Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelante a demandé la prestation de survivant du Régime de pensions du Canada (pour son compte) et la prestation d’enfant du Régime de pensions du Canada (au nom de ses enfants) en lien avec le décès d’E. P. (le « cotisant »). L’intimé a rejeté la demande au stade initial et, dans une lettre de décision datée du 2 septembre 2015, a rejeté la demande après réexamen. L’appelante a interjeté appel de la décision devant le Tribunal en date du 17 juin 2016, après la limite de 90 jours prévue à l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (« Loi sur le MEDS »).

Question en litige

[2] Le Tribunal doit décider d’accorder ou non une prolongation de délai permettant à l’appelante d’interjeter appel conformément au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS.

Analyse

[3] Le Tribunal conclut que l’appel a été déposé après la limite de 90 jours. La décision de réexamen de l’intimé était datée du 2 septembre 2015. Bien que l’appelante affirme qu’elle a reçu la décision de réexamen le 3 janvier 2015, c’est tout à fait impossible. Le Tribunal présume que la décision de réexamen a été envoyée à l’appelante par courrier et prend connaissance d’office du fait que le courrier au Canada est généralement reçu en  10 jours. Toutefois, le dixième jour après le 2 septembre 2015 aurait été un samedi. Le Tribunal conclut donc que la décision de réexamen a été communiquée à l’appelante au plus tard le lundi 14 septembre 2015, soit le jour ouvrable suivant le 12 septembre 2015. Conformément à l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur le MEDS, l’appelante aurait normalement eu jusqu’au 13 décembre 2015 pour déposer un appel. Toutefois, comme c’était un dimanche, le Tribunal conclut que l’appelante aurait eu jusqu’au lundi 14 décembre 2015 pour déposer un appel.

[4] L’appelante a déposé un appel incomplet le 1er décembre 2015, dans les 90 jours de la période d’appel. Dans une lettre datée du 31 décembre 2015, le Tribunal a déclaré que l’appel de l’appelante était incomplet parce qu’elle n’avait pas fourni au Tribunal une copie de la décision de réexamen portée en appel, la date à laquelle la décision de réexamen a été reçue, son numéro d’assurance sociale, ainsi qu’une déclaration signée. Le 26 janvier 2016, le Tribunal a reçu plusieurs documents de l’appelante. Toutefois, le Tribunal a écrit à l’appelante le 28 janvier 2016 pour indiquer que l’appel demeurait incomplet parce que la décision de réexamen n’avait pas été incluse. Le 16 février 2016, l’appelante et un membre du personnel du Tribunal ont discuté de ce qui manquait par téléphone.

[5] Le 30 mars 2016, l’appelante a appelé le Tribunal pour faire le point et s’est fait dire que la décision de réexamen n’avait pas encore été reçue. Le membre du personnel du Tribunal a renvoyé de nouveau l’appelante à l’intimé pour qu’elle puisse demander une autre copie de la lettre de réexamen à celui-ci. Le 3 juin 2016, l’intimé a fait parvenir des documents à l’appelante. Enfin, le 17 juin 2016, l’appelante a déposé la décision de réexamen au Tribunal, et l’appel a alors été complet.

[6] Pour décider s’il convenait d’accorder davantage de temps pour interjeter appel, le Tribunal a pris en compte et soupesé les quatre facteurs énoncés dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883. La considération primordiale consiste à déterminer si l’intérêt de la justice serait servi (Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204).

Maintien de l’intention de poursuivre l’appel

[7] L’appelante a soumis un appel incomplet dans le délai de 90 jours de la période d’appel. Elle a ensuite présenté d’autres documents d’appel tout de suite après avoir été avisée des lacunes dans ses documents d’appel initiaux. Après avoir été informée à un moment donné après le 28 janvier 2016 de la décision de réexamen toujours pendante, elle a contacté le Tribunal le 16 février 2016 et le 30 mars 2016 pour obtenir des précisions. Après le 30 mars 2016, elle a contacté l’intimé pour obtenir une copie de la décision de réexamen; celle-ci semble lui avoir été envoyée le 3 juin 2016 et sur réception de la décision, elle a transmis immédiatement le document au Tribunal.

