Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale le 10 février 2016. La DG a tenu une audience par comparution le 11 décembre 2015 et a conclu que la demanderesse n’était pas éligible au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP ou partage de crédits) au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) parce que sa demande avait été présentée plus de quatre ans après s’être séparée de son ancien conjoint de fait (personne mise en cause).

[2] Le 30 mars 2016, à l’intérieur du délai prescrit, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel (DA) et y détaillait les moyens d’appel allégués.

[3]   Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Aperçu

[4] La demanderesse a présenté une demande de PGNAP le 12 avril 2006. Dans sa demande, elle a mentionné que sa période de cohabitation avec la personne mise en cause a pris fin le 5 mai 2002.

[5] En septembre 2006, la personne mise en cause a informé le défendeur que lui et la demanderesse ont vécu ensemble du 28 septembre 1996 au 26 novembre 2001, moment où ils se sont séparés suite à une entente verbale. Il a mentionné qu’elle a continué à vivre dans une chambre de son appartement jusqu’à ce qu’elle quitte pour Halifax en mai 2002.

[6] Le défendeur a demandé à plusieurs reprises des informations supplémentaires à la demanderesse pour appuyer la date de séparation prétendue. En avril 2007, le défendeur a informé la demanderesse que si aucune documentation n’était reçue dans un délai de 30 jours, il serait donc présumé que la demanderesse ne désire plus faire la demande et la prestation serait refusée.

[7] Dans une lettre datée du 11 mai 2007, la demanderesse a informé le défendeur qu’elle acceptait le 26 novembre 2001 comme étant la date de séparation. Le 14 juillet 2007, le défendeur a rejeté la demande, informant la demanderesse qu’elle ne se qualifiait pas pour le partage de crédits puisqu’elle a fait la demande plus de quatre ans après la date de séparation. La lettre mentionnait les critères pour faire une demande de révision et indiquait qu’une telle demande devait être faite dans un délai de 90 jours.

[8] Il ne semblait pas avoir eu de communication entre les parties jusqu’au 23 novembre 2009, quand la demanderesse a communiqué avec le défendeur pour obtenir de l’information sur sa demande. Elle a ensuite transféré des documents pour appuyer son affirmation d’avoir cohabité avec la personne mise en cause jusqu’en mai 2002.

[9] Le 14 mars 2012, la demanderesse a présenté une demande de PGNAP pour une deuxième fois, affirmant encore que son union de fait avec la personne mise en cause ne s’est pas terminée avant le 5 mai 2002.

[10] Le 5 juillet 2012, le défendeur a rejeté la deuxième demande parce qu’elle a été faite plus de quatre années après la date de séparation. Le 20 août 2012, la demanderesse a demandé une révision de la décision, et le 8 janvier 2013, le défendeur lui a envoyé une lettre où il maintenait son refus.

[11] En janvier 2013, la demanderesse a appelé le défendeur pour l’informer que sa deuxième demande représentait la poursuite de la première demande. Le défendeur a envoyé une lettre à la demanderesse pour lui confirmer sa décision.

[12] En février 2013, la demanderesse a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision à l’encontre de la décision de révision du défendeur portant sur la deuxième demande. Le présent appel a donc été transféré à la DG en avril 2013.

[13] Dans sa décision du 10 février 2016, la DG a conclu que, pour les fins du RPC, la période de cohabitation de la demanderesse et de la personne mise en cause s’est terminée le 26 avril 2002. La DG a aussi jugé ne pas avoir la compétence d’évaluer la demande de 2006 parce qu’elle n’a jamais été le sujet d’une demande de révision ou d’un appel subséquent. La DG n’était pas convaincue que la preuve de la demanderesse démontrait qu’elle n’avait pas reçu la décision initiale du défendeur portant sur la première demande.

[14] La DG a aussi conclu que la première et la deuxième demande étaient deux demandes distinctes. La deuxième demande, présentée le 14 mars 2012, était le sujet de l’appel. Puisque la demande avait été présentée plus de quatre ans après la date de séparation, la DG a rejeté l’appel de la demanderesse.

