Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Comparutions

L’appelante, Mme K. W.

La personne mise en cause, Monsieur B. H.

E. H. (Mme H. /E.), présente à titre de témoin pour la personne mise en cause

Introduction

[1] L’appelante s’est vu accorder des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) dont les versements prenaient effet en juillet 2008 (GD3-68 à 71). L’appelante et la personne mise en cause sont les parents biologiques de H. H. (H.), née le 24 février 2010 (GD3-54). L’appelante a présenté une demande de prestation d’enfant de cotisant invalide (PECI) du RPC le 31 août 2010. Cette demande a été acceptée et l’appelante a reçu les versements de la PECI de juillet 2008 à septembre 2012. Après avoir reçu des informations de l’appelante en septembre 2012, l’intimé a suspendu les versements de la PECI à la fin de septembre 2012.

[2] Le 11 octobre 2012, l’intimé a reçu une demande de PECI de la personne mise en cause, Monsieur B. H., le père de H. H. Sur le fondement des documents présentés avec cette demande, l’intimé a conclu que H. H. était sous les soins et la garde de Monsieur B. H. depuis novembre 2011 et lui a accordé le versement de la PECI de façon rétroactive à décembre 2011. Par conséquent, l’intimé a conclu que l’appelante avait reçu un trop-payé de PECI de décembre 2011 à septembre 2012, puisqu’elle n’avait pas la garde physique et la surveillance de H. H. pendant cette période. Le 26 mars 2013, l’appelante a demandé à l’intimé de réviser sa décision. Le 29 avril 2013, l’intimé a rendu sa décision de révision et maintenait sa décision précédente (GD2-10). Dans une lettre de suivi datée du 9 mai 2013, l’intimé faisait part à l’appelante de ses droits d’appel (GD2-9). L’appelante a interjeté appel à l’encontre de la décision de révision devant le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) en juin 2013.

[3] L’appel a été instruit par téléconférence pour les raisons suivantes, mentionnées dans l’avis d’audience :

  • Il manque de l’information au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications;
  • La façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[4] Il n’est pas contesté que H. H. est l’enfant biologique de l’appelante (la cotisante) ni que H. H. est admissible à la PECI. Le Tribunal doit trancher la question à savoir si l’appelante était en droit de recevoir la PECI pour H. H. de décembre 2011 à septembre 2012. La réponse à cette question dépend de la personne qui avait la garde et la surveillance de H. H. pendant cette période, laquelle est donc admissible à la PECI au nom de l’enfant.

Droit applicable

[5] Le paragraphe 42(1) du RPC mentionne les définitions suivantes qui sont pertinentes :

enfant À l’égard d’un cotisant, enfant du cotisant, posthume ou non. Sont assimilés à un enfant un particulier adopté légalement ou de fait par le cotisant alors que ce particulier était âgé de moins de vingt et un ans et un particulier dont, légalement ou de fait, le cotisant a eu ou, immédiatement avant que ce particulier atteigne vingt et un ans, avait la garde ou la surveillance, à l’exclusion, sauf si le cotisant entretenait l’enfant au sens où l’entendent les règlements, d’un enfant du cotisant qui, avant le décès ou l’invalidité de ce dernier, est adopté légalement ou de fait par quelqu’un d’autre que le cotisant ou son époux ou conjoint de fait.

enfant à charge À l’égard d’un cotisant, enfant du cotisant qui est :

  1. (a) soit âgé de moins de dix-huit ans;
  2. (b) soit âgé de dix-huit ans ou plus mais de moins de vingt-cinq ans et fréquente à plein temps une école ou une université selon la définition qu’en donnent les règlements;
  3. (c) soit un enfant non visé par l’alinéa b), âgé de dix-huit ans ou plus et invalide, ayant été frappé d’invalidité sans interruption depuis le moment où il a atteint l’âge de dix-huit ans ou depuis que le cotisant est décédé, en choisissant celui de ces deux événements qui est survenu le dernier.

enfant d’un cotisant invalide Enfant d’un cotisant invalide et qui est à la charge de ce dernier, à l’exclusion d’un enfant à charge décrit à l’alinéa c) de la définition de enfant à charge. La présente définition s’applique en outre à toute expression dérivée ayant une signification semblable.

