Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) de rejeter de façon sommaire l’appel de l’appelante au motif qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[3] L’appelante a présenté une demande de prestation d’enfant de cotisant invalide du Régime de pensions du Canada (RPC) en lien avec la personne mise en cause. L’intimé a reçu la demande en mars 2008. (GT1-32) L’intimé a approuvé la demande et a indiqué que le paiement de la prestation serait rétroactif aux onze mois précédant le mois de réception de la demande. En d’autres termes, le paiement de la prestation devrait débuter en avril 2007.

[4] L’appelante a présenté une demande de révision à l’intimé concernant sa décision de limiter la rétroaction à une période de onze mois. L’intimé a maintenu sa décision initiale, et il explique que la période était limitée en fonction de la date où la demande de prestation avait été faite. (GT1-08) L’appelante a interjeté appel de la décision de révision, et le 16 septembre 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), signifiant un avis à l’appelante de son intention de le faire, a rejeté l’appel de façon sommaire.

Question en litige

[5] La division d’appel du Tribunal doit trancher la question suivante : En choisissant de rejeter l’appel de façon sommaire, la division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou a autrement enfreint le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS)?

[6] La décision de cette question implique forcément une décision antérieure relevant de la compétence de la division générale en ce qui concerne la modification de la date de début du paiement de la prestation d’enfant de cotisant invalide.

Droit applicable

[7] Le RPC permet le versement d’une prestation aux enfants de parents invalides. L’alinéa 44 e) prescrit :

  1. e) une prestation d’enfant de cotisant invalide doit être payée à chaque enfant d’un cotisant invalide qui :
  2. (i) soit a versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité,
  3. (ii) soit est un cotisant à qui une pension d’invalidité aurait été payable au moment où il est réputé être devenu invalide, si une demande de pension d’invalidité avait été reçue avant le moment où elle l’a effectivement été,
  4. (iii) soit est un cotisant à qui une pension d’invalidité aurait été payable au moment où il est réputé être devenu invalide, si un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension n’avait pas été effectué en application des articles 55 et 55.1;

[8] Le début du versement de la prestation est régi par l’article 74 du RPC, lequel prescrit au paragraphe (2),

Début du versement de la prestation – Sous réserve de l’article 62, lorsque le paiement d’une prestation d’enfant de cotisant invalide ou d’une prestation d’orphelin est approuvé, relativement à un cotisant, la prestation est payable pour chaque mois à compter :

  1. a) dans le cas d’une prestation d’enfant de cotisant invalide, du dernier en date des mois suivants :
    1. (i) le mois à compter duquel une pension d’invalidité est payable au cotisant en vertu de la présente loi ou selon un régime provincial de pensions,
    2. (ii) le mois qui suit celui où l’enfant est né ou est devenu de quelque autre manière l’enfant du cotisant;

Toutefois, ce mois ne peut en aucun cas être antérieur au douzième précédant le mois suivant celui où la demande a été reçue.

[9] Donc, l’article 74 limite effectivement la période de rétroactivité du paiement à onze mois avant le mois où la demande de prestation d’enfant de cotisant invalide a été réellement reçue.

[10] Le RPC fixe aussi des règles en ce qui concerne le versement des prestations et le processus de demandes de prestations. Le RPC prescrit qu’une personne doive réellement présenter une demande pour recevoir une prestation. Donc, les dispositions suivantes sont sous l’article 60 du RPC :

Demande de prestation (1) – Aucune prestation n’est payable à une personne sous le régime de la présente loi, sauf si demande en a été faite par elle ou en son nom et que le paiement en ait été approuvé selon la présente loi.

Les faits

[11] La demanderesse a déclaré que la personne mise en cause est sous ses soins efficaces et sa surveillance depuis qu’elle était une jeune enfant. La demanderesse a fait une demande de pension d’invalidité aux termes du RPC en janvier 2001. À ce moment, elle n’avait pas inclus la personne mise en cause dans sa demande. Ce n’est qu’en mars 2008 que la demanderesse a tenté d’obtenir des prestations d’enfant de cotisant invalide pour la personne mise en cause. La demanderesse a affirmé qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait faire la demande jusqu’à peu avant qu’elle ne le fasse.

