Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le cotisant est décédé le 18 janvier 2015. L’appelante a présenté une demande de pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC) qui a été reçue par l’intimé le 9 mars 2015 (GD2-49). Dans une lettre datée du 16 juillet 2015 (GD2-64), l’intimé a informé l’appelante qu’elle était inadmissible à une pension de survivant parce que le cotisant vivait en union de fait avec la mise en cause au moment de son décès.

[2] L’appelante a demandé à l’intimé de réviser sa décision. L’intimé a rejeté la demande de l’appelante. Celle-ci a interjeté appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel serait instruite par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.
  2. L’appelante et la mise en cause vivent sur des côtes opposées. En raison du décalage horaire, le membre du Tribunal a conclu que le mode d’instruction le plus efficace pour l’audience était la téléconférence.

[4] Les personnes suivantes ont pris part à l’audience :

  1. C. R., la mise en cause;
  2. S. R., témoin et ex-époux de la mise en cause.

[5] Le Tribunal a tranché que l’appelante n’est pas admissible à une pension de survivant du RPC pour les motifs énoncés ci-après.

Questions préliminaires

[6] Le 2 novembre 2017, l’appelante a demandé l’ajournement de l’audience parce qu’elle était incapable de s’absenter du travail. Le Tribunal a envoyé une lettre à la mise en cause pour lui demander si elle s’objectait à l’ajournement. Cette dernière a répondu qu’elle s’objectait à l’ajournement parce que cela causerait un inconvénient pour son témoin et elle. Le membre du Tribunal a tenu compte des deux positions et a tranché que les motifs de l’appelante pour sa demande d’ajournement ne justifiaient pas le report de l’audience. Lorsqu’elle a été informée de la décision du membre du Tribunal, l’appelant a avisé qu’elle produirait des observations écrites. Le 4 décembre 2017, un membre du personnel du Tribunal a laissé des messages vocaux à l’appelante et à ses personnes-ressources, et il a fait savoir que le membre du Tribunal avait fixé la date limite de la présentation des observations au 6 décembre 2017. Au moment de la rédaction de la présente décision, l’appelante n’a présenté aucune autre observation et elle n’a pas autrement communiqué avec le Tribunal.

Preuve

[7] Le Tribunal a examiné l’ensemble de la preuve et des arguments, mais il a seulement inscrit ceux qui sont pertinents à l’analyse et à la conclusion ci-après.

Preuve de l’appelante

[8] L’appelante a produit un acte de mariage démontrant que le cotisant et elle se sont mariés le 23 juillet 2011 (GD2-63).

[9] L’intimé a reçu la demande de pension du survivant de l’appelante le 9 mars 2015 (GD2-49). L’appelante a écrit ce qui suit :

[traduction]
[...] [la mise en cause] n’est pas admissible aux prestations [de survivant], car elle ne vivait pas en union de fait avec le [cotisant] depuis un an au moment de sa mort. Le [cotisant] et moi avons commencé à vivre séparément pendant la dernière semaine de mars 2014, moment où le défunt s’est présenté à notre domicile la dernière fois pour en retirer ses biens. Il s’était absenté auparavant de notre maison le 3 janvier 2014, date à laquelle il a le domicile temporairement, d’après ma compréhension. Le défunt n’a pas commencé à entretenir une relation avec [la mise en cause] avant le 5 février 2014, comme il est démontré par la déclaration solennelle de [caviardé] produite le 2 mars 2015.

[10] Dans une déclaration solennelle produite le 2 mars 2015 (GD2-57), une personne a déclaré que, le 4 février 2014, elle clavardait avec le cotisant sur un média social et il a décrit la mise en cause comme étant sa [traduction] « coloc ». Plus loin, la personne a déclaré que le cotisant a changé son état civil à « En union libre » le 5 février 2014 et « Fiancé(e) avec [la mise en cause] » le 15 avril 2014. En annexe, il semblait y avoir une transcription de la conversation en ligne du 4 février 2014 qui comprenait la phrase non attribuée suivante : [traduction] « [...] de type coloc et bienveillante, du moins pas comme d’autres. »

[11] Dans une lettre datée du 2 octobre 2015 (GD2-68), l’appelant a déclaré que, le 3 janvier 2014, le cotisant a déménagé chez une amie à Langley, en Colombie-Britannique. L’appelante a déclaré ce qui suit : [traduction] « Même si je ne sais pas la date exacte à laquelle il a déménagé chez [la mise en cause], ils auraient dû louer un nouveau logement. J’estime donc qu’ils n’auraient pas pu emménager avant le 1er février 2014, ce qui démontre que, même si on considère leur relation à ce stade comme étant une union de fait, ce qu’elle n’était pas, cette relation ne satisfait pas à l’exigence d’un an [...] »

Preuve de la mise en cause

[12] L’intimé a reçu la demande de pension du survivant de la mise en cause le 23 janvier 2015 (GD2-4).

