Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Il s’agit d’une demande de permission d’en appeler d’une décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 15 décembre 2016, dans laquelle l’appel du demandeur était rejeté relativement à l’accueil par le défendeur de la demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à une pension (PGNAP ou partage des crédits) du mis en cause en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Le 6 mars 2017, dans les délais prévus, le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel.

Aperçu

[3] Le 1er janvier 2014, le mis en cause présenta une demande de PGNAP en lien avec sa relation avec le demandeur. Dans sa demande, elle indiqua qu’elle et le demandeur avaient vécu en union de fait à partir du 30 juillet 1982 et qu’ils s’étaient mariés le 13 mars 1987. Ils se sont séparés le 2 juillet 2000.

[4] Dans de la correspondance datée du 2 septembre 2014, le défendeur informa l’ancienne épouse du demandeur que, comme elle n’avait pas fourni les documents demandés, sa demande de partage des crédits était rejetée. Le mis en cause présenta l’information additionnelle au défendeur le 24 octobre 2014.

[5] Dans de la correspondance datée du 10 décembre 2014, le défendeur informa le demandeur qu’il avait reçu de l’information relative à la dissolution de sa relation matrimoniale. Il a été demandé que le demandeur confirme si lui et son ancienne épouse avaient vécu ensemble du 30 juillet 1982 au 3 juillet 2000. Dans une lettre datée du 28 décembre 2014, le demandeur écrivit que lui et son ancienne épouse avaient habités ensemble de septembre 1986 jusqu’à juillet 2000. Dans un addendum, le demandeur écrivit que son ancienne épouse avait fait verbalement la promesse de ne pas demander un partage des crédits de sa pension.

[6] Le 8 mai 2015, le défendeur avisa le mis en cause que sa demande de partage des crédits avec le demandeur avait été approuvée. Dans sa décision relative à la révision datée du 7 juillet 2015, le défendeur informa le demandeur qu’il avait accepté la demande de son ancienne épouse de partage des crédits du RPC pour la période allant de janvier 1986 à décembre 1999 :

[traduction]

[I]l n’existe pas de pouvoir législatif ou discrétionnaire pour ajuster les critères d’admissibilité selon les circonstances économiques ou les difficultés financières. Si nous recevons suffisamment d’informations indiquant que la séparation d’époux légaux est survenue après 1987, nous devons procéder au partage des crédits de pension. Puisque suffisamment d’information nous a été fournie dans la demande initiale, nous devons procéder avec cette demande conformément à la législation. Pour ce qui est de votre demande, nous comprenons que vous et votre ancienne épouse avez commencé à vivre ensemble en septembre 1986, vous vous êtes mariés en mars 1987 et que vous vous êtes séparés en juillet 2000. Nous constatons aussi que ces dates ne sont pas contestées.

[7] Le 16 septembre 2015, le demandeur a interjeté appel de cette décision devant la division générale. Le 3 octobre 2016, le mis en cause présenta un formulaire de renseignements en matière d’audience (FRMA) devant le Tribunal. Dans ce formulaire, elle indiqua qu’elle ne participerait pas à l’audience ni en personne ni par vidéoconférence. Elle expliqua qu’elle ne pouvait pas être dans la même pièce que le demandeur, car il était un toxicomane de longue date et qu’il lui avait menacé sa vie après qu’il ait reçu l’avis de partage des crédits. Le demandeur remplit aussi un FRMA indiquant qu’il refusait de participer par vidéoconférence ou par téléconférence. Il envoya ensuite une lettre niant qu’il prenait des drogues ou de l’alcool ou qu’il avait menacé le mis en cause. Il demanda une audience en personne, car il voulait pouvoir répondre correctement à ce qu’il décrivait être des déclarations fausses et désobligeantes.

[8] Le 28 octobre 2016, le membre de la division générale qui présidait l’audience rendit une brève décision interlocutoire avisant les parties qu’il rendrait sa décision sur l’appel sur la foi du dossier documentaire. Dans sa décision datée du 15 décembre 2016, la division générale rejeta l’appel du demandeur, concluant que le PGNAP avait été correctement fait et calculé conformément au paragraphe 55.1(1) du RPC. Toute promesse verbale que le demandeur aurait pu faire de renoncer au partage des crédits n’avait aucune valeur juridique.

[9] Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 6 mars 2017. Parmi les arguments énoncés, il suggère que le défendeur et la division générale ont violé ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).

[10] Le 20 septembre 2017, la division d’appel écrivit au demandeur pour lui demander des clarifications sur sa demande de permission d’en appeler. Elle lui demanda s’il souhaitait invoquer un argument constitutionnel et, si oui, quelles dispositions législatives faisaient l’objet d’un litige. Jusqu’à maintenant, le demandeur n’a pas répondu à la lettre de la division d’appel.

[11] J’ai décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une audience de vive voix et que l’appel pouvait être instruit sur le fondement du dossier documentaire pour les raisons suivantes :

  1. le dossier est complet et ne nécessite aucune clarification;
  2. ce mode d’audience est conforme à la disposition du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS) selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[12] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[13] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la demande de permission d’en appeler est rejetée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[14] Selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a établi que la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[16] Une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle qu’un demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale

[17] Un demandeur qui souhaite soulever une question constitutionnelle devant le Tribunal doit déposer un avis conformément à l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le TSS.