Observations

[12] La représentante de l’intimé a fait valoir que la division générale a correctement rejeté l’appel. Elle a déclaré que le membre de la division générale a correctement cité le critère applicable aux rejets sommaires en application de l’article 53 de la Loi sur le MEDS et que le membre a invoqué les critères juridiques pertinents en ce qui a trait aux conditions à remplir du RPC, lesquels [traduction] « gouvernent l’application pour la prestation d’enfant de cotisant invalide et le paiement rétroactif maximal d’une prestation. » (AD2-7) Dans l’observation de l’intimé, la décision de la division générale ne renferme pas d’erreur susceptible de révision. Par conséquent, l’appel devrait être rejeté.

[13] L’appelante a soumis un nombre de documents incluant des fiches médicales et scolaires qui démontrent son implication de longue date avec les soins et l’éducation de la personne mise en cause. L’appelante maintient son point de vue que la période de rétroactivité devrait être plus longue que celle des onze mois qui ont été accordés.

Analyse

[14] Le critère pour le rejet sommaire d’un appel est que l’« appel n’a aucune chance raisonnable de succès. » La disposition applicable est formulée en termes péremptoires : la division générale doit rejeter de façon sommaire un appel si elle est convaincue qu’il (l’appel) n’a aucune chance raisonnable de succès. La question, bien sûr, est donc : comment un décideur détermine-t-il ce qui représente une chance raisonnable de succès?

[15] Avant de trancher sur la question, la division d’appel doit décider de l’approche requise pour aborder les appels pour les décisions de la division générale, à savoir s’il y a lieu d’effectuer une analyse relative à la norme de contrôle. De récentes décisions de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale indiquent que ce n’est, probablement, pas requis et que la division d’appel se doit de limiter son enquête sur l’évaluation à savoir si la division générale a manqué aux dispositions du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[16] Dans Canada (Procureur général) c. Paradis; Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242 (CanLII), la Cour d’appel fédérale a fait une distinction entre les appels entendus selon les mesures transitoires prévues par la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, L.C. 2012, c. 19, art. 266-267 et les appels de décisions rendues par la division générale du Tribunal. La Cour d’appel fédérale a pris la position que lorsque la division d’appel entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, le pouvoir du Tribunal, la division d’appel doit se limiter au mandat qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi.

[19] ... Lorsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la Division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi. Elle doit notamment déterminer si la Division générale a « rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier » (alinéa 58(1)b) de la Loi). Il n’est nul besoin de greffer à ce texte la jurisprudence qui s’est développée en matière de contrôle judiciaire.

[17] La Cour d’appel fédérale est retournée à la question dans la décision Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 FCA 274, affirmant la position établie dans Jean Paradis. Dans Tracey c. Canada (Procureur général) 2015 CF 1300, la Cour fédérale a décidé de la question dans le contexte des demandes de permission d’en appeler des décisions de la division générale. Comme pour les précédentes décisions de la Cour d’appel fédérale, la Cour fédérale a souligné que le champ d’application de compétence de la division d’appel pour accorder ou refuser une permission d’en appeler a été défini et énoncé dans la Loi sur le MEDS. À ce sujet, le juge Roussel s’est ainsi exprimé [traduction] :

« Par contraste, sous l’ancien régime qui était ancré dans la Common Law par le biais de la jurisprudence, le critère que doit appliquer la DA-TSS lorsqu’elle se prononce sur la question de savoir si l’autorisation d’interjeter un appel doit être accordée ou refusée est maintenant énoncé au paragraphe 58(2) de la LMEDS. L’autorisation d’interjeter un appel est refusée si la DA-TSS est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[18] D’après Jean, Maunder et Tracey, la division d’appel doit déterminer si la décision de la division générale de rejeter de façon sommaire l’appel de l’appelante constitue une erreur qui pourrait être utilisée comme moyen d’appel tel qu’on les énonce au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Pour les raisons qui suivent, la division d’appel conclut qu’aucune erreur n’est commise dans la décision de rejeter sommairement l’appel.

