Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le 10 juillet 2014, l’intimé a reçu une demande de partage des crédits du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’ancienne conjointe de l’appelant, la personne mise en cause. L’intimé a permis le partage des crédits, également connu sous le nom de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension, pour la période du 1er janvier 1966 au 31 décembre 1991. L’appelant a demandé un réexamen de cette décision en indiquant qu’ils se sont séparés en août 1990. Après avoir examiné d’autres éléments de preuve, l’intimé a modifié la période et a permis le partage des crédits de janvier 1966 à décembre 1988. L’appelant a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »).

[2] Cet appel a été tranché sur la foi des documents et des observations présentés pour les motifs suivants :

  1. Les questions faisant l’objet de l’appel ne sont pas complexes;
  2. Il n’y a aucune lacune dans l’information contenue dans le dossier et il n’y a aucun besoin de clarification;
  3. La crédibilité n’est pas une question déterminante;
  4. La façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] Le paragraphe 55.1(1) du RPC énonce les conditions d’admissibilité au partage des crédits, qui est obligatoire à la suite d’un divorce dès que le ministre est informé du divorce et qu’il a en main les renseignements prescrits.

[4] Le paragraphe 55.1(5) du RPC accorde le pouvoir discrétionnaire de refuser ou d’annuler un partage des crédits lorsque le montant des deux prestations serait réduit si ce partage était effectué. Le paragraphe 55.2(3) de la même loi permet, sous certaines conditions, aux parties de convenir par écrit qu’il n’y aura pas de partage des crédits de pension.

[5] L’article 55.11 du RPC établit que l’article 55.1 s’applique aux divorces accordés après le 1er janvier 1987.

[6] L’article 78.1 du Règlement sur le RPC établit que la période de cohabitation débute le premier mois de l’année au cours de laquelle le conjoint et l’ex-conjointe se sont mariés et exclut l’année au cours de laquelle ils ont commencé à vivre séparément.

Question en litige

[7] En l’espèce, le Tribunal doit décider si le partage des crédits a été effectué conformément aux articles applicables du Régime de pensions du Canada et du Règlement sur le RPC.

Preuve

[8] La personne mise en cause a rempli la demande de partage des crédits du Régime de pensions du Canada le 10 juillet 2014 et a déclaré qu’elle et l’appelant s’étaient mariés le 22 décembre 1966, qu’ils avaient vécu ensemble pour la dernière fois le 1er janvier 1993 et qu’ils avaient divorcé le 27 juin 1994. Une copie du certificat de mariage a été déposée avec le certificat de divorce qui confirme que le divorce a pris effet le 27 juin 1994.

[9] Le RPC a demandé à l’appelant s’il était d’accord avec ces dates et celui‑ci a déclaré le 16 juillet 2015 qu’il n’était pas d’accord avec la date de leur séparation qu’il estimait être le 15 août 1990. Il a joint un rapport sur la garde et le droit de visite daté du 2 juin 1997 dans lequel la personne mise en cause a déclaré qu’elle avait quitté son mari en 1989.

[10] L’appelant a fourni un rapport sur la sentence rendue par le juge Maddison de la Cour suprême du Yukon le 24 octobre 1990. La personne mise en cause avait été reconnue coupable d’une infraction contre une banque. Dans le rapport, la juge Maddison a déclaré que la personne mise en cause [traduction] « était mariée depuis 24 ans et, jusqu’à il y a deux mois, elle vivait avec son ex-mari... ».

[11] Un contrat de location entre la personne mise en cause en tant que locataire et la X a été déposé. Le contrat de location est entré en vigueur le 15 août 1990.

[12] Dans une lettre datée du 6 octobre 2015, l’appelant raconte les irrégularités financières causées par la personne mise en cause pendant leur mariage, y compris les finances familiales montrant des arriérés de paiement, une signature frauduleuse présumée sur un compte bancaire et des accusations de fraude contre elle.

[13] Le 20 novembre 2015, Service Canada a demandé à la personne mise en cause des preuves documentaires supplémentaires concernant leur cohabitation entre 1990 et 1993. La personne mise en cause a fourni une déclaration solennelle indiquant qu’elle et l’appelant ont vécu ensemble pour la dernière fois le 2 mai 1993. Elle a également indiqué qu’au cours de cette période, elle et l’appelant fréquentaient l’école à des endroits différents, mais qu’ils continuaient de vivre ensemble. Elle a soutenu qu’il a continué à lui rendre visite et à rester chez elle jusqu’en 2015. Une note signée par leur fils, datée du 30 décembre 2015, indiquait que ses parents n’étaient jamais très éloignés, même lorsqu’il a déménagé avec sa mère ou qu’elle allait à l’école.

[14] Une lettre datée du 14 décembre 2015 de l’avocat qui a vendu le domicile des deux parties à Whitehorse en 1990 a été déposée. Le dossier a été fermé le 20 décembre 1990 et détruit le 9 mai 2013.

[15] Dans sa requête en divorce du 4 mai 1993, la personne mise en cause a prétendu qu’ils vivaient séparés depuis le 8 avril 1993. Dans un affidavit daté du 30 octobre 1995, la personne mise en cause a déclaré qu’elle s’était séparée en 1989. Des copies de ses déclarations de revenus de 1988 à 1993 ont été produites qui indiquaient que son état matrimonial était « séparé ».

