Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse est née en Ukraine. Elle a habité là-bas, puis en Israël. En janvier 2000, elle a immigré au Canada avec son époux et ses enfants. Elle n’a pas travaillé à l’extérieur de la maison de manière régulière après son arrivée au Canada. La demanderesse et son époux ont divorcé en 2009. La demanderesse a présenté une demande de pension de retraite du Régime de pensions du Canada et une demande de pension de la sécurité de la vieillesse (pension de la SV) en mai 2012. Elle a eu 60 ans en 2013, et le défendeur lui a accordé une pension de retraite qui débuterait après son 60e anniversaire. Le défendeur a rejeté sa demande de pension de la SV. La demanderesse a présenté une demande de révision pour ces deux décisions, cherchant à augmenter le montant de sa pension de retraite en raison d’un revenu qu’elle a gagné en Ukraine et en Israël, et un partage de crédits en raison de la fin de son mariage, et cherchant encore une fois à obtenir une pension de la SV. Le défendeur a maintenu ses décisions à la suite des révisions.

[2] La demanderesse a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). Dans son appel, la demanderesse souhaitait également soulever le fait que ses droits n’ont pas été respectés en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte). Le 31 mars 2017, la division générale du Tribunal a décidé que les contestations en vertu de la Charte n’iraient pas plus loin, car la demanderesse n’avait pas rempli et déposé un avis de question constitutionnelle (AQC), comme l’exigent la Loi sur les Cours fédérales et le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Elle a rejeté ces demandes en ce qui a trait à ses pensions de retraite et de la SV dans des décisions distinctes. La demanderesse a présenté deux demandes de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal le 18 mai 2017. J’ai joint les appels le 27 novembre 2017.

Analyse

[3] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit les activités du Tribunal. Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[4] Les seuls moyens d’appel prévus par la Loi sur le MEDS se trouvent au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Ils sont les suivants : la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle, elle a commis des erreurs de droit ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Le paragraphe 58(2) prévoit que la demande de permission d’en appeler doit être rejetée si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[5] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé des principes de justice naturelle, qu’elle a commis des erreurs de droit et qu’elle a fondé sa décision sur des conclusions de fait qui vont à l’encontre de la Loi sur le MEDS. Je dois déterminer si la demanderesse a soulevé un moyen d’appel qui est prévu au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et qui confèrerait à l’appel a une chance raisonnable de succès.

Justice naturelle

[6] Les principes de justice naturelle visent à s’assurer que chaque partie à un appel a la possibilité de présenter sa cause, qu’elle a l’occasion de prendre connaissance des renseignements qui lui sont défavorables et que sa cause est jugée par un décideur impartial selon les faits et le droit.

[7] Premièrement, la demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle, car elle ne lui a pas offert les services de l’avocat de service ou ne l’a pas avisé des services juridiques offerts. Le Tribunal est impartial et ne peut fournir de services juridiques à aucune des parties qui comparaient devant elle. Elle n’a aucune obligation de fournir de l’aide ou des directives à aucune partie afin que celle-ci obtienne des conseils juridiques ou un représentant. Cet argument ne soulève aucune erreur commise par la division générale.

[8] La demanderesse soutient également que la division générale n’a pas respecté les principes de justice naturelle, car elle ne lui a pas permis de répondre à la demande d’ajournement de l’audience devant elle qui avait été présenté par le défendeur. L’audience de cette affaire était, au départ, censée avoir lieu en décembre 2016. Lorsqu’il est devenu évident que la demanderesse n’avait pas déposé sa preuve de signification de son AQC auprès des procureurs généraux et de toutes les provinces, le membre de la division générale a ajourné l’audience afin de fournir à la demanderesse l’occasion de le faire, car sans cela, les contestations en vertu de la Charte ne pourraient pas aller plus loin. L’affaire a été ajournée au mois de mars 2017. Puisque la demanderesse n’avait pas encore déposé cette preuve de signification, la division générale a annulé l’audience et a tranché l’appel sur la foi des documents écrits présentés.

[9] Lorsque l’appel a été ajourné en décembre, cela a été fait sans qu’aucune des parties l’ait demandé. C’était dans l’intérêt juridique de la demanderesse de le faire, puisque sans la preuve de signification de son AQC auprès des procureurs généraux, ses contestations en vertu de la Charte ne pouvaient pas aller de l’avant. Cela n’a pas porté atteinte aux droits juridiques de la demanderesse.