Régime de pensions du Canada

[18] En vertu de l’article 55.1 du RPC, un ex-époux peut présenter une demande de PGNAP, ce qui déclenche un partage équitable des crédits du RPC après une séparation ou un divorce. L’alinéa 55.1(1)a) du RPC prévoit qu’il doit y avoir un PGNAP dans le cas d’époux, à la suite d’un jugement prononçant un divorce après le 1er janvier 1987.

[19] Le paragraphe 55.2(2) du RPC prévoit que, sauf selon ce qui est prévu au paragraphe (3), sont sans effet quant au ministre en ce qui concerne le PGNAP, en application l’article 55 ou 55.1, les dispositions conclues ou une ordonnance d’un tribunal rendue en juin 1986 ou par la suite.

[20] Le paragraphe 55.2(3) du RPC prévoit que le ministre est lié par un contrat entre époux signé le 4 juin 1986 ou après cette date, et que ce contrat l’empêche d’effectuer un partage des crédits si :

  1. les termes de l’entente mentionnent expressément le RPC et l’intention des parties qu’aucun partage ne soit fait;
  2. la disposition en question du contrat est expressément autorisée selon le droit provincial applicable à de tels contrats;
  3. dans le cas d’un partage visé par l’alinéa 55.1(1)a), le contrat a été conclu avant que ne soit rendu un jugement accordant le divorce;
  4. la disposition en question du contrat n’a pas été annulée aux termes d’une ordonnance d’un tribunal.

Question en litige

[21] La division d’appel doit décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[22] Le demandeur présenta deux demandes de permission d’en appeler : la première le 6 mars 2017 et la seconde le 20 mars 2017. Toutes deux étaient accompagnées de lettres manuscrites détaillant différentes erreurs prétendument faites par le défendeur et la division générale, respectivement, en décidant d’effectuer et de confirmer le partage des crédits pour le mis en cause. Chaque demande incluait aussi des copies de la décision de la division générale, ainsi que de la correspondance antérieure du défendeur, que le demandeur avait annotées. J’ai catégorisé les observations du demandeur comme suit :

  1. Il est dégoûté par la décision de la division générale et désenchanté par le processus d’appel.
  2. Il prétend que le défendeur n’avait pas tous les faits lorsqu’il a accordé le PGNAP au mis en cause. Qu’il n’était pas au courant que le mis en cause avait promis de ne pas toucher à la pension en échange de la totalité du produit de la vente de la maison et des biens meubles qu’elle contenait.
  3. Il suggère que le mis en cause appuya sa demande de PGNAP avec des documents falsifiés et des déclarations diffamatoires. Le défendeur divisa sa pension sans lui avoir, au préalable, envoyé ces documents et sans lui donner une occasion d’y répondre.
  4. Il demande une audience en personne afin de pouvoir réfuter plus efficacement les mensonges du mis en cause. En rendant sa décision sur la foi du dossier, son droit d’être entendu lui a été refusé.
  5. Il croit que ses droits garantis par la Charte ont été violés par les fausses allégations faites à son sujet.

Analyse

PGNAP

[23] Le demandeur accusa le défendeur de se fonder sur les prétendument fausses déclarations du mis en cause et d’ignorer sa promesse de ne pas demander le partage des crédits.

[24] J’estime qu’il n’existe pas de cause défendable fondée sur ce motif. Premièrement, ceci reflète les observations déjà faites par le demandeur à la division générale. La division d’appel n’a pas la compétence, en vertu de la LMEDS, pour instruire de nouveau la preuve sur le fond et elle ne peut qu’évaluer les motifs qui se rattachent aux moyens indiqués au paragraphe 58(1).

[25] Deuxièmement, l’application du droit aux faits par la division générale a été, à mon avis, correcte. Après avoir examiné le droit applicable, particulièrement les articles 55.1 et 55.2 du RPC, la division générale a conclu qu’après un jugement de divorce et suite à une demande de partage par une partie, le PGNAP est obligatoire. La règle générale, selon le paragraphe 55.2(2) du RPC, est qu’un contrat entre les époux est sans effet quant au défendeur à moins que l’exception prévue au paragraphe 55.2(3) s’applique, c’est à dire, lorsqu’un contrat écrit est conclu entre les parties dans lequel il est expressément fait mention du RPC et qu’il exprime l’intention de ces personnes de ne pas faire le partage, et la disposition en question du contrat est expressément autorisée selon le droit provincial applicable à un tel contrat. En l’espèce, la preuve indique qu’il n’existe pas de contrat écrit pour exclure le partage de la pension du RPC. De toute façon, il semble qu’au moment de leur séparation, le demandeur et son ancienne épouse étaient régis par les lois de l’Ontario qui ne permettent pas aux parties de renoncer aux dispositions du paragraphe 55.2(2).

