Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 2 juin 2016. La division générale avait tenu une audience fondée sur le dossier documentaire et conclu que le demandeur avait erré en accordant la prestation de décès à la partie mise en cause conformément au Régime de pensions du Canada (RPC) plutôt qu'à la défenderesse.

[2] Le 30 mai 2016, dans le respect du délai, le demandeur a présenté à la division d'appel une demande de permission d'en appeler en présentant les moyens d'appels allégués. Afin que la demande soit accueillie, je dois être convaincu que l'appel a une chance raisonnable de succès.

[3] Conformément au paragraphe 10(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, j'ai décidé d'ajouter les services communautaires de la région de Niagara comme partie mise en cause, étant donné qu'elle a un intérêt direct dans le résultat de cette procédure.

Aperçu des faits

[4] Le 13 septembre 2013, John Wayne Sunday (le cotisant décédé) est décédé. Le 29 octobre 2013, la défenderesse a présenté une demande de prestation de décès du RPC pour la succession du cotisant décédé. Elle a dit qu'elle était l'épouse et conjointe de fait du cotisant décédé de même que l'exécutrice testamentaire, mais elle avait aussi rempli une partie de la demande en indiquant qu'il n'y avait pas de testament et qu'elle présentait la demande en tant que conjointe de fait de la succession. La demande de la défenderesse était accompagnée des documents suivants :

  • une copie du certificat de la preuve de décès
  • une copie du contrat des services funéraires
  • une facture qui indiquait que la défenderesse avait déboursé 240,88 $ en services funéraires
  • un testament écrit à la main signé et déposé sous serment par le cotisant décédé le 8 juillet 2013

[5] Le 14 novembre 2013, la partie mise en cause a présenté une demande de prestation de décès du RPC pour la succession du cotisant décédé. Elle faisait valoir qu'elle avait payé les frais de funérailles du cotisant décédé et a présenté une copie du certificat de preuve de décès ainsi qu'une déclaration indiquant que le Department of Community Services de la région de Niagara avait déboursé un montant de 4 022,56 $ en frais de funérailles.

[6] Le demandeur a approuvé la demande de la partie mise en cause et lui a versé le capital assuré de la prestation de décès.

[7] Dans une lettre datée du 18 novembre 2013, la défenderesse a été avisée que sa demande de prestation de décès avait été refusée étant donné son inadmissibilité au RPC. Le 11 décembre 2013, la défenderesse a demandé une révision de la décision de refuser sa demande de prestation de décès, mais le demandeur a réaffirmé sa décision dans une lettre du 28 janvier 2014.

[8] Le 2 février 2014, la défenderesse a déposé un avis d’appel à la division générale. Le 28 avril 2016, le membre de la division générale responsable de la question a demandé des observations au demandeur sur l'étendue des efforts qui avaient été déployés afin de déterminer si le cotisant décédé avait un testament. Le demandeur a présenté des observations le 27 mai 2016, et la division générale a rendu sa décision avant cinq jours révolus. La division générale a jugé les observations contradictoires et a conclu que : « [L]e ministre a commis une erreur en appliquant l'article 64 du Règlement sur le RPC alors qu'il aurait dû appliquer le paragraphe 71(1) du RèglementNote de bas de page 1, selon lequel la prestation de décès devrait être payée à la succession. »

Droit applicable

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[9] Tel qu’il est stipulé aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[10] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[11] Les seuls moyens d’appel selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, la demande doit soulever un motif défendable qui pourrait donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada.Note de bas de page 2 Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada.Note de bas de page 3

[13] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C'est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l'audition de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

RPC et son Règlement

[14] Conformément au paragraphe 57(1) du RPC selon lequel, sous réserve du paragraphe (1.1), une prestation de décès payable à la succession d’un cotisant est un montant global égal : a) soit à six fois le montant de la pension de retraite du cotisant, calculé comme le prévoit le paragraphe (2), ou b) soit à dix pour cent du maximum des gains annuels ouvrant droit à pension, pour l’année au cours de laquelle le cotisant est décédé, en choisissant le moindre de ces deux montants.

[15] Selon le paragraphe 57(1.1), si le cotisant est décédé après le 31 décembre 1997, le montant global visé au paragraphe (1) ne peut dépasser 2 500 $.

[16] L’article 71 du RPC indique :

  1. (1) Lorsque le paiement d’une prestation de décès est approuvé, le ministre doit, sauf selon ce qui est prévu aux paragraphes (2) et (3), payer la prestation de décès aux ayants droit du cotisant.
  2. (2) Le ministre peut, par directive, prévoir le paiement, en tout ou en partie, d’une prestation de décès à la personne ou à l’organisme prescrit dans l’un ou l’autre des cas suivants :
    1. a) il est convaincu, après enquête raisonnable, qu’il n’y a pas d’ayants droit;
    2. b) les ayants droit n’ont pas demandé la prestation de décès dans le délai prescrit suivant le décès du cotisant;
    3. c) le montant de la prestation de décès est inférieur au montant prescrit.