[6] L’alinéa 44(1)e) du RPC prévoit que la prestation d’enfant de cotisant invalide doit être payée à chaque enfant d’un cotisant invalide qui :

  1. (i) soit a versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité,
  2. (ii) soit est un cotisant à qui une pension d’invalidité aurait été payable au moment où il est réputé être devenu invalide, si une demande de pension d’invalidité avait été reçue avant le moment où elle l’a effectivement été,
  3. (iii) soit est un cotisant à qui une pension d’invalidité aurait été payable au moment où il est réputé être devenu invalide, si un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension n’avait pas été effectué en application des articles 55 et 55.1;

[7] L’article 75 du RPC décrit qui a droit au versement d’une PECI :

‏Paiement des prestations

5 Lorsqu’une prestation d’enfant de cotisant invalide est payable à un enfant d’un cotisant invalide ou qu’une prestation d’orphelin est payable à un orphelin d’un cotisant, le paiement doit en être fait, si l’enfant ou l’orphelin n’a pas atteint l’âge de dix-huit ans, à la personne ou à l’organisme qui a la garde et la surveillance de l’enfant ou de l’orphelin, ou, si aucune personne ou aucun organisme n’en a la garde et la surveillance, à la personne ou à l’organisme que le ministre peut désigner et, pour l’application de la présente partie :

  1. (a) le cotisant, par rapport à un enfant de cotisant invalide, sauf si l’enfant vit séparé du cotisant;
  2. (b) le survivant, s’il en est, du cotisant, par rapport à un orphelin, sauf si l’orphelin vit séparé du survivant,

est présumé, en l’absence de preuve contraire, la personne qui en a la garde et la surveillance.

[8] L’article 76 du RPC décrit le moment auquel la PECI cesse d’être payable :

  1. 76 (1) Une prestation d’enfant de cotisant invalide cesse d’être payable avec le paiement pour le mois au cours duquel :
  2. (a) l’enfant cesse d’être un enfant à charge;
  3. (b) l’enfant meurt;
  4. (c) la prestation d’invalidité du cotisant cesse d’être payable;
  5. (d) l’enfant est adopté légalement ou de fait par quelqu’un d’autre que le cotisant invalide ou son époux ou conjoint de fait, à moins que le cotisant invalide n’entretienne l’enfant au sens où l’entendent les règlements;
  6. (e) la personne visée par la définition d’« enfant » à l’article 42 du fait qu’elle était sous la garde ou la surveillance du cotisant invalide, n’est plus sous la garde ou la surveillance de celui-ci.

[Mis en évidence par le soussigné]

[9] L’article 66 du RPC et l’article 42 du Règlement sur le RPC traitent de la procédure pour le retour d’une prestation à laquelle le bénéficiaire n’avait pas droit, et du moyen par lequel l’intimé peut recouvrer un excédant versé. Les dispositions pertinentes sont citées ici :

Remise de la prestation indue

  1. 66 (1) Une personne ou un ayant droit qui a reçu ou obtenu, par chèque ou autrement, un paiement de prestation auquel elle n’a pas droit, ou à qui a été payée une prestation dont le montant excédait celui auquel elle avait droit, doit immédiatement retourner le chèque ou le montant, ou l’excédent, selon le cas.

Recouvrement des prestations

  1. (2) La prestation ou la partie de celle-ci que touche une personne et à laquelle elle n’a pas droit constitue une créance de Sa Majesté dont le recouvrement peut être poursuivi en tout temps à ce titre devant la Cour fédérale ou tout autre tribunal compétent, ou de toute autre façon prévue par la présente loi.

[…]

Déduction

  1. (2.1) Le montant de la créance peut en outre être déduit, de la façon réglementaire, des sommes à payer au débiteur ou à sa succession en vertu de la présente loi ou de toute autre loi dont l’application incombe au ministre ou au titre de tout programme dont la gestion lui est confiée.

