Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de l’appelant en vue d’obtenir une prestation d’enfant de cotisant invalide (PECI) au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) le 24 décembre 2012. Le 30 janvier 2013, l’intimé a approuvé la demande de paiement de prestations avec effet le 1er janvier 2012. Dans une lettre reçue par l’intimé le 10 octobre 2014, l’appelante a demandé la révision de la décision du 30 janvier 2013. Dans cette lettre, l’appelante a notamment exprimé les motifs de sa demande tardive (GD2-12). Le 6 novembre 2014, l’intimé a demandé à l’appelante d’expliquer pourquoi elle avait présenté tardivement sa demande de révision, comment elle a tenu l’intimé informé de son intention de demander une révision, et les motifs pour lesquels elle était en désaccord avec la décision initiale du 30 janvier 2013 (GD2-9). L’appelante a répondu à la demande de l’intimé dans une lettre reçue le 3 décembre 2014 (GD2-8). Le 9 décembre 2014, l’intimé a refusé la demande de révision tardive (GD1A-6). L’appelante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal), mais n’a pas déposé tous les renseignements nécessaires à temps. Le 13 août 2015, le Tribunal a libéré l’appelante de l’observation du Règlement et a décidé que l’appel pouvait être instruit.

[2] Cet appel a été tranché sur la foi des documents et des observations présentés pour les motifs suivants :

  1. Le membre a décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une autre audience.
  2. Il manquait de l’information ou il était nécessaire d’obtenir des précisions.
  3. La crédibilité n’est pas une question principale.
  4. La façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.
[3] Dans un avis daté du 5 juillet 2016, le Tribunal a donné aux parties l’occasion de présenter d’autres renseignements et arguments écrits. L’appelante a indiqué qu’elle n’avait pas d’autres renseignements à fournir et aucun autre renseignement n’a été déposé par les parties.

Droit applicable

[4] Pour recevoir des prestations aux termes du RPC, il faut présenter une demande, qui doit être approuvée en vertu du RPC (paragraphe 60(1) du RPC). Après avoir reçu une demande de prestations, le Ministère (l’intimé) doit l’examiner et peut approuver le versement de la prestation et établir le montant de celle-ci qui est payable en vertu du RPC ou peut décider qu’aucune prestation n’est payable. L’intimé doit aviser par écrit le demandeur de sa décision (paragraphe 60(7) du RPC).

[5] L’article 81 du RPC prévoit des droits de révision. En vertu de cette disposition, l’appelante peut dans le présent cas, dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où elle a été avisée de la manière prescrite de la décision ou de l’arrêt, ou dans tel délai plus long qu’autorise le ministre avant ou après l’expiration de ces quatre-vingt-dix jours, demander par écrit à celui-ci, selon les modalités prescrites, de réviser la décision ou l’arrêt.

[6] En d’autres termes, l’appelante avait 90 jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la décision rendue le 30 janvier 2013 pour demander une révision de cette décision. L’intimé a le pouvoir discrétionnaire d’autoriser une période plus longue pour présenter une demande de révision en vertu de l’article 81.

[7] Les paragraphes 74.1(3) et 74.1(4) du Règlement sur le RPC énoncent les critères autorisant l’intimé à permettre une période plus longue d’étude d’une demande de révision :

(3) Pour l’application des paragraphes 81(1) et (1.1) de la Loi et sous réserve du paragraphe (4), le ministre peut autoriser la prolongation du délai de présentation de la demande de révision d’une décision ou d’un arrêt s’il est convaincu, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

(4) Dans les cas ci-après, le ministre doit aussi être convaincu que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie :

a) la demande de révision est présentée après 365 jours suivant celui où il est avisé par écrit de la décision ou de l’arrêt;

b) elle est présentée par une personne qui demande pour la seconde fois la même prestation;

c) elle est présentée par une personne qui a demandé au ministre d’annuler ou de modifier une décision en vertu du paragraphe 81(3) de la Loi.

[8] La décision de l’intimé de refuser une telle période plus longue peut être portée en appel devant le Tribunal en vertu de l’article 82 du RPC, qui prévoit ce qui suit :

82 La personne qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application de l’article 81, notamment une décision relative au délai supplémentaire, ou, sous réserve des règlements, quiconque de sa part, peut interjeter appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale, constitué par l’article 44 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

Question en litige

[9] Le Tribunal doit décider si l’intimé a exercé judiciairement son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a refusé de prolonger le délai dont l’appelante peut se prévaloir pour demander une révision de la lettre de décision initiale qui accorde une prestation d’enfant de cotisant invalide au titre du RPC prenant effet le 1er janvier 2012.