[17] L'article 64 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC) indique :

  1. 64. (1) Dans le cas visé à l’alinéa 71(2)a) de la Loi ou lorsque les ayants droit d’un cotisant n’ont pas demandé la prestation de décès dans les 60 jours suivant le décès du cotisant ou que le montant de la prestation de décès est inférieur aux deux tiers de 10 % du maximum des gains annuels ouvrant droit à pension pour l’année de son décès, s’il est décédé avant le 1er janvier 1998, ou est inférieur à 2 387 $, s’il est décédé après le 31 décembre 1997, la directive émise en application du paragraphe 71(2) de la Loi peut, sous réserve des paragraphes (2) et (3), prévoir le paiement de la prestation de décès :
    1. a) à la personne ou à l’établissement qui a payé les frais funéraires du cotisant décédé ou en est responsable;
    2. b) à défaut de la personne ou de l’établissement visés à l’alinéa a), au survivant du cotisant décédé;
    3. c) à défaut de personne ou d’établissement visé à l’alinéa a) ou de survivant visé à l’alinéa b), au plus proche parent du cotisant décédé.
  2. (2) Le paiement effectué en application de l’alinéa (1)a) ne peut dépasser le montant des frais funéraires réels.
  3. (3) Si le paiement effectué en application de l’alinéa (1)a) est inférieur au montant de la prestation de décès, une directive peut être émise pour prévoir le paiement du reliquat de la prestation à la personne visée à l’alinéa (1)b) ou c), selon le cas.

Question en litige

[18] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[19] Dans sa demande de permission d'en appeler, le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur en affirmant que le ministre aurait dû appliquer le paragraphe 71(1) du RPC plutôt que l'article 64 du Règlement sur le RPC. Au paragraphe 3 de sa décision, la division générale a indiqué que le droit à la prestation de décès dépendait uniquement du statut d'exécuteur testamentaire du demandeur de la succession du cotisant décédé, mais la question est plus complexe.

[20] Le paragraphe 71(1) du RPC présente la règle d'application générale selon laquelle la prestation de décès doit être payée à la succession d’un cotisant, mais il existe des exceptions à cette règle qui sont établies au paragraphe 71(2) et qui n'ont pas été reconnues par la division générale. Plus particulièrement, l'alinéa 71(2)c) permet au demandeur, par directive, de prévoir le paiement en tout ou en partie d’une prestation de décès à la personne ou à l’organisme prescrit dans le Règlement sur le RPC lorsque le montant de la prestation de décès est inférieur au montant prescrit. Dans le cas présent, bien que la défenderesse ait été l'exécutrice testamentaire de la succession du cotisant décédé, le montant de la prestation de décès était inférieur au montant indiqué au paragraphe 64(1) du Règlement sur le RPC, qui est de 2 387 $. Par conséquent, le demandeur avait le droit, conformément au même paragraphe, d'accorder la prestation de décès à la personne ou l'organisme qui avait payé les frais funéraires du cotisant décédé, et il s'agit dans le cas présent de la partie mise en cause.

Analyse

[21] D'abord, selon moi, on ne peut blâmer la défenderesse d'avoir cru qu'elle était la bénéficiaire légitime de la prestation de décès payée au nom du cotisant décédé. Elle était la conjointe de fait et avait été nommée exécutrice dans les dernières volontés et le testament. Plus important encore, les deux lettres identiques du demandeur qui refusaient sa demande (la réponse initiale datée du 18 novembre 2013 et la réponse du réexamen datée du 28 janvier 2014) n'offraient qu'une explication vague et incomplète de sa décision; une explication qui aurait amené toute personne raisonnable à se questionner sur les raisons de son inadmissibilité à la prestation de décès. Aucune des lettres ne faisait mention de l'alinéa 71(2)c) du RPC ou du paragraphe 64(1) du Règlement sur le RPC, les dispositions sur lesquelles était fondée la décision du demandeur en faveur de la partie mise en cause.

[22] Cela dit, j'ai examiné la décision de la division générale par rapport au dossier, et je suis d'accord avec le demandeur par rapport au fait que les motifs présentés ont une chance raisonnable de succès à l'appel. Il est clair selon la décision que la division générale croyait que la question essentielle relative à cet appel visait à déterminer si la défenderesse représentait légitimement la succession du cotisant décédé. Ayant conclu qu'elle la représentait, la division d'appel a appliqué le paragraphe 71(1) du RPC, sans aller plus loin.

[23] Je vois une cause défendable dans le fait que la division générale a commis une erreur en ignorant le paragraphe 71(2) du RPC, qui permet au demandeur, par directive, de verser la prestation de décès à quelqu’un d’autre que la succession sous certaines conditions. Une de ces conditions est présentée à l’alinéa 71(2)c), qui prévoit une exception si le montant de la prestation de décès est inférieur au montant prescrit. Le paragraphe 64(1) du Règlement sur le RPC prescrit un montant de 2 387 $ si le cotisant est décédé après le 31 décembre 1997.

[24] Une question qui est soulevée est le montant réel de la prestation de décès payable. Je n’ai rien trouvé dans le dossier, ou dans les observations du demandeur, qui indiquait le montant qui avait été payé à la partie mise en cause. À part la parole du demandeur, il n’y a aucune confirmation que la prestation de décès payable était véritablement d’un montant inférieur à 2 387 $. J’espère que cette question sera abordée avant l’audition sur le fond.

[25] Si le montant payable était inférieur au seuil prescrit, il semblerait que le paragraphe 64(1) permette au demandeur de verser ce montant à la personne ou à l’organisme qui, selon lui, avait réellement payé les frais de funérailles du cotisant décédé. Le demandeur a déterminé que la partie mise en cause, et non la défenderesse, correspondait à ce critère, ce qui lui donnait donc droit à la prestation de décès. Je ne vois cependant aucune indication que la division générale a fait ce calcul, ou même qu’elle ait réalisé qu’il était nécessaire.

Conclusion

[26] Pour les raisons susmentionnées, la permission d’en appeler est accordée.

[27] J’invite les parties à fournir des observations quant à la nécessité de procéder à une audition orale. La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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