Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 31 mars 2016. L’intimé a accueilli la demande au stade initial. L’intimé a reçu la demande de l’appelante concernant la révision de la période de rétroaction accordée dans la décision initiale au-delà du délai prévu de 90 jours pour demander une révision. Le 22 novembre 2016, l’intimé a rejeté la demande de révision de l’appelante en raison de la réception tardive de la demande. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] Le conjoint de l’appelante est décédé le 28 mars 2012. L’appelante n’a pas présenté une demande de prestation de survivant avant mars 2015, en partie parce qu’elle était atteinte d’une grave dépression et que sa capacité de fonctionner était grandement réduite à la suite du décès soudain de son époux. De plus, l’appelante a fait un dépôt tardif de sa demande entre autres parce qu’elle ne savait pas qu’elle était admissible à la prestation. Selon une lettre de sa médecin de famille, le fonctionnement cognitif de l’appelante était gravement touché par sa dépression durant la période visée.

[3] L’appel a été tranché sur la foi des documents et des observations déposés pour les raisons suivantes :

  1. le membre a statué qu’il n’était pas nécessaire de tenir une autre audience;
  2. les questions en litige ne sont pas complexes;
  3. les renseignements versés au dossier sont complets et ne nécessitent aucune clarification;
  4. ce mode d’audience est conforme à la disposition du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[4] Conformément à l’article 81 du RPC, une personne bénéficie de 90 jours, après avoir été avisée du refus du ministre à l’égard d’une demande de pension d’invalidité, pour présenter une demande de révision de cette décision. Le ministre peut, avant ou après l’expiration du délai de 90 jours, décider d’accorder au requérant un délai plus long pour présenter une demande de révision en bonne et due forme.

[5] Le paragraphe 74.1(3) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada prévoit que le ministre peut autoriser la prolongation du délai de présentation de la demande de révision s’il est convaincu de ce qui suit : 1) il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai; 2) l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

[6] En vertu de l’article 82 du RPC, une partie qui se croit lésée par une décision du ministre relative au délai supplémentaire peut interjeter appel de la décision devant le Tribunal.

Questions en litige

[7] Le Tribunal doit déterminer si le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire quand il a refusé d’accorder à l’appelante une prolongation du délai pour présenter une demande de révision de la décision statuant de son inadmissibilité à pension d’invalidité.

Analyse

[8] La décision du ministre de refuser ou de permettre une demande de révision tardive est considérée comme une décision discrétionnaire. Le ministre doit exercer son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire ou judicieuse (Canada (P.G.) c. Uppal, 2008 CAF 388).

[9] Conformément à l’affaire Canada (Procureur général) c. Purcell, [1996] 1 RCF 644, le pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé « judiciairement » si l’on parvient à établir que le décideur :

  • a agi de mauvaise foi;
  • a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • a pris en compte un facteur non pertinent;
  • a ignoré un facteur pertinent;
  • a agi de manière discriminatoire.

[10] Ainsi, le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer si l’intimé a pris la bonne décision, mais plutôt de déterminer s’il a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Le fardeau de la preuve incombe à l’appelante, qui doit démontrer que l’intimé n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire comme il se doit.

[11] Au moyen d’une lettre datée du 21 mars 2017 (GD6), le Tribunal a écrit à l’intimé et il lui a demandé de fournir une copie de la lettre d’octroi initiale qui aurait été envoyée à l’appelante le 27 mai 2016, mais qui ne figurait pas aux documents fournis par l’intimé au titre de l’article 26. Le 31 mars 2017 (GD7), l’intimé a présenté une feuille régionale d’observation selon laquelle une lettre de répartition n’a pas été envoyée à l’appelante, mais un avis d’admissibilité [traduction] « aurait été envoyé ». L’intimé a également soutenu que l’avis d’admissibilité [traduction] « aurait été envoyé à la fin de mai, car la prestation a été traitée le 27 mai 2016 ».

[12] Lorsque l’intimé a reçu la demande de révision de l’appelante le 19 octobre 2016, il a examiné les antécédents du dossier et il a rendu sa décision quant à la question de savoir si une prorogation du délai devrait être accordée pour la demande de révision. Pour rendre une décision, l’intimé doit suivre le protocole gouvernemental au titre des lignes directrices relatives à la prorogation du délai pour la révision et évaluer la preuve relativement aux quatre questions suivantes:

  • Le retard a-t-il été raisonnablement expliqué?
  • Y a-t-il eu une intention constante de demander une révision?
  • Y a-t-il une chance raisonnable de succès?
  • La prorogation du délai entraînerait-elle une iniquité à l’égard du ministre ou d’une autre partie?

[13] L’intimé a conclu que l’appelante n’a pas fourni une explication raisonnable et qu’elle n’avait pas démontré l’existence d’une intention continue de demander une révision. L’intimé n’a pas tenu compte des deux dernières questions, car il a conclu que l’appelante devait satisfaire aux deux premières questions afin d’avoir gain de cause dans le cadre de sa demande de prorogation de délai. Pour rendre sa conclusion, l’intimé a conclu que l’appelante aurait dû recevoir la lettre initiale statuant le refus de sa demande le 6 juin 2016, période de grâce de 10 jours ayant été accordée pour que la lettre postée soit reçue par l’appelante.

[14] En examinant le dossier, le Tribunal n’a trouvé aucune preuve démontrant que l’intimé a agi de mauvaise foi ou dans un but ou pour un motif irrégulier dans sa prise de décision. La preuve confirme que l’appelante a présenté sa demande de révision après le délai de 90 jours.

[15] Cependant, le Tribunal estime que l’intimé n’a pas tenu compte d’un facteur pertinent lorsqu’il a été découvert que la communication sur laquelle l’intimé se fondait pour calculer la période de 90 jours, en tenant compte du protocole du délai de livraison de 10 jours, ne figurait pas au dossier. Il s’est ensuite fondé sur l’hypothèse que, en temps normal, un avis d’admissibilité [traduction] « aurait » été envoyé à l’appelant le 27 mai 2016, car la prestation a été traitée le 27 mai 2016. Il convient de souligner qu’une lettre datée du 27 mai 2016 a été envoyée à l’appelante, mais qu’elle l’informait seulement que sa demande faisait l’objet d’un examen.

[16] Le Tribunal estime qu’il n’est pas raisonnable, dans une situation où le dossier de l’intimé est incomplet, de devoir avoir recours à une hypothèse selon laquelle un document particulier a été envoyé par la poste à une date particulière et de se fonder sur cette hypothèse pour refuser la prorogation du délai pour demander une révision.

[17] De plus, comme la lettre d’octroi ne peut pas être produite, il est impossible d’évaluer s’il existe une cause défendable. Le dossier ne comprend aucun élément de preuve permettant de confirmer que l’appelante reçoit déjà le montant maximal de versements rétroactifs selon les dispositions législatives, à savoir moins au plus 12 mois avant le jour où la demande a été reçue. Dans la situation où le dossier démontre que l’appelante touche une pension de survivant rétroactive maximale, dans le cas de l’appelant en mars 2015, il serait raisonnable que l’intimé conclue qu’il n’existe aucune cause défendable.

[18] Le Tribunal estime que l’appelante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière non judicieuse.

Conclusion

[19] L’appel est accueilli.

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