[10] En ce qui a trait à la date d’audience au mois de mars, la division générale a clairement avisé la demanderesse à l’avance de cette date, de ce qui était exigé d’elle et du fait que si elle ne se conformait pas aux exigences de service, ses contestations en vertu de la Charte ne pourraient pas aller de l’avant. Le défendeur n’a pas demandé que l’audience soit ajournée. L’argument de la demanderesse selon lequel le fait qu’on ne lui ait pas permis de répondre à la demande d’ajournement du défendeur allait à l’encontre des principes de justice naturelle ne constitue pas un moyen d’appel qui confèrerait à l’appel une chance raisonnable de succès.

[11] Le fait que les dates d’audience aient été changées et que les audiences aient été annulées juste avant que chacune d’elles ait eu lieu ne constitue pas non plus un manquement aux principes de justice naturelle. Au contraire, cela démontre que le Tribunal a donné à la demanderesse toutes les occasions pour qu’elle se conforme aux exigences afin qu’elle puisse aller de l’avant avec ses contestations en vertu de la Charte.

[12] De plus, la demanderesse soutient que les principes de justice naturelle ont été enfreints, car cela a pris quatre ans à la division générale pour trancher ses demandes. Il est regrettable que ses demandes n’aient pas été tranchées plus rapidement. Le paragraphe 6 de la décision de la division générale, à GP-13-1432, reconnait que cette affaire a mis beaucoup de temps à se régler. L’appel a été pris dans l’arriéré important des affaires qui ont été transférées du Bureau du commissaire des tribunaux de révision à ce Tribunal, et il n’a été assigné à un membre que 20 mois après que ce Tribunal n’ait commencé son mandat. Bien qu’il s’agisse d’une situation regrettable, cela n’invoque aucun manquement aux principes de justice naturelle.

[13] La demanderesse soutient également que la division générale était partiale pour plusieurs raisons. Je ne suis pas convaincue que ces allégations constituent des moyens d’appel en vertu de la Loi sur le MEDS qui confèreraient à l’appel une chance raisonnable de succès, et ce, pour les raisons suivantes.

[14] Premièrement, la demanderesse soutient que le Tribunal était partial, car il n’est pas indépendant de l’autorité exécutive (ministère). Le Tribunal de la sécurité sociale est un tribunal quasi judiciaire indépendant, et le Ministère de l’Emploi et du Développement social est une partie qui comparait devant lui. Rien n’indique dans le dossier écrit ou dans la décision de la division générale qu’une des parties n’avait pas été traitée de manière impartiale.

[15] Deuxièmement, la demanderesse soutient qu’il y avait un soupçon de partialité, car les audiences prévues au mois de décembre ont été ajournées dans un court délai. Dans les décisions, il est clairement indiqué que la demanderesse a été avisée des exigences pour aller de l’avant avec la demande en vertu de la Charte et qu’elle a eu plus d’une occasion pour s’y conformer. Les audiences de décembre ont été ajournées afin d’offrir à la demanderesse une autre occasion de faire cela. L’appel a été ajourné par le Tribunal, pas à la demande de l’une ou l’autre des parties. Aucune indication de partialité ne ressort clairement de cela.

[16] De plus, la demanderesse soutient que la division générale n’avait aucune intention de tenir une audience de vive voix puisqu’elle a rendu la décision le 31 mars, juste après les derniers jours qui ont été établis pour la tenue d’une audience, et la demanderesse soutient que l’audience a été annulée sans qu’elle ait la chance de s’y opposer. Dans les décisions, tous les efforts du Tribunal pour s’assurer que la demanderesse sache ce qui est exigé d’elle pour qu’elle puisse aller de l’avant avec ses contestations en vertu de la Charte sont décrits de manière exhaustive, et toutes les mesures prises, y compris l’ajournement de l’audience, étaient pour lui permettre de faire cela. Le Tribunal n’est pas tenu d’accorder à tous les demandeurs une audience de vive voix. La demanderesse ne suggère pas qu’elle ne connaissait pas l’affaire qu’elle devait défendre ou les éléments de preuve relatifs à son affaire qu’elle devait présenter. Elle ne fournit aucun détail me permettant de comprendre comment le Tribunal aurait pu être partial en procédant de la sorte. Ce moyen d’appel ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succès.

