Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’appelant et la tierce partie se sont mariés le 20 août 1977 et se sont séparés le 1er juin 1997. Dans des cas comme celui qui nous occupe, le Régime de pensions du Canada (RPC) permet que des droits à pension accumulés par d’anciens conjoints au cours de leur période de cohabitation soient regroupés puis divisés entre eux à parts égales. C’est ce que l’on appelle en bonne et due forme le « partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension » (PGNAP), et plus couramment le « partage du crédit » (les deux expressions sont utilisées sans distinction ci-après).

[2] Le partage du crédit peut avoir pour effet de hausser ou de réduire le montant de la pension de retraite à laquelle le cotisant a droit. Dans la présente affaire, l’appelant a présenté une demande de partage du crédit, ce qui a eu pour effet de réduire sa pension de retraite; il a donc demandé l’autorisation de retirer cette demande. L’intimé a reconnu que l’appelant avait le droit de retirer sa demande de partage du crédit, mais il a refusé de l’accepter, invoquant l’expiration du délai prescrit pour le faire.

[3] Pour les motifs qui suivent, l’appel est accueilli.

Mode d’audience

[4] Le présent appel a été instruit par la voie de questions et réponses écrites pour les motifs suivants :

  1. les questions en litige ne sont pas complexes;
  2. il y avait de l’information manquante et (ou) il était nécessaire d’obtenir des précisions;
  3. la crédibilité n’est pas une question principale;
  4. Ce mode d’audience satisfait à l’obligation, énoncée dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de procéder de façon aussi informelle et rapide que possible dans la mesure où les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Droit applicable

[5] Les pensions de retraite sont établies par l’alinéa 44(1)a) du RPC. Le montant d’une pension de retraite est fixé en application de l’article 46 du RPC, et peut être modifié par l’effet d’un PGNAP.

[6] Pour les couples mariés qui se séparent le 1er janvier 1987 ou après cette date, le PGNAP est autorisé par l’alinéa 55.1(1)b) du RPC (pourvu qu’il soit satisfait à toutes les conditions préalables). Sans délai après avoir reçu une demande de partage du crédit en conformité avec cette disposition, le ministre donne à chacune des parties visées, par écrit, un avis de la période pour laquelle il y aura partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension : paragraphe 55.2(4) du RPC et paragraphe 46(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC).

[7] Dès qu’il y a partage en application de l’article 55.1 du RPC, les personnes visées par le partage en sont avisées de la manière prescrite : paragraphe 55.2(10) du RPC. La « manière prescrite » est définie davantage au par. 46(2) du Règlement sur le RPC dans les termes suivants :

  1. 46 (2) L’avis prévu aux paragraphes 55(8) ou 55.2(10) de la Loi doit être donné par écrit et contenir les renseignements applicables qui suivent :
    1. a) la date du mariage et celle de la dissolution du mariage des personnes visées par le partage;
    2. b) la période de cohabitation pour laquelle a été effectué le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension;
    3. c) le montant, avant le partage, des gains non ajustés ouvrant droit à pension des personnes visées par le partage;
    4. d) le montant, après le partage, des gains non ajustés ouvrant droit à pension des personnes visées par le partage;
    5. e) les conséquences du partage sur les prestations qui sont payables aux personnes visées par le partage ou à leur égard;
    6. f) le droit de demander une révision, prévu au paragraphe 81(1) de la Loi;
    7. g) tout autre renseignement que le ministre juge nécessaire.

[8] Aux termes de l’alinéa 26c) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, dans les vingt jours suivant la date à laquelle il reçoit la copie d’un appel, l’intimé dépose auprès du Tribunal une copie de tout avis qu’il a donné à l’appelant conformément à l’article 46 du Règlement sur le RPC.

[9] Le pouvoir de retirer une demande de PGNAP faite en application de l’alinéa 55.1b) du RPC est établi au paragraphe 45(3) du Règlement sur le RPC, qui prescrit que le requérant peut retirer la demande « en faisant parvenir un avis écrit au ministre dans les 60 jours suivant la réception de l’avis de la décision relative à la demande ».

Question en litige

[10] L’appelant peut-il retirer sa demande de partage du crédit que l’intimé a reçue le 16 mai 2013 (GD2-23)?

[11] Pour répondre à cette question, le Tribunal doit aussi prendre en considération la date à laquelle l’intimé a vraisemblablement donné avis à l’appelant conformément aux paragraphes 55.2(4) et (10) du RPC.