[16] La page 1 d’un affidavit de K. C. a été déposée. Cette dernière a été agente de probation de la personne mise en cause pour le gouvernement territorial du Yukon de mai 1989 à juin 1991. Elle a déclaré que, le 5 décembre 1990, l’appelant a été accusé d’avoir agressé la personne mise en cause et qu’elle l’a aidée à se réinstaller en Ontario.

[17] Dans une lettre datée du 10 juillet 2017, l’appelant a déclaré qu’il comprenait que la personne mise en cause avait reçu un héritage dont il n’avait pas bénéficié et qu’elle s’était remariée au début des années 2000.

Observations

[18] L’appelant a soutenu que le partage des crédits ne devrait pas être autorisé pour les raisons suivantes :

  1. La personne mise en cause a tiré parti pendant le mariage de sa mauvaise gestion financière qui était de nature criminelle et frauduleuse;
  2. Elle a fait une fausse déclaration au sujet de son rôle auprès des enfants;
  3. Son remariage doit empêcher le partage des crédits;
  4. L’octroi d’un partage constituerait une approbation de son comportement.

[19] L’intimé a fait valoir que le partage des crédits a été accordé en application du RPC pour les motifs suivants :

  1. L’article 55.1 du RPC rend le partage obligatoire en cas de divorce survenant le 1er janvier 1987 ou après cette date;
  2. La preuve démontre que l’appelant et la personne mise en cause se sont séparés en 1989 et ont divorcé en juin 1994, que la date appropriée de la fin du partage des crédits est le 31 décembre 1988 et que l’appelant n’a pas contesté cette date.
  3. Le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 55.1(5) du RPC ne s’appliquerait que si les deux parties étaient assujetties à une diminution de leur pension en raison du partage des crédits et qu’aucun autre pouvoir discrétionnaire n’était disponible en vertu de la loi.

Analyse

[20] Les dispositions relatives au partage des crédits du RPC permettent aux ex‑conjoints de partager également les crédits de pension accumulés par chacun d’eux au cours de leur mariage et de leur cohabitation. L’article 55.1 rend le partage des crédits obligatoire à la suite d’un jugement accordant le divorce.

[21] L’appelant ne conteste pas les dates du mariage et de la séparation telles qu’elles ont été établies par l’intimé à la suite d’un réexamen. Lorsque le partage a été initialement accordé pour la période de cohabitation entre décembre 1966 et janvier 1993, l’appelant s’y est opposé et a fourni la preuve d’une date de séparation antérieure, soit août 1990. La personne mise en cause a également fourni une preuve à l’égard de la période de cohabitation. L’intimé a conclu que la date de séparation était le 31 décembre 1988, soit plus tôt que ce que l’appelant avait déclaré. Le Tribunal est d’accord avec cette date. Bien qu’il y avait beaucoup de preuves contradictoires dans les documents, l’intimé s’est appuyé sur l’affidavit assermenté par la personne mise en cause en juillet 2015 et sur les déclarations de l’ARC qui indiquent toutes deux une date de séparation en 1989. La personne mise en cause n’a pas interjeté appel de cette décision.

[22] L’appelant a toutefois soutenu que, en raison de la conduite de la personne mise en cause tout au long de la relation et dans le cadre du présent appel, le Tribunal devrait rejeter le partage des crédits. L’intimé répond que les seuls pouvoirs discrétionnaires prévus au paragraphe 55.1(5) qui permet l’annulation ou le refus du partage des crédits se produisent si les prestations des deux parties sont réduites par suite de l’application de l’article 55.1. L’appelant n’a présenté aucune preuve que c’est le cas et le Tribunal conclut que le paragraphe 55.1(5) ne s’applique pas dans le présent appel.

[23] Dans certaines circonstances, les parties peuvent également convenir par écrit qu’il n’y aura pas de partage des crédits en vertu du paragraphe 55.2(3) du RPC. Il n’y a pas eu d’entente de ce genre entre les parties et le Tribunal conclut que l’article 55.2(3) ne s’applique pas au présent appel.

[24] Aucun autre pouvoir discrétionnaire n’est prévu par le RPC. En adoptant ces dispositions, le Parlement a déterminé que le partage des crédits à la suite d’un divorce serait obligatoire sans égard à d’autres circonstances, qu’il s’agisse des allégations de mauvaise gestion financière de l’appelant par son ex-conjointe, de son remariage ou des allégations d’abus de l’appelant par la personne mise en cause. Dans l’affaire MHRD c. Wiemer [1998], la Cour d’appel fédérale a déclaré que : « l’intention du législateur était d’instaurer un régime obligatoire de partage des droits afin de protéger les conjoints ou anciens conjoints après la rupture de leur mariage ou de leur union de fait » et « les seules exceptions au caractère obligatoire du régime se retrouvent aux paragraphes 55.1(5) et 55.2(3) ». L’article 55.1 rend le partage obligatoire à la suite d’un jugement accordant le divorce.

[25] Le Tribunal est une création de la loi et il ne possède que les pouvoirs que lui confère sa loi habilitante. Le Tribunal est tenu d’interpréter et d’appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans le RPC. Le Tribunal ne peut envisager des circonstances atténuantes pour refuser le partage des crédits de l’appelant avec son ex-conjointe.

[26] Par conséquent, le Tribunal conclut que la personne mise en cause a droit à un partage des crédits pour la période allant de janvier 1966 à décembre 1988.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté.

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