Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Cet appel vise à déterminer si le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a le pouvoir de corriger ce que l’appelant, monsieur R. C., considère comme une pension de survivant injustement faible au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

[3] Monsieur R. C. est bénéficiaire d’une pension de retraite du RPC. Après le décès de son épouse en novembre 2015, il a été atterré de découvrir que le total de ses pensions de retraite et de survivant était considérablement moins élevé que la somme combinée de sa pension de retraite et de la pension de retraite que son épouse aurait aussi touchée si elle était restée en vie. Après le refus de l’intimé de réviser le calcul du montant de sa pension, l’appelant a fait appel auprès de la division générale du Tribunal, affirmant ce qui suit :

[traduction]

Je ne conteste pas comment la formule a été établie ni les calculs. Ce que je conteste, c’est qu’il semble qu’on ait très peu tenu compte du résultat de l’application de ces chiffres à ma situation concrète, alors que j’essaie de tenir un ménage avec un seul salaire (retraite) au lieu de deux, comme prévu avant le décès de mon épouse.

[4] Le 30 décembre 2016, la division générale a rejeté l’appel de façon sommaire, après avoir conclu que l’appelant n’avait soulevé aucun motif ayant une chance raisonnable de succès. L’appelant a maintenant interjeté appel devant la division d’appel du Tribunal, prétendant que la division générale n’a pas suffisamment détaillé les motifs de sa décision.

[5] J’estime qu’il n’est nullement nécessaire de tenir une autre audience, et j’ai tranché cet appel sur le fondement du dossier documentaire existant.Note de bas de page 1 Pour les raisons qui suivent, il convient de maintenir la décision de la division générale.

Questions en litige

[6] Les questions sur lesquelles je dois statuer sont les suivantes :

  1. Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard des décisions de la division générale?
  2. La pension de survivant de l’appelant a-t-elle été bien calculée?
  3. La division générale a-t-elle refusé d’exercer sa compétence pour accorder une réparation équitable?
  4. La division générale a-t-elle appliqué le bon critère relativement au rejet sommaire?

Analyse

a) Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard de la division générale?

[7] Les seuls moyens d’appel devant la division d’appel sont les suivants : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.Note de bas de page 2 La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.Note de bas de page 3

[8] Jusqu’à récemment, il était convenu que les appels à la division d’appel étaient régis par les normes de contrôle établies par la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-BrunswickNote de bas de page 4. Dans les affaires où sont allégués des erreurs de droit ou des manquements aux principes de justice naturelle, la norme applicable était celle de la décision correcte, qui commandait un degré inférieur de déférence envers un tribunal administratif de première instance. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable était celle de la décision raisonnable, témoignant d’une réticence à toucher à des conclusions tirées par l’organe chargé d’instruire la preuve factuelle.

[9] Dans l’arrêt Canada c. HuruglicaNote de bas de page 5, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle conçues aux fins d’application dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se rapporter en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle. Cette prémisse a amené la Cour à déterminer que le critère indiqué découle entièrement de la loi constitutive d’un tribunal administratif : « L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur […]. »

[10] En conséquence, ni la norme de la décision raisonnable ni celle de la décision correcte ne s’appliquera en l’espèce, à moins que ces mots, ou leurs variantes, figurent explicitement dans la loi constitutive du tribunal. En appliquant cette approche à la Loi sur le MEDS, on remarque que les alinéas 58(1)a) et 58(1)b) ne qualifient pas les erreurs de droit ou les manquements aux principes de justice naturelle, ce qui porte à croire que la division d’appel ne devrait faire preuve de déférence à l’égard des interprétations de la division générale. Le terme « déraisonnable » n’apparaît nulle part à l’alinéa 58(1)c), qui traite des conclusions de fait erronées. Ce critère contient plutôt les qualificatifs « abusive ou arbitraire » et « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme le laisse entendre Huruglica, on doit donner à ces mots leur propre interprétation, mais les termes donnent à penser que la division d’appel devrait intervenir si la division générale fonde sa décision sur une erreur flagrante ou contraire au dossier.

b) La pension de survivant de l’appelant a-t-elle été bien calculée?

[11] L’appelant n’a jamais contesté la façon dont l’intimé a calculé sa pension de survivant conformément à la formule prévue au paragraphe 58(2) du RPC. Il laisse plutôt entendre que la formule comme telle est dépassée et qu’elle ne tient pas compte des nouvelles circonstances des requérants.

[12] J’ai néanmoins examiné le dossier documentaire, et je juge que rien ne révèle que l’intimé aurait mal établi les montants des pensions de l’appelant ou que la division générale aurait commis une erreur de droit en confirmant le calcul.

c) La division générale a-t-elle refusé d’exercer sa compétence?