Recouvrement par déductions pour obligation de restitution

  1. 42 Pour l’application du paragraphe 66(2.1) de la Loi, le montant dû par le prestataire ou sa succession peut être recouvré en une ou plusieurs déductions effectuées sur la totalité ou une partie de toute prestation payable au prestataire ou à sa succession en vertu de la Loi ou de toute autre loi ou tout programme dont la gestion est confiée au ministre, d’un montant qui ne met pas le prestataire ou sa succession dans une situation difficile.

[10] Les alinéas 66(3)c) et d) du RPC concernent le préjudice causé par la récupération du paiement excédentaire par le débiteur, et l’avis erroné ou l’erreur administrative causant le paiement excédentaire :

  1. (3) Nonobstant l’alinéa 61(2)b) et les paragraphes (1) et (2) du présent article, lorsqu’une personne a reçu ou obtenu une prestation à laquelle elle n’a pas droit ou une prestation supérieure à celle à laquelle elle a droit et que le ministre est convaincu que, selon le cas :
    1. (c) le remboursement du montant ou de l’excédent de la prestation causerait un préjudice abusif au débiteur;
    2. (d) le montant ou l’excédent de la prestation résulte d’un avis erroné ou d’une erreur administrative attribuable au ministre ou à un fonctionnaire du ministère de l’Emploi et du Développement social agissant dans le cadre de ses fonctions en application de la présente loi,
  2. le ministre peut, sauf dans les cas où cette personne a été condamnée, aux termes d’une disposition de la présente loi ou du Code criminel, pour avoir obtenu la prestation illégalement, faire remise de tout ou partie des montants versés indûment ou en excédent.

Preuve

[11] Ce qui suit est un résumé des éléments de preuve les plus pertinents.

[12] Le dossier d’audience contient le certificat de naissance de H. H., imprimé le 28 juin 2010, lequel précise que sa date de naissance est le 24 février 2010 et que l’appelante et la personne mise en cause sont ses parents biologiques (GD3-54).

[13] L’appelante a fait une demande de PECI du RPC par l’entremise d’une demande reçue le 31 août 2010. L’appelante a reçu mensuellement une PECI jusqu’en septembre 2012 inclusivement. Une demande de PECI a été reçue de la personne mise en cause le 11 octobre 2012 (GD3-52 à 53).

[14] La PECI a été accordée à la personne mise en cause en novembre 2012, avec prise d’effet rétroactive en décembre 2011, mois suivant la date où les documents de la cour donnaient la garde exclusive de H. H. à Monsieur B. H. (on traite de ce sujet par la suite).

[15] Une ordonnance judiciaire en date du 4 novembre 2011 donnait la garde exclusive de H. H. à la personne mise en cause, et le droit de visite pour l’appelante relevait de sa décision. L’ordonnance indiquait aussi à cette fin que H. H. soit ramenée à Terre-Neuve-et-Labrador depuis l’Alberta, et que les services policiers pouvaient appliquer l’ordonnance si nécessaire. L’ordonnance judiciaire expirait le 4 mai 2012 (GD3-48).

[16] Une ordonnance modificative finale en date du 9 novembre 2011 prévoit que les tuteurs actuels de H. H. sont la personne mise en cause et l’appelante. La cour a ordonné que l’ordonnance du 4 novembre 2011 soit remplacée par la présente et que :

L’enfant peut demeurer avec le père.

Prenant effet maintenant, le père est par la présente autorisé à prendre l’avion avec l’enfant jusqu’à Terre-Neuve, et le consentement de la mère est exempté.

Le père se trouve responsable du calendrier parental et de l’enfant en tout temps, à l’exception des périodes où la mère a droit au temps parental.

La mère n’a pas droit au temps parental avec l’enfant sans d’abord obtenir une ordonnance judiciaire subséquente.

Le père a un pouvoir décisionnel entier quant à l’enfant, incluant les décisions par rapport à l’éducation, aux soins médicaux, aux soins dentaires et à l’éducation religieuse.

