Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Comparutions

H. G., administratrice de la succession et sœur du cotisant décédé, Monsieur B. T.

Contexte

[1] L’appel porte sur la question de savoir si l’appelante est admissible à la prestation de décès du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Le cotisant décédé (feu B. T. ou Monsieur B. T.) est mort le 17 décembre 2008 (voir acte de décès à GD2-8). Le 7 juillet 2009, le tuteur et curateur public de la Saskatchewan (Saskatchewan) a présenté une demande de prestation de décès du RPC à titre d’administrateur nommé d’office de la succession de Monsieur B. T. (voir demande à GD2-5 à GD2-7, ou demande de 2009). Le 11 juin 2014, Mme H. G., à titre d’administratrice nommée d’office de la succession de Monsieur B. T., a présenté une autre demande de prestation de décès du RPCF (demande de 2014).

[3] Le 22 juillet 2014, l’intimé a refusé la demande de 2014. Il a maintenu son refus dans le cadre de la révision datée du 27 février 2015. Mme H. G., au nom de la succession, a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal le 22 avril 2015 (GD1).

[4] Le Tribunal a envoyé une lettre d’avis d’audience aux parties le 6 avril 2016. L’avis les informait que l’audience était prévue le 15 juin 2016 (GD0).

[5] Le 2 juin 2016, l’intimé a demandé que le Tribunal rejette sommairement l’appelant au motif que, selon son observation, l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès (GD3).

[6] L’audience relative à l’appel a été instruite par téléconférence pour les motifs énoncés dans l’avis d’audience, à savoir :

  • la complexité des questions en litige;
  • il manque des renseignements au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications.

Question préliminaire en litige : demande de rejet sommaire de l’appel (GD3)

[7] Au début de l’audience, Mme H. G. a fait valoir que les observations de l’intimé demandant un rejet sommaire du litige et figurant à la page GD3 ne devraient pas être admises par le Tribunal parce qu’elles ont été présentées après le délai de dépôt prévu dans l’avis d’audience. Elle n’a pas reçu le GD3 avant le 9 juin 2016, soit après la période de réponse prévue dans l’avis d’audience et moins d’une semaine avant l’audience mise au rôle. On ne lui a pas donné la possibilité raisonnable de répondre au GD3.

[8] Le Tribunal doit rejeter l’appel de façon sommaire s’il est convaincu que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès selon le paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Mme H. G. fait valoir un argument probant selon lequel la demande de rejet sommaire de l’intimé ne doit pas être admise dans le cadre du dossier d’audience. Pour les motifs donnés dans l’avis d’appel et ci-dessous, l’appel n’est pas un candidat approprié au rejet sommaire, peu importe si GD3 est admis ou non. De plus, un ajournement serait inapproprié parce que Mme H. G. n’en a pas fait la demande et qu’elle était prête pour tenir l’audience. La demande formulée par l’intimée de rejeter l’appel de façon sommaire est donc refusée.

Question principale en litige : Admissibilité à la prestation de décès du rpc

Observations concernant la question principale faisant l’objet de l’appel

[9] Mme H. G. exprime clairement l’observation de l’appelant de la façon suivant dans l’avis d’appel :

[traduction]

Mon frère B. T. avait des dépenses finales liées à son décès. Ma mère, G.T., a assumé ces dépenses. Il n’avait pas de testament. Il n’avait pas de conjoint de fait. Il vivait seul. Ma mère, G. T., aurait été la seule personne valide pouvant recevoir une prestation de décès de mon frère B. T. Ma mère, G. T., est décédée le 18 mars 2014.

Ma mère et moi avons présenté la demande de prestation de décès de B. T. en janvier dernier après qu’elle m’a dit qu’elle n’avait pas formulé une demande. Nous avons demandé une copie de son certificat de naissance. Je l’ai reçue et j’ai présenté une demande de prestation de décès par la suite.

Je crois que vous avez versé la prestation de décès de B. T. à quelqu’un d’autre par erreur. Mon frère mérite un marqueur / une pierre tombale à sa tombe. Ma mère ne pouvait pas se le permettre. Je suis maintenant l’administratrice de la succession de mon frère B. T. et j’aime recevoir la prestation afin que je puisse acheter une pierre tombale et ainsi honorer la mémoire de mon frère.

(GD1-3)

[10] À la fin de l’audience, Mme H. G. a fait valoir que le versement de la prestation à la Saskatchewan devait être complètement renversé parce que feu sa mère et elle ont payé les frais funéraires de Monsieur B. T., et non la Saskatchewan. Elle a fait valoir que la Saskatchewan ne devrait pas être autorisée à recevoir la prestation de décès si une enquête raisonnable de l’intimé aurait conclu que Monsieur B. T. avait un plus proche parent.

[11] L’observation de l’intimé peut être résumée de la façon suivant : étant donné que la succession de Monsieur B. T. n’a pas présenté une demande de prestation de décès du RPC dans les 60 jours suivant son décès, du point de vue du droit, l’intimé a correctement versé la prestation au premier demandeur, à savoir la Saskatchewan. La prestation ne peut être versée qu’une fois. Par conséquent, elle ne peut pas être versée à la succession de Monsieur B. T.

