Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Aperçu

[1] Le demandeur, R. B., et le mis en cause, V. H., étaient autrefois mariés. En mai 2013, plusieurs années après la fin de leur relation, madame V. H. a fait une demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP ou partage de crédits) au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Le défendeur, le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre), a ensuite accueilli la demande et avisé monsieur R. B. que ses crédits du RPC seraient partagés avec son ancienne épouse pour la période pendant laquelle ils ont cohabité.

[2] En août 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rejeté de façon sommaire l’appel de monsieur R. B. sur la base qu’il ne présentait pas de cause défendable. Un autre membre de la division d’appel du Tribunal a infirmé la décision et jugeait que monsieur R. B. avait présenté des questions justifiées. L’affaire a été renvoyée à la division générale.

[3] Le 24 août 2016, la division générale, après avoir tenu une audience par vidéoconférence, a encore rejeté l’appel de monsieur R. B. et concluait, selon la prépondérance, que le ministre avait correctement appliqué le droit pour accorder le PGNAP. Dans sa demande de permission d’en appeler, déposée le 23 septembre 2016Note de bas de page 1, monsieur R. B. s’est encore tourné vers la division d’appel et alléguait que la division générale :

  • a commis une erreur en concluant que le ministre a partagé ses gains non ajustés ouvrant droit à pension en conformité avec la loi;
  • a commis une erreur en concluant qu’elle n’était pas habilitée à accorder des réparations équitables;
  • n’a pas observé un principe de justice naturelle quand elle n’a pas bien enregistré l’audience par vidéoconférence;
  • n’a pas observé un principe de justice naturelle en refusant d’aborder ses questions par rapport au processus de partage de crédits pendant l’audience.

Monsieur R. B. a aussi accusé le personnel de la division d’appel d’inconduite et a laissé entendre que leurs actions témoignaient de partialité à son égard.

[4] En décembre 2016, la division d’appel a refusé d’accorder la permission d’en appeler parce qu’elle a jugé que monsieur R. B. n’avait pas présenté une cause défendable. Monsieur R. B. a ensuite fait une demande de contrôle judiciaire à l’encontre du refus de la division d’appel. Dans une décision datée du 19 avril 2017, l’honorable juge George Locke de la Cour fédérale a souligné que le défendeur à l’instance, le procureur général du Canada, avait reconnu que le membre qui présidait l’audience de la division d’appel avait commis des erreurs en rendant sa décision. Le juge Locke a accueilli la demande et a renvoyé l’affaire à la division d’appel pour une nouvelle évaluation par un membre différent.

[5] Après avoir examiné les observations de monsieur R. B. et la décision d’août 2016 de la division générale par rapport à la preuve au dossier, j’ai décidé d’accorder la permission d’en appeler.

Questions en litige

[6] Conformément à l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les trois seuls moyens d’en appeler à la division d’appel sont les suivants : la division générale (i) n’a pas observé un principe de justice naturelle; (ii) a commis une erreur de droit; (iii) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Un appel peut être instruit seulement si la division d’appel accorde d’abord la permission d’en appelerNote de bas de page 2, mais la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. La Cour d’appel fédérale a établi qu’une chance raisonnable de succès équivaut à une cause défendable en droit.Note de bas de page 4

[7] Je dois déterminer si une cause défendable existe sur le fondement de l’un des motifs d’appel que monsieur R. B. a présentés.

Analyse

[8] À ce stade-ci, je ne considère pas nécessaire d’aborder chacune des allégations de monsieur R. B., mais je traiterai de la question qui me semble présenter le plus de chance de succès en appel.

[9] Comme la division générale l’a souligné, monsieur R. B. n’a pas contesté les faits essentiels – il a commencé à vivre avec madame V. H. le 1er décembre 1986, ils se sont mariés le 11 juillet 1992 et ils se sont séparés le 9 septembre 1998. Toutefois, il croit de toute évidence qu’on ne lui a pas présenté une explication adéquate de la raison pour laquelle le ministre a partagé ses crédits du RPC et ainsi réduit sa pension de retraite, ou pour la manière dont le partage a été fait.

[10] Au premier examen, je détecte au moins une erreur de droit dans la décision de la division générale, bien que je ne sois pas certain qu’elle a une incidence quelconque sur l’issue de la décision. Aux paragraphes 22 et 23, la division générale a invoqué le paragraphe 55(4) du RPC pour conclure que l’ajustement du montant mensuel de la pension de retraite est fait à la demande de partage de crédits par l’ancien époux d’une personne. En fait, l’article 55 s’applique seulement aux demandes de PGNAP qui sont faites suite à un divorce qui a été prononcé avant le 1er janvier 1987. Puisque monsieur R. B. et madame V. H. se sont séparés en 1998, leur cas est régi par l’article 55.1 du RPC, lequel traite des divorces et des séparations qui sont survenus après le 31 décembre 1986.

