé et le divorce réputé irrévocable le dernier jour de l’année précédant la date enregistrée du mariage ou du jugement prononçant la nullité du mariage ou la prise d’effet du jugement accordant le divorce; les ex-époux sont réputés avoir cohabité pendant toute l’année où a eu lieu la célébration du mariage et ne pas avoir cohabité pendant l’année du divorce ou de l’annulation du mariage.

[5] Le paragraphe 55(3) prévoit ce qui suit :

  1. (3) Seuls les mois où les ex-époux ont cohabité durant le mariage sont pris en ligne de compte pour déterminer la période à laquelle s’applique le partage des gains non ajustés des ex-époux ouvrant droit à pension. Pour l’application du présent article, les mois où les ex-époux ont cohabité sont déterminés de la manière prescrite par règlement.

[6] Le paragraphe 78(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC) prévoit ce qui suit :

  1. (1) Pour l’application de l’article 55 de la Loi, les mois pendant lesquels les ex-époux ont cohabité comprennent :
    1. a) tous les mois consécutifs, durant le mariage, au cours desquels les ex-époux ont cohabité comme mari et femme sans interruption pendant plus de 90 jours;
    2. b) toute période du mariage précédant la période minimale de 36 mois consécutifs de cohabitation requise par l’alinéa 55(2)a) de la Loi.

[7] Le paragraphe 78(3) du Règlement sur le RPC prévoit ce qui suit :

  1. (3) Pour l’application de l’article 55 de la Loi, si la cohabitation des époux est interrompue pendant plus de 90 jours, tel qu’il est mentionné à l’alinéa (1)a), leur cohabitation est réputée avoir cessé immédiatement avant l’année au cours de laquelle l’interruption a commencé.

[8] La personne qui se croit lésée par une décision rendue en application de l’article 55 a le droit de demander une révision par le ministre en vertu de l’alinéa 81(1)a) du RPC. L’article 82 du RPC prévoit que la personne qui se croit lésée par une décision rendue par le ministre et découlant de la révision en application de l’article 81 peut interjeter appel de cette décision devant le Tribunal.

[9] Le paragraphe 54(1) de la Loi sur le Ministère de l’Emploi et du Développement Social (LMEDS) prévoit que le Tribunal peut rejeter un appel ou confirmer, infirmer ou modifier en tout ou en partie la décision visée par l’appel ou rendre la décision que le ministre aurait dû rendre.

Question en litige

[10] En l’espèce, le Tribunal doit décider si la demande de division des crédits peut être présentée et approuvée et, le cas échéant, déterminer la période de cohabitation qui s’applique pour la division des crédits.

Preuve

[11] L’appelante a présenté une demande de division des crédits le 24 septembre 2012. Dans sa demande, elle a déclaré que la personne mise en cause et elle se sont mariées aux Fidji le 12 décembre 1971 et que le mariage a pris fin le 1er octobre 1982. Dans la demande, l'appelante a déclaré que la personne mise en cause et elle ont résidé pour la dernière fois ensemble le 1er octobre 1982, qu’il n’y a eu aucune cohabitation en union de fait avant le mariage et qu’il n’y a eu aucune période entre le 12 décembre 1971 et le 1er octobre 1982 au cours de laquelle elles n’ont pas habité ensemble.

[12] Au cours des mois suivants, l’intimé a présenté à l’appelante des demandes écrites afin que celle-ci fournisse la copie certifiée conforme du certificat de mariage, la version remplie du formulaire « Déclaration solennelle – Séparation d’époux légaux » et la copie originale ou certifiée conforme de l’ordonnance de divorce.

[13] La demande a été refusée le 2 janvier 2013 parce que l’appelante n’avait pas fourni les documents exigés. L’appelante a présenté une demande de révision de la décision le 25 janvier 2013. Elle a ensuite fourni les documents suivants :

  1. Le formulaire « Déclaration solennelle de mariage légal » présenté par l’appelante le 8 janvier 2013, dans lequel elle a déclaré que la personne mise en cause et elle se sont mariées devant un agent de district à l’hôtel de ville de Nadi, aux îles Fidji, le 12 décembre 1971. Elle a déclaré qu’elle était incapable de présenter un certificat de mariage parce que la copie originale était perdue et qu’elle était incapable d’obtenir un certificat de remplacement.
  2. Le formulaire « Déclaration solennelle - Séparation d’époux légaux » présenté par l’appelante le 8 janvier 2013, dans lequel elle a déclaré que la personne mise en cause et elle ont habité ensemble pour la dernière fois le 1er janvier 1982 et qu’elles ont vécu de façon séparée à partir de cette date jusqu’à ce qu’elles obtiennent le divorce.
  3. La copie d’un jugement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique signé le 21 juin 1983 ordonnant qu’un jugement conditionnel daté du 7 mars 1981 soit déclaré définitif et déclarant que l’appelante et la personne mise en cause étaient ainsi divorcées.