Témoignage

[12] Mme H. G. a dit que le délai de 60 jours prévu pour qu’une succession présente une demande de prestation est un [traduction] « élément déficient » du RPC parce qu’il donne à peine une période de deuil au plus proche parent, et surtout l’occasion de s’occuper des affaires financières d’une succession. Elle a déclaré que feu sa mère et elle ont payé les frais funéraires de Monsieur B. T. Elle a ajouté l’intimé n’a communiqué ni avec elle ni avec feu la mère de Monsieur B. T. afin de savoir si Monsieur B. T. avait une succession ou un plus proche parent à la suite de son décès. Elle était perplexe quant à la façon dont le tuteur public (Saskatchewan) est devenu l’administrateur de la succession et dont il a touché la prestation de décès si Monsieur B. T. avait trois parents vivants dans la même ville. Elle a ensuite reconnu que cela pouvait être en raison du fait que Monsieur B. T. n’avait pas de testament lors de son décès. Quoi qu’il en soit, Mme H. G. a ajouté que, si l’intimé avait fait preuve d’une diligence raisonnable, ce litige aurait pu être réglé par les parents vivants de Monsieur B. T., et non par le tuteur public (Saskatchewan).

Droit applicable et analyse

[13] L’article 60 du RPC énonce le principe général selon lequel les prestations versées en vertu du RPC ne peuvent être versées à moins qu’une demande soit présentée.

[14] Les dispositions pertinentes du RPC concernant l’admissibilité à la prestation de décès sont les suivantes.

[15] L’article 71 du RPC et l’article 64 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC) prévoient qui peut recevoir la prestation de décès du RPC :

  1. 71. (1) Lorsque le paiement d’une prestation de décès est approuvé, le ministre doit, sauf selon ce qui est prévu aux paragraphes (2) et (3), payer la prestation de décès aux ayants droit du cotisant.
    1. (2) Exceptions – Le ministre peut, par directive, prévoir le paiement, en tout ou en partie, d’une prestation de décès à la personne ou à l’organisme prescrit dans l’un ou l’autre des cas suivants :
      1. a) il est convaincu, après enquête raisonnable, qu’il n’y a pas d’ayants droit ;
      2. b) les ayants droit n’ont pas demandé la prestation de décès dans le délai prescrit suivant le décès du cotisant;
      3. c) le montant de la prestation de décès est inférieur au montant prescrit.

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  1. 64. (1) Dans le cas visé à l’alinéa 71(2)a) de la Loi ou lorsque les ayants droit d’un cotisant n’ont pas demandé la prestation de décès dans les 60 jours suivant le décès du cotisant ou que le montant de la prestation de décès est inférieur aux deux tiers de 10 % du maximum des gains annuels ouvrant droit à pension pour l’année de son décès, s’il est décédé avant le 1er janvier 1998, ou est inférieur à 2 387 $, s’il est décédé après le 31 décembre 1997, la directive émise en application du paragraphe 71(2) de la Loi peut, sous réserve des paragraphes (2) et (3), prévoir le paiement de la prestation de décès :
    1. a) à la personne ou à l’établissement qui a payé les frais funéraires du cotisant décédé ou en est responsable;
    2. b) à défaut de la personne ou de l’établissement visés à l’alinéa a), au survivant du cotisant décédé;
    3. c) à défaut de personne ou d’établissement visé à l’alinéa a) ou de survivant visé à l’alinéa b), au plus proche parent du cotisant décédé.

[souligné par le soussigné]

[16] Le paragraphe 71(3) du RPC prévoit que la prestation de décès ne peut être versée qu’une seule fois :

71. (3) Lorsqu’un paiement est effectué en application du paragraphe (2), le ministre n’est pas tenu d’effectuer ce paiement à un requérant subséquent.

[souligné par le soussigné]

[17] Finalement, le paragraphe 57 du RPC explique le montant payable de la prestation de décès :

57. (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), une prestation de décès payable à la succession d’un cotisant est un montant global égal :

  1. a) soit à six fois le montant de la pension de retraite du cotisant, calculé comme le prévoit le paragraphe (2);
  2. b) soit à dix pour cent du maximum des gains annuels ouvrant droit à pension, pour l’année au cours de laquelle le cotisant est décédé, en choisissant le moindre de ces deux montants.
  3. (1.1) Plafond – Si le cotisant est décédé après le 31 décembre 1997, le montant global visé au paragraphe (1) ne peut dépasser 2 500 $.

