Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le 9 novembre 2015, l’intimé a reçu la demande de pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante. L’appelante soutient qu’elle est admissible à une pension de survivant du RPC puisqu’elle était l’épouse ou la conjointe de fait de feu D. F. (cotisant), décédé le 1er janvier 2013. L’intimé a accueilli la demande, mais il a déterminé que les paiements devraient être versés à compter de décembre 2014. L’appelante a demandé une révision à l’intimé et à ce que la période de rétroactivité des versements de la pension de survivant du RPC soit prolongée de 18 mois. L’intimé a maintenu sa décision initiale au stade de la révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Cet appel a été tranché sur la foi des documents et des observations déposés pour les raisons suivantes :

  1. Les questions en litige ne sont pas complexes.
  2. La crédibilité n’est pas un enjeu principal.
  3. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.
  4. Une audience orale n’est pas nécessaire pour régler les questions en litige de cet appel.

[3] Le Tribunal a déterminé que l’appelante n’avait pas droit de prolonger sa période de rétroactivité de sa pension de survivant du RPC pour les raisons énoncées ci-après.

Preuve

[4] L’appelante est maintenant âgée de 57 ans. Elle est née en Guyane et a immigré au Canada en 1987. Elle a terminé ses études secondaires en Guyane. Au Canada, elle a uniquement occupé un poste administratif.

[5] L’appelante vivait en union de fait avec le défunt depuis une longue période. Ils ont commencé à cohabiter le 1er janvier 2012. Ils vivaient encore ensemble au décès du défunt survenu au 1er janvier 2013. Il existe des éléments de preuve à l’appui de leur union de fait, y compris le statut de l’appelante à titre de « titulaire remplaçante » du compte d’épargne libre d’impôt.

[6] Le 16 janvier 2013, l’appelante a présenté une demande de prestation de décès du RPC concernant le cotisant. L’intimé a reçu la demande le 21 janvier 2013. Dans son application, l’appelante confirme son statut de conjointe de fait du cotisant qui l’a désigné comme son exécutrice testamentaire. Elle souligne aussi que le cotisant avait rédigé un testament.

[7] Le défunt aurait légué l’ensemble de sa succession à l’appelante. Son représentant soutient que la nièce du défunt a initié une instance contestant le testament peu après le décès. Le représentant de l’appelante soutient aussi que l’instance a été instruite lors d’une médiation en janvier 2015.

[8] L’appelante a attendu au 6 novembre 2015 pour remplir sa demande de pension de survivant du RPC. L’intimé a reçu la documentation appuyant la demande le 9 novembre 2015. Dans sa demande, l’appelante confirme son statut de conjointe de fait du défunt du 1er janvier 2002 au 1er janvier 2013, soit jusqu’au décès. Elle a aussi souligné qu’elle n’était pas invalide.

[9] L’intimé a accueilli la demande de pension de survivant de l’appelante relative au décès du cotisant. Toutefois, le début du versement de la pension a été fixé à décembre 2014. L’intimé soutient qu’il s’agit de la date la plus hâtive à laquelle le versement de la pension pouvait commencer puisque la demande a uniquement été reçue le 9 novembre 2015.

[10] Pour justifier le retard dans la présentation de la demande de l’appelante, son représentant soutient qu’elle a communiqué avec l’intimé peu après le décès du cotisant et qu’on lui a fait parvenir un formulaire de demande de pension de survivant du RPC. Toutefois, puisque la succession était en litige à ce moment, l’appelante n’a pas donné suite et a présenté la demande une fois le litige réglé. On soutient aussi que l’appelante ne connaissait pas les délais prévus pour présenter la demande de pension de survivant du RPC et qu’elle s’est plutôt concentrée sur l’instance initiée par la nièce du défunt. Le représentant de l’appelante affirme qu’une fois le testament réglé, il a lui demandé si elle avait présenté sa demande de pension de survivant du RPC. En apprenant qu’elle ne l’avait pas fait, il l’a avisée de le faire immédiatement.