[19] La principale question soulevée devait décider si la division générale avait commis une erreur lorsqu’elle a choisi de rejeter sommairement l’appel de l’appelante. Après avoir examiné les circonstances du cas et la loi applicable, la division d’appel estime que la division générale n’a commis aucune erreur.

La compétence de la division générale

[20] Le RPC limite la rétroactivité du versement d’une prestation d’enfant de cotisant invalide à onze mois avant le mois où la demande a été reçue. L’appelante désire obtenir une plus longue rétroactivité de paiement. Toutefois, la question ne porte pas seulement sur le montant accordé à la personne mise en cause après qu’elle ait atteint la majorité, comme le laisse entendre l’appelante.

[21] Il s’agit d’une question de juridiction. Le Tribunal a été créé en vertu de la législation. Alors, le Tribunal n’a que les pouvoirs que la loi lui confère; une position clairement énoncée par la Cour suprême du Canada dans R. c. Conway, 2010 CSC 22. Dans l’arrêt ConwayNote de bas de page 1, la CSC a clairement statué qu’un tribunal ne peut accorder que les réparations que sa loi constitutive l’habilite à accorder. La juge Abella, s’exprimant au nom de la CSC, après avoir conclu que la Commission ontarienne d’examen (Commission) était un tribunal compétent pour ce qui est d’accorder des réparations au titre de l’article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés, a refusé à M. Conway les réparations qu’il demandait. La juge Abella a fait la conclusion suivante [traduction] :

[101] « Conclure que la Commission peut accorder à M. Conway une libération inconditionnelle même si elle estime qu’il représente un risque important pour la sécurité du public, ou ordonner au CTSM de lui prodiguer un traitement particulier irait manifestement à l’encontre de l’intention du législateur. Compte tenu du régime législatif et des considérations d’ordre constitutionnel, la Commission ne peut accorder pareilles réparations à M. Conway. »

[22] L’article 74 limite effectivement la période de rétroactivité du paiement à onze mois avant le mois où la demande de prestation d’enfant de cotisant invalide a été faite, et la division générale, par conséquent le Tribunal, ne possède pas la compétence pour s’écarter de la loi et donner à l’appelante un paiement rétroactif plus important, quel que soit le mérite de l’appelante. La division générale ne pouvait pas faire exception pour l’appelante. Qu’il en soit ainsi est clairement énoncé par la décision de l’affaire Conway.

La division générale a-t-elle correctement rejeté l’appel?

[23] Pour de récentes décisions, les membres de la division d’appel ont exprimé en ces termes le critère à appliquer aux cas de rejet sommaire : « Est-il évident et manifeste, sur la foi du dossier, que l’appel est voué à l’échec? » M.C. c. Commission de l’emploi du Canada, 2015 TSSDA 237.

[24] Il est de l’avis de la division d’appel que pour les situations où les faits ne sont pas contestés, le droit applicable est clair, et que, sur ces faits non contestés, la loi établit qu’une décision claire n’est pas en faveur de l’appelant; alors c’est une situation où l’appel n’aurait aucune chance raisonnable de succès. Pour un tel cas, il serait « évident et manifeste » que l’appel est voué à l’échec et donc, il serait tout aussi approprié pour la division générale de rejeter l’appel de façon sommaire. La représentante de l’intimé tenait aussi cette position dans ses observations.

[25] La division d’appel conclut qu’il s’agit d’un tel cas. Bien que la personne mise en cause ait été sous les soins et la surveillance de l’appelante depuis son très jeune âge, le fait est que l’appelante ne l’a pas incluse dans sa demande de prestation d’invalidité du RPC lorsqu’elle l’a soumise en janvier 2001. Ce n’est qu’en mars 2008 que l’appelante a demandé d’inclure la personne mise en cause comme enfant de cotisant invalide. Certes, il se peut que l’omission fût involontaire, mais le régime législatif, spécifiquement l’article 74 du RPC, ne permet pas le prolongement de la période de onze mois avant la date de la demande initiale pour une pension d’invalidité. Donc, il était « évident et manifeste » que l’appel était voué à l’échec. Par conséquent, la division générale a correctement invoqué l’article 53 de la Loi sur le MEDS pour rejeter l’appel de façon sommaire.

Conclusion

[26] L’appel est rejeté.

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