Preuve et observations

[12] L’intimé a reçu la demande de pension de retraite au titre du Régime de pensions du Canada de l’appelant le 9 avril 2013 (GD2-43). L’appelant a indiqué qu’il souhaitait obtenir sa pension dès qu’il y serait admissible (GD2-44). Comme il ne devait avoir soixante ans qu’au mois de décembre 2013, il n’était admissible à toucher sa pension de retraite qu’au mois de janvier 2014.

[13] La demande de pension de retraite contenait aussi des questions se rapportant aux enfants de l’appelant et à la possibilité de partager le crédit, ces éléments étant susceptibles d’avoir une incidence sur le montant de sa pension.

[14] Le 11 juin 2013, l’intimé a écrit à l’appelant concernant la demande qu’il avait faite en vue de tirer profit de la disposition du RPC relative à l’éducation des enfants, laquelle avait le potentiel de hausser sa pension de retraite mensuelle. Sur réception de tous les renseignements nécessaires, l’intimé a confirmé par lettre à l’appelant, datée du 17 septembre 2013, que le montant de sa pension mensuelle passerait de 421,04 $ à 438,61 $.

[15] La demande de partage du crédit de l’appelant a été reçue le 16 mai 2013 (GD2-29). Dans cette demande, l’appelant a expliqué comment lui et la personne mise en cause s’étaient mariés le 20 août 1977 et s’étaient séparés le 1er juin 1997 (GD2-31). Le 10 septembre 2013, l’intimé a demandé à l’appelant de fournir des renseignements supplémentaires concernant cette demande (GD2-27). En réponse, l’appelant a donc fourni une copie de son certificat de mariage (GD2-13), une déclaration solennelle (GD2-14), et un accord de séparation (GD2-15).

[16] Le 28 janvier 2014, l’appelant a communiqué avec l’intimé au téléphone pour s’informer du montant de sa pension de retraite (GD2-12). Dans une lettre datée du 17 février 2014, l’intimé a expliqué dans le détail le calcul de la prestation de retraite de l’appelant (GD2-8). Il a aussi exposé les raisons très particulières pour lesquelles la pension de retraite mensuelle de l’appelant s’élevait à 438,61 $ avant le partage du crédit et pour lesquelles elle avait été ramenée à 421,61 $ après le partage du crédit (GD2-10). Cette lettre tenait surtout en une explication plutôt qu’en une décision, et elle ne faisait aucune mention, à l’intention de l’appelant, de quelque droit que ce soit à un réexamen auquel il aurait pu avoir droit.

[17] Quoi qu’il en soit, dans une lettre datée du 22 février 2014 (que l’intimé a reçue le 27 février 2014), l’appelant a indiqué à l’intimé qu’il souhaitait « en appeler de mon partage du crédit parce que vous ne m’avez jamais informé que ma pension serait réduite » [traduction] (GD2-7) (souligné dans l’original).

[18] Dans une lettre datée du 5 mars 2014, l’intimé a reconnu avoir reçu une demande de réexamen de sa décision sur le partage du crédit (GD2-6). Il y a lieu de reproduire dans son intégralité la décision rendue par l’intimé en réexamen le 23 avril 2014 (GD2-4) :

Nous avons reçu votre demande de partage du crédit au titre du RPC le 16 mai 2013, et cette demande a été traitée le 19 novembre 2013.

Le 20 novembre 2013, notre ministère vous a envoyé par la poste un avis du droit au partage du crédit, et cette lettre devrait avoir indiqué vos gains ouvrant droit à pension et avant et après le partage du crédit.

Une demande de partage du crédit au titre du Régime de pensions du Canada peut être retirée aux conditions suivantes : 

  • le requérant présente par écrit une demande de retrait de sa demande;
  • la demande est reçue dans les soixante jours suivant la date à laquelle le client a été avisé de la décision approuvant la demande de partage du crédit.

Étant donné que l’avis du droit au partage du crédit au titre du RPC vous a été envoyé en novembre 2013, vous auriez dû soumettre votre demande de retrait de votre demande au plus tard au mois de janvier 2014.

[19] L’appelant a été avisé qu’en cas de désaccord, il pouvait interjeter appel au Tribunal, ce qu’il a fait par lettre au Tribunal, datée du 6 mai 2014 (GD1-1).

[20] Le Tribunal fait une courte pause pour reconnaître que les termes utilisés par l’appelant manquent d’une certaine précision. Plus particulièrement, lorsqu’il a appris que sa pension de retraite mensuelle avait été réduite, l’appelant a demandé un « appel » (GD2-7), lequel terme, l’appelant soutient-il, a été utilisé par l’un des représentants de l’intimé (GD1-1). Or, l’appelant aurait dû dire plus exactement qu’il souhaitait retirer sa demande de partage du crédit (en application du paragraphe 45(3) du Règlement sur le RPC). En bout de ligne, le Tribunal conclut que cet élément est sans conséquence, car l’intimé a manifestement compris l’objectif visé par l’appelant, à savoir renverser le partage du crédit, ce dont il est tenu compte dans la décision en réexamen citée précédemment, qui renvoie aux circonstances dans lesquelles une demande de partage du crédit peut être retirée (GD2-4).