(GD3-49)

[17] Dans une note de l’appelante du 26 mars 2013, celle-ci affirme avoir alterné de résidences entre un refuge pour femmes à X, Terre-Neuve, et la maison de X pendant la période contestée. Ses périodes de résidence au refuge ont été décrites ainsi :

31 janvier 2012 au 22 février 2012 (retour à la maison de X le 23 février 2012);

27 avril 2012 au 28 avril 2012 (retour à la maison de X le 29 avril 2012).

(GD3-39 à 40)

[18] L’appelante a transmis des relevés de carte de crédit. La plupart des relevés concernaient des périodes ne s’incluant pas dans la période contestée de décembre 2011 à septembre 2012 (GD7-10 à 43). Ceux qui concernaient juin à septembre 2012 indiquaient l’adresse postale de l’appelante comme étant à X, Terre-Neuve (GD7-14 à 16, 43).

[19] L’appelante a présenté un relevé de médicaments révélant des achats qu’elle a faits à X, Terre-Neuve (GD3-30).

[20] Mme A. B. de la Single Parent Association of Newfoundland (SPAN) [traduction : association des familles monoparentales de Terre-Neuve] indiquait dans une lettre non datée que l’appelante demeurait dans la maison de la personne mise en cause [traduction] :

[L’appelante] vivait à X à Terre-Neuve-et-Labrador avec le père de son enfant et la mère de celui-ci. Il me semble que c’était en décembre 2011, possiblement jusqu’à l’été, en août 2012.

(GD7-2)

Témoignage

Appelante

[21] Il a été demandé à l’appelante pour qu’elle raison croyait-elle avoir la garde et la surveillance de H. H. de décembre 2011 à septembre 2012. Même si elle avait informé un agent de Service Canada que la personne mise en cause avait la garde légale et la surveillance entière de H. H., elle affirmait être tout de même admissible à recevoir la PECI parce qu’elle habitait avec H. H., la personne mise en cause et la mère de la personne mise en cause (Mme E. H.). Mme E. H. était propriétaire de la maison (l’hypothèque a été remboursée après le décès de son époux). Elle a vécu sous le même toit sans interruption. Quand on lui a demandé d’expliquer ce qu’elle entendait par [traduction] « mesure de surveillance et de soins » par rapport à H. H., l’appelante a mentionné ce qui suit : elle prenait des marches avec H. H., elle lui donnait son bain et la préparait pour la journée. Une journée normale à prendre soin de H. H. signifiait : préparer le déjeuner, marcher, visiter l’étang ou aller au parc ou effectuer d’autres activités quotidiennes, coucher H. H. L’appelante changeait les couches de H. H. Elle planifiait les rendez-vous médicaux et s’y rendait. H. H. n’était pas dans un service de garde. L’appelante a affirmé être plus religieuse que la personne mise en cause, elle se rendait donc à l’église avec H. H. Elle partageait la préparation des repas pour H. H. avec la personne mise en cause et Mme E. H. L’appelante a indiqué avoir une plus grande mesure de surveillance et de soins par rapport à H. H. parce qu’elle se réveillait fréquemment avec H. H. et qu’elle commençait la routine quotidienne avec l’enfant. La personne mise en cause participait aux soins de H. H. en soirée, et depuis ce moment jusqu’à l’heure du coucher de H. H., les responsabilités parentales étaient partagées. Pendant la nuit, H. H. dormait dans le lit de Mme E. H. Si H. H. se réveillait, Mme E. H. était celle qui soignait et surveillait d’abord l’enfant. L’appelante achetait régulièrement de la nourriture, des chaussures et des vêtements pour H. H., au besoin. L’appelante donnait régulièrement de l’argent à Mme E. H. et à la personne mise en cause pour les dépenses ménagères. Mme E. H. et la personne mise en cause possédaient chacune une voiture, mais l’appelante contribuait à l’achat de l’essence. L’appelante et H. H. étaient des passagères, alors que la personne mise en cause ou Mme E. H. conduisait le véhicule.

