Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu la demande de l’appelant pour une prestation aux enfants de cotisante invalide (PECI) le 22 mars 2010. L’épouse de l’appelant (mise en cause) était invalide et il a fait la demande au nom de ses enfants. L’intimé a approuvé la demande et a commencé à verser ces prestations à l’appelant.

[2] L’intimé a annulé les prestations, de manière rétrospective, à partir de juillet 2013 déclarant que les enfants n’étaient plus sous sa garde et sa surveillance. L’appelant a demandé une révision de cette décision qui a été rejetée par l’intimé le 14 juillet 2015. L’appelant a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal).

[3] Pour être admissible à une PECI, l’appelant doit satisfaire aux exigences énoncées dans le Régime de pensions du Canada (RPC). Plus précisément, si un enfant n’a pas atteint 18 ans, il doit être démontré que l’appelant a la garde et la surveillance de l’enfant.

[4] L’audience a eu lieu par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. plus d’une partie participera à l’audience;
  2. le mode d’audience est celui qui permet le mieux à plusieurs personnes de participer;
  3. aucun service de vidéoconférence n’est situé à une distance raisonnable de la résidence de l’appelant;
  4. les questions en appel sont complexes;
  5. il y a des lacunes dans les renseignements qui figurent au dossier, ou certaines précisions doivent être apportées;
  6. ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

[5] Les personnes suivantes ont assisté à l’audience : l’intimé et le frère de la mise en cause qui est le représentant de sa succession.

[6] Le Tribunal a statué que l’appelant n’avait pas droit au versement d’une PECI à partir de juillet 2013 pour les motifs énoncés ci-après.

Preuve

Preuve documentaire

[7] Le dossier montre que la mise en cause a commencé à recevoir une pension d’invalidité du RPC en août 2009, ce qui était aussi la date du début des versements PECI payables à l’appelant pour le compte de deux enfants qui étaient âgés de moins de dix-huit ans.

[8] Une déclaration solennelle datée du 12 août 2012 par l’appelant indiquait qu’il allait voyager avec les enfants en raison d’un transfert pour son travail et qu’il était leur seul gardien, car la mise en cause n’était pas capable de remplir ce rôle.

[9] Une lettre, datée du 26 mai 2015 provenant de l’appelant, indiquait qu’il avait déménagé en Floride avec les enfants en août 2012 et qu’ils y allaient à l’école pour l’année scolaire 2012/2013. La mise en cause vivait en Colombie depuis février 2012, mais elle était venue leur rendre visite durant l’été 2013. Ils sont tous retournés en Colombie pour les vacances et il a laissé les enfants avec la mise en cause pour l’été pendant qu’il était retourné travailler en Floride. En août 2013, il a été informé par la grand-mère des enfants en Colombie que les enfants ne retourneraient pas en Floride, il déclara que ceci était contre son consentement. Il a entrepris une demande sous la Convention de Hague pour que ses enfants soient retournés à sa garde. Une copie de cette demande a été déposée au dossier.

[10] Le 23 septembre 2013, une audience de conciliation pour fixer la garde a été tenue devant un tribunal de la famille colombien. Les parties et leurs avocats ont assisté. Le rapport indique que les parties n’ont pas pu s’entendre sur la garde et que [traduction] « ... la garde, les soins ainsi que la garde provisoire des enfants... » étaient accordés à la mise en cause. Le jugement provisoire prévoyait aussi des visites pour l’appelant avec les enfants lorsqu’il était en Colombie et traitait de questions relatives au soutien.

[11] Le 14 juillet 2014, une entente finale a été faite entre les parties en vertu de laquelle la garde et le soin des enfants seraient exercés conjointement par les parents. Les enfants résideraient avec la mise en cause durant la période scolaire et une partie de leurs vacances et des visites étaient prévues pour le père lorsqu’il allait en Colombie.

[12] Le 6 février 2015, l’appelant a appelé le bureau de Service Canada pour aviser que les enfants étaient avec la mise en cause depuis juin 2013 et que les versements de PECI devraient lui être envoyés. Une lettre datée de la même journée envoyée par la mise en cause à Service Canada indiquait qu’elle et l’appelant s’étaient séparés en mai 2013 et elle demandait que les versements de PECI lui soient payés rétrospectivement à partir de juin 2013.

[13] Le 7 avril 2015, la mise en cause a été informée qu’elle était admissible à la PECI à partir de juillet 2013 et le 8 avril 2015, l’appelant a été avisé de l’annulation des versements de PECI qui lui étaient faits et qu’un trop-payé avait été déterminé pour la période allant de juillet 2013 jusqu’à mars 2015.