[21] Le Tribunal a reçu la lettre et l’avis d’appel de l’appelant, datés du 6 mai 2014, le 13 mai 2014 (GD1). Conformément au processus qu’il suit habituellement sur réception d’un appel, le Tribunal a remis à l’intimé une liste de vérification des documents qui figurent à l’article 26 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale et demandé que des copies de tout document pertinent lui soient fournies. Sur la liste de vérification qu’il a retournée au Tribunal, l’intimé a inscrit « S.O. » à côté de la demande spécifique de tout « avis envoyé en application de l’article 46 ou 46.1 du Règlement sur le RPC » [traduction] (GD2-1).

[22] Toutefois, le 21 octobre 2015, ayant remarqué le renvoi dans la décision en réexamen à un « Avis du droit au partage du crédit » daté du 20 novembre 2013, le Tribunal a spécifiquement demandé une copie de l’avis en question (GD3). Sans aucune autre explication, l’intimé a plutôt fourni un document, daté du 29 octobre 2015, intitulé « Un partage du crédit au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) a été approuvé » (GD4). Le document énonce des renseignements essentiels sur le partage du crédit, ainsi que les gains non ajustés ouvrant droit à pension de l’appelant avant et après le partage. Il indique en outre qu’un réexamen de la décision peut être demandé dans un délai de 90 jours, sans préciser cependant l’incidence que le partage du crédit aura sur la pension de retraite mensuelle de l’appelant.

[23] Il ressort de l’avis d’appel (GD1-1) et de la réponse de l’appelant aux questions du Tribunal (GD5-1) que l’appelant ignorait quel effet le partage du crédit aurait sur sa pension de retraite mensuelle à la date à laquelle il en a fait la demande. Toutefois, l’appelant a prévu ce problème et il a demandé à l’intimé ce qu’il devait faire si sa pension était réduite. Apparemment, l’un des représentants de l’intimé a dit à l’appelant qu’il devrait « en appeler » en cas de résultat défavorable (GD1-1). Or, l’appelant affirme qu’il n’a reçu de l’intimé aucun avis de réduction de sa pension de retraite mensuelle jusqu’à ce qu’il touche son premier paiement au mois de janvier 2014. Lorsqu’il a réalisé que ce paiement était inférieur au montant auquel il s’était attendu, il a réagi aussi rapidement que possible pour corriger la situation.

[24] En réponse aux questions du Tribunal (GD0), la personne mise en cause a indiqué que, lorsque l’appelant lui a fait part de la possibilité de partager le crédit, elle a appelé l’intimé, qui l’a informée que, si elle consentait au partage du crédit, sa prestation de retraite mensuelle serait réduite d’environ 20 $ (lorsqu’elle soumettrait sa demande de pension) (GD6). Elle a affirmé qu’elle a consenti à ce partage et que tous ont tenu pour acquis que son ex-mari en bénéficierait. Cela étant, la personne mise en cause a fait remarquer qu’il aurait dû être évident pour l’intimé que ni elle ni l’appelant n’auraient souhaité privilégier une option qui paraît aujourd’hui être dans l’intérêt ni de l’un ni de l’autre.

[25] Les questions que le Tribunal a posées à l’intimé portaient surtout sur la nature de l’avis qui a été remis à l’appelant en application de l’article 46 du Règlement sur le RPC et sur la date à laquelle il a été remis (GD0). L’intimé a répondu dans les termes suivants (GD7-1) :

  1. Après le processus de partage du crédit qui a eu lieu le 19 novembre 2013, le système a produit un avis, qui a été mis à la poste le 20 novembre 2013 (Référence : Calendrier national de production au titre du RPC, décembre 2013, modification no 9). Étant donné qu’il s’agit d’un avis généré par un système, il n’en est fait aucune mention dans le compte du client. Le 21 octobre 2015, le Tribunal a demandé une copie de l’avis daté du 20 novembre 2013 (GD3); puisqu’il s’agit d’une lettre générée par un système et que celle-ci ne figure pas au dossier, le représentant a dû produire une copie, qui portait la date du 29 octobre 2015.
  2. Deux avis d’admissibilité ont été envoyés au client après le processus de partage du crédit. Le premier, le 20 novembre 2013 et le deuxième, le 8 janvier 2014.
  3. Le partage du crédit a été effectué le 19 novembre 2013, et un avis d’admissibilité a été envoyé le lendemain, soit le 20 novembre 2013. Le client devait commencer à toucher la prestation de retraite au mois de janvier 2014, si bien qu’un autre avis d’admissibilité mensuel a été envoyé avant la date de début de la prestation. Cet avis d’admissibilité a été envoyé le mercredi 8 janvier 2014 (Référence : Calendrier national de production au titre du RPC, janvier 2014, modification no 1).

