Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP ou partage de crédits) présentée par l’appelante a été datée du 18 juillet 2014 par l’intimé. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision de révision devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 21 octobre 2015.

[2] Cet appel a été tranché sur la foi des documents et des observations déposés pour les raisons suivantes :

  1. Les questions qui font l’objet du présent appel ne sont pas complexes.
  2. La façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit juger si l’appelante est admissible à un partage des crédits.

Droit applicable

[4] L’article 55.11 du Régime de pensions du Canada (RPC) prévoit que l’article 55.1 du RPC s’applique aux anciens époux qui ont divorcé après le 1er janvier 1987.

[5] L’article 55.1 concerne le PGNAP/partage des crédits. Une partie de cette disposition se lit ainsi :

Circonstances donnant lieu au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension

55.1 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article et des articles 55.2 et 55.3, il doit y avoir partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension dans les circonstances suivantes :

a) dans le cas d’époux, lorsqu’est rendu un jugement accordant un divorce ou un jugement en nullité de mariage, dès que le ministre est informé du jugement et qu’il reçoit les renseignements prescrits;

b) dans le cas d’époux, à la suite de l’approbation par le ministre d’une demande faite par l’un ou l’autre de ceux-ci ou pour son compte, ou par sa succession ou encore par une personne visée par règlement [...]

[mis en évidence par le soussigné]

[6] Le paragraphe 55.2(3) du RPC est particulièrement pertinent. Il se lit comme suit :

Contrats ayant leurs effets à l’égard du ministre

(3)  Dans les cas où les conditions ci-après sont réunies, le ministre est lié par la disposition visée à l’alinéa a) et n’effectue pas le partage en application de l’article 55 ou 55.1 :

  1. a) un contrat écrit est conclu entre les personnes visées par le partage, le 4 juin 1986 ou après cette date, et contient une disposition qui fait expressément mention de la présente loi et qui exprime l’intention de ces personnes de ne pas faire le partage, en application de l’article 55 ou 55.1, des gains non ajustés ouvrant droit à pension;
  2. b) la disposition en question du contrat est expressément autorisée selon le droit provincial applicable à de tels contrats;
  3. c) le contrat a été conclu :
    1. (i) dans le cas d’un partage visé par l’article 55 ou les alinéas 55.1(1)b) ou c), avant le jour de la demande,
    2. (ii) dans le cas d’un partage visé par l’alinéa 55.1(1)a), avant que ne soit rendu un jugement accordant un divorce ou un jugement en nullité de mariage, selon le cas;
  4. d) la disposition en question du contrat n’a pas été annulée aux termes d’une ordonnance d’un tribunal.

[7] Le paragraphe 38(5) de la Loi sur les biens familiaux de la Saskatchewan permet aux époux, sous contrat, de renoncer à leurs droits au partage des crédits du RPC :

(5) Sans que soit limitée la généralité du paragraphe (4), les parties à un contrat familial conclu à compter du 4 juin 1986 peuvent prévoir que, malgré le Régime de pensions du Canada, les gains ouvrant droit à pension non rajustés en vertu de cette loi ne pourront être répartis entre elles.

Preuve

[8] Le Tribunal a examiné l’ensemble des pièces déposées. Les éléments de preuve suivants étaient les plus importants.

[9] L’appelante et le mis en cause ont été mariés le 10 octobre 1981, et le divorce a été prononcé le 16 août 2004 (voir à GD2-18 le certificat de divorce émis le 17 août 2004 par la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan).

[10] L’appelante et le mis en cause ont convenu avoir cohabité depuis octobre 1981 jusqu’en juillet 2003 (GD2-21).

[11] L’appelante et le mis en cause ont été liés par un contrat familial (ou contrat) le 29 décembre 2003, lequel prévoit ce qui suit à l’alinéa 6c) [traduction] :

[L’appelante] [...] renonce à tout droit qu’elle peut avoir en ce qui concerne un quelconque régime de pension [du mis en cause], dont les crédits du Régime de pensions du Canada [...] Sans que soit limitée la généralité de ce qui précède, [l’appelante] renonce expressément à tout partage des gains ajustés ouvrant droit à pension conformément à l’article 55 ou 55.1 du Régime de pensions du Canada.

(GD2-30)

[12] L’alinéa 9a) du contrat familial prévoit que l’appelante et le mis en cause ont reçu chacun un avis juridique indépendant; qu’ils comprennent leurs droits et obligations respectifs conformément à ce contrat; qu’ils ont signé le contrat de façon volontaire (GD2-33).

[13] L’alinéa 9b) du contrat familial prévoit que les impacts légaux et pratiques de ce contrat ont été expliqués en tous points aux deux parties, et les parties ont reconnu que les termes du contrat ne sont pas le résultat d’une fraude, d’une contrainte ou d’une influence indue. L’alinéa 9b) énonce aussi que l’appelante et le mis en cause conviennent que le contrat familial contient l’accord des parties en entier (GD2-33).

[14] La clause 16 du contrat familial prévoit que le contrat doit être régi par les lois de la province de la Saskatchewan (GD2-34).