Observations

[11] L’appelante a soutenu qu’elle est admissible à la prolongation de sa période de rétroactivité de sa pension de survivant du RPC pour les motifs suivants :

  1. elle a une scolarité limitée et elle peine à communiquer avec les autres;
  2. elle a de la difficulté à comprendre ce que les gens tentent de lui dire et à formuler ses réponses;
  3. elle était engagée dans un litige concernant la succession du défunt et a uniquement soumis sa demande une fois le litige réglé;
  4. il serait injuste de lui refuser une prolongation de sa période de rétroactivité.

[12] L’intimé soutient que l’appelante n’est pas admissible à une prolongation de sa période de rétroactivité de sa pension de survivant du RPC pour les motifs suivants :

  1. la rétroactivité ne peut pas débuter avant décembre 2014 puisqu’on a déjà accordé la période de rétroactivité maximale;
  2. le fait que la succession était en litige ne l’a pas empêché de présenter sa demande de pension de survivant du RPC;
  3. le Tribunal est lié par le libellé du Régime de pension du Canada et n’a pas le pouvoir de déroger à ses prescriptions.

Analyse

[13] L’appel comprend une évaluation visant à déterminer si la pension de survivant de l’appelante peut débuter avant décembre 2014, et ce, malgré que les dispositions maximales relativement à la rétroactivité sont énoncées à l’article 72 du Régime de pension du Canada.

[14] Le Tribunal affirme qu’il a été conçu par la législation et, en tant que tel, il n’a que les pouvoirs qui lui ont été conférés par sa loi constitutive. Le Tribunal interprète et applique les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans le Régime de pension du Canada. Le Tribunal ne peut modifier les exigences prévues par la loi, même si le résultat est qualifié comme étant « injuste » par une partie.

[15] Le paragraphe 71(1) du Régime de pension du Canada énonce le début des versements d’une pension de survivant du RPC. Bien qu’une pension puisse être payée dès le mois suivant le décès d’un cotisant, il y a aussi des limites : en aucun cas, le début d’un versement de pension ne peut être antérieur au douzième précédant le mois suivant celui où la demande a été reçue. En d’autres mots, si la demande est reçue en novembre 2015, les versements de pension ne peuvent débuter avant décembre 2014. La rétroactivité maximale a été accordée à l’intimé.

[16] Aucune exception relativement à la rétroactivité maximale n’est énoncée dans le libellé du paragraphe 72(1) du Régime de pension du Canada. Les seules provisions qui pourraient être utiles sont les paragraphes 60(8) et 60(9) du Régime de pension du Canada (exceptions relatives à l’incapacité). Les exceptions relatives à l’incapacité peuvent aider l’appelante puisqu’elles permettent à l’intimé de réputer une demande d’avoir été présentée antérieurement si on estime que l’appelante ne pouvait déposer la demande à la date réelle de dépôt ou avant cette date.

[17] La demande potentielle des exceptions relatives à l’incapacité est déclenchée par l’observation de l’appelante selon laquelle est avait de la difficulté à communiquer avec les autres. Le Tribunal examinera maintenant si les exceptions relatives à l’incapacité peuvent effectivement aider.

[18] Le paragraphe 60(8) s’applique lorsqu’un prestataire est incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande en son propre nom lors de la journée à laquelle la demande a réellement été faite [mis en évidence par le soussigné]. Le Tribunal remarque qu’aucune preuve objective ne démontre que l’appelante vivait une incapacité de cet ordre lorsqu’elle a présenté sa demande de pension de survivant du RPC. On ne suggère également pas que lors de la présentation de sa demande, elle était dépourvue de la capacité de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande. Dans les faits, elle a nié être invalide lors du dépôt ultérieur de sa demande. Il faut aussi noter qu’elle a elle-même présenté sa demande après que son représentant lui a demandé de le faire. Étant donné que le Tribunal est persuadé qu’elle avait la capacité nécessaire lorsqu’elle a présenté sa demande, le paragraphe 60(8) ne peut pas aider l’appelante.