[Souligné dans l’original.]

[26] Si ce n’est ce qui a déjà été décrit, le Tribunal n’a reçu aucune autre observation de l’une ou l’autre partie.

Analyse

[27] L’intimé a reçu la demande de partage du crédit de l’appelant le 16 mai 2013 (GD2-29). Dans sa décision en réexamen, datée du 23 avril 2014, l’intimé a reconnu que la demande de partage du crédit aurait pu être retirée si l’appelant en avait fait la demande par écrit dans un délai de 60 jours suivant la date à laquelle il avait été informé de la décision selon laquelle sa demande avait été approuvée.

[28] La question qui se pose, donc, est celle de savoir à quelle date l’appelant a été informé que sa demande de partage du crédit avait été approuvée?

[29] L’appelant affirme qu’il n’a jamais été informé que sa demande de partage du crédit avait été approuvée, ou à tout le moins qu’il n’a jamais été informé de la façon dont ce partage modifierait sa pension de retraite mensuelle.

[30] L’intimé a indiqué, initialement, qu’aucun avis en application de l’article 46 du Règlement sur le RPC n’avait été donné (GD2-1). Sur demande spécifique du Tribunal, l’intimé a par la suite remis à ce dernier un avis qui avait été apparemment donné en application de l’article 46 du Règlement sur le RPC (GD4). Plus récemment, l’intimé a informé le Tribunal que deux avis « générés par le système » avaient été envoyés à l’appelant : le premier, le 20 novembre 2013 et le deuxième, le 8 janvier 2014 (GD7-1). L’intimé signale qu’aucune mention d’un avis généré par un système n’a été faite au compte du client ou, dans la présente affaire, au dossier de l’appelant.

[31] Le Tribunal croit comprendre que l’avis qui lui a été remis et qui a été produit sous la cote GD4 est l’avis du 20 novembre 2013, mais que, puisqu’aucune copie de cet avis n’a été versée au dossier de l’appelant, il a dû être reproduit, et la date qui figure sur le document GD4 est la date à laquelle il a été imprimé par suite de la demande du Tribunal.

[32] En dépit de la demande faite par le Tribunal dans l’avis d’audience (GD0) et des obligations imposées à l’intimé par l’article 26 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, l’intimé n’a encore remis au Tribunal aucune copie de l’avis qu’il aurait envoyé à l’appelant le 8 janvier 2014. Aucune conclusion ne peut être tirée sur le fondement de ce document, puisqu’il n’a jamais été communiqué au Tribunal.

[33] À l’appui des déclarations qui figurent à la page GD7-1, selon lesquelles des avis ont été envoyés à l’appelant le 20 novembre 2013 et le 8 janvier 2014, l’intimé renvoie à un « Calendrier national de production au titre du RPC, décembre 2013, modification no 9 » et à un « Calendrier national de production au titre du RPC, janvier 2014, modification no 1 ». Le Tribunal n’a aucune connaissance de ces documents et aucune copie ne lui a été remise. En conséquence, ces renvois n’ont aucune valeur de l’avis du Tribunal.

[34] L’appelant était manifestement désireux de savoir quel impact la demande de partage du crédit allait avoir sur sa pension de retraite mensuelle, et il affirme qu’il a réagi rapidement pour interjeter appel de la décision dès qu’il en a pris connaissance, à savoir à la date à laquelle il a reçu sa première prestation au mois de janvier 2014. Sur ce fondement, le Tribunal admet que l’appelant aurait réagi encore plus rapidement s’il avait connu les conséquences du partage du crédit à une date antérieure.

[35] Dans l’ensemble, le Tribunal conclut que les déclarations écrites de l’appelant sont appuyées par les documents au dossier. L’appelant a été informé le 17 septembre 2013 que sa prestation de retraite mensuelle s’élevait à 438,61 $ et que le premier paiement serait effectué au mois de janvier 2014 (GD2-34). Après avoir touché le premier versement, dont la somme était inférieure, l’appelant a communiqué avec l’intimé, le 28 janvier 2014, pour demander une explication (GD2-12). La réponse de l’intimé lui est parvenue sous forme de lettre, datée du 17 février 2014 (GD2-8), que l’appelant a contestée le 22 février 2014 (GD2-7).