[14] Le 18 avril 2013, l’intimé a écrit à la personne mise en cause pour l’informer de la demande de division des crédits et lui demander de confirmer que l’appelante et elle ont vécu ensemble du 12 décembre 1971 au 1er janvier 1982.

[15] Le 24 mai 2013, l’intimé a informé l’appelante que, étant donné que le divorce a eu lieu avant le 1er janvier 1987 et que sa demande a été présentée plus de 36 mois après le jugement irrévocable, l’accord de la personne mise en cause concernant la demande de division des crédits était requis. On lui a donné un formulaire de renonciation afin que la personne mise en cause la signe et la renvoie le document afin que l’intimé puisse poursuivre le traitement de la demande. L’appelante a été informée que, si le formulaire de renonciation signé n’était pas retourné [traduction] « dans les 90 jours suivant la réception de la lettre », sa demande serait refusée.

[16] Avant la fin des 90 jours, l’intimé a écrit à l’appelante pour l’informer du rejet de sa demande. Voici la décision :

[Traduction]
Nous avons examiné votre lettre du 20 janvier 2013 concernant la division des crédits du RPC accumulés entre [la personne mise en cause] et vous du 12 décembre 1971 au 1er octobre 1982 à la suite de votre divorce.

Nous avons examiné votre admissibilité à une division des crédits de pension avec votre ancien époux. Cependant, vous n’êtes pas admissible, car les époux ayant obtenu le divorce avant 1987 devaient présenter leur demande dans les 36 mois suivant le divorce.

Les renseignements versés au dossier indiquent que vous avez obtenu le divorce le 1er octobre 1982. Votre demande de division des crédits a été reçu le 4 septembre 2012, soit 20 mois après la date de votre divorce. Étant donné que vous avez dépassé le délai de 36 mois, nous ne pouvons pas approuver votre demande de division des crédits.

[17] La personne mise en cause a fourni deux documents que l’intimé a estampillés le 22 août 2013, soit dans le délai prévu de 90 jours :

  1. Un formulaire de renonciation concernant la division des crédits du RPC daté du 20 août 2010 dans lequel la personne mise en cause à accepter de renoncer au délai de 36 mois prévu au paragraphe 55(1) du RPC et dans lequel il a déclaré que l’appelante et elle ont cohabité dans le cadre d’une relation conjugale du 12 décembre 1971 au 1er janvier 1980.
  2. Une déclaration datée du 21 août 2013 dans laquelle la personne mise en cause a déclaré qu’elle n’est pas d’accord avec la période de cohabitation inscrite (12 décembre 1971 au 1er janvier 1982). Elle a déclaré qu’elle est séparée de l’appelante depuis le 1er janvier 1980, que le divorce a été prononcé en 1982 et que l’appelante et elle n’ont jamais vécu ensemble après le divorce.

[18] Dans un avis d’audience au moyen de questions et réponses que l’appelante a reçu le 27 juin 2015, il lui a été demandé d’expliquer la raison pour laquelle elle a choisi des dates différentes de celles de la personne mise en cause relativement à la dernière journée de cohabitation et de fournir une preuve à l’appui d’ici le 24 juillet 2015. Le Tribunal n’a reçu aucune réponse.

[19] Un avis d’audience similaire a été envoyé à la personne mise en cause et elle avait jusqu’au 2 novembre 2015 pour y répondre. Cet avis a été retourné au Tribunal. Selon les dossiers du Tribunal, la personne mise en cause a été jointe par téléphone au sujet du courrier retourné le 26 octobre 2015, et elle a répondu de ne pas s’en faire, puis a raccroché le téléphone.

[20] Le Tribunal a décidé de rendre une décision, car il est évident que ni l’appelante ni la personne mise en cause n’a exprimé l’intérêt de présenter des observations ou d’ajouter des éléments supplémentaires à la preuve.

Observations

[21] Dans son avis d’appel, l’appelante n’a pas abordé la question des dates de cohabitation. Elle a demandé l’accueil de l’appel parce qu’elle n’était pas au courant de la règle des 36 mois et que la personne mise en cause avait consenti à la division des crédits.

[22] L’intimé a soutenu que l’appelante n’a pas présenté une demande de division des crédits dans les 36 mois suivant la date du divorce, comme il est exigé par les dispositions législatives et que l’appel doit donc être rejeté.