[17] En outre, la demanderesse soutient que la division générale était partiale, car elle n’a pas tenu compte de documents qu’elle a présentés après que la décision ait été rendue. Le mandat de la division générale s’achève lorsqu’une décision est rendue. L’on ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir tenu compte de documents présentés après la fin de son mandat.

[18] La demanderesse soutient également qu’elle avait des attentes légitimes concernant les procédures à suivre, et que la conduite du Tribunal en ce qui a trait à la procédure de signification de documents éveille un soupçon de partialité. Plus précisément, elle soutient que la procédure de signification de document n’est pas claire, que le formulaire d’affidavit de signification est manquant, que le Tribunal ne lui a pas dit pourquoi l’affidavit de signification n’a pas été accepté, que le Tribunal n’a pas avisé le procureur général du changement de la date d’audience, que l’exigence qui est de fournir un accusé de réception des documents était déraisonnable, qu’il y avait une contradiction dans la décision en ce qui a trait à savoir si la preuve de signification avait été fournie et qu’il n’y avait aucun fondement pour demander qu’elle signifie à nouveau le procureur général.

[19] Dans les décisions de la division générale, ce que l’on exige de la demanderesse en ce qui a trait à la signification du AQC aux procureurs généraux est clairement indiqué. Bien qu’un formulaire bien précis ne lui a pas été fourni pour établir qu’il y a eu signification, il ne fait aucun doute que quelque chose était exigé, et la demanderesse a dû l’avoir compris, car elle a fourni un document non signé à cet effet. Le Tribunal n’est pas obligé d’aviser les procureurs généraux de toute date d’audience ou de tout changement de date; il revient à la partie invoquant un argument constitutionnel de le faire dans le cadre de son affaire. Afin que les procureurs généraux soient en mesure de déterminer s’ils participeront à l’audience, il est nécessaire qu’ils soient au courant de tout changement de date d’audience. Il n’y avait aucune contradiction dans la décision en ce qui a trait à l’AQC. Les paragraphes 12 à 24 de la décision de la division générale font référence à l’AQC et ce qui était requis pour les dates d’audience au mois de décembre. Le paragraphe 35 fait référence aux dates d’audience au mois de mars ainsi qu’au fait qu’il n’y avait aucune indication que l’AQC avait été signifié avant ces dates d’audience. Par conséquent, je suis convaincue que ces arguments ne signalent aucune partialité de la part de la division générale et ne constituent aucun moyen d’appel qui confèrerait à l’appel une chance raisonnable de succès.

[20] De plus, la demanderesse soutient que la décision n’a pas été rendue de manière impartiale. Elle soutient que la division générale a refusé de l’entendre. Cependant, elle a eu de nombreuses occasions pour se conformer aux exigences relatives au dépôt de documents, et elle n’a pas été en mesure de s’y conformer. Elle ne précise pas en l’espèce les éléments de preuve qu’elle n’a pas été en mesure de présenter. Aussi, la division générale n’a pas l’obligation de tenir une audience de vive voix pour toutes les affaires.

[21] La demanderesse est également en désaccord avec la décision rendue. Cela ne suffit pas pour établir que la division générale était partiale.

[22] De plus, la demanderesse soutient que la division générale a simplement adopté la position du défendeur qui était de rejeter sa demande, et qu’elle n’a pas tenu compte de la légitimité de plusieurs dispositions du RPC. À la lecture de la décision, il ressort clairement de celle-ci que la division générale a rejeté les contestations en vertu de la Charte parce que la demanderesse ne s’est pas conformée aux exigences relatives à la signification, et non selon le bien-fondé de tout argument de fond. Cela a été fait après que tous les faits pertinents aient été pris en compte, et après que la demanderesse ait eu plusieurs occasions pour se conformer aux exigences. Le fait que la décision ressemble à l’observation du défendeur n’est pas suffisant pour que cela signifie que la division générale était partiale.

[23] La demanderesse fait aussi une allégation de partialité, car la division générale n’a pas tenu compte de la question relative à l’inclusion de revenus qu’elle a gagnés à l’étranger. Cependant, les paragraphes 71 à 73 de la décision dans le dossier numéro GD-13-1432 traitent précisément du fait qu’il est possible que le Canada conclue des ententes avec d’autres pays en ce qui a trait aux prestations de la sécurité sociale, mais que cela n’a pas été fait avec l’Ukraine ni l’Israël. Par conséquent, sa demande de crédits pour ces revenus relativement à sa pension de retraite a été rejetée. Ce moyen d’appel ne soulève aucun parti pris ni aucune erreur de la part de la division générale.