[18] La Cour d’appel fédérale a expliqué la façon dont ces dispositions fonctionnent dans l’arrêt Cormier c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 514. La Cour a déclaré que l’intimé n’assume l’obligation prévue par la loi de payer une prestation de décès qu’envers les ayants droit. Si les ayants droit omettent de présenter une demande dans les 60 jours suivant le décès, cela n’entraîne que le déclenchement du pouvoir discrétionnaire que peut exercer l’intimé au titre du paragraphe 71(2) pour verser la prestation aux personnes prévues par la loi, ce qui ne comprend pas les ayants droit du cotisant. La Cour a ajouté que l’obligation de l’intimé de verser le paiement aux ayants droit au titre du paragraphe 71(1) continue, et ce même si les représentants des ayants droit ne présentent pas une demande de prestation de décès dans les 60 jours suivant le décès. Cependant, si les ayants droit ne présentent pas une demande dans les 60 jours qui suivent et que l’intimé fait le paiement discrétionnaire au titre du paragraphe 71(2), le paragraphe 71(3) prévoit expressément que l’intimé n’est plus tenu de verser le paiement aux ayants droit s’il présente ensuite une demande au titre du paragraphe 71(1).

[19] En l’espèce, Monsieur B. T. est décédé le 17 décembre 2008. Il n’existe aucune preuve d’une demande de prestation de décès dans les 60 jours suivant cette date. L’intimé a fait un paiement discrétionnaire à la Saskatchewan conformément à l’alinéa 71(2)b) du RPC après que la Saskatchewan a présenté une demande de prestation en juillet 2009. L’alinéa 71(2)b) prévoit le pouvoir discrétionnaire à l’intimé pour payer la prestation de décès à une personne ou à un organisme prévu par la loi.

[20] La disposition législative applicable à l’article 64 du Règlement sur le RPC est importante et elle ne peut pas être ignorée. L’alinéa 64a) prévoit la condition précise selon laquelle l’établissement ou la personne autre que la succession (Saskatchewan en l’espèce) qui paie ou assume la responsabilité du paiement des frais funéraires du cotisant décédé (Monsieur B. T.) reçoit la prestation de décès. En l’espèce, la Saskatchewan n’a pas respecté cette précondition. Dans sa demande de 2009, elle a délibérément et précisément présenté une demande de prestation de décès à titre d’administratrice nommée d’office en plaçant un « X » à la case à cet effet. Plus particulièrement, la case à côté de « personne assumant les frais funéraire » directement en dessous n’est pas cochée (voir question 12 de la demande de 2009 à GD2-6). À côté de cette option de la demande concernant les frais funéraires figurent les instructions suivantes : « Vous devez joindre à votre demande le contrat pour les funérailles ou les reçus pour les frais funéraires. » Sans surprise, rien ne démontre dans le dossier d’appel que la Saskatchewan a payé les frais funéraires de Monsieur B. T. ou qu’elle en a assumé la responsabilité. La seule preuve concernant le paiement des frais funéraires de Monsieur B. T. est celle donnée sous serment par Mme H. G., qui a déclaré que feu la mère de Monsieur B. T. et elle ont payé ces frais à titre de plus proches parentes de Monsieur B. T.

[21] Probablement parce qu’il ne le savait pas, en raison de l’absence de preuve d’une enquête par l’intimé quant à l’existence d’une succession ou d’un plus proche parent, l’intimé a versé la prestation à la Saskatchewan. L’intimé se fonde sur le paragraphe 71(3) du RPC selon lequel la prestation ne doit être versée qu’une fois. Cependant, après examen de l’explication de la Cour d’appel fédérale et des dispositions législatives applicables citées ci-dessus, le Tribunal estime que l’intimé n’est pas protégé par le paragraphe 71(3) en l’espèce. Le paragraphe 71(3) prévoit explicitement que la condition suivante pour la responsabilité relative au paiement unique, à savoir que le paiement a été fait « en application du paragraphe 2 », c’est-à-dire le paragraphe 71(2) du RPC. En l’espèce, l’intimé n’a pas respecté le paragraphe 71(2) parce qu’il n’a pas versé la prestation [traduction] « prescrite ». L’article 64 du Règlement du RPC prévoit la disposition selon laquelle le paiement doit être versé dans l’ordre de préférence suivante : a) la personne ou l’établissement qui a payé les frais funéraires du cotisant décédé (Monsieur B. T. en l’espèce) ou en est responsable; b) le survivant de Monsieur B. T.; c) le plus proche parent de Monsieur B. T. La Saskatchewan n’a clairement pas respecté l’une de ces dispositions. L’intimé a commis une erreur en versant la prestation à la Saskatchewan. Par conséquent, la responsabilité de l’intimé quant au paiement de la prestation à la succession demeure conformément au paragraphe 71(1) du RPC.

[22] En résumé, puisque la responsabilité en matière de paiement unique prévue au paragraphe 71(3) n’est pas concernée en l’espèce, le Tribunal estime que le paiement de la prestation doit être fait auprès de l’appelante. Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale précédemment et comme l’estime le Tribunal en l’espèce, l’obligation de l’intimé de payer la prestation de décès à la succession continue conformément au paragraphe 71(1) du RPC. L’appelante est admissible à la prestation de décès parce que l’intimé n’a pas respecté l’exception à la règle prévue au paragraphe 71(2), car elle a versé la prestation à une entité autre que celle prévue à l’article 64 du Règlement. Par conséquent, le paragraphe 71(3) n’exonère pas l’intimé de sa responsabilité prévue par la loi de verser la prestation à l’appelante.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli. L’intimé doit verser la prestation de décès du RPC à l’appelante.

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