Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Aperçu

[1] La mise en cause, qui est l’ancienne épouse du demandeur, a présenté une demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP) du Régime de pension du Canada (RPC) en septembre 2011. Le défendeur a accordé le PGNAP et a établi une période de cohabitation qui reflétait une date de séparation du 1er avril 1996. Après la présentation d’une demande de réexamen par le demandeur en août 2012, le défendeur a appliqué une date de séparation du 1er mai 1995.

[2] En octobre 2012, le demandeur a interjeté appel de la décision du défendeur relative au réexamen devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision, qui a transféré l’appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 1er avril 2013. L’appel a été sommairement rejeté par la division générale le 17 février 2015, selon le motif qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès. Le demandeur a interjeté appel devant la division d’appel du Tribunal. Il n’était pas nécessaire d’accueillir une permission d’en appeler parce que la décision de la division générale était un rejet sommaire. Le membre J. Lew de la division d’appel a accueilli l’appel (A. P. c. Ministre du Développement des ressources humaines, 2015 TSSDA 973) et a conclu que la division générale n’aurait pas dû rejeter sommairement l’appel parce qu’il y avait une cause défendable justifiant une audition sur le fond :

[46] L’avocat de l’intimé soutient que le rejet sommaire de l’appel était la décision appropriée relativement à la question de la date de séparation, puisque la date de séparation n’était pas contestée (aux paragraphes 4 et 32 de ses observations). Je ne peux pas souscrire à cet argument puisque la date de séparation est une question litigieuse depuis le début. Ainsi, pas moins de cinq dates possibles de séparation ont été proposées par l’appelant et la partie intéressée à divers moments : pas plus tard qu’avril 1991; le 28 mai 1991; le 1er mai 1995; le 1er avril 1996 et le 10 septembre 1997. Certaines de ces dates sont beaucoup moins crédibles que d’autres, mais il existe des pistes documentaires pour ces dates, dont certaines sont plus limitées que d’autres.

[57] Ayant estimé qu’elle préférait l’accord de séparation comme meilleure preuve de la date de séparation par rapport à d’autres dates discutables, la division générale semble avoir conclu que l’affaire était appropriée pour un rejet sommaire. Toutefois, le fait que la division générale devait évaluer et apprécier les éléments de preuve indiquait qu’il y avait des questions ouvrant matière à procès. Bien que la division générale avait le droit d’établir des conclusions de fait quant à savoir si l’accord de séparation aurait pu être remplacé et à ce qui représentait la meilleure preuve relativement à la date de séparation, cela a dépassé largement l’application du critère relatif à un rejet sommaire. L’affaire aurait été tout à fait différente si les parties avaient convenu à l’unanimité que la date de séparation était le 1er mai 1995 et qu’il n’y avait pas eu d’autre preuve, ni de suggestion établissant qu’il y avait une autre date de séparation. Si la division générale avait eu à analyser les éléments de preuve, à leur accorder du poids et à rendre une décision concernant les différentes dates de séparation, il ne serait pas possible d’affirmer que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès, qu’il n’y avait pas de question ouvrant matière à procès ou que l’appel n’était pas fondé.

[58] La division générale a brouillé la distinction entre une affaire manifestement claire, une affaire « sans aucun espoir » non fondée et, en l’espèce, une affaire dont le fondement est probablement très faible et elle a donc incorrectement qualifié le rejet de l’appel comme étant un rejet sommaire. La division générale n’aurait pas dû rejeter l’appel de façon sommaire sur la question de la date de cessation d’emploi.

[3] L’appel du demandeur a donc été renvoyé à la division générale pour réexamen de la question sur la date de séparation. Une audience a été tenue par téléconférence le 19 janvier 2016, et une décision a été rendue le 25 janvier 2016. Cette deuxième décision de la division générale a entraîné le rejet de l’appel du demandeur, et il a été conclu que la date de séparation était le 1er mai 1995.

[4] Le demandeur a sollicité la permission d’en appeler de la deuxième décision de la division générale devant la division d’appel, et il a complété sa demande le 16 mai 2016. Conformément à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), ces demandes doivent être présentées selon les modalités prévues « dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision. » Le demandeur, qui habite au Sri Lanka, avait indiqué dans sa première correspondance (datée du 6 avril 2016) qu’il avait reçu la décision de la division générale le 28 février 2016. Bien que l’article 19 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement) indique que les décisions sont présumées avoir été communiquées le dixième jour suivant celui de leur mise à la poste, j’ai l’autorité de modifier cette disposition conformément à l’alinéa 3(1)b) du Règlement dans des circonstances spéciales. Le lieu de résidence du demandeur représente une circonstance spéciale aux fins de la détermination du moment où la décision rendue par la division générale lui a été communiquée. Je conclus que le 28 février 2016 était la date pertinente de la communication, plutôt que la date présumée du 5 février 2016. Étant donné que le demandeur a complété sa demande de permission d’en appeler dans les quatre-vingt-dix jours suivant le 28 février 2016, je conclus que cette demande a été présentée à temps.

