Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Introduction

[1] La défenderesse (requérante) a commencé à toucher une pension de survivant du Régime de pensions du Canada en 1983. Elle a atteint 65 ans en 2012 et a commencé à toucher une pension de retraite du Régime de pensions du Canada en décembre 2012. À ce moment, sa pension de survivant a été recalculée et combinée à la pension de retraite, conformément à l’article 58 du Régime de pensions du Canada. La requérante en a appelé de la décision de combiner ses pensions devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) et elle a fait valoir que l’article 58 du Régime de pensions du Canada viole ses droits accordés par les articles 7, 10, 11, 12 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).

[2] Le demandeur (ministre) a demandé à la division générale de rejeter sommairement la contestation en vertu de la Charte, conformément à l’article 4 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement), car cette contestation n’était pas appuyée par les faits, la jurisprudence ou d’autres renseignements, et parce que le dossier de Charte présenté par la requérante ne répondait pas aux exigences établies à l’article 20 du Règlement. Le 22 août 2016, la division générale du Tribunal a rejeté la demande pour le rejet sommaire de la contestation en vertu de la Charte.

[3] Le ministre souhaite en appeler de cette décision.

Analyse

[4] Je dois décider si le demandeur peut appeler de plein droit la décision concernant le refus de rejeter sommairement la contestation en vertu de la Charte ou si la permission d’en appeler est requise. Si je décide que la permission d’en appeler est requise, je dois ensuite décider si la permission d’en appeler sera accordée.

Appel de plein droit

[5] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit les activités du Tribunal. L’article 56 de la Loi sur le MEDS prévoit qu’il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel du Tribunal sans permission, mais qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir une permission dans le cas où la division générale rejette sommairement un appel au titre du paragraphe 53(3). L’article 53 prévoit que la division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. Le paragraphe 53(3) prévoit que l’appelant peut en appeler à la division d’appel de cette décision. Le terme « appelant » n’est pas défini. En ce qui concerne les articles 53 et 56 de la Loi sur le MEDS, le terme appelant se doit de faire référence à l’appelant devant la division générale. Le ministre n’était pas l’appelant devant la division générale pour cette affaire, alors il ne peut pas en appeler de la décision de plein droit, conformément au paragraphe 53(3) de la Loi sur le MEDS.

[6] L’article 4 du Règlement prévoit qu’à la demande déposée par une partie auprès du Tribunal, celui-ci peut déterminer la règle applicable à toute question relative à l’instance. Cette disposition pourrait concerner le rejet en partie d’un appel.

[7] En l’espèce, le ministre a demandé à la division générale de rejeter sommairement la partie concernant la Charte de l’appel. Cette demande a été faite de façon adéquate, conformément à l’article 4 du Règlement. Par conséquent, la décision de ne pas rejeter la contestation en vertu de la Charte a été prise au titre de l’article 4 du Règlement, et non de l’article 53 de la Loi sur le MEDS. Ainsi, le ministre doit obtenir la permission d’en appeler avant que la division d’appel puisse considérer l’affaire.

Permission d’en appeler

[8] En ce qui concerne la permission d’en appeler, aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[9] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens pour en appeler sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[11] Je dois donc déterminer si le demandeur a soulevé un moyen d’appel prévu par la Loi sur le MEDS qui a une chance raisonnable de succès en appel.

[12] En résumé, le ministre soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a refusé d’exercer sa compétence en refusant de rejeter la partie de l’appel qui concernait la Charte et a commis une erreur de droit en inversant le fardeau de la preuve, car elle a demandé au ministre de présenter son dossier de Charte alors que la requérante n’en avait pas présenté un qui était suffisant conformément au Règlement. Le ministre a donc eu à prouver qu’aucun manquement en vertu de la Charte n’avait été commis, quand le fardeau de la preuve devrait incomber à la requérante pour démontrer une infraction en vertu de la Charte.

[13] Je suis convaincue que la division générale peut avoir manqué aux principes de justice naturelle quand elle a refusé de rejeter la contestation en vertu de la Charte de la requérante. Le ministre a soutenu que le dossier de Charte de la requérante n’établissait pas clairement le fondement de son argument sur le manquement au titre des articles 7, 10, 11, 12 et 15 de la Charte. Par conséquent, le ministre ne savait pas ce qu’il avait à prouver dans le cadre de cette procédure. L’un des principes de justice naturelle veut que toutes les parties savent ce qu’elles ont à prouver dans le cadre d’une affaire et qu’elles bénéficient de l’occasion de le faire. Si le dossier de Charte de la requérante ne démontrait pas le fondement de l’allégation de manquement au titre des différents articles de la Charte, le ministre ne pouvait pas le savoir et formuler une réponse adéquate au cas de la défenderesse. Ce moyen d’appel pourrait avoir une chance raisonnable de succès en appel.

[14] Dans l’arrêt Mette c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la division d’appel n’est pas tenue d’aborder tous les motifs d’appel invoqués par un demandeur. Puisque je suis convaincue que le demandeur a invoqué un moyen d’appel qui a une chance raisonnable de succès, je n’ai pas à examiner les autres moyens d’appel présentés. Lors de l’audience de l’appel, les parties ne sont toutefois pas tenues de s’en tenir aux moyens d’appel examinés dans la présente décision.

Conclusion

[15] La demande est accueillie. Les parties sont invitées à commenter le mode d’audience préféré pour l’appel, ainsi que les questions juridiques dans leurs observations écrites.

[16] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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