Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Comparutions

Appelante : G. O.

Représentante de l’appelante : Irina Ovis

Observatrice : C. I.

Personne mise en cause : V. P.

Interprète : Igor Trugknow

Questions préliminaires

[1] L’appelante a déclaré en début d’audience qu’elle avait prévu faire comparaître un témoin pour témoigner en sa faveur; toutefois, il n’a pas pu s’y présenter car il ne se sentait pas bien. L’appelante a convenu de procéder en son absence.

[2] Après que chacune des parties présentes à l’audience ait fini de témoigner et de poser des questions à l’autre partie et que l’appelante ait présenté ses observations de clôture, la personne mise en cause a voulu présenter deux documents à titre d’éléments de preuve étayant sa position. Elle a décrit ces documents comme étant des papiers du divorce qu’elle a obtenu de son mari en Lettonie. L’appelante s’est objectée à ce que ces documents soient admis en preuve. Elle a fait valoir que la personne mise en cause avait eu l’occasion de les déposer auprès du Tribunal avant l’audience, et qu’elle aurait dû le faire si elle voulait qu’ils soient pris en considération.

[3] Je n’ai pas admis en preuve ces documents. L’appelante a souligné à juste titre que chacune des parties avait eu amplement le temps de déposer auprès du Tribunal tous les documents pertinents. De plus, au début de l’audience chacune des parties s’était fait demander si elles avaient des documents supplémentaires à déposer, et toutes deux avaient dit qu’elles n’en avaient pas. Il serait préjudiciable pour l’appelante que je permette à la personne mise en cause de déposer ces documents après que toute la preuve ait été reçue à l’audience. Les documents avaient trait au divorce que la personne mise en cause avait obtenu en Lettonie, et n’avaient donc que peu de valeur probante. Leur valeur probante était moins importante que le préjudice qu’aurait occasionné leur admission en preuve.

Introduction

[4] L’appelante a épousé Monsieur P. O. en 2005. Ils se sont ensuite séparés et, lors de procédures judiciaires contestées, une ordonnance de divorce a été rendue et le divorce a pris effet le 17 janvier 2014. Monsieur P. O. a épousé la personne mise en cause le 20 mars 2014. Monsieur P. O. est décédé le 28 avril 2014. L’appelante et la personne mise en cause ont toutes deux présenté une demande de pension de survivant du Régime de pensions du Canada. L’intimé a décidé que cette pension se devait d’être versée à la personne mise en cause. L’appelante a interjeté appel de cette décision. Après réexamen, l’intimé a confirmé sa décision de verser la pension de survivant à la personne mise en cause. L’appelante a ensuite appelé de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Cet appel a été instruit par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. L’appelante et la personne mise en cause ne souhaitaient pas se retrouver dans la même pièce;
  2. Le mode d’audience est celui qui permet le mieux à plusieurs participants d’assister;
  3. Le matériel nécessaire à une vidéoconférence est disponible dans la région où résident l’appelante et la personne mise en cause;
  4. Il manque de l’information au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications;
  5. Ce mode d’audience est le plus approprié pour relever des éléments de preuve non concordants;
  6. Le mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Analyse

Revendication de l’appelante

[6] L’appelante doit prouver qu’elle est admissible à une pension de survivant au titre du Régime de pensions du Canada. Le paragraphe 42 (1) du Régime de pensions du Canada énonce qu’un survivant, à l’égard d’un cotisant décédé, s’entend :

  1. a) à défaut de la personne visée à l’alinéa b), de l’époux du cotisant au décès de celui-ci,
  2. b) du conjoint de fait du cotisant au décès de celui-ci.

[7] L’appelante a déclaré dans son témoignage qu’elle n’a pas consenti à se séparer du cotisant décédé. C’est contre son gré qu’elle a divorcé de lui. Elle a déclaré que leur relation se poursuivait, malgré le fait qu’elle travaillait à contrat aux États‑Unis pendant de nombreuses d’années avant son décès. Elle soutient que c’est le fils du défunt qui a contraint son père à entamer des procédures de divorce.

[8] De nombreux documents relatifs au litige matrimonial entre l’appelante et le défunt ont été déposés auprès du Tribunal. Ces documents démontrent clairement que l’appelante n’acceptait pas de se séparer du défunt. Malgré cela, la cour a conclu que les parties étaient séparées en octobre 2009. Une ordonnance de divorce a été rendue et est entrée en vigueur en janvier 2014.

[9] L’appelante ne prétend pas qu’elle était en union de fait avec le défunt. Dans son témoignage, elle a déclaré qu’elle l’a vu pour la dernière fois à l’automne 2013 et qu’elle ignorait, avant son décès, qu’il était atteint de cancer. Elle a déclaré qu’il était très discret au sujet de sa santé.

[10] Après avoir examiné les éléments de preuve, je suis d’avis que l’appelante n’était ni l’épouse ni la conjointe de fait du défunt. Une ordonnance de divorce valide a été rendue. Aucun élément de preuve n’a le moindrement laissé entendre que cette ordonnance n’était pas valide ou que l’appelante et le défunt s’étaient réconciliés après le divorce. Elle n’est donc pas admissible à recevoir la pension de survivant du Régime de pensions du Canada.

Revendication de la personne mise en cause

[11] La personne mise en cause doit prouver qu’elle est admissible à une pension de survivant du Régime de pensions du Canada. Elle est arrivée au Canada depuis la Lettonie en 2012. Elle soutient qu’elle est admissible à recevoir la pension de survivant à titre d’épouse du défunt.