[13] Dans une déclaration solennelle d’union de fait reçue par l’intimé le 23 janvier 2015 (GD2-11), la mise en cause a déclaré avoir vécu avec le cotisant pendant un an, à partir du 3 janvier 2014 jusqu’au 18 janvier 2015.

[14] Pour appuyer sa demande, la mise en cause a fourni ce qui suit :

  • reçus de loyer démontrant que la mise en cause et le cotisant ont loué un appartement à Surrey, en Colombie-Britannique, du 5 janvier 2014 au 1er août 2014 (GD2-26 à GD2-33);
  • lettre d’une compagnie d’assurance datée du 8 avril 2015 (GD2-24) selon laquelle la mise en cause et le cotisant ont détenu une police d’assurance locataire pour un appartement à Surrey, en Colombie-Britannique, du 15 janvier 2014 au 19 août 2014;
  • relevés bancaires démontrant que le cotisant et elle ont possédé un compte bancaire conjoint d’octobre 2014 à janvier 2015 (GD2-19 à GD2-22;
  • lettre d’une compagnie d’assurance datée du 13 avril 2015 (GD2-23) selon laquelle la mise en cause et le cotisant ont possédé une politique d’assurance habitation/locataire de septembre 2014 au 11 mars 2015;
  • lettre datée du 19 avril 2015 (GD2-25) selon laquelle la mise en cause et le cotisant ont loué un appartement à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, de septembre à novembre 2014.

[15] Dans une lettre datée du 20 octobre 2016 (GD4-4), le témoin de la mise en cause a déclaré qu’il pouvait confirmer que la mise en cause et le cotisant ont vécu en union de fait à la même adresse depuis le 5 janvier 2014, car il les avait aidés à déménager dans leur nouvel appartement ce jour-là. Le témoin de la mise en cause a déclaré qu’il allait souvent y apporter et chercher son fils à l’appartement dans le cadre de visites jusqu’à ce que la mise en cause déménage en Nouvelle-Écosse.

[16] La mise en cause a déclaré que son témoin, l’appelante, le cotisant et elle étaient amis avant janvier 2014. La mise en cause a déclaré que, en outre, elle avait eu une relation sexuelle avec le cotisant avant janvier 2014. La mise en cause a déclaré que le cotisant a mis à sa relation avec l’appelante le 3 janvier 2014 et que, le jour même, elle et lui ont demeuré à l’hôtel jusqu’à leur emménagement dans un appartement le 5 janvier 2014. La mise en cause a affirmé que, à partir de cette date, le cotisant et elle ont vécu ensemble en tant que conjoints jusqu’au décès du cotisant. L’appelante a confirmé qu’elle a couvert les frais des funérailles du cotisant.

[17] Le témoin de la mise en cause est son ex-époux. Il a confirmé que déclarations écrites dans la lettre datée du 20 octobre 2016 étaient correctes et qu’il avait aidé le cotisant et la mise en cause à déménager dans un appartement avec une chambre le 5 janvier 2014. Le témoin de la mise en cause a déclaré que, à partir de cette journée, il a compris que la mise en cause et le cotisant entretenaient une relation romantique et qu’ils vivaient ensemble en tant que couple.

Preuve supplémentaire

[18] Un certificat de décès démontre que le cotisant est décédé le 18 janvier 2015 (GD2-61).

[19] L’intimé a fourni un imprimé des antécédents du cotisant en matière de résidence (GD2-41). Il est inscrit que l’appelant a déclaré résider à Surrey, en Colombie-Britannique, du 15 janvier 2014 au 4 juillet 2014.

[20] L’intimé a fourni un imprimé des antécédents de la mise en cause en matière de résidence (GD2-42) selon lesquels l’appelante a résidé à Mission, en Colombie-Britannique, du 24 novembre 2010 au 16 octobre 2014.

Observations

[21] L’appelante a soutenu qu’elle est admissible à une pension du survivant parce que la mise en cause et le cotisant n’avaient pas cohabité pendant un an et que, par conséquent, ils ne pouvaient pas être considérés comme conjoints de fait. L’appelante a fait valoir que, parce qu’elle était séparée, mais pas encore divorcée du cotisant et qu’elle ne vivait pas en union de fait avec une autre personne, elle est admissible à une pension du survivant.