Droit applicable

[15] L’alinéa 55.1(1)c) du RPC prévoit qu’il doit y avoir partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension dans le cas de conjoints de fait, à la suite de l’approbation par le ministre d’une demande faite par l’un ou l’autre des anciens conjoints de fait ou pour son compte, si :

  1. (i) soit les anciens conjoints de fait ont vécu séparément pendant une période d’au moins un an, soit l’un d’eux est décédé pendant cette période,
  2. (ii) la demande est faite soit dans les quatre ans suivant le jour où les anciens conjoints de fait ont commencé à vivre séparément, soit après l’expiration de ce délai avec leur accord écrit.

[16] Le paragraphe 55.1(2) du RPC considère l’intention des parties et se lit ainsi :

  1. (2) Pour l’application du présent article :
  2. a) les personnes visées par le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension sont réputées avoir vécu séparément pendant toute période de vie séparée au cours de laquelle l’une d’elles avait effectivement l’intention de vivre ainsi;

[17] Le paragraphe 2(1) du RPC définit l’expression « conjoint de fait » comme étant la personne qui, au moment considéré, vit avec un cotisant dans une relation conjugale depuis au moins un an.

[18] Tel qu’il est stipulé aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[19] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[20] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[21] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. Canada.Note de bas de page 1 Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada.Note de bas de page 2

[22] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l’affaire. Il s’agit d’un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver ses arguments.

Question en litige

[23] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès?

Observations

[24] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse présente les allégations suivantes :

  1. Dans sa décision, la DG l’a discriminée en acceptant la détermination de la date de séparation par le défendeur, détermination fondée sur un mensonge.
  2. Lors de l’audience, la DG n’a pas questionné la personne mise en cause en ce qui concerne la fausse déclaration qu’il a faite dans sa lettre du 6 septembre 2006.

La demanderesse a présenté de nombreux documents avec sa demande de permission. Après inspection, un seul avait été présenté à la DG. L’exception constituait une lettre de la demanderesse du 19 février 2016 envoyée au directeur régional de Service Canada pour demander une enquête sur le mauvais traitement allégué de son dossier. La lettre contenait plusieurs allégations à l’encontre de fonctionnaires employés par le défendeur, mais elle critiquait aussi la DG ainsi :

  1. Bien que la DG était en désaccord avec la détermination de la date de séparation faite par le défendeur, elle a tout de même conclu que la première demande était expirée sans avoir étudié le dossier.
  2. La DG a considéré la deuxième demande comme étant une demande distincte plutôt qu’une poursuite de la première, quand il est clairement indiqué dans le règlement que de secondes demandes ne sont pas permises.

Analyse

[25] La demanderesse soutient que la DG l’a « discriminée » en acceptant la détermination de la date de séparation par le défendeur, détermination, qui selon elle, est fondée sur une fausse déclaration faite par son ancien conjoint de fait. Je supposerai qu’en utilisant le mot « discriminée », la demanderesse n’impute aucun parti pris à la DG, mais fait seulement valoir qu’elle a été traitée injustement. Une allégation de partialité constitue une allégation grave qui suggère un jugement préconçu sur le fondement de facteurs extrinsèques au fond de l’affaire. La demanderesse n’a transmis aucune preuve à cet effet. Rien au dossier n’indique que la DG aurait conduit un appel qui porte atteinte au principe de justice naturelle.

[26] La demanderesse soutient que la DG n’a pas questionné la personne mise en cause lors de l’audience à propos des mensonges allégués du 6 septembre 2006. Que ce soit vrai ou faux, je soulève qu’au paragraphe 53 de la décision, la DG documente ce qui semble être un questionnement rigoureux de la personne mise en cause sur la question du moment où il a cessé de cohabiter avec la demanderesse en tant que conjoint de fait. De toute façon, le fait est que la DG n’a pas accepté la position de la personne mise en cause (position aussi adoptée par le défendeur) qui avait indiqué la date de séparation comme étant du 26 novembre 2001. Après avoir évalué la preuve, la DG a plutôt déterminé que les deux parties ont cessé d’être conjoints de fait en date du 26 avril 2002. Il est nécessaire de mentionner que cette conclusion qualifiait la demanderesse à une demande de partage de crédits si sa première demande avait été active, comme elle avait été présentée à l’intérieur du délai de quatre ans prescrit au paragraphe 55.1(1)c) du RPC.