[11] De plus, une cause peut être défendue sur le fait que l’analyse de la division générale ne traite pas adéquatement de la question principale – de savoir si la pension de monsieur R. B. a été ajustée en conformité avec les dispositions du RPC sur le partage de crédits. Bien que la division générale ait fait référence au paragraphe 55.2(9) du RPC, il ne me semble pas clair que la disposition a bien été appliquée aux faits présentés. Le paragraphe 55.2(9) prévoit que dans les cas où il y a partage de crédits et qu’une prestation est payable au titre du RPC, la prestation sera ajustée et payée avec effet lors du mois suivant le mois au cours duquel « il y a partage ». En l’espèce, la division générale a conclu au paragraphe 25 que le ministre a correctement ajusté la pension de retraite de monsieur R. B., mais a omis d’identifier la date à laquelle cet événement a eu lieu et de déterminer si cette date coïncidait avec le mois suivant le mois au cours duquel le partage a eu lieu.

[12] La date à laquelle « il y a partage » est déterminée par le RPC et par le Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC) et dépend du statut des anciens époux. Dans le cas d’époux séparés, ce qui semble être le cas en l’espèce, l’alinéa 55.1(1)b) du RPC prévoit qu’il doit y avoir partage de crédits « à la suite de l’approbation par le ministre d’une demande ».Note de bas de page 5 Conformément à l’alinéa 54.2(1)b) du Règlement sur le RPC, l’approbation du partage prend effet le dernier jour du mois au cours duquel la demande est reçue. Si la demande de partage a été reçue le 29 mai 2013Note de bas de page 6, comme ce semble être le cas en l’espèce, alors l’approbation prenait effet le 31 mai 2013. Une fois la date d’approbation établie, le paragraphe 54.2(2) du Règlement sur le RPC prévoit que les crédits de pension seraient accrédités à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de prise d’effet de l’approbation. Selon l’exemple précédent, les crédits de pension seraient attribués à compter du 1er juin 2016. La date à laquelle les crédits de pension sont accrédités, conformément au paragraphe 54.2(2) du Règlement sur le RPC, coïncide avec la date à laquelle la prestation est ajustée, conformément au paragraphe 55.2(9) du RPC.

[13] Pour ce cas, la division générale ne semble pas avoir appliqué les dispositions pertinentes du RPC et du Règlement sur le RPC, et elle n’a pas présenté certains faits comme nécessitant l’application de ces dispositions, particulièrement pour ceux qui suivent :

  • La division générale n’a pas tiré de conclusion sur le statut des anciens époux, c’est-à-dire de savoir s’ils étaient divorcés ou séparés, ce qui déterminerait la disposition à appliquer en vertu du paragraphe 55.1(1) du RPC;
  • La division générale n’a pas tiré de conclusion sur la date à laquelle le ministre a reçu la demande de partage de crédits, laquelle est importante pour déterminer la date d’approbation et la date à laquelle le partage de crédits a eu lieu;
  • La division générale n’a pas tiré de conclusion sur la date à laquelle la pension de monsieur R. B. a été ajustée, laquelle était nécessaire pour déterminer si la pension avait été ajustée le mois suivant le mois au cours duquel le partage de crédits a eu lieu.

[14] Pour ce qui est de la question de justice naturelle, une explication intelligible doit accompagner la décision. Dans l’arrêt R. c. R.E.M.Note de bas de page 7, la Cour suprême a établi le critère relatif au caractère suffisant des motifs dans le contexte du droit criminel en citant avec approbation une décision antérieure de la Cour d’appel de l’OntarioNote de bas de page 8 :

[traduction] « En motivant sa décision, le juge de première instance essaie de faire comprendre aux parties le résultat et le pourquoi de sa décision » (je souligne). L’essentiel est d’établir un lien logique entre le « résultat » — le verdict — et le « pourquoi » — le fondement du verdict. Il doit être possible de discerner les raisons qui fondent la décision du juge, dans le contexte de la preuve présentée, des observations des avocats et du déroulement du procès.

[15] Cette logique est également applicable aux décisions des tribunaux administratifs. Il doit y avoir une série de faits, de dispositions juridiques et d’éléments logiques qui mène le lecteur à conclure que le résultat est défendable. Je ne suis pas convaincu que les motifs de la division générale répondent à ce standard.

Conclusion

[16] J’accorde la permission d’en appeler conformément à tous les motifs présentés par le demandeur. Si les parties décident de présenter des observations supplémentaires, elles sont libres de formuler leur opinion sur la question de savoir si une nouvelle audience s’avère nécessaire, et si tel est le cas, sur le mode d’audience approprié.

[17] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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