[19] Le paragraphe 60(9) requiert des analyses plus détaillées puisqu’on peut l’appliquer si l’incapacité n’est plus présente au moment du dépôt de la demande, mais existait dans le passé. Une fois de plus, l’incapacité renvoie à l’incapacité de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande. Comme il est susmentionné, on soutient que l’appelante avait de la difficulté à communiquer avec les autres. On mentionne aussi qu’elle a une scolarité limitée, et qu’elle a de la difficulté à comprendre ce que les gens tentent de lui dire et à formuler ses réponses.

[20] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Danielson, 2008 CAF 78, la Cour d’appel fédérale a tranché que l’article 60 n’exige pas de prendre en compte la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations d’invalidité, mais seulement [...] la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. La Cour d’appel estime aussi que les activités de la prestataire pendant la période d’incapacité potentielle peuvent être pertinentes pour nous éclairer sur son incapacité permanente et devraient donc être examinées. Dans l’arrêt Slater c. Canada (Procureur général), 2008 FCA 375, la Cour d’appel confirme qu’il était nécessaire de prendre en compte à la fois la preuve médicale et les activités pertinentes de la personne en cause.

[21] Une fois de plus, aucune preuve médicale ou non objective ne démontre une capacité nécessaire. En ce qui concerne les principes énoncés dans les arrêts Danielson et Slater, les activités de l’appelante du moment du décès du cotisant à la date éventuelle de présentation de la demande n’appuient pas le type d’incapacité présentée au paragraphe 60(9). Elle ne peut argumenter de façon convaincante qu’elle était incapable de le faire immédiatement après le décès du cotisant; elle a présenté une demande de prestation de décès du RPC dans les trois semaines suivant le décès du cotisant, et par conséquent, elle démontre la capacité nécessaire pour présenter une demande de survivant du RPC. Cela excède la simple capacité de former ou d’exprimer l’intention de présenter une telle demande de pension.

[22] En tant qu’exécutrice de la succession, l’appelante a aussi pris part à des instances judiciaires qui se sont concluent en janvier 2015. Rien ne suggère qu’elle était incapable d’accomplir ses tâches d’exécutrice. Si elle détenait ce niveau de compétence, le Tribunal ne peut être convaincu qu’elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de pension de survivant du RPC. La preuve démontre sa capacité de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande, mais elle a choisi de le faire qu’une fois le litige lié à la succession réglée.

[23] Compte tenu des activités de l’appelante durant la période précédant sa demande éventuelle de pension de survivant du RPC et l’absence de preuve objective concernant son incapacité pendant cette période, le Tribunal doit conclure que l’appelante ne satisfait pas aux exigences énoncées au paragraphe 60(9). Cela est cohérent avec les conclusions tirées dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Hines, 2016 CF 112, selon lesquelles il n’est pas suffisant pour qu’un prestataire puisse prétendre qu’il est invalide, car il doit y avoir suffisamment d’éléments de preuve pour établir l’incapacité.

[24] Il semble plutôt qu’en omettant de présenter rapidement la demande de pension de survivant du RPC, l’appelante a oublié de présenter la demande de pension, car elle ne connaissait pas les délais associés ou qu’elle souhaitait d’abord régler le litige concernant la succession. Toutefois, rien de cela ne l’aide. Il ne lui est pas utile de savoir qu’elle ne connaissait pas les délais prévus pour présenter une demande de pension de survivant du RPC. Il est établi depuis longtemps en droit qu’une personne ne peut se soustraire au respect de dispositions législatives simplement parce qu’elle ne les connaissait pas. Son désir de d’abord régler l’autre litige ou son oubli de présenter la demande ne constitue pas un motif au titre du Régime de pensions du Canada.

[25] Le Tribunal estime que l’appelante ne peut pas se prévaloir des exceptions relatives à l’incapacité afin d’être réputée avoir présenté sa demande de pension de survivant du RPC à une date antérieure. Étant donné que le Régime de pensions du Canada ne fournit pas de variation des limites clairement énoncées au paragraphe 72(1), l’appel de l’appelante est voué à l’échec.

Conclusion

[26] L’appel est rejeté.

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