Erreurs de droit

[24] La demanderesse soutient également que la division générale a commis une erreur de droit. Elle affirme que le fait que la décision de la division générale ne fait pas référence à la Charte ni à la Déclaration universelle des droits de l’homme va à l’encontre des principes établis dans l’arrêt Baker c. Canada, [1999] 2 RCS 817. Cette décision défend le principe voulant qu’il y a un devoir d’équité envers les parties lorsque celles-ci participent à un litige, et que les exigences réelles en matière d’équité peuvent changer dépendamment d’un certain nombre de facteurs propres à l’affaire et du Tribunal devant lequel les parties comparaitront. En l’espèce, la division générale indique clairement que le Tribunal, selon la loi, n’a que le pouvoir qui lui est conféré par la loi. Le Tribunal ne peut pas traiter de demandes faites en vertu de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il ne peut pas traiter de demandes constitutionnelles à moins que l’AQC n’ait été signifié de manière appropriée. Cet argument ne soulève aucune erreur de droit.

[25] Ensuite, à ce sujet, la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit, car elle n’a pas tenu compte d’incohérence entre deux dispositions du RPC, ou une prétendue anomalie puisque le RCP ne précise pas qui est un « pensionné », et elle n’a pas tenté de déterminer si une province à une certaine autorité sur des programmes fédéraux comme le RPC et la SV. Les questions que devait trancher la division générale étaient de déterminer si la demanderesse était admissible à un montant supérieur pour sa pension de retraite et si elle était admissible à une pension de la SV. Pour trancher ces questions, en l’espèce, il n’était pas nécessaire de la part de la division générale d’analyser les arguments soulevés comme moyens d’appel. Les décisions de la division générale énoncent les éléments de preuve qui ont été présentés relativement aux questions proposées, la division générale a appliqué le droit à ces questions et a rendu une décision compréhensible, logique et fondée sur le droit et les faits. Ces moyens d’appel qui ont été soulevés ne pointent vers aucune erreur de droit qu’aurait commise la division générale.

[26] Finalement, à ce sujet, la demanderesse soutient que la division générale n’était pas autorisée par la loi d’annuler une audience parce que son AQC n’avait pas été signifié de manière appropriée. Dans les décisions de la division générale, il est clairement énoncé pourquoi les audiences prévues en mars ont été annulées ainsi que le fondement juridique sur laquelle repose cette décision. Cet argument ne soulève aucune erreur de droit.

Conclusions de fait erronées

[27] La demanderesse soutient également que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Premièrement, à ce sujet, elle affirme que la division générale n’a pas accepté le fait que l’AQC a été signifié, et qu’elle a ajourné et annulé l’audience de manière abusive. Le fondement probatoire de cette conclusion de fait selon laquelle l’AQC n’a pas été signifié de manière appropriée est clairement énoncé dans la décision. Cet argument ne révèle aucune erreur commise qui irait à l’encontre de la Loi sur le MEDS.

[28] La demanderesse soutient ensuite que la division générale a ignoré le fait qu’elle a dû bénéficier de sa pension de retraite avant l’âge de 65 ans, qu’elle a été pénalisée pour avoir fait cela, que la division générale n’a pas reconnu le travail qu’elle a fait à l’extérieur du Canada, qu’elle a une double citoyenneté en Ukraine et que l’exigence selon laquelle elle doit avoir cotisé pendant 40 ans n’est pas conçue pour les immigrants. La décision de la division générale énonce les antécédents professionnels et résidentiels de la demanderesse. La demanderesse ne suggère pas qu’une erreur a été commise en faisant cela ou qu’un élément de preuve important a été négligé. Je ne suis pas convaincue que la décision a été fondée sur une conclusion de fait erronée en ce qui a trait à ces questions, en violation de l’article 58 de la Loi sur le MEDS.

[29] J’ai également examiné les décisions de la division générale ainsi que les documents au dossier. Je suis convaincue que la division générale n’a pas fait fi d’éléments de preuve importants ou mal interprété ces derniers.

Conclusion

[30] La demande est rejetée au motif que la demanderesse n’a pas invoqué de moyen d’appel relevant du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS qui confèrerait une chance raisonnable de succès à l’appel.

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