Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelante interjette appel d’une décision de la division générale datée du 9 novembre 2015 qui a rejeté de façon sommaire son appel d’une décision rejetant sa demande d’obtention d’une date de rétroactivité antérieure pour les versements de sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada (RPC). La division générale a rejeté sommairement l’appel, car elle était convaincue qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[2] L’appelante a interjeté appel de la décision de la division générale le 8 décembre 2015 (« avis d’appel »). Aucune permission d’en appeler n’est requise pour interjeter un appel en vertu du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), car un rejet sommaire prononcé par la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Comme il a été établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, une décision doit être rendue, comme l’exige l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[3] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur en décidant de rejeter l’appel de l’appelante de façon sommaire ?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur en déterminant que l’appelante n’avait pas droit à une période de rétroactivité plus longue pour le versement de sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada ?

Historique de l'instance

[4] L’appelante est née en mai 1941. Elle a eu 70 ans en mai 2011. Elle a présenté une demande de pension de retraite au titre du Régime de pensions du Canada en mai 2014. Une pension de retraite était payable à partir de juin 2013, c’est-à-dire, 11 mois précédant la date à laquelle sa demande a été présentée. L’appelante a demandé une période de rétroactivité plus longue du versement de sa pension à partir de juin 2011, c’est-à-dire, le mois suivant son 70e anniversaire.

[5] L’intimé a refusé la demande de l’appelante pour une période de rétroactivité plus longue, et ce, au stade initial ainsi qu’après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès de la division générale le 15 octobre 2014.

[6] Le 3 juin 2015, l’intimé a déposé ses observations. L’intimé a fait valoir qu’en vertu du paragraphe 67(3.1) du Régime de pensions du Canada, l’appelante n’avait pas droit à une période de rétroactivité plus longue de sa pension de retraite.

[7] Le 21 septembre 2015, l’intimé a présenté une demande pour que l’appel soit rejeté. L’intimé a fait valoir que la demande de l’appelante pour changer la date de début de sa pension de retraite n’aurait pas de chance de succès, car le Régime de pensions du Canada ne permet pas à l’intimé d’apporter ces changements. L’intimé a fait valoir que l’appelante n’avait pas droit à une période de rétroactivité plus longue de sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada, et qu’elle a déjà reçu sa pension de retraite à la date de début la plus antérieure à laquelle est a droit comme le prévoit le Régime de pensions du Canada.

[8] Dans une lettre datée du 6 octobre 2015, la division générale a avisé l’appelante par écrit qu’elle envisageait de rejeter l’appel de façon sommaire pour les raisons suivantes : La division générale a écrit ce qui suit [traduction] :

Le paragraphe 67(3.1) du RPC prévoit à quel moment un cotisant peut commencer à recevoir sa pension. La pension de retraite dont le paiement est approuvé est payable à compter du dernier en date des mois suivants :

  1. (i) le mois au cours duquel le demandeur a atteint l’âge de 60 ans ;
  2. (ii) le mois suivant celui au cours duquel la demande a été reçue, si le demandeur n’avait pas atteint l’âge de 65 ans au moment de la demande ;
  3. (iii) le 11e mois précédant celui au cours duquel la demande a été reçue, si le demandeur n’avait pas atteint l’âge de 65 ans au moment de la demande ;
  4. (iv) le mois choisi par le demandeur dans la demande

La preuve au dossier confirme que votre demande de pension de retraite a été reçue par le ministre le 16 mai 2014. Au moment où votre demande a été reçue, vous aviez atteint l’âge de 64 ans. Par conséquent, la date de début de votre période de rétroactivité la plus antérieure pour votre pension de retraite serait le 11e mois précédant celui au cours duquel la demande a été reçue par le ministre, c’est-à-dire, en juin 2013.

[9] La division générale a invité l’appelante à fournir par écrit des observations détaillées au plus tard le 6 novembre 2015 si elle était d’avis que l’appel ne devait pas être rejeté de façon sommaire, en expliquant pourquoi son appel avait une chance raisonnable de succès.

[10] L’appelante a présenté des observations au Tribunal de la sécurité sociale le 30 octobre 2015, indiquant qu’elle n’a pas présenté de demande de pension de retraite plus tôt, car elle n’était pas au courant [traduction] « que la règle du 11e mois existait pour les versements rétroactifs, et que cette règle serait appliquée avec autant de rigueur ». Elle a fait valoir qu’elle devrait avoir droit à des versements rétroactifs à partir de juin 2011 parce qu’elle a cotisé au Régime de pensions du Canada pendant les années au cours desquelles elle était employée et parce qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait recevoir une pension de retraite même si elle travaillait encore après l’âge de 70 ans. Elle a écrit que [traduction] « [d’]être mal informé ne devrait pas pénaliser à ce point un individu ».

