Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] L’appelante souhaite interjeter appel de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (TSS) le 1er septembre 2015. La DG a rejeté son appel concernant un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP ou partage de crédits) au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) parce que la demande de PGNAP de l’appelante a été présentée après l’expiration du délai de trois ans énoncé dans le paragraphe 55(1) du RPC.

[3] Il n’est pas nécessaire de demander la permission d’interjeter appel en vertu du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), parce qu’un rejet sommaire de la part de la DG peut faire l’objet d’un appel de plein droit.

[4] Comme il a été établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, une décision doit être rendue, comme l’exige l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement).

Aperçu

[5] L’appelante et son ex-mari s’étaient mariés le 12 juin 1976 et avaient divorcé le 4 novembre 1983. L’appelante n’a présenté sa demande de PGNAP que 27 ans après son divorce. L’ex-époux de l’appelante n’a jamais signé de renonciation au délai de trois ans, et il est maintenant décédé.

[6] L’appelante a présenté une demande de partage de crédits du RPC en mai 2011. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. Le 12 janvier 2012, l’appelante a interjeté appel de ces rejets auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision, et cet appel a été transféré à la DG en avril 2013.

[7] Dans une décision datant du 1er septembre 2015, la DG a rejeté sommairement l’appel de l’appelante puisque sa demande de PGNAP a été présentée après l’expiration du délai de trois ans après qu’elle est son ex-mari aient divorcé, conformément au paragraphe 55(1) du RPC.

[8] Le 5 septembre 2015, l’appelante a présenté une demande d’appel incomplète dans laquelle elle soutenait que la DG aurait commis des erreurs. À la suite de deux demandes écrites lui demandant qu’elle fournisse des renseignements manquants obligatoires, l’appelante a complété sa demande d’appel le 19 mai 2016. J’ai décidé qu’une audience de vive voix n’est pas nécessaire en l’espèce et que l’appel peut être instruit sur le fondement du dossier documentaire pour les motifs suivants :

  1. Le dossier est complet et ne nécessite aucune clarification ;
  2. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

[9] Les observations de l’appelante ont été énoncées dans sa lettre d’appel datée du 9 septembre 2015 ainsi que dans les addendas subséquents. L’intimé a répondu à l’aide d’une observation datée du 4 juillet 2016.

Droit applicable

[10] Le paragraphe 53(1) de la LMEDS prévoit que la DG rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. En vertu du paragraphe 56(2), aucune permission d’en appeler n’est requise pour interjeter appel d’un rejet sommaire devant la DA.

[11] Le paragraphe 54(1) de la LMEDS énonce clairement que la DG peut seulement rendre une décision qui aurait autrement été prise par le ministre : « La division générale peut rejeter l’appel ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision visée par l’appel ou rendre la décision que le ministre ou la Commission aurait dû rendre. »

[12] Selon l’article 22 du Règlement, avant de rejeter un appel de façon sommaire, la division générale doit en aviser l’appelant par écrit et lui accorder un délai raisonnable pour présenter ses observations.

[13] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] Le paragraphe 55(1) du RPC prévoit que sous réserve de certaines conditions, lorsque les anciens conjoints ont divorcé après le 1er janvier 1978 et avant le 1er janvier 1987, la demande de PGNAP doit avoir été faite dans les 36 mois du divorce, à moins que les deux ex-époux ou anciens conjoints ne signent un accord écrit que la demande puisse être faite après cette période.

Normes de contrôle

[15] Jusqu’à tout récemment, il était convenu que les appels devant la DA étaient régis par les normes de preuve énoncées dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-BrunswickNote de bas de page 1 par la Cour suprême du Canada.Dans les affaires comportant des allégations d’erreur de droit ou de manquements aux principes de justice naturelle, la norme de la décision correcte serait la norme applicable, signifiant qu’un faible degré de déférence devait être accordé au premier palier de décision d’un tribunal administratif. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable est celle de la décision raisonnable, signifiant une réticence de la Cour à intervenir dans les conclusions de l’entité dont le rôle consiste à évaluer la preuve des faits.

[16] Dans l’affaire Canada (MCI) c. HuruglicaNote de bas de page 2, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle ayant été conçues aux fins d’application dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se fier en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle.

Questions en litige

[17] Les questions dont je suis saisi sont les suivantes :

  1. Quelle norme de contrôle doit-on appliquer lors de l’examen des décisions de la DG ?
  2. La DG a-t-elle commis une erreur en rejetant de façon sommaire la demande de partage de crédits de l’appelant parce que sa demande de PGNAP a été présentée après l’expiration du délai de trois ans ?

Observations

[18] L’appelant a présenté les observations suivantes :

  1. Elle n’était pas au courant du délai de trois ans prévu au paragraphe 55(1) du RPC, mais espère que son appel sera pris en considération, car elle souffre de problèmes de santé permanents et elle vit dans la pauvreté depuis son divorce en 1983.
  2. Elle n’avait pas vu son mari depuis son divorce et ne savait pas qu’il était décédé.

