Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Pendant plusieurs années, la demanderesse, S. M., et ses enfants ont subi de mauvais traitements de la part de l’ancien époux de la demanderesse, O. B. La demanderesse et son époux ont obtenu le divorce le 30 mai 1999. Environ deux semaines plus tard, l’ex-époux de la demanderesse est décédé. Celle-ci a présenté une demande de prestation d’orphelin du Régime de pensions du Canada au nom de son enfant, R. B., et, à partir de juillet 2009, elle a commencé à toucher une prestation d’orpheline en son nom.

[3] Cependant, la demanderesse a conclu que R. B. serait plus en sécurité en vivant séparé de sa famille en raison des antécédents de mauvais traitements. En 2011, la demanderesse a officiellement cédé les soins permanents et la garde de R. B. à une famille d’accueil. Elle a également conservé une seconde résidence afin de lui permettre de passer du temps avec R. B. et de lui offrir un environnement sécuritaire.

[4] Le défendeur a ensuite conclu que la demanderesse n’avait pas la garde et la surveillance de R. B. en octobre 2009, moment où les soins de R. B. ont été assumés par la province de la Colombie-Britannique, et que, par conséquent, elle était non admissible au bénéfice de la prestation d’orphelin à partir d’octobre 2009, ce qui a entraîné un versement excédentaire d’environ 3 660 $. Elle a interjeté appel de la décision du défendeur.

[5] La division générale a conclu qu’elle n’avait pas la compétence ou le pouvoir discrétionnaire lui permettant d’assouplir les dispositions législatives du Régime de pensions du Canada et de trancher en la faveur de la demanderesse (relativement à la question relative à l’admissibilité à une prestation d’orphelin), et ce, malgré les circonstances malheureuses ayant mené au divorce et à l’indigence de la demanderesse ainsi qu’au placement de R. B. en famille d’accueil. La demanderesse cherche maintenant à obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale, au motif que celle-ci a commis une erreur de droit et n’a pas observé un principe de justice naturelle. Je dois examiner si l’appel a une chance raisonnable de succès selon un de ces deux moyens.

Question en litige

[6] La question que je dois trancher est celle de savoir si l’appel a une chance raisonnable de succès au motif que la division générale a soit commis une erreur de droit soit omis d’observer un principe de justice naturelle.

Moyens d’appel

[7] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il est prévu que les seuls moyens d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Avant de pouvoir accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou à l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a approuvé cette approche dans l’affaire TraceyNote de bas de page 1.

Analyse

La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle?

[9] Non, la division générale n’a pas omis d’observer un principe de justice naturelle pour les raisons qui suivent.

[10] Le principe de justice naturelle vise à veiller à ce que le processus soit équitable et que les parties aient droit à une audience complète et équitable ainsi qu’à l’occasion de présenter leurs causes respectives.

[11] La demanderesse prétend qu’elle n’a pas eu droit à une audience équitable parce que le membre de la division générale a omis de divulguer ses qualifications, de lui offrir une audience en personne et de lui fournir les observations écrites du défendeur en temps opportun.

Qualifications du membre

[12] J’ai écouté l’enregistrement de l’audience devant la division générale. La demanderesse a fait preuve de curiosité à l’égard de la formation et des antécédents du membre (vers la huitième minute de l’enregistrement audio). La division générale a refusé de répondre à la question de la demanderesse concernant ses qualifications au motif que cela n’est pas pertinent dans le cadre de l’instance. La demanderesse a souligné que le membre a déclaré que les [traduction] « gens au sein du Tribunal de la sécurité sociale croient [qu’elle est] qualifiée ».

[13] La demanderesse fait valoir qu’elle a le droit de connaître les qualifications des membres, mais j’estime que cela n’a aucune incidence en l’espèce. Le membre a eu raison de souligner que le sujet de ses qualifications n’avait aucune pertinence en ce qui concerne les questions en litige.

[14] Quoi qu’il en soit, les qualifications des membres du Tribunal de la sécurité sociale sont accessibles au public. Le gouvernement du Canada annonce la nomination des membres et fournit les renseignements biographiques au moyen d’un communiqué de presse.