[5] J’examinerai donc maintenant la demande de permission d’en appeler du demandeur.

Analyse

[6] Conformément à l’article 56 de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel (autre qu’un appel par rapport à un rejet sommaire) à la division d’appel sans permission. Le paragraphe 58(2) de la LMEDS indique que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[7] Une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à un appel sur le fond. C’est un premier obstacle à franchir, inférieur à celui auquel le demandeur devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver ses arguments : Kerth c. Canada (ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630 (CF). Le demandeur doit plutôt prouver que l’appel a une chance raisonnable de succès, c’est-à-dire qu’il doit soulever des motifs défendables qui pourraient éventuellement donner gain de cause à l’appel : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41.

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Dans sa demande, le demandeur indique que la division générale est contrevenue « d’une manière ou d’une autre » à chacun des moyens d’appel susmentionnés. Le demandeur a fait plusieurs déclarations qui sont abordées individuellement ci-dessous.

Évaluation par la division générale de la déclaration de mai 1996 présentée par l’ancienne épouse

[10] La principale préoccupation du demandeur est que la déclaration présentée par son ancienne épouse en mai 1996 a été traitée avec dédain par la division générale. Il affirme que cette déclaration a été décrite comme un document fragmentaire, possiblement une ébauche, et comme n’ayant aucune importance juridique, en contradiction à l’opinion de Madame Lew de la division d’appel, qui, dit-il, en a accepté le bien-fondé. Selon lui, la conclusion tirée par le membre de la division générale selon laquelle une autre date ne pouvait être corroborée indépendamment et ne primerait en aucun cas sur l’entente de séparation est indéfendable.

[11] D’abord, un examen de la décision rendue par la division d’appel indique que Madame Lew a mentionné à plusieurs reprises la déclaration de l’ancienne épouse, mais qu’elle n’a pas fait de commentaires concernant l’importance à accorder à ce document. Comme l’a souligné le demandeur, Madame Lew a écrit que la date de séparation avait été litigieuse dès le départ, et que pas moins de cinq dates potentielles avaient été présentées. En réalité, elle a renvoyé la question à la division générale afin que cette dernière établisse la date de séparation. Le fait que Madame Lew ait conclu qu’« il est impossible de dire qu’il n’y avait aucune chance raisonnable de succès, aucune matière à procès et que l’appel n’était pas fondé » ne présume aucunement du résultat de l’appel une fois renvoyé à la division générale. Elle n’a fourni aucune instruction visant à limiter la portée de l’appel à d’autres dates de séparation précises.

[12] De plus, un examen de la décision rendue par la division générale confirme que le membre a tenu compte des éléments de preuve présentés à l’oral et à l’écrit appuyant les dates potentielles de séparation, et que la plus grande importance avait finalement été accordée à la date indiquée dans l’accord de séparation. Selon l’évaluation de la déclaration de l’ancienne épouse réalisée par le membre de la division générale, il s’agissait davantage d’une description qualitative du mariage que d’une déclaration à portée juridique. Cette perspective faisait contraste avec l’importance de la date de séparation tirée d’un accord de séparation et indiquée dans le paragraphe précédent de sa décision. La description de la déclaration de mai 1996 fournie par le membre de la division générale selon laquelle il s’agissait d’un « document fragmentaire » qui « aurait bien pu être une ébauche » semble simplement faire référence au fait que seule la troisième page du document présenté au tribunal de la famille par l’ancienne épouse représentait un élément de preuve. Voilà autant d’illustrations de la manière dont le membre a tenu compte des éléments de preuve qui lui avaient été présentés.

[13] Il est évident que le demandeur est insatisfait de l’évaluation des éléments de preuve réalisée par le membre de la division générale et de la conclusion tirée quant à la date de séparation. Par contre, l’évaluation de l’importance des éléments de preuve est la responsabilité du juge des faits, et le désaccord avec le résultat de ce processus ne représente pas un motif d’appel devant la division d’appel. Les erreurs de fait forment un motif d’appel seulement si elles relèvent d’un raisonnement abusif ou arbitraire ou qui ne tenait pas compte des éléments de preuve présentés. Le demandeur n’indique aucune preuve ou ne présente aucun argument important selon lequel la conclusion de fait du membre concernant la date de séparation a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. J’estime que ce motif ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succès.