Personne mise en cause

[22] La personne mise en cause avait la garde légale unique de H. H. pendant la période contestée. Les droits et les soins de H. H. sont à son entière discrétion, dont les visites de l’appelante. Monsieur B. H. conteste le fait que l’appelante demeurait avec lui et sa mère, Mme E. H., en décembre 2011. L’époux de Mme E. H. est décédé en novembre 2011, et d’aucune façon n’auraient-ils autorisé l’appelante à emménager avec eux.

[23] La personne mise en cause accepte le témoignage de l’appelante par rapport à son implication dans la vie de H. H., mais conteste la période de cette implication. Monsieur B. H. soutient que cela s’est produit avant qu’il ne soit déclaré l’unique tuteur de H. H. en novembre 2011. Il a rappelé au Tribunal que l’appelante avait emmené H. H. hors de la province en septembre 2011, sans son consentement. Il est allé devant la cour pour obtenir la garde complète. Par la suite, l’appelante n’a plus eu le droit d’être seule avec H. H. À compter du 6 novembre 2011, et pendant la période contestée, l’appelante demeurait sous un toit différent de celui de la personne mise en cause et de sa mère et de H. H.

[24] En ce qui concerne la garde et la surveillance de H. H. du 8 novembre 2011 au 2 octobre 2012, Monsieur B. H. a répété que l’appelante n’habitait pas avec lui, avec H. H. ou avec sa mère. Pendant cette période, il a permis à H. H. de communiquer avec l’appelante grâce à l’utilisation de Skype, parce que l’appelante demeurait en Alberta. Ayant la garde et la surveillance de H. H. pendant la période contestée, la personne mise en cause avait comme implication de la nourrir, la loger, lui donner son bain, avait l’entière responsabilité de la prise des rendez-vous médicaux et du transport de H. H., de jouer avec H. H. (résoudre des casse-tête par exemple) et de lui lire des histoires pour dormir.

Appelante

[25] En réponse, dans son témoignage, l’appelante a indiqué que certes Monsieur B. H. avait la garde légale exclusive de H. H., mais qu’elle a tout de même vécu avec lui, H. H. et Mme E. H. pendant neuf mois. Pendant ce temps, elle prenait soin de H. H. et fournissait une aide financière. L’appelante a maintenu que la lettre de A. B. confirme ce témoignage. L’appelante a ajouté que Mme A. B. lui a téléphoné à la maison, mais qu’elle n’est jamais venue sur les lieux. L’appelante a aussi clarifié que Mme A. B. était d’avis que l’appelante demeurait avec la personne mise en cause et Mme E. H. en raison de ce qu’elle lui avait dit.

E. H.

[26] Mme E. H. a nié le fait que l’appelante demeurait dans sa maison pendant la période contestée.

[27] L’appelante a eu la permission de poser des questions à Mme E. H. Elle lui a demandé si elle avait souvenir de les avoir conduites, elle et H. H., à la piscine, au Walmart, à l’épicerie et à l’étang. L’appelante n’a pas pu donner de dates spécifiques pour ces événements. Mme E. H. se rappelait les événements, mais elle aussi n’a pas pu se souvenir des dates spécifiques.

Observations

[28] L’appelante a fait valoir ce qui suit :

  1. Pendant qu’elle recevait la PECI, elle avait la garde partagée de H. H. (GD7-45) et elle fournissait à sa fille une [traduction] « mesure bien réelle de soins et de surveillance », même si Monsieur B. H., la personne mise en cause, avait été déclaré unique tuteur légal de H. H. (GD7-5 à 6). Par exemple, c’était elle qui fournissait le soutien financier complet pour H. H. : elle payait tout le loyer et toutes les factures, et la personne mise en cause était sans-travail (GD3-42);
  2. Elle se trouverait dans une situation financière difficile si elle avait à rembourser le trop-payé réclamé. Pendant l’audience, l’appelante a affirmé avoir remboursé le trop-payé à l’intimé à partir des déductions perçues de sa pension d’invalidité du RPC;
  3. Les éléments de preuve démontrent qu’elle demeurait avec H. H., la personne mise en cause et Mme E. H. pendant 9 mois (période contestée complète en 2012). La compétence de Mme A. B. fait d’elle une personne crédible. Les relevés de cartes de crédit confirment l’achat d’essence et de nourriture et confirment la version des faits de l’appelante. Mme E. H. et la personne mise en cause les ont conduites, elle et H. H., au Walmart et à d’autres endroits pendant qu’elle s’occupait de H. H.;
  4. Monsieur B. H., la personne mise en cause, et Mme E. H. ne sont pas honnêtes en niant qu’elle a demeuré avec eux et H. H. pendant la période contestée.