[36] Par opposition, la preuve de l’intimé comporte des lacunes à de nombreux égards :

  1. En dépit de son obligation de le faire, l’intimé a initialement indiqué au Tribunal qu’il n’avait pas remis à l’appelant l’avis visé à l’article 46 du Règlement sur le RPC (GD2-1). À ce jour, et malgré une demande spécifique du Tribunal, l’intimé n’a remis à ce dernier que l’un des deux avis qu’il soutient avoir donné à l’appelant en application de l’article 46 du Règlement sur le RPC (GD4).
  2. Les avis qui auraient été envoyés à l’appelant en application de l’article 46 du Règlement sur le RPC ont été générés par un système, et aucune mention de ces avis n’a été faite dans le dossier de l’appelant.
  3. L’on ignore si la personne qui a préparé les réponses de l’intimé à la page GD7 sait si les avis datés du 20 novembre 2013 et du 8 janvier 2014 ont été envoyés à quelque moment que ce soit à l’appelant. L’intimé renvoie plutôt à un calendrier national de production au titre du RPC, que le Tribunal ne connaît pas.
  4. L’intimé n’a produit aucune preuve indiquant que l’appelant a reçu les avis du 20 novembre 2013 et du 8 janvier 2014. Le Tribunal conclut plutôt, sur le fondement de l’intégralité de la preuve, que l’appelant n’a vraisemblablement jamais reçu les avis du 20 novembre 2013 et du 8 janvier 2014.
  5. Le seul avis sur lequel l’intimé se fonde et qui figure dans le dossier du Tribunal (GD4) ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 46(2)e) du Règlement sur le RPC, car il n’indique pas l’effet du partage sur la pension de retraite mensuelle de l’appelant.

[37] Aux fins du présent appel, le Tribunal n’est pas tenu de déterminer si chaque élément énuméré au paragraphe 46(2) du Règlement sur le RPC doit figurer dans un avis unique ou si ces éléments peuvent être répartis dans plusieurs avis. Dans la présente affaire, et compte tenu de la preuve produite, le Tribunal conclut que la date la plus rapprochée à laquelle l’appelant aurait pu être informé de tous les éléments énumérés au paragraphe 46(2) du Règlement sur le RPC serait la date à laquelle il a reçu la lettre de l’intimé datée du 17 février 2014 (GD2-8). Et puisque l’objection de l’appelant à l’égard du partage du crédit a été reçue par l’intimé 10 jours plus tard seulement (GD2-7), cette objection a été faite dans le délai de 60 jours prescrit par le paragraphe 45(3) du Règlement sur le RPC et doit être traitée en conséquence.

[38] La conclusion du Tribunal est renforcée par la décision rendue dans l’affaire Greco c. MHRD (23 octobre 2002), CP 18977 (CAP), bien que celle-ci ne lie pas le Tribunal. Dans cette affaire, qui compte de nombreuses similarités avec la présente affaire, la Commission d’appel des pensions a souligné le rôle important que la disposition sur l’avis joue dans les cas où le ministre procède à un PGNAP. En conséquence, la Commission a conclu que le ministre avait à tort donné suite à une demande de PGNAP parce qu’il avait omis de donner avis ainsi que le prescrit le paragraphe 55.2(4) du RPC. Le résultat est le même dans le présent appel, puisque le Tribunal ne peut accepter l’affirmation de l’intimé selon laquelle un avis suffisant du partage du crédit a été donné à l’appelant en novembre 2013.

[39] En outre, le Tribunal invoque la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Canada (P.G.) c. Vinet-Proulx, 2007 CF 99, bien que le contexte soit fort différent. Dans cette affaire, une requérante avait une bonne preuve qu’une demande de pension avait été envoyée au ministre, mais le ministre niait l’avoir reçue. En bout de ligne, la Cour fédérale a statué que la requérante n’avait pas droit à la rétroactivité accrue sur le fondement d’une demande qui avait mystérieusement disparue. La Cour fédérale a plutôt conclu que la requérante avait une obligation de livrer sa demande aux bureaux de l’intimé et qu’en la faisant parvenir par la poste, elle avait pris le risque faible mais appréciable qu’elle soit perdue.