Preuve

[10] L’appelante a demandé la prestation d’enfant de cotisant invalide au titre du RPC le 24 décembre 2012. Le 30 janvier 2013, l’intimé a accueilli la demande de prestations avec effet le 1er janvier 2012. L’appelante a demandé la révision de cette décision plus de 365 jours plus tard, soit le 10 octobre 2014. Elle explique comme suit sa demande de révision tardive :

[Traduction] Nous avons présenté une demande tardive parce que nous ignorions l’existence de la prestation pour enfant et que nous l’avons découverte par hasard. Nous avons reçu onze mois de paiement rétroactif, mais l’ARC, le bureau de notre député et un représentant du bureau du RPC à Winnipeg nous ont appris récemment qu’un processus d’appel est en cours. Ce processus permet que notre demande soit révisée si elle est légitime et fondée de juin 1996 à 2012, soit la période pendant laquelle des prestations n’ont pas été versées.

[…]

J’ignorais également l’existence de la prestation canadienne pour enfants, mais le 6 octobre 2014, l’ARC a jugé notre demande fondée et légitime et remonte au 3 juin 1996 (la date d’anniversaire de ma fille). Le représentant de l’ARC nous a informé qu’un processus d’appel est toujours possible si la demande est fondée et que ce pouvoir discrétionnaire peut toujours être appliqué à un dossier.

(GD2-12)

[11] L’appelante a justifié comme suit sa demande de révision tardive présentée le 29 novembre 2014 : elle ignorait qu’elle pouvait présenter une demande plus tôt; « nous avons dû faire face à plus que notre lot de problèmes de santé graves », ce qui fait que demander une révision « n’était pas au premier plan dans notre esprit »; et elle « ne connaissait pas bien les programmes gouvernementaux » (GD2-8). Après examen de cette lettre, l’intimé a refusé de permettre une révision tardive le 9 décembre 2014 (GD1A-6) et a joint son document de décision (GD1A-16 à 17) qui renfermait les motifs suivants :

  • L’examen du dossier et de la lettre de [l’appelante] datée du 29 novembre 2014 ne permet pas de relever des circonstances exceptionnelles ou atténuantes ni ne comporte d’explication raisonnable du retard dans la demande de révision qui l’aurait empêchée de demander une révision (de la date d’effet de la PECI) dans le délai de 90 jours. Par conséquent, il n’a pas été satisfait au critère de l’explication raisonnable.
  • Il n’existe aucune preuve que [l’appelante] a contacté le ministère entre la date à laquelle la cliente s’est vue accorder la PECI et la date de réception de la demande de révision tardive, ce qui fait que le critère de l’intention constante n’a pas été respecté.
  • Une conversation avec [l’appelante] et son mari le 5 novembre 2014 a révélé que dans les faits, ils avaient reçu un avis de droit aux prestations. Ils ont également indiqué qu’ils ont découvert sur Internet l’existence de la PECI, ce qui établirait que [l’appelante] aurait été en mesure de demander un appel dans le délai de 90 [jours] à des fins de révision.

[…]

[L’appelante] a obtenu la PECI maximale prévue par la loi lorsque la demande a été acceptée. Elle aurait reçu un avis de droit aux prestations énonçant les droits d’appel. L’absence de circonstances exceptionnelles ou atténuantes et l’attribution du maximum des prestations rétroactives font en sorte qu’il n’existe pas de chance raisonnable de succès.

[Détails du document de décision figurant plus loin à la page GD1A-17 mais omis ici]

[…]

Il n’y a pas de preuve d’injustice à l’égard du ministre.

[12] L’appelante a déposé des rapports médicaux au Tribunal dont la date était ultérieure à la décision de l’intimé de refuser la demande de révision tardive de décembre 2014. Ces rapports ont été dressés en 2015 (voir : GD1-6 à 7).

Observations

[13] L’appelante soutient que la décision du 30 janvier 2013 devrait être révisée tardivement pour les motifs suivants :

  1. Elle ignorait qu’elle avait droit à la révision jusqu’à « récemment » (avant le 7 octobre 2014).
  2. Sa demande est légitime sur le fond en ce sens que si elle avait su avant, elle aurait présenté plus tôt une demande de PECI qui aurait permis à l’enfant de l’appelante de profiter du versement de ces prestations à compter de sa date de naissance, le 3 juin 1996 (et de ne pas manquer de paiements entre ce moment et janvier 2012).
  3. Il s’agit d’un cas où il convient que l’intimé exerce son pouvoir discrétionnaire en accueillant une demande de révision tardive. (GD2-12)
  4. Elle se préoccupait de la santé de son mari (GD1-1 à 2).