[13] Bien que je puisse sympathiser avec les difficultés financières de l’appelant et avec les circonstances tragiques dont elles découlent, mes mains sont liées par les lois qui gouvernent le Tribunal.

[14] Ni la division générale ni la division d’appel ne sont des cours de justice; comme tribunaux administratifs, leurs pouvoirs se limitent à ceux que leur confère leur loi habilitante – en l’espèce, la Loi sur le MEDS. La division générale a évalué le dossier et conclu qu’aucun des motifs d’appel de l’appelant n’avait une chance raisonnable de succès. Je suis convaincu que la division générale n’a pas manqué à un principe de justice naturelle ni commis une erreur de fait ou de droit, et j’estime que rien ne justifie de toucher à sa décision de rejeter l’appel de façon sommaire.

[15] Dans ses observations, l’appelant a exprimé de la perplexité quant à la constatation de la division générale voulant qu’elle n’était [traduction] « pas habilitée à rendre une autre décision que celle de rejeter sa demande ». Il a laissé entendre que la division générale n’avait pas pris son appel au sérieux et qu’elle avait toujours su qu’elle ne pouvait rien faire. Il croit que le processus d’appel en entier a été une perte de temps.

[16] Si je peux comprendre la frustration de monsieur R. C., j’ai une vision plus modérée de l’instance jusqu’à maintenant. Il est manifeste que la division générale, en constatant qu’elle n’était [traduction] « pas habilitée », faisait simplement référence au fait qu’elle n’a simplement pas le pouvoir d’ignorer la lettre de la loi et de faire ce qui lui semble juste. Ce pouvoir est celui de « l’équité », et son usage est traditionnellement exclusif aux cours de justice, bien que celles-ci ne l’exercent typiquement que si la loi ne prévoit aucun recours approprié. Cependant, le législateur a conçu le processus d’appel relatif au RPC de façon à ce que les requérants puissent seulement accéder aux cours après avoir poursuivi tous les appels possibles auprès du Tribunal.

[17] En l’espèce, la division générale a confirmé que l’intimé avait convenablement appliqué le RPC en établissant l’admissibilité de l’appelant à une pension de survivant. Elle n’avait pas compétence pour en faire davantage. Bien que monsieur R. C. puisse juger que cette issue est injuste, je ne peux, comme membre de la division d’appel, qu'exercer la compétence que me confère la Loi sur le MEDS. Cette position est notamment appuyée par la cause Canada c. TuckerNote de bas de page 6, qui a confirmé qu’un tribunal administratif n’est pas une cour de justice, mais plutôt un décideur prévu par la loi, qui n’a ainsi pas compétence pour accorder une quelconque réparation équitable.

d) La division générale a-t-elle appliqué le bon critère relativement au rejet sommaire?

[18] Je suis convaincu que la division générale a utilisé le mécanisme adéquat pour statuer sur l’appel de l’appelant. La division générale a invoqué le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS, qui lui permet de rejet de façon sommaire un appel qui n’a aucune chance raisonnable de succès. Au paragraphe 3 de sa décision, et de nouveau au paragraphe 20, la division générale a correctement énoncé le libellé de la disposition pertinente. Je reconnais cependant que le simple fait de citer la loi ne suffit pas si elle n’est pas correctement appliquée aux faits.

[19] La décision de rejeter un appel de façon sommaire repose sur un critère préliminaire. Il est inapproprié d’examiner l’affaire sur le fond en l’absence des parties pour ensuite conclure que l’appel ne pourrait pas avoir gain de cause. Dans Fancy c. CanadaNote de bas de page 7, la Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une chance raisonnable de succès est comparable à une cause défendable en droit. La Cour s’est également penchée sur la question du rejet sommaire dans le contexte de son propre cadre législatif, et conclu que le seuil relatif au rejet sommaire est élevé.Note de bas de page 8 La question qu’il faut se poser est de savoir s’il est évident et manifeste sur la foi du dossier que l’appel est voué à l’échec. Il ne s’agit pas de déterminer si l’appel doit être rejeté après un examen des faits, de la jurisprudence et des arguments des parties. La question est plutôt de savoir si l’appel est voué à l’échec indépendamment de la preuve et des arguments qui pourraient être avancés durant l’audience.

[20] En l’espèce, l’appelant a reconnu que la pension de survivant avait été calculée conformément au paragraphe 58(2) du RPC et, en l’absence de tout recours en matière d’équité, la division générale avait compétence pour rejeter l’appel de façon sommaire. Selon moi, il était évident et manifeste sur la foi du dossier que les arguments de l’appelant étaient voués à l’échec.

Conclusion

[21] L’appelant n’est pas parvenu à démontrer de quelle façon la division générale aurait commis une erreur de droit en rejetant son appel de façon sommaire après avoir conclu qu’elle n’était pas habilitée à accorder une réparation équitable.

[22] L’appel est donc rejeté.

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