Analyse

[23] L’appelante et la personne mise en cause ont obtenu le divorce après le 1er janvier 1978 et avant le 1er janvier 1987. Dans ces circonstances, le paragraphe 55(1) du RPC prévoit qu’une demande de division des crédits peut seulement être présentée si les deux époux en conviennent par écrit. Évidemment, l’appelante a accepté à l’écrit lorsqu’elle a présenté la demande. La personne mise en cause a accepté à l’écrit lorsqu’elle a signé et présenté le formulaire de renonciation le 20 août 2013.

[24] Par conséquent, la demande de division des crédits peut être présentée. Même si le libellé du paragraphe 55(1) laisse entendre que la décision du ministre d’approuver la division des crédits est à sa discrétion, il est évident que le seul obstacle au traitement de cette demande particulière était que le formulaire de renonciation n’avait pas été reçu au moment où la décision découlant de la révision a été rendue.

[25] Le paragraphe 54(1) de la LMEDS prévoit que le Tribunal peut confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision visée par l’appel ou rendre la décision que le ministre aurait dû rendre. Par conséquent, le Tribunal a la compétence d’approuver la division des crédits conformément aux dispositions législatives. Étant donné que les deux parties ont accepté la demande à l’écrit et qu’aucune question n’est soulevée quant à leur cohabitation pendant au moins 36 mois consécutifs durant le mariage, la demande peut être approuvée.

[26] L’autre question concerne la période de cohabitation pendant laquelle la division des crédits s’applique. Seulement les mois durant lesquels les ex-époux sont réputés avoir cohabité durant le mariage selon les dispositions législatives peuvent être pris en considération.

[27] L’appelante a déclaré qu’elle était incapable de présenter un certificat de mariage. L’appelante et la personne mise en cause conviennent qu’elles se sont mariées le 12 décembre 1971. Il s’agit de la date qui a été acceptée par la Cour suprême de la Colombie‑Britannique pour accorder le divorce. Le Tribunal estime que le 12 décembre 1971 est la [traduction] « date de mariage enregistrée ». Conformément à l’alinéa 55(2)b) du RPC, le mariage est réputé avoir été célébré le dernier jour de l’année précédant cette date, à savoir le 31 décembre 1970. Conformément à l’alinéa 55(2)c), l’appelante et la personne mise en cause sont réputées avoir cohabité pendant l’ensemble de l’année 1970.

[28] L’appelante a offert deux dates de séparation différentes. Dans sa demande de division des crédits datée du 13 septembre 2012, elle a déclaré que la personne mise en cause et elle ont habité ensemble pour la dernière fois le 1er octobre 1982. Dans une déclaration solennelle faite quatre mois plus tard le 8 janvier 2013, elle a déclaré que la personne mise en cause et elle ont habité ensemble pour la dernière fois le 1er janvier 1982.

[29] La personne mise en cause a déclaré à deux occasions que les parties se sont séparées le 1er janvier 1980.

[30] Il n’existe aucune autre preuve qui pourrait faire la lumière sur la date de séparation. Ni l’appelante ni la personne mise en cause n’a fourni une preuve pour étayer leurs déclarations relatives à la prétendue date de séparation.

[31] Le Tribunal souligne que les deux parties semblaient ignorer la date réelle de leur divorce et qu’elles ne semblaient pas prêtes à consacrer des effets pour même la vérifier. Ce manque d’intérêt pour fournir des renseignements exacts fait douter de la véracité de leurs déclarations. Cependant, il est évident que les parties étaient mariées et qu’elles ont cessé de cohabiter à un moment donné avant que le jugement conditionnel soit rendu en mars 1983. Le Tribunal doit décider si cela s’est produit selon la preuve portée à sa connaissance.

[32] Le Tribunal préfère la preuve de la personne mise en cause. En l’espace de quatre mois, l’appelante a donnée deux dates de séparation différentes; la personne mise en cause a donné des déclarations cohérentes, et ce même si seulement une journée les sépare. Néanmoins, le Tribunal estime qu’il est plus probable que le contraire que l’appelante et la personne mise en cause ont cessé la cohabitation le 1er janvier 1980 et qu’elles n’ont pas habité ensemble depuis cette date.

[33] Le paragraphe 78(3) du Règlement sur le RPC prévoit que, si la cohabitation des époux est interrompue pendant plus de 90 jours, comme c’était le cas après le 1er janvier 1980, la cohabitation est réputée avoir cessé immédiatement avant l’année au cours de laquelle l’interruption a commencé. Par conséquent, la période de cohabitation est présumée avoir pris fin en 1979.

Conclusion

[34] Le Tribunal conclut que la demande de division des crédits de l’appelante peut être approuvée et est approuvée en fonction d’une période de cohabitation allant de 1970 à 1979.

[35] L’appel est accueilli en partie.

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