Témoignage de vive voix

L’appelant

[14] L’appelant a déclaré au Tribunal que ses enfants avaient vécu avec lui aux États-Unis (É.-U.) depuis 2012. En mai 2013, la mise en cause était venue rendre visite et lui et les enfants étaient retournés en Colombie pour des vacances. Il a affirmé que les enfants devaient rester en Colombie pour l’été, qu’il avait déjà acheté les billets de retour pour eux et qu’ils les avaient inscrits à l’école en Floride pour septembre 2013. En août 2013, on lui avait dit que les enfants ne retourneraient pas en Floride.

[15] Il a affirmé que la mise en cause n’avait pas les droits légaux de garder les enfants en Colombie, bien qu’ils soient des citoyens colombiens et canadiens, et qu’ils avaient été pris de sa garde juridique. En septembre 2013, ils sont allés devant le tribunal familial en Colombie et, à ce moment-là, la mise en cause n’était pas capable de s’occuper des enfants seule, car elle avait besoin de l’aide des grands-parents. Il a assisté à l’audience avec son avocat, mais ils ne s’étaient pas entendus sur la garde et une ordonnance temporaire en faveur de la mise en cause avait été émise par l’agent d’audience et non un juge. Cette ordonnance devait être temporaire jusqu’à ce qu’ils se présentent devant un juge.

[16] En janvier 2014, il a reçu les documents de divorce en Floride et en juillet 2014 ils se sont entendus pour que les enfants continuent de vivre avec la mise en cause. L’appelant ne conteste pas qu’à partir de juillet 2014 il n’était plus admissible à toucher la PECI. Il conteste la période entre juillet 2013 à juillet 2014.

[17] Quand il lui a été demandé à quel moment la séparation entre lui et la mise en cause était réellement survenue, l’appelant a déclaré qu’il n’y avait pas eu de discussion de séparation avant l’audience en septembre 2013 et qu’il désirait toujours discuter de réconciliation avec la mise en cause. Il n’y avait pas eu d’entente écrite préalable entre eux concernant la garde des enfants ou le lieu de résidence en juillet 2013. Il a affirmé qu’ils s’étaient entendus verbalement qu’elle irait en Colombie en 2012 pour se rétablir et qu’il vivrait avec les enfants aux É-U. Il a ajouté qu’il n’avait pas de procuration pour elle, mais qu’il n’agissait pour elle que comme époux.

[18] Il a commencé à payer une pension alimentaire en septembre 2013 comme prévu dans l’ordonnance provisoire. Avant ceci, il envoyait environ 350 $ par mois à la mise en cause pour du soutien.

[19] Les enfants ont continué à vivre avec la mise en cause jusqu’à sa mort en mai 2016 et les enfants vivent avec lui en Floride depuis 2016.

Représentant de la succession

[20] Le représentant de la succession pour la mise en cause a affirmé au Tribunal que la Colombie avait la compétence de rendre une ordonnance de garde en septembre 2013. Il a indiqué que la mise en cause avait une invalidité et il a déclaré qu’elle était capable de prendre des décisions, mais qu’elle avait besoin d’une certaine aide avec les enfants. Il avait passé du temps avec elle en janvier 2013 et au milieu de l’année 2013, et il a affirmé qu’elle était apte, toutefois son état s’est détérioré en 2015 lorsqu’elle a eu un autre accident vasculaire cérébral. Il a ajouté que la relation avec l’appelant s’était rompue en mai 2013 et qu’il n’y avait pas eu de soutien financier significatif de sa part jusqu’à ce que la cour l’impose.

Observations

[21] L’appelant a fait valoir qu’il était admissible à la PECI de juillet 2013 à juillet 2014, car :

  1. il avait la garde juridique de ses enfants durant cette période;
  2. les enfants avaient être pris de sa garde de manière illégale par la mise en cause;
  3. la mise en cause n’avait pas la capacité de s’occuper d’eux durant cette période.

[22] La mise en cause a déclaré que l’appelant n’était pas admissible à la PECI à partir de juillet 2013, car :

  1. les parties s’étaient séparées en mai 2013 et les enfants résidaient physiquement avec la mise en cause à partir de juillet 2013;
  2. la mise en cause était capable de s’occuper d’eux;
  3. les autorités colombiennes avaient accordé la garde à la mise en cause en septembre 2013.

[23] L’intimé a déclaré que l’appelant n’était pas admissible à la PECI de juillet 2013 à juillet 2014, car :

  1. la PECI n’est payable qu’à la personne qui assume la garde et la surveillance des enfants;
  2. les enfants n’étaient pas sous sa garde et sa surveillance après juin 2013.

Analyse

Critère d’admissibilité à une prestation d’enfant de cotisante invalide

[24] L’alinéa 44(1)e) du RPC établit les conditions d’admissibilité à la PECI. Celle-ci est payée pour chaque enfant d’une cotisante invalide qui a versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité.