Mode d’audience

[15] La demanderesse prétend qu’elle avait droit à une audience en personne, car cela lui aurait donné l’occasion de s’adresser en personne aux personnes qui rendent des décisions qui ont une incidence sur elle et sur sa vie.

[16] Je souligne que la demanderesse ne semble pas avoir exprimé son objection quant au mode d’audience avant que la division générale rende sa décision. Dans le Formulaire de renseignements en matière d’audience (GD-5), elle n’a pas laissé entendre qu’elle était incapable de prendre part à une téléconférence ou, pour cette affaire, à tout autre mode d’audience, ce qui comprend l’audience sous forme de questions et de réponses écrites.

[17] Dans l’affaire MurphyNote de bas de page 2, l’affaire a été instruite sans audience. Dans cette affaire, la division générale a conclu qu’un examen des documents au dossier était suffisant pour rendre une décision, car elle avait conclu que les questions en litige n’étaient pas complexes, que les renseignements au dossier ne présentaient aucune lacune et ne requérait aucun éclaircissement, que la crédibilité n’était pas un problème et que le mode d’audience respectait l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement) voulant que l’audience se déroule de manière la plus informelle et la plus expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

[18] La Cour fédérale a douté qu’une évaluation adéquate de la gravité de l’invalidité de Mme Murphy puisse avoir eu lieu en l’absence d’une audience compte tenu du faible niveau d’instruction, des capacités limitées à rédiger des observations et du trouble de la parole de Mme Murphy, ainsi que de ses difficultés à exprimer ses pensées. La Cour a conclu que la division générale avait privé Mme Murphy d’une audience.

[19] Dans l’arrêt RobbinsNote de bas de page 3, la Cour d’appel fédérale a également examiné s’il y a eu un manquement à l’équité procédurale lorsque la division d’appel a tranché l’affaire uniquement sur la foi des documents écrits. Après avoir examiné la nature des questions, la preuve et les circonstances en l’espèce, la Cour d’appel fédérale a rejeté toutes les observations selon lesquelles la division d’appel avait manqué aux principes d’équité procédurale. Elle a reconnu que la division d’appel a le droit de trancher des affaires sans la tenue d’une audience en vertu de l’article 43 du Règlement. La Cour d’appel fédérale a déclaré que la division d’appel [traduction] « a droit à une certaine marge de manœuvre [...] en partie parce que son choix est souvent fondé sur son appréciation des questions en litige, de la preuve dont elle dispose et des circonstances de l’affaire [...] ».

[20] La Cour d’appel fédérale a examiné la question de savoir si la division d’appel avait en fin de compte donné à M. Robbins la pleine occasion de présenter une preuve et des observations, et la question de savoir si une audience aurait changé l’issue. En effet, M. Robbins avait admis qu’il aurait essentiellement réaffirmé ce qui se trouvait dans la documentation écrite.

[21] Même si l’arrêt Robbins s’inscrivait dans un contexte d’un appel devant la division d’appel, les mêmes considérations s’appliquent dans l’affaire dont je suis saisie, bien que les considérations principales sont, dans les circonstances en l’espèce, à savoir si la demanderesse avait amplement eu la chance de soumettre et de présenter des observations, et si une audience en personne ou par vidéoconférence, à l’opposé d’une audience par téléconférence, aurait changé l’issue de l’affaire. Sauf peut-être le caractère opportun de la réception des observations du défendeur (que j’examinerai par la suite), la demanderesse n’a pas autrement laissé entendre qu’elle était incapable de présenter des observations ou de présenter sa cause pendant l’audience par téléconférence devant la division générale.

[22] La demanderesse fait valoir qu’elle a droit à sa [traduction] « journée devant le tribunal », mais, comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Robbins, le Règlement offre une certaine marge de manœuvre et un certain pouvoir discrétionnaire afin de déterminer le mode d’audience. En résumé, il n’existe aucun droit absolu à une audience en personne.