[29] L’intimé a fait valoir ce qui suit :

  1. L’appelante a fait une demande de PECI et l’a reçue de juillet 2008 à septembre 2012. L’information reçue de l’appelante en septembre 2012 indiquait qu’elle ne vivrait plus avec l’enfant;
  2. Les documents de la cour joints à la demande de PECI de la personne mise en cause démontraient que Monsieur B. H. avait la garde exclusive de l’enfant, prenant effet en novembre 2011. Aucun document de la cour n’a été transmis depuis pour indiquer un changement à cet arrangement visant la garde;
  3. Par conséquent, l’appelante a reçu le paiement de la PECI de décembre 2011 à septembre 2012, par erreur, ce qui a engendré un trop-payé versé à l’appelante.

[30] La personne mise en cause a fait les observations suivantes à la fin de l’audience :

  1. L’appelante n’a pas vécu avec eux pendant la période contestée. En fait, l’appelante avait dû être expulsée de la maison après une visite de 3 jours en octobre 2012;
  2. Il n’est pas crédible que sa mère ait permis à l’appelante de se trouver dans sa maison après que celle-ci ait unilatéralement décidé d’emmener H. H. à l’extérieur de la province en septembre 2011 et suivant le décès de son époux en novembre 2011;
  3. Des relevés de carte de crédit ne prouvent pas le lieu de résidence réel d’une personne. Quoi qu’il en soit, les relevés de l’appelante ne s’inscrivent pas dans la période contestée. La lettre de A. B. ne constitue pas réellement une validation du fait que l’appelante demeurait avec la personne mise en cause, sa mère et H. H. Cette affirmation est fondée sur l’information inexacte transmise par l’appelante.

Analyse

[31] Afin que l’appel soit accueilli, l’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait la garde et la surveillance de H. H. de décembre 2011 à septembre 2012.

[32] La PECI ne peut pas être partagée entre plusieurs personnes. L’article 75 du RPC prescrit clairement que la prestation est payable à une « personne » (singulier) à la fois.

[33] Le litige à régler porte donc sur la décision de la personne légitime pour la période contestée, soit l’appelante ou la personne mise en cause. En d’autres mots, qui avait la garde et la surveillance de H. H., l’appelante ou la personne mise en cause? Cette analyse repose sur les faits.

[34] Pour la présente affaire, le Tribunal se trouve devant une dispute du genre « ma parole contre la tienne » entre l’appelante et la personne mise en cause en ce qui concerne le fait que l’appelante aurait demeuré sous le même toit que H. H. pendant la période en litige.

[35] Sous serment, l’appelante était catégorique quant au fait d’avoir demeuré avec H. H., la personne mise en cause et Mme E. H. dans la maison de X pendant neuf mois sans interruption, de la fin janvier ou du début février 2012 jusqu’en septembre 2012. Elle a fait valoir que ses relevés de carte de crédit appuyaient son témoignage. Toutefois, une adresse postale associée à une carte de crédit ne confirme pas réellement qu’une personne demeure à ladite adresse. Une personne peut déménager et ne pas mettre à jour ses coordonnées.

[36] L’appelante a aussi fait valoir que Mme A. B. est une membre crédible et respectée de sa communauté. Sa lettre devrait donc posséder une valeur importante. De plus, Mme A. B. a téléphoné à l’appelante à la maison de X. Le Tribunal a tenu compte de ces arguments, mais aucun ne confirme réellement que l’appelante demeurait dans la maison de X. La lettre est fondée sur la parole de l’appelante, laquelle a avoué que Mme A. B. ne l’a en fait jamais vue pénétrer dans la propriété ou même aux alentours. En ce qui a trait aux conversations téléphoniques, elles ne servent pas plus de confirmation de résidence. Une personne peut visiter un endroit quelconque et y recevoir un appel téléphonique. Mais, aucun registre téléphonique n’a été soumis pour confirmer la tenue de ces conversations.