[14] L’intimé a soutenu que la demande de révision ne devrait pas être accueillie pour les motifs suivants :

  1. L’appelante n’a pas établi une intention constante de poursuivre la révision entre la date de la décision initiale (30 janvier 2013) et la demande de révision présentée le 10 octobre 2014.
  2. Il n’y a pas d’explication raisonnable du délai à l’origine de la demande de révision tardive.
  3. L’appelante a obtenu la rétroactivité maximale de la PECI en vertu de la loi; par conséquent, son argument en faveur d’une rétroactivité accrue remontent à la date de naissance de sa fille n’a pas de chance raisonnable de réussite.

Analyse

[15] La décision du ministre (l’intimé) d’accorder ou de refuser une demande de révision tardive est considérée comme une décision discrétionnaire. La jurisprudence révèle que le pouvoir discrétionnaire du ministre doit être exercé de façon judiciaire (Canada (P.G.) c. Uppal 2008 CAF 388).

[16] Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon judiciaire (Canada (P.G.) c. Purcell, [1996] 1 CF 644) s’il peut être établi que le décideur (l’intimé dans le cas qui nous occupe) :

  1. a) a agi de mauvaise foi,
  2. b) a agi dans un but ou pour un motif irrégulier,
  3. c) a pris en compte un facteur non pertinent,
  4. d) a ignoré un facteur pertinent,
  5. e) a agi de manière discriminatoire.

[17] En l’espèce, rien ne prouve que l’intimé s’est comporté de l’une des façons énumérées au paragraphe précédent. La preuve établissait plutôt que l’intimé s’est conformé aux paragraphes 74.1(3) et 74.1(4) du Règlement sur le RPC. Aux pages GD1A-16 à 17 de son document de décision, l’intimé a fourni des motifs détaillés pour lesquels il s’est demandé s’il existait une explication raisonnable du délai et une intention constante d’effectuer une révision, si l’appel de l’appelante avait des chances raisonnables de succès, et s’il subirait un préjudice en autorisant une révision plus d’un an après la date de communication de la décision initiale à l’appelante. Outre le critère du préjudice, l’intimé a conclu que les autres critères n’avaient pas été respectés.

[18] Il doit être satisfait aux critères de l’explication raisonnable du délai et de l’intention constante conformément au paragraphe 74.1(3) du Règlement sur le RPC. L’intimé estimait que le motif de l’appelante selon lequel elle ignorait qu’elle avait le droit de demander une révision jusqu’à « récemment » avant de le faire le 10 octobre 2014 était un motif insatisfaisant. Le Tribunal est d’accord. L’ignorance de la loi ne constitue pas une explication valable qui justifierait, en soi, une prolongation au-delà de la limite législative de 90 jours permettant de demander une révision. Le 3 décembre 2014, l’appelante a déclaré à l’intimé qu’elle était aux prises avec divers problèmes de santé (GD2-8). L’intimé a reconnu avoir étudié l’explication et avoir conclu qu’elle [traduction] « ne relève pas de circonstances exceptionnelles ou atténuantes ni d’explication raisonnable de la demande de révision tardive qui l’aurait empêchée de demander une révision. » (GD1A-16). De fait, des rapports médicaux ont été déposés au Tribunal, mais ils n’ont pas été présentés à l’intimé lorsqu’il a demandé les motifs du délai, avant le 31 décembre 2014, ce qui fait que le Tribunal ne peut maintenant en tenir compte pour décider de l’issue du présent appel.

[19] De plus, en vertu du paragraphe 74.1(3), l’intimé a étudié ses dossiers et n’a pas trouvé de preuve d’une intention constante de l’appelante d’obtenir une révision après que la décision du 30 janvier 2013 lui a été communiquée. En fait, l’appelante a reconnu qu’il ne s’agissait pas d’une priorité étant donné qu’elle se concentrait sur des problèmes de santé (GD2-8).

[20] Bref, les critères énoncés au paragraphe 74.1(3) du Règlement sur le RPC n’ont pas été respectés. L’intimé a dûment tenu compte de ces facteurs. L’intimé a également pris en compte les facteurs énoncés au paragraphe 74.1(4) du Règlement sur le RPC. Il s’agissait de la procédure appropriée. L’alinéa 74.1(4)a) prévoit que le ministre doit également établir si la demande de révision a des chances de succès raisonnables et s’il subirait un préjudice advenant que la demande soit présentée plus de 365 jours après que la révision soit communiquée à l’appelante. En l’espèce, l’appelante a demandé une révision bien plus que 365 jours après avoir reçu la révision. L’intimé a conclu qu’il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles et que l’appelante n’avait pas de chance raisonnable de succès parce qu’elle a obtenu la PECI maximale. L’intimé a également conclu qu’il n’existait pas de preuve d’injustice du fait de l’autorisation d’une révision tardive. (GD1A-17)

Conclusion

[21] L’intimé a pris en compte les facteurs prévus aux paragraphes 74.1(3) et 74.1(4) du Règlement sur le RPC pour refuser d’autoriser une révision tardive. Il a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[22] L’appel est rejeté.

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