Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le défunt J. S., un cotisant au Régime de pensions du Canada (RPC), est décédé le 17 septembre 2015 à l’âge de 66 ans. Ses frères, qui représentent la succession du défunt (succession), ont présenté une demande de pension de retraite du RPC le 16 octobre 2015. Le défendeur a rejeté la demande au départ et après révision puisque monsieur J. S. était décédé avant la présentation de la demande et puisqu’il n’avait pas atteint l’âge requis de 70 ans. La succession a fait appel de la décision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). Après avoir instruit l’affaire sur la foi du dossier, la division générale a rejeté l’appel le 13 janvier 2017, ayant conclu que la succession ne pouvait pas bénéficier de l’application de la disposition relative à l’incapacité prévue au RPC dans un cas où le cotisant décédé, qui n’avait jamais atteint l’âge de 70 ans, n’avait pas présenté une demande de pension de retraite avant son décès.

[2] Le 20 mars 2017, dans le délai fixé, la succession a présenté à la division d’appel du Tribunal une demande de permission d’en appeler précisant ses motifs d’appel.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[3] Voici le libellé du paragraphe 60(2) du RPC :

Indépendamment des autres dispositions de la présente loi, et sous réserve des paragraphes (2.1) et (2.2), une demande de prestation, autre qu’une prestation de décès, qui aurait été payable pour un mois à une personne décédée et qui, avant son décès, aurait, après approbation d’une demande à cet effet, eu droit au paiement de cette prestation conformément à la présente loi, ne peut être approuvée que lorsqu’elle est présentée, dans les douze mois suivant le décès de cette personne, par l’ayant droit, le représentant ou l’héritier de cette personne, ou encore par toute personne visée par règlement.

[4] En plus de la demande de pension de retraite reçue après le décès en vertu du paragraphe (2), le ministre est lié par le paragraphe 60(2.2) du RPC, qui précise une restriction à l’approbation d’une telle demande :

(2.2) Dans le cas d’une pension de retraite, la demande ne peut être approuvée que pour un mois après que le cotisant décédé a atteint l’âge de soixante-dix ans.

[5] Les paragraphes 60(8) à 60(10) du RPC énoncent les critères permettant de conclure à une incapacité :

(8) Dans le cas où il est convaincu, sur preuve présentée par le demandeur ou en son nom, que celui-ci n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande le jour où celle-ci a été faite, le ministre peut réputer cette demande de prestation avoir été faite le mois qui précède celui au cours duquel la prestation aurait pu commencer à être payable ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité du demandeur a commencé.

(9) Le ministre peut réputer une demande de prestation avoir été faite le mois qui précède le premier mois au cours duquel une prestation aurait pu commencer à être payable ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon lui, la dernière période pertinente d’incapacité du demandeur a commencé, s’il est convaincu, sur preuve présentée par le demandeur :

  1. a) que le demandeur n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle celle-ci a réellement été faite;
  2. b) que la période d’incapacité du demandeur a cessé avant cette date;
  3. c) que la demande a été faite, selon le cas :
    1. (i) au cours de la période — égale au nombre de jours de la période d’incapacité mais ne pouvant dépasser douze mois — débutant à la date où la période d’incapacité du demandeur a cessé,
    2. (ii) au cours de la période — égale au nombre de jours de la période d’incapacité mais ne pouvant dépasser douze mois — débutant à la date où la période d’incapacité du demandeur a cessé,

(10) Pour l’application des paragraphes (8) et (9), une période d’incapacité doit être continue à moins qu’il n’en soit prescrit autrement.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[6] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[7] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il doit exister un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Observations

[11] Dans leur demande de permission d’en appeler, les représentants de la succession ont affirmé que la décision de la division générale les avait laissés perplexes. Ils ont fait référence au paragraphe 16, où il est écrit qu’ [traduction] « il était évident que le défunt J. S. était atteint d’une incapacité durant cette période. » Citant les paragraphes 60(7) et 60(8) du RPC, les représentants de la succession ont insisté pour dire qu’ils avaient présenté une demande de pension de retraite de la manière prescrite et fourni les pièces justificatives médicales appropriées. Ils ont aussi précisé que, même si leur frère avait des problèmes d’alcool et avait perdu son permis de conduire de façon permanente, il avait continué de travailler et de cotiser au RPC.

Questions en litige

[12] La division d’appel doit déterminer si la succession a une chance raisonnable de succès en appel en soutenant que la division générale a mal appliqué les dispositions du RPC relatives à l’incapacité en ce qui a trait aux cotisants décédés n’ayant pas atteint l’âge de 70 ans.

Analyse

[13] Cette affaire nécessitait que la division générale examine la mesure dans laquelle la loi permettait à la succession d’un cotisant décédé d’invoquer la disposition du RPC relative à l’incapacité. Les faits essentiels ne sont pas contestés : le défunt monsieur J. S. est décédé en septembre 2015, alors qu’il avait 66 ans; un mois plus tard, sa succession a présenté une demande de pension de retraite du RPC.

[14] La division générale a entamé son analyse en notant que le paragraphe 60(2.2) du RPC permettait l’approbation d’une pension de retraite après le décès du cotisant seulement si le cotisant en question avant plus de 70 ans à son décès. Elle a ensuite cherché à savoir si la disposition relative à l’incapacité énoncée au paragraphe 60(8) prévoyait une exception à cette règle; au bout du compte, elle a conclu que ce n’était pas le cas.

[15] J’ai examiné le raisonnement de la division générale sur cette question et j’estime qu’il n’est pas possible de soutenir qu’elle a commis une erreur, ni de fait ni de droit. Je souligne que la disposition relative à l’incapacité du paragraphe 60(8) s’applique lorsqu’une demande de prestation est « présentée par le demandeur ou en son nom […] ». Le paragraphe 60(2) prohibe expressément la présentation d’une demande dans le cas d’un cotisant décédé qui n’a pas atteint l’âge de 70 ans. La division générale s’est inspirée de MDRH c. KirbyNote de bas de page 3 pour conclure que les paragraphes 60(2) et 60(8) sont mutuellement exclusifs, le premier faisant explicitement référence aux personnes défuntes et le second portant sur des personnes qui présentent une demande de leur vivant. Même si la cause Kirby émane de la Commission d’appel des pensions qui n’existe plus aujourd’hui et n’a pas de pouvoir contraignant sur le Tribunal, il demeure que son raisonnement est bon et comporte une valeur persuasive.

[16] De plus, je ne suis pas d’accord avec la succession, qui laisse entendre que la division générale a admis d’une quelconque façon, dans sa décision, que monsieur J. S. aurait été atteint d’une incapacité durant la période visée. Il est évident que le paragraphe dont il est question n’est qu’un simple résumé d’une lettre dans laquelle les représentants de la succession avaient tenté de soutenir que leur frère avait été frappé d’incapacité. Je ne remarque aucune contradiction ou incohérence dans les motifs de la division générale.

[17] Pour les raisons qui précèdent, je ne pense pas qu’il existe une cause défendable pour cet appel. Comme la succession n’avait pas pu présenter une demande au nom du cotisant décédé, la division générale a conclu à juste titre qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la preuve portant sur son incapacité. Les éléments documentant les derniers jours de monsieur J. S. n’avaient donc aucune pertinence.

Conclusion

[18] Puisque la succession n’a invoqué aucun moyen d’appel prévu au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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