[37] Le Tribunal mentionne que le relevé de médicaments de la pharmacie de X indique non seulement une adresse postale à X pour l’appelante, mais aussi de grands décalages : aucun achat n’est indiqué entre le 26 septembre 2011 et le 11 février 2012. Seulement deux achats sont indiqués pour 2012 : le 11 février et le 21 décembre (dates qui ne s’inscrivent pas dans la période contestée). Cet élément de preuve ne confirme clairement pas que l’appelante aurait demeuré dans la maison de X pendant la période contestée et met en doute le fait qu’elle aurait même demeuré à Terre-Neuve pendant cette période.

[38] Finalement, la preuve de l’appelante était incohérente en soi. Elle a témoigné être demeurée avec H. H., la personne mise en cause et Mme E. H. sans interruption pendant la période contestée. Ce témoignage entre en contradiction avec sa preuve écrite où elle mentionnait avoir demeuré dans un refuge pour femmes à X à certains moments pendant cette même période (GD3-39 à 40).

[39] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le fondement de l’appel de l’appelante est faible en ce qui concerne sa résidence avec H. H., la personne mise en cause et Mme E. H. entre décembre 2011 et septembre 2012, et à plus forte raison quant au fait d’avoir eu la garde et la surveillance de H. H. pendant cette période.

[40] Le témoignage le plus crédible auquel une plus grande valeur devrait être accordée est celui de Mme E. H. Pendant toute sa participation devant le Tribunal, elle a fait preuve de politesse et de respect à l’endroit du membre du Tribunal et de l’appelante. Elle se rappelait très bien la période contestée, et on lui a demandé sans détour si l’appelante avait demeuré dans sa maison avec la personne mise en cause et H. H. pendant cette période. Mme E. H. a répondu par la négative. L’appelante a eu la possibilité de questionner Mme E. H., mais tout ce qui a ressorti de cet échange concernait la remémoration générale d’avoir conduit l’appelante et H. H. à certains endroits. Ni Mme E. H. ni l’appelante ne se souvenaient des dates de ces promenades. Et, ces promenades confirment que l’appelante n’avait pas la surveillance entière de H. H. parce qu’elle n’était pas autorisée à conduire le véhicule. À signaler également, l’appelante n’a pas contredit le témoignage de Mme E. H. où cette dernière affirmait que l’appelante n’avait pas demeuré avec elle, la personne mise en cause et H. H. pendant la période contestée (l’appelante a plutôt consacré ses questions au transport vers certains endroits).

[41] Finalement, l’ordonnance modificative finale constituait la preuve documentaire la plus crédible (GD3-49). Cette ordonnance donnait l’autorisation légale à la personne mise en cause d’avoir la garde et la surveillance exclusives de H. H. pendant la période contestée, et l’implication de l’appelante quant aux soins de H. H. était à son entière discrétion.

[42] En résumé, le Tribunal conclut que l’enfant à qui une PECI était versée, H. H., n’était pas sous les soins et la garde de l’appelante pour la période de décembre 2011 à septembre 2012. Un trop-payé a donc été versé à l’appelante par l’intimé. Ce trop-payé représente un excédant dont le recouvrement peut être poursuivi par l’intimé conformément à l’article 66 du RPC et à l’article 42 du Règlement sur le RPC. En ce qui concerne les observations de l’appelante portant sur des difficultés financières et sur un avis erroné ou une erreur administrative de la part des agents de l’intimé, ces questions échappent à la compétence du Tribunal conformément au paragraphe 66(3) du RPC. Le remboursement complet ou d’une portion du trop-payé relève plutôt d’une décision de l’intimé.

Conclusion

[43] L’appel est rejeté.

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