[8] À l’examen de la séquence d’événements qui précède, il semble que l’appelante a agi de manière relativement diligente chaque fois qu’une action de sa part était requise. Aucune preuve ne laisse croire qu’elle a cessé de vouloir donner suite à l’appel. De fait, les documents reçus d’elle le 26 janvier 2016 comprenaient de nouveaux documents relatifs à l’historique de travail du cotisant. Comme l’appelante a fait preuve d’une diligence raisonnable dans la poursuite de l’appel jusqu’au dépôt de l’avis d’appel, le Tribunal conclut que l’appelante avait une intention continue de poursuivre l’appel

Cause défendable

[9] Dans la présente affaire, le cotisant est né le X X X et décédé le 23 septembre 2010. Il a eu 18 ans le X X X. Cela signifie que sa période cotisable aurait débuté en août 1995 et pris fin en septembre 2010. En vertu du paragraphe 44(3) du Régime de pensions du Canada, il est satisfait à l’exigence en matière de cotisation applicable aux prestations de survivant et d’enfant du RPC quand le cotisant défunt a versé assez de cotisations au Régime pendant au moins la période d’admissibilité minimale. Cela se produit lorsque le cotisant défunt verse des cotisations pendant au moins dix ans ou pendant au moins le tiers du nombre des années civiles de sa période cotisable.

[10] Par ailleurs, le paragraphe 52(3) du Régime de pensions du Canada prévoit à quel moment une cotisation est réputée avoir été versée. C’est ce qui se produit quand les gains non ajustés ouvrant droit à pension du cotisant défunt excèdent son exemption de base pour l’année. Il s’ensuit qu’un cotisant défunt est réputé ne pas avoir versé de cotisation pour toute année au cours de laquelle ses gains non ajustés ouvrant droit à pension n’excèdent pas son exemption de base pour cette année-là.

[11] Dans le cas de ce cotisant, sa période cotisable comprenait 16 années civiles, soit 1995, 2010 et les 14 années civiles complètes entre 1995 et 2010. Pour satisfaire à l’exigence en matière de cotisation de la prestation de survivant et d’enfant en vertu du paragraphe 44(3) du Régime de pensions du Canada, le cotisant doit donc avoir versé des cotisations valides au RPC dans l’une ou l’autre des six années allant du mois suivant le dix-huitième anniversaire du cotisant à son décès. Pour que l’appel de l’appelante soit accueilli par le Tribunal, l’appelante devrait établir qu’il y avait au moins six ans de ces cotisations ou qu’il y avait moins de 16 ans dans la période cotisable du cotisant.

[12] Le registre des gains contenu dans le dossier du Tribunal révèle que le cotisant comptait seulement cinq ans (1995, 1999, 2002, 2006 et 2007; ci-après appelées « années de cotisation valides ») dont les gains non ajustés ouvrant droit à pension ont excédé l’exemption de base pour cette année. Le cotisant est donc réputé avoir versé des cotisations au Régime de pensions du Canada seulement pour ces cinq années. Au cours d’autres années, le cotisant avait des revenus, mais ses gains non ajustés ouvrant droit à pension n’excédaient pas l’exemption de base pour ces années. Ainsi, à moins que l’appelante soutienne qu’une erreur a été commise à l’égard de la période cotisable ou des gains non ajustés ouvrant droit à pension figurant dans le registre des gains du cotisant, il ne semble pas y avoir de cause défendable. Dans la présente affaire, l’appelante n’a pas soutenu qu’une erreur a été commise dans le calcul de la période cotisable. Toutefois, l’appelante a explicitement déclaré que le cotisant a été employé au cours d’années autres que les années de cotisations valides.