[25] L’article 75 du RPC prévoit que lorsqu’une PECI est payable à un enfant qui n’a pas encore atteint 18 ans, le versement doit être fait à la personne qui a la « garde et la surveillance » de l’enfant. L’alinéa 75a) prévoit que la cotisante, sauf si l’enfant vit séparé de la cotisante, est présumée être, en l’absence de preuve contraire, la personne qui en a la garde et la surveillance.

[26] En l’espèce, il n’y a pas de doute que les enfants étaient admissibles à la PECI à cause de l’invalidité de la mise en cause. Il n’est aussi pas contesté que les enfants résidaient avec l’appelant et qu’il en avait le soin et la surveillance jusqu’en juin 2013. De plus, l’appelant ne conteste pas le fait qu’il n’avait pas le soin et le garde des enfants à partir de juillet 2014 lorsque lui-même et la mise en cause ont conclu une entente finale que les enfants seraient sous la garde et le soin de la mise en cause.

Garde

[27] Toutefois, l’appelant fait valoir que les enfants étaient simplement en vacances prolongées durant l’été 2013 lorsque la mise en cause les a indûment et illégalement retenus. Il soutient qu’il avait conservé la garde juridique des enfants conformément à leur entente verbale. Il fait aussi valoir que l’ordonnance du tribunal familial de septembre 2013 n’avait pas été rendue par un juge et était provisoire jusqu’en juillet 2014 lorsque l’entente finale et l’ordonnance ont été conclues. Il affirme qu’il conservait la garde judiciaire durant cette période.

[28] Je ne peux accepter ces observations. Les parties n’avaient pas d’entente écrite ou d’ordonnance d’un tribunal en juillet 2013 pour ce qui est du lieu de résidence ou de la garde des enfants lorsqu’ils ont été pris en charge par la mise en cause. Par conséquent, les parties avaient des droits de garde égaux en attendant une ordonnance ou une entente. Si les enfants avaient été renvoyés en août 2013, comme l’appelant s’y attendait, il n’y aurait pas eu de question en litige. Toutefois, un conflit est survenu au sujet de leur garde et l’affaire a été présentée au tribunal familial en Colombie où les enfants résidaient à ce moment-là et où ils sont citoyens. Bien que l’ordonnance provisoire n’ait pas été formulée par un juge, j’estime qu’elle a été rendue par une autorité compétente sous le système colombien. Les deux parties étaient représentées et il ne semble pas y avoir eu aucune remise en question de la compétence de l’agent d’audience à formuler une telle ordonnance.

[29] Bien que le Tribunal reconnaît que la garde judiciaire puisse avoir été une question en litige durant l’été 2013, il a été déterminé en septembre 2013 que la mère aurait la garde. Je ne juge pas que le fait qu’elle était provisoire ait une importance, et elle était en place jusqu’à ce qu’une autre ordonnance ou entente soit conclue.

Surveillance

[30] Les dispositions législatives exigent tant la garde que la surveillance d’un enfant, une des deux n’est pas suffisante. Je me suis reporté à l’affaire MDRH c. Warren, (12 décembre 2001), CP 14999 (CAP), dans laquelle la Commission d’appel des pensions (CAP) a annulé une décision où le Tribunal avait seulement tenu compte de la question de la garde et ignoré l’exigence liée à la surveillance. Dans l’affaire Warren, le CAP a conclu que le père avait la surveillance de l’enfant lorsqu’il résidait avec lui et qu’il avait la responsabilité de ses soins et de son entretien. En l’espèce, la mère de la mise en cause exerçait à elle seule la surveillance des enfants lorsqu’elle a commencé à en prendre soin en juillet 2013. Il n’était pas possible pour l’appelant d’exercer la surveillance lorsqu’il habitait en Floride et que les enfants résidaient en Colombie avec la mise en cause.

Invalidité de la mise en cause

[31] J’ai tenu compte des observations de l’appelant pour ce qui est de la capacité de la mère à s’occuper de l’enfant [sic]. La preuve indiquait que bien qu’elle ait eu besoin d’aide physique pour le soin des enfants, elle était suffisamment capable de prendre des décisions relativement à leur soin et leur surveillance. Elle a été capable d’avoir recours aux services d’un avocat pour l’audience familiale en septembre 2013 et une évaluation faite en novembre 2013 l’a jugée capable de prendre ses propres décisions. Rien n’indique qu’elle ait eu besoin de procuration durant la période en question. Sans tenir compte de sa capacité, la question dont est saisi le Tribunal n’est pas son admissibilité à la PECI, mais de savoir si l’appelant avait la garde et la surveillance des enfants durant la période visée.

[32] Le Tribunal conclut que bien que la garde ait été une question en litige entre juillet et septembre 2013, la surveillance n’en était pas une durant toute la période entre juillet 2013 et juillet 2014. Par conséquent, le Tribunal estime que l’appelant n’avait pas la garde et la surveillance des enfants et qu’il n’était pas admissible à toucher la PECI à partir de juillet 2013.

Conclusion

[33] L’appel est rejeté.

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