[11] La division générale a rendu sa décision le 9 novembre 2015. La division générale a constaté que la date la plus antérieure à laquelle la pension de retraite de l’appelante pouvait débuter était en juin 2013, c’est-à-dire, le 11e mois précédant celui au cours duquel sa demande a été reçue par l’intimé. La division générale a également déterminé qu’aucune disposition du Régime de pensions du Canada ne conférait à la division générale de compétence ou de pouvoir pour modifier la date de début des versements de la pension de retraite de l’appelante. Puisque la division générale a déterminé que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès, elle a rejeté sommairement l’appel.

[12] Le 8 décembre 2015, l’appelante a porté en appel la décision relative au rejet sommaire rendue par la division générale. Elle a affirmé que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle. Elle a indiqué qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait présenter une demande de pension de retraite plus tôt, même si elle travaille et qu’elle a plus de 70 ans.

[13] Le 23 décembre 2015, le Tribunal de la sécurité sociale a écrit à l’appelante pour lui demander des précisions et des renseignements sur la façon dont la division générale n’avait pas observé un principe de justice naturelle. L’appelante a répondu au Tribunal de la sécurité sociale par lettre datée du 4 janvier 2016.

Observations

[14] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] L’appelante soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle. Elle affirme qu’elle a [traduction] :

... versé des cotisations au Régime de pensions du Canada au cours de toutes [ses] années de service, et qu’une retenue des paiements rétroactivement jusqu’à l’âge de 70, alors [qu’elle] aurait eu droit d’en recevoir est injuste et s’inscrit dans le cadre de « ne pas observer un principe de justice naturelle » par la division générale... Il s’agit d’une grande perte pour [elle] et d’un lourd prix à payer pour avoir été mal informée au sujet de la date limite pour présenter sa demande de prestations du Régime de pensions du Canada. La justice devrait veiller à ce que les prestations soient versées rétroactivement au moment où les cotisations ne sont plus versées au RPC, même s’il y avait une petite pénalité pour les demandes tardives. Une décision juste n’imposerait pas une pénalité aussi sévère (il s’agit quand même de deux ans de prestations) pour avoir simplement présenté sa demande tardivement.

[16] L’intimé n’a pas présenté d’observations dans cette instance.

Première question en litige : La division générale a-t-elle commis une erreur en décidant de rejeter sommairement l’appel de l’appelante ?

[17] L’appelante n’a pas abordé la question de la pertinence de la procédure de rejet sommaire de son appel auprès de la division générale, mais je vais tout de même me pencher sur la question.

[18] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS exige que la division générale rejette un appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. Si la division générale n’a pas indiqué le critère approprié ou qu’elle a mal énoncé ce critère, elle a alors commis une erreur de droit.

[19] La division générale devait tout d’abord énoncer correctement le critère à appliquer pour déterminer s’il y a lieu de prononcer un rejet sommaire. C’est ce qu’elle a fait en citant le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS dans sa décision. Une fois que le critère applicable a été correctement établi, la division générale était ensuite tenue d’appliquer le droit aux faits.

[20] La division générale a déterminé que l’appel de l’appelante n’avait aucune chance de réussite, compte tenu du droit et des faits. Les faits et la loi étaient incontestables. La division générale a examiné les observations de l’appelante selon lesquelles la rétroactivité limitée de sa pension de retraite était injuste. La division générale a noté qu’aucune disposition du Régime de pensions du Canada ne permettait de rallonger la rétroactivité des versements. La division générale a conclu que ses pouvoirs se limitaient à ceux que lui conférait sa loi habilitante et qu’elle devait interpréter et appliquer les dispositions de la façon prévue dans le Régime de pensions du Canada. La division générale a déterminé que les dispositions du Régime de pensions du Canada étaient claires et que la preuve était sans équivoque.

[21] J’estime que comme la division générale était convaincue que l’appel était dénué de fondement, c’est à juste titre qu’elle a conclu que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès et qu’elle l’a rejeté de façon sommaire pour cette raison.

Deuxième question en litige : La division générale a-t-elle commis une erreur en déterminant que l’appelante n’avait pas droit à une période de rétroactivité plus longue pour le versement de sa pension de retraite ?