[26] À la lumière des faits mis à sa connaissance, je ne vois pas de cause défendable voulant que la division générale erra en approuvant le PGNAG. Le demandeur se sent clairement lésé, mais la division générale n’avait d’autre choix que de suivre la loi à la lettre. Les deux divisions du Tribunal peuvent seulement exercer la compétence que la loi habilitante leur confère, et aucune des deux n’a la compétence d’accorder une quelconque forme de réparation équitable. Cette position peut être appuyée par la décision Canada (Ministère de l’Emploi et du Développement social) c.TuckerNote de bas de page 3, et par plusieurs autres décisions dans lesquelles il a été établi qu’un tribunal administratif n’est pas une cour, mais plutôt un décideur prévu par la loi.

Mode d’audience

[27] Bien qu’il ne l’ait pas énoncé comme tel, le demandeur fait valoir implicitement que la division générale agit en manquant aux principes de justice naturelle en rendant sa décision sur la foi du dossier documentaire existant. Il fait valoir que son droit d’être entendu a été enfreint par la décision de la division générale de ne pas tenir une audience de vive voix, préférablement une audience requérant la présence en personne des parties.

[28] Je ne constate pas de cause défendable reposant sur ce moyen d’appel. L’article 21 du Règlement sur le TSS prévoit que la division générale peut tenir une audience au moyen d’un des nombreux modes. L’utilisation du mot  » peut », en l’absence d’autre qualificatif ou condition dans le texte, signifie que la division générale a le pouvoir discrétionnaire de prendre cette décision. Ceci ne suggère toutefois pas que la discrétion de la division générale à l’égard d’une telle décision n’a rien à voir avec la raison. Cependant, la Cour d’appel fédérale a confirmé que pour renverser une ordonnance discrétionnaire, un appelant doit prouver que le décideur a commis une « erreur manifeste et dominante »Note de bas de page 4, mais je ne constate rien de tel en l’espèce.

[29] Les parties ont déposé des FRMAs qui ont mis en évidence des positions diamétralement opposées sur la question touchant le mode d’audience à tenir. Dans une lettre datée du 28 octobre 2016, la division générale avisa les parties qu’à l’examen de leur correspondance, elle procéderait sur la foi du dossier. En procédant ainsi, la division générale a exercé son pouvoir discrétionnaire de choisir le mode d’audience qui lui semblait être le plus approprié et elle a informé les parties de son choix. Le demandeur laisse entendre qu’on lui a injustement refusé une occasion de questionner le mis en cause sur ses prétendus « mensonges », mais je doute que ce genre de contre-interrogatoire envisagé par le demandeur susciterait des éléments de preuve d’une grande pertinence, compte tenu du résultat non équivoque exigé par la loi (voir précédemment). De plus, le demandeur a eu plusieurs occasions pour présenter des observations écrites, et le dossier indique qu’il profita de celles-ci en déposant plusieurs lettres questionnant la crédibilité du mis en cause et la prétendue complicité du défendeur qui le priva injustement d’une portion de sa pension.

[30] Bien que la division générale dispose d’une grande discrétion pour se prononcer en la matière, je suis convaincu que sa décision d’instruire l’appel sur la foi du dossier n’a pas été prise à la légère, mais bien pour les motifs expliqués, quoiqu’indiqués superficiellement dans sa lettre du 28 octobre 2016. Dans l’arrêt Baker c. CanadaNote de bas de page 5, la Cour suprême du Canada a établi que le concept d’équité procédurale est variable et qu’il est tributaire du contexte particulier de chaque cas. L’arrêt Baker énumérait un certain nombre de facteurs qui peut être considéré pour décider de la nature de l’obligation d’équité qui s’applique dans un cas en particulier, y compris l’importance de la décision pour la personne visée, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision et les choix de procédure que l’organisme fait lui-même, particulièrement quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures.

[31] Je reconnais que les points en litige sont importants pour le demandeur, mais j’accorde aussi une grande importance à la nature du régime législatif qui régit la division générale. Le Tribunal de la sécurité sociale a été instauré pour régler les différends dont il est saisi de la manière la plus expéditive et économique possible. Pour ce faire, le Parlement a adopté une loi qui accorde à la division générale un pouvoir discrétionnaire quant au choix du mode d’audience, soit par comparution en personnes, par vidéoconférence ou par écrit, etc. Ce pouvoir discrétionnaire de choisir le mode d’audience ne doit pas être restreint indûment.

Argument fondé sur la Charte

[32] Le demandeur n’a pas spécifié les dispositions législatives qu’il croyait avaient violé ses droits conférés par la Charte. Comme tels, il a omis de satisfaire aux exigences officielles prévues à l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le TSS et il lui est interdit de soulever une contestation constitutionnelle devant la division d’appel.

[33] De toute manière, le demandeur doit encore me convaincre que ce moyen d’appel avait une chance raisonnable de succès, et de simplement prétendre une violation de la Charte ne peut être assimilée à une cause défendable. En l’espèce, le demandeur n’a pas identifié quels droits avaient été violés et comment la division générale les avait enfreints.

Conclusion

[34] Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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