[23] Étant donné la nature des questions en litige et le fait que la preuve n’a pas été contestée, la demanderesse ne m’a pas convaincue qu’une audience en personne ou par vidéoconférence aurait nécessairement changé l’issue. Pour ces motifs, je ferai preuve de déférence à l’égard de la division générale relativement à sa décision sur le mode d’audience.

Caractère opportun de la production des observations écrites du défendeur

[24] La demanderesse a reçu les observations écrites du défendeur (GD6) à la suite de l’audience. Elle reconnaît que la division générale lui a permis de répondre aux observations du défendeur à l’écrit, mais elle prétend que cela n’a pas permis [traduction] « une grande discussion au cours de l’audience ». Elle prétend que la division générale ne lui a pas permis d’aborder les points soulevés dans les observations [traduction] « de façon approfondie et que cela n’a pas donné lieu à une discussion sur les points qui auraient été soulevés si elle avait eu l’occasion de les examiner, de traiter l’information et de consulter des parties externes aux fins d’appui ».

[25] Les observations du défendeur portaient sur la question de savoir si celui-ci avait correctement annulé la prestation d’orphelin. Le défendeur a examiné les faits et a fait valoir que la demanderesse n’était plus admissible au bénéfice de la prestation d’orphelin après octobre 2009, conformément au paragraphe 76(2) du Régime de pensions du Canada.Le défendeur a également fait valoir que le Régime de pensions du Canada ne permet pas l’accord d’une prestation d’orphelin en raison d’un besoin financier.

[26] La demanderesse a offert une réponse dans laquelle elle a déclaré qu’elle s’en [traduction] « tenait aux renseignements et à la demande » et qu’il n’y avait pas d’autres documents disponibles parce qu’ils étaient entreposés, mais elle n’a précisé ni les [traduction] « renseignements supplémentaires » ni la façon dont ils auraient pu avoir une influence sur l’instance.

[27] La demanderesse ne laisse pas entendre maintenant que ses observations ou sa position auraient été différentes si elle avait reçu les observations du défendeur (GD6) avant l’audience devant la division générale.

[28] Étant donné que la division générale lui avait donné l’occasion de présenter des arguments supplémentaires et que la demanderesse n’a pas autrement précisé la façon dont sa réponse aurait été différente si elle avait reçu les observations du défendeur avant l’audience, elle ne m’a pas convaincue que la division générale l’a privé de l’occasion de répondre aux observations du défendeur (GD6).

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit?

[29] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du fait que, même si elle avait obtenu le divorce de son époux, elle a continué à agir comme une épouse jusqu’au décès de son ex-époux et à la suite de ce décès. Dans ses observations précédentes présentées à la division générale, par exemple, elle a souligné que sa famille et elle ont nettoyé la maison de son époux après le décès de ce dernier et qu’elle a également assumé ses obligations financières.

[30] La demanderesse maintient que la définition d’un survivant selon le Régime de pensions du Canada devrait inclure une personne dans sa situation qui a survécu à des situations familiales tragiques. Cependant, étant donné que ces facteurs n’abordent pas la question des soins et de la garde de l’enfant, ces observations ne sont d’aucune pertinence relativement à la question de savoir si la demanderesse était admissible à une prestation d’orphelin au nom de R. B. après octobre 2009.

[31] Le Régime de pensions du Canada prévoit les personnes admissibles à une prestation d’orphelin et le moment où cette prestation cesse d’être versée. Le paragraphe 76(2) du Régime de pensions du Canada prévoit qu’une prestation d’orphelin cesse d’être payable avec le paiement pour le mois au cours duquel l’enfant cesse d’être un enfant à charge ou meurt.

[32] La demanderesse ne conteste pas le fait que R. B. a cessé d’être un enfant à charge en octobre 2009. Ainsi, le paragraphe 76(2) du Régime de pensions du Canada s’applique en l’espèce. La demanderesse ne m’a pas convaincue que la division générale a commis une erreur dans son application du paragraphe.

[33] Peu importe la gravité de la situation de la demanderesse, il n’existe aucun pouvoir discrétionnaire ou pouvoir quelconque permettant la dérogation aux exigences du Régime de pensions du Canada. Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

Conclusion

[34] Compte tenu des motifs susmentionnés, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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