[27] Toutefois, la première demande n’était pas active. Nous sommes ainsi menés à un autre moyen d’appel soulevé par la demanderesse : la DG a conclu que la première demande était annulée et n’a pas été prorogée par la deuxième demande. Ainsi, la demande de 2006 a été formellement refusée par le défendeur en mai 2007. Comme mentionné par la DG, la demanderesse a été informée qu’elle disposait de 90 jours après réception du refus pour demander une révision (en vertu du paragraphe 81(1) du RPC), mais plus de deux années s’étaient écoulées avant qu’elle ne revienne à la charge. Bien que la demanderesse ait insisté n’avoir jamais reçu la lettre de refus, la DG a considéré cela peu probable, et rien dans les observations ne suggérait autrement. L’article 82 du RPC prévoit qu’un appel à la DG est permis seulement si le défendeur a rendu une décision en réponse à une demande de révision, et ce n’est pas le cas pour la première demande.

[28] Une fois que le défendeur a fermé le dossier de la première demande, il semble qu’un fonctionnaire du défendeur a suggéré que la demanderesse présente une deuxième demande. Contrairement aux observations de la demanderesse, rien dans la législation ou le règlement n’empêche une deuxième demande. Il n’existe pas plus de mécanismes dans la loi pour qu’une deuxième demande proroge ou [traduction] « protège la date » d’une première demande annulée. Je ne considère pas d’erreur de droit ou de fait dans la détermination de la DG d’avoir à instruire l’appel sur la deuxième demande de mars 2012. Comme mentionné, cette demande a été présentée près de dix ans après la date de séparation du 26 avril 2002, tel que la DG l’a conclu.

[29] La décision de la DG indique qu’elle a évalué un grand nombre d’éléments de preuve contradictoires avant de rendre sa décision finale. Comme mentionné, presque tous les documents présentés avec la demande de permission d’en appeler avaient déjà été présentés à la DG et probablement déjà évalués. À mon avis, l’idée des observations de la demanderesse équivaut à une demande pour la DA de réexaminer et de réévaluer la preuve dans le but d’obtenir une conclusion différente de celle rendue par la DG. Cette demande dépasse les paramètres de la LMEDS, dont le paragraphe 58(1) impose des moyens d’appel très limités. Il n’y est pas permis de tenir une audience de novo.

[30] La demanderesse a aussi suggéré que le défendeur a commis des erreurs administratives dans la manière dont il a géré son dossier. Même s’il en était le cas, ni la DG ni la DA n’ont la compétence d’offrir réparation. En ce cas, le défendeur, à sa discrétion, a considéré approprié de ne pas accorder réparation, et ce n’est pas le rôle de la DG ou de la DA de le faire et de modifier cette décision. La demanderesse, en effet, demandait à la DG et à la DA de faire preuve d’équité et de réputer sa demande de PGNAP comme ayant été reçue à l’intérieur du délai de quatre ans. Hélas, ni la DG ni la DA n’ont la discrétion d’agir ainsi et ne peuvent qu’agir d’une manière qui aurait autrement été adoptée par le ministre. Cette interprétation a été consolidée par d’autres cas, dont l’affaire Pincombe c. CanadaNote de bas de page 3, où il a été tenu qu’un tribunal administratif n’est pas une cour, mais un décideur prévu par la loi. Il ne possède donc pas le pouvoir d’une quelconque forme de réparation d’équité.

[31] Je dois donc conclure que la demanderesse n’a présenté aucun motif ayant une chance raisonnable de succès en appel.

Conclusion

[32] La demande de permission d’en appeler est refusée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.