[40] Dans la présente affaire, l’intimé était tenu de donner avis du partage du crédit aux parties visées. Ces exigences relatives à l’avis, ainsi qu’il est indiqué dans l’affaire Greco, sont essentielles à l’application des dispositions sur le PGNAP. Leur importance ressort également de l’exigence selon laquelle ces avis doivent être donnés au Tribunal en cas d’appel. Or, l’intimé n’a tenu aucun registre de ces avis, n’a pris aucune précaution supplémentaire pour en assurer la livraison en toute sécurité (comme l’obtention d’une preuve de livraison), et il n’a remis aucune copie au Tribunal jusqu’à ce qu’il ait été appelé expressément à le faire (et même alors, le Tribunal n’a obtenu qu’un des deux avis qui auraient été donnés).

[41] Étant donné que les requérants comme Mme Vinet-Proulx doivent en subir les conséquences si leurs documents n’arrivent pas à la destination souhaitée, l’intimé doit aussi assumer le fardeau dans les cas où le ministre a une obligation de donner avis, mais qu’il ne peut démontrer qu’il l’a fait.

[42] En ce qui a trait à la preuve produite, le Tribunal conclut que l’intimé aurait pu s’acquitter de l’obligation que lui impose le paragraphe 46(2) du Règlement sur le RPC d’envoyer un avis le 17 février 2014 au plus tôt. En conséquence, l’appelant dispose de 60 jours à compter du 17 février 2014 pour demander le retrait de sa demande de partage du crédit, ce qu’il a fait validement dans une lettre que l’intimé a reçue le 27 février 2014 (GD2-7).

[43] Avant de conclure, le Tribunal signale que, si l’information fournie par la personne mise en cause est juste, le partage du crédit a pour effet de réduire la pension de retraite de l’appelant et la sienne. Dans ces circonstances, le ministre pourrait avoir un pouvoir discrétionnaire résiduel d’annuler le partage en application du paragraphe 55.1(5) du RPC.

[44] Enfin, l’appelant et la personne mise en cause se sont plaint tous les deux du délai et de l’effort requis pour régler la question. Malheureusement, la façon dont le présent appel s’est déroulé a engendré également chez le Tribunal un sentiment de frustration. Le Tribunal n’a aucun lien de dépendance avec l’intimé et compte sur le ministère pour obtenir les renseignements dont il a besoin pour rendre une décision juste. Or, le membre soussigné a constaté que, dans le cadre du présent appel, l’intimé a été peu utile, ce qui est inhabituel.

Conclusion

[45] Ainsi qu’il a été expliqué précédemment, le Tribunal conclut que les exigences relatives à l’avis qui sont énoncées aux paragraphes 55.2(4) et 55.2(10) du RPC et qui sont décrites en plus de détail aux paragraphes 46(1) et (2) du Règlement sur le RPC sont essentielles à l’application des dispositions sur le PGNAP. Si l’on se reporte au paragraphe 45(3) du Règlement sur le RPC, une fois que les demandeurs d’un PGNAP sont avisés de la décision concernant leur demande, ils disposent d’un délai de 60 jours pour donner avis par écrit de leur volonté de retirer leur demande, le cas échéant.

[46] Dans le présent appel, la question de savoir à quel moment le délai de 60 jours a commencé à courir se pose.

[47] L’intimé a fait valoir que l’avis d’une décision a été donné à l’appelant dans une lettre datée du 20 novembre 2013, ce qui signifie que l’appelant avait jusqu’au mois de janvier 2014 pour soumettre par écrit une demande de retrait de sa demande de partage du crédit (GD2-4).

[48] Or, le Tribunal a conclu que l’avis du 20 novembre 2013 n’a pas été reçu par l’appelant ou que l’avis était déficient en ce sens qu’il n’a pas satisfait aux exigences de l’alinéa 46(2)e) du Règlement sur le RPC. Plus particulièrement, l’avis du 20 novembre 2013 n’a pas décrit l’effet que le partage aurait sur la pension de retraite mensuelle de l’appelant (voir copie de l’avis à la page GD4, bien que la date du 29 octobre 2015 soit inexacte).

[49] Au contraire, compte tenu de la preuve dans le dossier du Tribunal, l’appelant n’aurait pu être informé avant le 17 février 2014 de l’effet que le partage du crédit aurait sur sa pension de retraite mensuelle. Sur réception de cette information, l’appelant a écrit à l’intimé le 22 février 2014 et lui a demandé en bonne et due forme d’interjeter appel (à savoir que sa demande soit retirée) et l’intimé a reçu la demande écrite le 27 février 2014 (GD2-7).

[50] Dans les circonstances, la demande de l’appelant de retirer sa demande de PGNAP a été reçue dans le délai prescrit par le paragraphe 45(3) du Règlement sur le RPC.