[13] Cette suggestion d’emploi en dehors des années de cotisations valides était étayée par un curriculum vitae qui semble avoir été préparé par le cotisant lorsqu’il était encore en vie et qui laisse croire que le cotisant a effectivement travaillé au cours d’années autres que les années de cotisations valides. Elle est également étayée dans une certaine mesure par le registre des gains, qui indique que le cotisant a eu d’autres années d’emploi pendant lesquelles ses gains n’ont pas excédé l’exemption de base.

[14] Le simple fait qu’une personne était employée au cours d’une année civile en particulier n’établit pas que ses gains non ajustés ouvrant droit à pension ont excédé l’exemption de base pour cette année. En outre, le curriculum vitae ne divulgue pas le quantum des gains ni n’indique le traitement, le salaire ou les heures effectivement travaillées du cotisant dans l’un ou l’autre des postes occupés. Toutefois, à ce stade interlocutoire, il n’appartient pas au Tribunal de jauger la preuve opposée. Les observations de l’appelante et le curriculum vitae du cotisant peuvent raisonnablement être interprétés comme des éléments qui contestent la validité du registre des gains. Bien que l’appelante semble certes confrontée à une lutte difficile pour établir une sixième année de cotisations valides, au vu de la preuve déposée, il semble qu’elle serait au moins en mesure de présenter un argument à ce sujet. Le Tribunal distingue ce scénario de celui de la décision G. C. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2016 TSSDASR 1, dans laquelle le manque à gagner sur le plan des cotisations était similaire, mais le prestataire a accepté la validité du registre des gains.

[15] Par conséquent, le Tribunal conclut, sur la base des observations de l’appelante et de la preuve au dossier, qu’une cause défendable est portée en appel.

Explication raisonnable du retard

[16] Bien que l’appelante n’a pas fourni d’explication précise du retard, ses gestes permettent de déduire une explication. Elle a d’abord déposé un appel à l’intimé plutôt qu’au Tribunal, puis elle a soumis des documents au Tribunal en deux occasions distinctes qui ne répondaient pas pleinement aux conditions de l’appel. Elle a alors contacté le Tribunal à deux autres occasions pour obtenir des précisions et a fini par contacter l’intimé pour obtenir une copie de la décision de réexamen. L’appelante avait obtenu précédemment de l’aide juridique, mais le mandat de l’avocat se limitait à demander un réexamen du refus initial de l’intimé. L’appelante a dû s’occuper elle-même de l’appel devant le Tribunal et, de fait, semble s’en être remise aux instructions de cet avocat lorsqu’elle a déposé initialement son appel auprès de l’intimé plutôt qu’auprès du Tribunal.

[17] Le Tribunal accepte que le retard de l’appelante dans le dépôt de l’appel puisse être attribué à ses difficultés sur le plan des exigences procédurales. Il est clair qu’elle voulait déposer un appel complet beaucoup plus tôt qu’elle ne l’a fait. Le seul retard substantiel a eu lieu entre la réception par l’appelante de la lettre du Tribunal datée du 28 janvier 2016 et le dépôt le 17 juin 2016 de la décision de réexamen. Cependant, même pendant ce retard, elle a contacté le Tribunal à deux reprises et a communiqué avec l’intimé pour obtenir une autre copie de la décision de réexamen. Le Tribunal conclut que l’appelante avait une explication raisonnable du dépôt tardif de l’appel.

Préjudice pour l’autre partie

[18] Les intérêts de l’intimé ne semblent pas avoir subi de préjudice du fait de la courte période qui s’est écoulée depuis la décision de réexamen. La capacité du ministre de réagir, compte tenu de ses ressources, ne serait pas affectée indûment par une prorogation de la période d’appel.

Conclusion

[19] Compte tenu des facteurs de la décision Gattellaro et des intérêts de la justice, le Tribunal accorde une prorogation de la période d’appel en vertu du paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS.

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