[19] L’intimé a présenté les observations suivantes :

  1. Le paragraphe 55(1) du RPC prévoit que sous réserve de certaines conditions, lorsque les anciens conjoints ont divorcé après le 1er janvier 1978 et avant le 1er janvier 1987, la demande de PGNAP doit avoir été faite dans les 36 mois du divorce, à moins que les deux ex-époux ou anciens conjoints ne signent un accord écrit.
  2. La demande de PGNAP de l’appelante a été reçue 17 ans après son divorce, bien après le délai de trois ans. L’ex-mari de l’appelante n’avait pas signé d’accord acceptant de renoncer à la période limite, et il s’avère qu’il est maintenant décédé.
  3. Dans l’affaire récente MEDC c. B.T. et J.S.Note de bas de page 3, la DA a conclu que le paragraphe 55(1) n’enfreint pas la Charte des droits et libertés.
  4. La DG a conclu à juste titre que l’appelante n’était pas admissible à un partage des crédits, car sa demande a été présentée après le délai de 36 mois accordé en vertu du paragraphe 55(1). Par conséquent, l’appel de l’appelante n’avait aucune chance raisonnable de succès en vertu du paragraphe 53(1) de la LMEDS, et la DG ne possédait pas le pouvoir discrétionnaire de faire autrement que de rejeter sommairement l’appel.

Analyse

(a) Normes de contrôle

[20] Bien que l’affaire Huruglica traite d’une décision qui provenait de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, elle a des incidences sur d’autres tribunaux administratifs. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’importation de principes de contrôle judiciaires, comme il a été mentionné dans l’arrêt Dunsmuir, vers les tribunes administratives était inappropriée, car celles-ci pourraient refléter des priorités législatives autres que l’impératif constitutionnel de préserver la primauté du droit. [Traduction] « Il ne suffit pas d’assumer que la chose étant jugée comme la meilleure politique pour les cours d’appel s’applique également à des cours d’appel administratives particulières. »

[21] Cette prémisse amène la Cour à déterminer le critère approprié qui découle complètement de la loi habilitante d’un tribunal administratif :

[...] la détermination du rôle d’un organisme administratif d’appel spécialisé est purement et essentiellement une question d’interprétation des lois, parce que le législateur peut concevoir tout type de structure administrative à plusieurs niveaux pour répondre à n’importe quel contexte. L’interprétation de la loi appelle l’analyse des mots de la LIPR [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés] qui doivent être lus au regard de leur contexte global… L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur en ce qui a trait aux dispositions pertinentes de la LIPR et au rôle de la SAR [section d’appel des réfugiés].

[22] En la matière, cela implique que la norme de la décision raisonnable ou de la décision correcte ne s’appliquent pas à moins que ces mots ou leurs variantes figurent spécifiquement dans la législation fondatrice. Si cette approche est appliquée à la LMEDS, on doit noter que les alinéas 58(1)a) et b) ne qualifie pas les erreurs de droit ou les manquements à la justice naturelle, ce qui suggère que la DA ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard des interprétations de la DG.

[23] Le mot « déraisonnable » est introuvable à l’alinéa 58(1)c), où il est question de conclusions de fait erronées. En revanche, le critère contient les mots « abusive ou arbitraire » ou « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme il a été suggéré dans l’affaire Huruglica, il faut donner à ces mots leur propre interprétation, mais le libellé suggère que la DA devrait intervenir lorsque la DG fonde sa décision sur une erreur qui est vraiment énorme ou qui est en contradiction avec le dossier.

(b) Rejet sommaire

[24] La DG a rejeté l’appel de l’appelante parce que sa demande de PGNAP a été reçue en mai 2011, soit plus de 27 ans après son divorce et bien après le délai de trois ans prévu au paragraphe 55(1) du RPC.

[25] Après avoir examiné minutieusement la décision, je ne trouve pas d’indication que la DG aurait manqué à un principe de justice naturelle ou commis une erreur de droit ou de fait. La DG a évalué le dossier et conclu que l’appelante, ayant été divorcée entre le 1er janvier 1978 et le 1er janvier 1987, ne pouvait effectivement pas présenter de demande de partage de crédits en l’absence d’une renonciation écrite de la part de son ex-mari maintenant décédé. La DG estime qu’il n’y a aucune cause défendable selon les motifs soulevés par l’appelante, et je ne vois aucune raison d’interférer avec son raisonnement. Je n’ai compétence que pour déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache aux moyens d’appel admissibles et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Bien que l’analyse de la DG n’ait pas produit la conclusion souhaitée par l’appelante, il n’est pas mon rôle d’évaluer à nouveau les éléments de preuve ; mon rôle consiste plutôt à déterminer si la décision est défendable en me fondant sur les faits et la loi.

[26] Dans son avis d’appel, l’appelante a écrit qu’elle n’était pas au courant du délai ou de l’obligation d’obtenir une renonciation écrite, mais malheureusement, le RPC ne donna pas de libertés aux prestataires ou prestataires potentiels qui ne sont pas au courant des subtilités de la loi. Elle a également suggéré que ce n’est que justice que les gains ouvrant droit à pension de son ex-mari soient divisés à son avantage et a demandé à la DG (et maintenant à la DA) d’utiliser son pouvoir discrétionnaire pour effectuer un partage de crédits en raison de ses difficultés financières. Malheureusement, le TSS n’a pas le pouvoir discrétionnaire pour prescrire un tel recours ; il peut seulement exercer la compétence que la loi lui confère. Cette position peut être appuyée par la décision Canada (MDRH) c. TuckerNote de bas de page 4 et par d’autres décisions dans lesquelles il a été tenu qu’un tribunal administratif n’est pas une cour, mais plutôt un décideur prévu par la loi et qu’il n’a pas la compétence d’accorder une quelconque forme de réparation équitable.

Conclusion

[27] Pour les motifs énoncés ci-dessus, l’appel est rejeté.

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