[51] L’appel est accueilli.

Annexe A – Dispositions législatives pertinentes

Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), c. C-8  

55.1 (1) Subject to this section and sections 55.2 and 55.3, a division of unadjusted pensionable earnings shall take place in the following circumstances:

  1. (a) […];
  2. (b) in the case of spouses, following the approval by the Minister of an application made by or on behalf of either spouse, by the estate or succession of either spouse or by any person that may be prescribed, if
    1. (i) the spouses have been living separate and apart for a period of one year or more,

55.1 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article et des articles 55.2 et 55.3, il doit y avoir partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension dans les circonstances suivantes :

  1. a) […];
  2. b) dans le cas d’époux, à la suite de l’approbation par le ministre d’une demande faite par l’un ou l’autre de ceux- ci ou pour son compte, ou par sa succession ou encore par une personne visée par règlement, si les conditions suivantes sont réunies :
    1. (i) les époux ont vécu séparément durant une période d’au moins un an,

(5) Before a division of unadjusted pensionable earnings is made under this section, or within the prescribed period after such a division is made, the Minister may refuse to make the division or may cancel the division, as the case may be, if the Minister is satisfied that

  1. (a) benefits are payable to or in respect of both persons subject to the division; and
  2. (b) the amount of both benefits decreased at the time the division was made or would decrease at the time the division was proposed to be made.

(5) Avant qu’ait lieu, en application du présent article, un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension, ou encore au cours de la période prescrite après qu’a eu lieu un tel partage, le ministre peut refuser d’effectuer ce partage, comme il peut
l’annuler, selon le cas, s’il est convaincu que :

  1. a) des prestations sont payables aux deux personnes visées par le partage ou à leur égard;
  2. b) le montant des deux prestations a diminué lors du partage ou diminuerait au moment où il a été proposé que le partage ait lieu.

55.2 (4) The Minister shall, without delay after being informed of a judgment granting a divorce or a judgment of nullity of a marriage or after receiving an application under section 55 or paragraph 55.1(1)(b) or (c), notify each of the persons subject to the division, in the prescribed manner, of the periods of unadjusted pensionable earnings to be divided, and of any other information that the Minister considers necessary.

55.2 (4) Sans délai après avoir été informé d’un jugement accordant un divorce ou d’un jugement en nullité de mariage, ou après avoir reçu une demande en conformité avec l’article 55 ou les alinéas 55.1(1)b) ou c), le ministre donne à chacune des personnes visées par le partage, en la manière prescrite, un avis de la période pour laquelle il y aura partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension, de même que de tout autre renseignement jugé nécessaire par le ministre.

(5) Where there is a division under section 55.1, the unadjusted pensionable earnings for each person subject to the division for the period of cohabitation attributable to contributions made under this Act, determined in the same manner as the total pensionable earnings attributable to contributions made under this Act are determined in section 78, shall be added and then divided equally, and the unadjusted pensionable earnings so divided shall be attributed to each person.

[…]

(5) Dans les cas où il y a partage en application de l’article 55.1, il y a addition des gains non ajustés ouvrant droit à pension de chacune des personnes visées par le partage pour la période de cohabitation se rapportant à des cotisations versées selon la présente loi, déterminés de la même manière que le total des gains ouvrant droit à pension afférents à des cotisations versées selon la présente loi est déterminé conformément à l’article 78, et ensuite, tant partage en parts égales des gains ouvrant droit à pension ainsi additionnés qu’attribution de ces parts à chacune de ces personnes.

[…]

(9) Where there is a division under section 55.1 and a benefit is or becomes payable under this Act to or in respect of either of the persons subject to the division for a month not later than the month following the month in which the division takes place, the basic amount of the benefit shall be calculated and adjusted in accordance with section 46 and adjusted in accordance with subsection 45(2) but subject to the division, and the adjusted benefit shall be paid effective the month following the month in which the division takes place but in no case shall a benefit that was not payable in the absence of the division be paid in respect of the month in which the division takes place or any prior month.

(9) Dans les cas où il y a partage en application de l’article 55.1 et qu’une prestation est ou devient payable, conformément à la présente loi, à ou à l’égard de l’une ou l’autre des personnes visées par le partage au plus tard le mois qui suit le mois du partage, le montant de base de la prestation est calculé et ajusté conformément à l’article 46, de même qu’ajusté conformément au paragraphe 45(2), mais compte tenu de ce partage, et la prestation ajustée est payée avec effet lors du mois suivant le mois au cours duquel il y a partage; toutefois, il ne peut être payé une prestation qui n’aurait pas été payable, n’eût été le partage, pour le mois au cours duquel il y a partage ou tout mois antérieur à celui-ci.