[15] L’appelante a signé le contrat familial devant témoin le 15 décembre 2003. Le mis en cause l’a signé le 29 décembre 2003 (GD2-35). L’attestation d’exécution en ce qui concerne l’exécution du contrat par l’appelante en présence d’un notaire public dans l’état du Wisconsin se trouve à GD2-42.

[16] L’appelante (le 15 décembre 2003) et le mis en cause (le 29 décembre 2003) ont déclaré être conscients de la nature et de l’impact du contrat familial; l’avoir accepté librement et volontairement; avoir reçu chacun un avis juridique indépendant en ce qui concerne le contrat (GD2-39).

[17] Le 18 décembre 2003, l’avocat de l’appelante a certifié l’avoir entièrement informée de l’importance juridique du contrat familial; qu’elle a reconnu être totalement consciente des conséquences juridiques du contrat; qu’elle a signé le contrat en sa présence (GD2-40).

Observations

[18] Dans son avis d’appel (GD1), l’appelante a affirmé être admissible à un partage de crédits du RPC pour les raisons suivantes :

  1. Elle n’était pas informée de son droit légal de bénéficier du partage de crédits (elle s’appuie sur des notes personnelles et sur des échanges qui précèdent l’exécution du contrat familial).
  2. La renonciation au droit de partage de crédits du RPC qui se trouve dans le contrat familial n’est pas applicable, car elle ne peut pas renoncer aux droits qu’elle ne connaissait.
  3. Elle n’a pas été entièrement informée de ses droits légaux d’« aucune partie » du contrat familial, elle n’a pas signé le contrat en présence de son avocat, et le contrat est donc nul et non avenu.
  4. Elle pourrait éprouver des difficultés financières une fois la fin de sa prestation d’invalidité, ce qui rappelle l’importance personnelle du partage de crédits.

[19] L’intimé a fait valoir que l’appelante n’est pas admissible au partage de crédits pour les raisons suivantes :

  1. Elle a renoncé à ses droits de partage de crédits en vertu du contrat familial.
  2. Le contrat familial n’a pas été annulé aux termes d’une ordonnance d’un tribunal.
  3. L’intimé est lié par le contrat familial.
  4. Aucun fondement juridique ne permettrait le partage de crédits au nom de la compassion, pour des raisons de santé et de circonstances financières d’un demandeur, comme celles de l’appelante.

Analyse

[20] L’appelante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle est admissible au partage de crédits du RPC.

[21] Ayant examiné toutes les pièces et observations déposées, le Tribunal juge que l’appelante ne s’est pas acquittée de son fardeau. L’intimé ne peut pas accorder un partage de crédits conformément à l’article 55.1 du RPC parce que tous les critères du paragraphe 55.2(3) sont en l’espèce satisfaits.

[22] Conformément à l’alinéa 55.2(3)a) du RPC, le contrat familial a été exécuté après le 4 juin 1986 et contient une disposition (alinéa 6c) du contrat) qui fait spécifiquement mention du RPC et qui indique l’intention des parties de ne pas procéder au partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension au titre de l’article 55 ou 55.1.

[23] Conformément à l’alinéa 55.2(3)b) du RPC, le contrat familial était régi par les lois de la Saskatchewan, lesquelles permettent de se soustraire au partage de crédits du RPC (voir le paragraphe 38(5) de la Loi sur les biens familiaux et la clause 16 du contrat cité précédemment).

[24] Conformément à l’alinéa 55.2(3)c) du RPC, les parties ont été liées par le contrat familial avant que ne soit rendu le jugement accordant le divorce et avant que l’appelante demande le partage de crédits. Les parties ont été liées par le contrat familial le 29 décembre 2003. Ils ont divorcé en août 2004. L’appelante a présenté une demande de partage de crédits en juillet 2014.

[25] Conformément à l’alinéa 55.2(3)d) du RPC, aucune preuve n’a été présentée au Tribunal pour faire montre que l’alinéa 6c) du contrat familial a été annulé aux termes d’une ordonnance d’un tribunal. Pour cette raison, les déclarations de l’appelante de ne pas avoir été consciente de ses droits aux termes du contrat familial, de ne pas avoir renoncé à ses droits de partage de crédits, et que le contrat familial devrait être nul et non avenu, n’accordent aucun fondement à cet appel. En d’autres mots, pour invalider la renonciation expresse aux droits de partage de crédits (alinéa 6c) du contrat) sur la base que les droits de l’appelante ne lui ont pas été expliqués (malgré les dispositions claires dans le contrat à l’effet contraire), seule une ordonnance d’un tribunal pour annuler l’alinéa 6c) pourrait potentiellement libérer l’intimé de son adhésion au contrat familial.

[26] Finalement, puisque le Tribunal est purement établi par la loi, il doit l’appliquer telle qu’elle est libellée. Le RPC ne permet pas le partage de crédits sur la base de la santé d’une personne et de ses circonstances financières. Le Tribunal sympathise avec l’appelante, mais ne peut pas ignorer le droit pour lui accorder le partage de crédits en raison de sa santé et de sa situation financière.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté.

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