[22] Qu’il ait été approprié ou non de rejeter l’appel de façon sommaire, je vais examiner la question à savoir si, comme le soutient l’appelante, la division générale a commis une erreur en déterminant qu’elle n’avait pas droit à une période de rétroactivité plus longue pour le versement de sa pension de retraite au motif que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle.

[23] Bien que la division générale n’a peut-être pas été influencée par les conséquences de son refus d’accorder une période de rétroactivité prolongée pour le versement de la pension de retraite de l’appelante, cela ne semble pas être un manquement aux principes de justice naturelle. Après tout, comme mon collègue P. Lafontaine l’a expliqué dans l’affaire D.P. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada et dans l’affaire D.R.A. Holdings Ltd. (23 novembre 2015), non publiée pour l’instant (AD-15-989), les principes de justice naturelle existent pour veiller à ce que toute personne assujettie à la compétence d’une instance judiciaire ou quasi judiciaire reçoive comme il se doit un avis de comparution, se voie offrir la possibilité raisonnable de défendre sa cause et puisse s’attendre à ce que la décision soit rendue de façon impartiale ou sans crainte ou apparence de partialité. Le fait que l’appelante a subi une grande perte ne signifie pas que la division générale a négligé de lui donner la possibilité de plaider sa cause ou encore qu’elle semblait avoir un parti pris contre l’appelante ou qu’elle avait réellement un parti pris contre l’appelante. Par conséquent, on ne peut pas affirmer que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle.

[24] Par ailleurs, l’appelante ne suggère aucunement que la division générale a refusé d’exercer sa compétence. Comme l’a noté à juste titre la division générale, elle n’avait pas la compétence et n’était pas habilitée à prolonger la période maximale de rétroactivité en vertu du Régime de pensions du Canada.

[25] L’intimé a invoqué le paragraphe 67(3.1) du Régime de pensions du Canada qui s’applique à une pension de retraite qui devient payable le 1er janvier 2012 ou après. Cependant, l’appelante suggère que sa pension de retraite devrait être payable à partir de juin 2011. Théoriquement, si tel était le cas, il semblerait que le paragraphe 67(2) du Régime de pensions du Canada régirait. Le paragraphe 67(2) prévoit que la pension de retraite est payable mensuellement et commence avec le dernier en date des mois suivants :

. . .

  1. (e) le douzième mois précédant le mois suivant celui au cours duquel le requérant a produit sa demande, s’il était âgé de plus de soixante-dix ans au moment où il l’a produite ; [...]

[26] Même le paragraphe 67(2) prévoit une rétroactivité limitée du versement de la pension de retraite. Même si ce paragraphe s’appliquait (ce qui n’est pas le cas), le « douzième mois précédant le mois suivant celui au cours duquel » indique encore une fois que le début des versements de la pension de retraite est le 1er janvier 2012. Ainsi, le paragraphe 67(3.1) du Régime de pensions du Canada s’applique en l’espèce. Cet article indique ce qui suit :

Ouverture de la pension de retraite à compter du 1er janvier 2012

(3.1) En ce qui concerne une pension de retraite qui devient payable à compter du 1er janvier 2012, si les requérants ne sont pas des ayants droit et sous réserve de l’article 62, la pension dont le paiement est approuvé est payable mensuellement à compter du dernier en date des mois suivants :

  1. (a) le mois au cours duquel le requérant atteint l’âge de soixante ans ;
  2. (b) le mois suivant celui au cours duquel la demande du requérant a été reçue, s’il n’avait pas atteint l’âge de soixante-cinq ans au moment de la réception ;
  3. (c) le onzième mois précédant celui au cours duquel la demande du requérant a été reçue, s’il a atteint l’âge de soixante-cinq ans avant la réception, ce onzième mois ne pouvant en aucun cas être antérieur à celui au cours duquel il a atteint l’âge de soixante-cinq ans ;
  4. (d) le mois que choisit le requérant dans sa demande. (Souligné par mes soins)

[27] Le dernier de ces scénarios est l’alinéa 67(3.1)c). La division générale a correctement calculé que le « onzième mois précédant celui au cours duquel la demande du requérant a été reçue », en l’espèce, était en juin 2013. En vertu du Régime de pensions du Canada, il s’agit de la date de début la plus antérieure à laquelle l’appelante a droit de recevoir le versement de sa pension de retraite compte tenu des circonstances.

Conclusion

[28] Compte tenu de ces considérations, l’appel est rejeté.

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