Déclarations exclues de la décision

[14] Le demandeur a ensuite affirmé qu’un grand nombre de témoignages avaient été exclus « consciemment ou par erreur, ce qui constituait une lacune importante dans les actes de procédure. » Il ne fournit cependant aucune preuve précise tirée des témoignages dont il n’a pas été fait mention ou dont le membre de la division générale n’a pas tenu compte. La décision de la division générale comprend un résumé des déclarations du demandeur et de son ancienne épouse, incluant la déclaration du demandeur selon laquelle le couple avait vécu séparément sous le même toit jusqu’en avril 1991 au plus tard. Il est clair selon la décision de la division générale que, malgré cette déclaration, le membre a conclu que l’accord de séparation constituait l’élément de preuve le plus fiable concernant la date de séparation des anciens conjoints. De plus, il est principe juridique établi qu’un tribunal administratif responsable de tirer une conclusion de fait n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais qu’il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve : Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82. J’estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès selon le motif que des déclarations indéterminées ont été exclues de la décision rendue par la division générale.

La division générale a excédé sa compétence ou agi avec partialité

[15] À ce sujet, le demandeur affirme que le membre était « l’unique représentant » de la division générale, et qu’il jouait aussi le rôle d’interlocuteur, de « juge et de jury pour sa propre cause. » Le demandeur soutient également que la division générale n’a pas respecté le mandat que lui a donné la division d’appel, et que « l’observation [du membre] soulève la question de partialité. »

[16] Le Tribunal de la sécurité sociale est un tribunal administratif indépendant qui a été créé en vertu de la LMEDS, et conformément à l’article 61, tout appel présenté au Tribunal doit être entendu par un membre agissant seul. Un membre de la division générale ne constitue ni une partie ni un représentant, mais un arbitre neutre ou un décideur sans « cause ». Rien ne permet de croire raisonnablement que le membre qui a entendu l’appel du demandeur était biaisé, qu’il connaissait l’une des parties, qu’il avait un intérêt personnel dans le résultat de l’appel, ou qu’il a exprimé tout sentiment lors de l’audience ou dans la décision. Le fait que le membre de la division générale était le seul arbitre à la téléconférence est prescrit par la loi et ne peut représenter le fondement d’une allégation de partialité. Le fait que le résultat soit défavorable au demandeur ne peut non plus servir de fondement à une allégation de partialité.

[17] Le mandat qui a été donné à la division générale par la division d’appel visait à réexaminer la « question de la date de séparation ». Contrairement à ce que prétend le demandeur, aucune des cinq dates potentielles mentionnées n’a été confirmée ou rejetée par la division d’appel, et la division générale avait pleins pouvoirs pour déterminer la date de séparation en fonction des éléments de preuve qui lui avaient été présentés. Le paragraphe 54(1) de la LMEDS permet à la division générale de rejeter un appel ou de confirmer, infirmer ou modifier la décision du défendeur. Conformément à ces pouvoirs, le membre de la division générale a accepté la date de séparation utilisée par le défendeur pour calculer le PGNAP et rejeté l’appel.

[18] En examinant les déclarations du demandeur, j’estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès selon le motif que la division générale a excédé sa compétence ou n’a pas observé un principe de justice naturelle pour une question de partialité.

Norme de la preuve

[19] Finalement, le demandeur n’est pas d’accord avec l’application de la prépondérance des probabilités en tant que norme de la preuve, et il préfère une décision fondée sur « des critères plus fiables et hors de tout doute raisonnable ».

[20] Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, « il n’existe au Canada, en common law, qu’une seule norme de preuve en matière civile, celle de la prépondérance des probabilités. » Il a été répété que la norme de preuve en matière civile s’applique aux tribunaux administratifs qui prennent des décisions concernant des prestations du RPC (voir par exemple, Bagri c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 134). Il est clair que la demande de permission d’en appeler du demandeur ne peut être accueillie selon le motif qu’il y a eu une erreur de droit à ce sujet. Je souligne que la norme criminelle de preuve recommandée par le demandeur aurait dans tous les cas nui à son appel devant la division générale, puisqu’il lui incombait de prouver qu’il y avait une autre date de séparation.

Décision

[21] La décision de la division générale comprend une analyse qui indique que le membre a procédé à une évaluation approfondie des preuves orales et écrites, et elle présente les motifs défendables qui appuient sa conclusion selon laquelle la date de séparation serait probablement le 1er mai 1995. Bien qu’il ne s’agisse pas de la conclusion souhaitée par le demandeur, un appel à la division d’appel ne représente pas une occasion de débattre à nouveau de la question et de demander une conclusion différente. Je n’ai compétence que pour déterminer si l’un des motifs d’appel du demandeur se rattache aux moyens d’appel admissibles du paragraphe 58(1) et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[22] Puisque je conclus que l’appel du demandeur n’a pas de chance raisonnable de succès selon les divers motifs présentés, la permission d’en appeler est refusée.

Conclusion

[23] La permission d’en appeler est refusée.

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