(10) Where there is a division under section 55.1, both persons subject to the division, or their respective estates, shall be notified in the prescribed manner.

(10) Dès qu’il y a partage en application de l’article 55.1, les personnes visées par le partage, ou leurs ayants droit, en sont avisées de la manière prescrite.

(11) The Governor in Council may make regulations prescribing

  1. (a) the time, manner and form of making applications for a division of unadjusted pensionable earnings or withdrawal of applications for such division;
  2. (b) the procedures to be followed in dealing with and approving such applications and the information and evidence to be furnished in connection therewith; and
  3. (c) the effective dates of the approval or taking place of a division and of the attribution of pensionable earnings following a division.

(11) Le gouverneur en conseil peut, par règlement :

  1. a) fixer les délais et les modalités de présentation ou de retrait des demandes de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension;
  2. b) prévoir la procédure à suivre pour examiner ces demandes et les approuver, de même que les renseignements et la preuve à fournir à ce sujet;
  3. c) fixer la date à laquelle prend effet le partage ou son approbation et celle à laquelle prend effet l’attribution de gains ouvrant droit à pension à la suite d’un partage.
Règlement sur le Régime de pensions du Canada, CRC, c. 385  
45 (3) An applicant for a division of unadjusted pensionable earnings under section 55 or paragraph 55.1(1)(b) or (c) of the Act may withdraw the application by sending a notice in writing to the Minister not later than 60 days after the date of receipt by the applicant of notification of the decision respecting the application.

45 (3) Le requérant peut retirer la demande de partage, en application de l’article 55 ou des alinéas 55.1(1)b) ou c) de la Loi, des gains non ajustés ouvrant droit à pension en faisant parvenir un avis écrit au ministre dans les 60 jours suivant la réception de l’avis de la décision relative à la demande.

46 (1) A notification required by subsection 55.2(4) of the Act shall be effected by giving notice in writing.

(2) A notification required by subsection 55(8) or 55.2(10) of the Act shall be effected by giving notice in writing containing such of the following information as is applicable:

  1. (a) the dates of marriage and dissolution of marriage of the persons subject to the division;
  2. (b) the period of cohabitation for which the division of unadjusted pensionable earnings has been made;
  3. (c) the amount of unadjusted pensionable earnings, prior to the division, of the persons subject to the division;
  4. (d) the amount of unadjusted pensionable earnings of the persons subject to the division as a result of the division;
  5. (e) the effect of the division on any benefit that is payable to or in respect of the persons subject to the division;
  6. (f) a statement of the right to make a request for a reconsideration referred to in subsection 81(1) of the Act; and
  7. (g) any other information that the Minister deems necessary.

46 (1) L’avis prévu au paragraphe 55.2(4) de la Loi est donné par écrit. Régime de pensions du Canada;

(2) L’avis prévu aux paragraphes 55(8) ou 55.2(10) de la Loi doit être donné par écrit et contenir les renseignements applicables qui suivent :

  1. a) la date du mariage et celle de la dissolution du mariage des personnes visées par le partage;
  2. b) la période de cohabitation pour laquelle a été effectué le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension;
  3. c) le montant, avant le partage, des gains non ajustés ouvrant droit à pension des personnes visées par le partage;
  4. d) le montant, après le partage, des gains non ajustés ouvrant droit à pension des personnes visées par le partage;
  5. e) les conséquences du partage sur les prestations qui sont payables aux personnes visées par le partage ou à leur égard;
  6. f) le droit de demander une révision, prévu au paragraphe 81(1) de la Loi
  7. g) tout autre renseignement que le ministre juge nécessaire.
Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, DORS/2013-60  

26 The Minister must, within 20 days after the day on which the Minister receives a copy of an appeal, file the following with the Income Security Section:

  1. (a) a copy of the application that gave rise to the decision being appealed;
  2. (b) if applicable, the information relating to the marriage that is referred to in subsection 54(2) of the Canada Pension Plan Regulations;
  3. (c) a copy of any notification given in accordance with section 46 or 46.1 of the Canada Pension Plan Regulations.
    […]

26 Dans les vingt jours suivant la date à laquelle il reçoit la copie d’un appel, le ministre dépose auprès de la section de la sécurité du revenu :

  1. a) une copie de la demande ayant donné lieu à la décision qui fait l’objet de l’appel;
  2. b) s’il y a lieu, les renseignements concernant le mariage mentionnés au paragraphe 54(2) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada;
  3. c) une copie de tout avis donné conformément aux articles 46 ou 46.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada;
    […]
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