[12] La personne mise en cause et le défunt se sont mariés le 20 mars 2014, soit moins d’un an avant le décès du cotisant, survenu le 28 avril 2014. Le paragraphe 63(7) du Régime de pensions du Canada prévoit ce qui suit :

Lorsqu’un cotisant meurt dans l’année qui suit son mariage, aucune pension de survivant n’est payable à son survivant si le ministre n’est pas convaincu que l’état de santé du cotisant, lors de son mariage, justifiait chez lui une espérance de vie d’au moins un an par la suite.

  1. (7.1) Le paragraphe (7) ne s’applique pas si les périodes suivantes totalisent un an ou plus:
    1. a) la période de cohabitation du cotisant et du survivant pendant leur mariage
    2. b) la période de cohabitation – dans une relation conjugale – du cotisant et du survivant précédant immédiatement leur mariage.

[13] La personne mise en cause a déclaré dans son témoignage que le cotisant décédé et elle ont commencé à vivre ensemble le 17 avril 2013, lorsqu’il l’a demandée en mariage. Elle n’a fourni aucun autre élément de preuve concernant leur cohabitation pour la période antérieure au 1er mai 2013. Sur cette base, elle soutient qu’elle est admissible à la pension de survivant puisqu’elle a été l’épouse et la conjointe de fait du cotisant pendant une période de plus d’un an avant son décès.

[14] Dans son témoignage, la personne mise en cause a en outre confirmé qu’elle a rempli une Déclaration officielle d’union de fait dans laquelle elle a indiqué que le cotisant décédé et elle ont commencé à vivre ensemble le 1er mai 2013 (GD6-5). Elle a expliqué que le 1er mai était la date de son [traduction] « emménagement officiel », puisqu’à cette date, tous ses effets ont été déménagés chez le cotisant décédé. Elle a ajouté qu’en mai 2013, le cotisant décédé et elle ont ouvert un compte bancaire conjoint. La personne mise en cause ne travaillait pas à ce moment-là et n’a pas contribué financièrement au ménage. De même, avant d’emménager chez le cotisant décédé, la personne mise en cause vivait chez un ami et ne contribuait pas financièrement aux dépenses.

[15] Dans son témoignage, la personne mise en cause a déclaré qu’elle a fourni à Service Canada des copies de relevés bancaires, de permis de conduire et de permis et certificat de mariage. Elle a également déclaré que des membres de sa famille et de celle du défunt avaient été interrogés par Service Canada. C’est à la suite de cette enquête que Service Canada lui a accordé la pension de survivant. La personne mise en cause n’a déposé aucun de ces documents auprès du Tribunal. L’intimé non plus n’a déposé aucun élément de preuve relativement à cette enquête. La personne mise en cause n’a présenté aucun témoin pour témoigner de la date à laquelle elle aurait commencé à résider avec le cotisant décédé.

[16] Dans une déclaration écrite faite sous serment, la personne mise en cause a déclaré que le cotisant décédé et elle ont commencé à vivre ensemble en mai 2013. C’était la date de son [traduction] « emménagement officiel ». C’était à ce moment-là que le cotisant décédé et elle ont ouvert un compte bancaire conjoint. J’accorde plus de poids à ces éléments de preuve qu’à la déclaration qu’elle a faite lors de son témoignage selon laquelle le cotisant décédé et elle cohabitaient en avril 2013. Aucun élément de preuve n’appuie la déclaration intéressée qu’elle a faite lors de son témoignage voulant que le cotisant décédé et elle auraient commencé à vivre en union de fait avant le 1er mai 2013. J’estime donc que le cotisant décédé et elle ont commencé à vivre ensemble le 1er mai 2013.

[17] Par conséquent, la personne mise en cause n’était pas mariée au cotisant pendant un an au moment du décès de ce dernier et la durée du mariage combinée à celle de leur cohabitation en union de fait était également de moins d’un an.

[18] Manifestement, le cotisant était malade à ce moment-là. Ni l’appelante ni la personne mise en cause ne semblaient connaître la gravité de sa maladie. Aucun élément de preuve n’indique que le cotisant avait une espérance de vie d’au moins un an lors de son mariage avec la personne mise en cause.

[19] L’appelante soutient que le mariage entre la personne mise en cause et le cotisant décédé était [traduction] « frauduleux » et que ce mariage ne visait qu’à permettre à la personne mise en cause d’obtenir la citoyenneté canadienne. Je n’ai pas à me prononcer à ce sujet. Rien dans le Régime de pensions du Canada ne laisse entendre que le Tribunal doive vérifier l’authenticité d’un certificat de mariage. Si j’ai tort sur ce point, que le mariage soit [traduction] « frauduleux » ou pas ne changerait pas la décision rendue dans cette affaire, puisque j’ai conclu que la personne mise en cause n’a pas vécu en union de fait avec le cotisant décédé pendant une période suffisante pour qu’elle soit admissible à la pension de survivant.

[20] Enfin, je remarque que l’intimé a retiré des pages de son dossier avant de le déposer devant le Tribunal en application de l’article 26 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. J’ai demandé à l’intimé de me fournir les documents manquants, mais il a refusé de me les fournir et même de me dévoiler en quoi ils consistaient. L’appelante a déclaré dans son témoignage que ces documents avaient trait à la demande d’immigration de la personne mise en cause et à son statut d’immigrante. Si l’intimé s’est fondé sur l’un ou l’autre de ces documents pour rendre sa décision dans cette affaire, il a contrevenu à son obligation de les divulguer au Tribunal. Heureusement pour les parties, je peux toutefois rendre une décision sans ces documents.

Conclusion

[21] Pour les motifs que je viens d’énoncer, la revendication de l’appelante ainsi que celle de la personne mise en cause sont rejetées.

[22] L’appel est rejeté.

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