[22] L’intimé a soutenu que l’appelante n’est pas admissible à une pension du survivant, car la mise en cause et le cotisant entretenaient une union de fait au moment du décès du cotisant.

Analyse

[23] Afin d’établi qu’elle est admissible à une pension du survivant, l’appelant doit démontrer qu’elle satisfait aux exigences prévues par le RPC. Parmi ces exigences, elle doit démontrer qu’elle était en fait la survivante du cotisant au moment de son décès. Aux fins de clarté, le Tribunal précise que les alinéas 42(1)a) et 42(1)b) du RPC définissent une survivante ou un survivant comme étant la conjointe ou le conjoint de fait du cotisant au moment du décès de ce dernier, ou, en l’absence d’une conjointe ou d’un conjoint de fait, la personne à laquelle il était marié au moment de son décès. Encore une fois paraphrasé aux fins de clarté, l’article 2 du RPC définit une conjointe ou un conjoint de fait comme étant la personne qui vivait en union de fait avec la cotisante ou le cotisant au moment du décès, ou qui vivait avec la cotisante ou le cotisant dans le cadre d’une relation conjugale de façon continue depuis au moins un an avant le décès. L’appelante soutient que la mise en cause et le cotisant n’étaient pas des conjoints de fait et que, par conséquent, en tant qu’épouse, elle est admissible à la pension du survivant. En effet, les arguments de l’appelante comprennent deux volets : tout d’abord, l’appelante fait valoir que la mise en cause et le cotisant ne vivaient pas ensemble en tant que conjoints depuis au moins un an avant le décès du cotisant. Par conséquent, la mise en partie ne pouvait pas être la conjointe de fait du cotisant. Ensuite, l’appelante fait valoir que, même si la mise en cause et le cotisaient ont habité ensemble pendant un an avant le décès du cotisant, ils n’ont pas entretenu une relation conjugale avant au moins février 2014. Par conséquent, la mise en cause ne pouvait pas être la conjointe de fait du cotisant.

[24] En ce qui concerne le premier argument de l’appelante, le Tribunal estime qu’il existe suffisamment de preuve pour démontrer que la mise en cause et le cotisant ont commencé à vivre ensemble à partir du 5 janvier 2014. Le reçu du loyer daté du 5 janvier 2014 démontre que la mise en cause et le cotisaient étaient considérés comme des locataires et que le loyer avait été payé pour le reste du mois. Selon les autres reçus de loyer, le cotisant et la mise en cause ont continué d’habiter dans cet appartement jusqu’en août 2014. De plus, la lettre d’une compagnie d’assurance datée du 8 avril 2015 fait état que le cotisant et la mise en cause avaient acheté une police d’assurance locataire en vigueur le 15 janvier 2014. Finalement, les antécédents du cotisant en matière de résidence ont démontré qu’il avait inscrit un changement d’adresse pour la même que celle figurant sur ses reçus de loyer à partir du 15 janvier 2014. Le Tribunal reconnaît que les antécédents de la mise en cause en matière de résidence ne démontrent pas ce changement également, mais il estime que, d’après la preuve documentaire citée ci-dessus, il est probable qu’elle n’ait simplement pas inscrit le changement.

[25] Le Tribunal reconnaît les observations de l’appelante selon laquelle le cotisant a quitté la maison qu’ils partageaient le 3 janvier 2014 pour se rendre chez un ami. Le Tribunal reconnaît également l’argument de l’appelante selon lequel la mise en cause et le cotisant ne pouvaient pas avoir loué une maison avant le premier jour de février étant donné qu’il avait quitté leur domicile le 3 janvier 2014. Cependant, les arguments de l’appelante sont soit spéculatifs, soit non appuyés par la preuve documentaire. De plus, aucune preuve ni aucun argument ne donne à penser que, à un moment quelconque après le début de leur cohabitation, la relation de la mise en cause et du cotisant a été interrompue. Finalement, le Tribunal reconnaît que le changement d’adresse du cotisant prend effet le 15 janvier 2014 et que la police d’assurance locataire a pris effet le 15 janvier 2014. Cependant, le Tribunal estime qu’il est probable que ces dates soient le reflet de la rapidité ou de retards d’ordre administratif relativement à l’achat de la politique ou de l’inscription du changement d’adresse. À cet égard, le Tribunal accorde plus de poids au témoignage de la mise en cause et de son témoin. Par conséquent, le Tribunal estime que la preuve démontre qu’il est plus probable que le contraire que le cotisant et la mise en cause aient à habiter ensemble à partir du 5 janvier 2014, et ce, jusqu’au décès du cotisant le 18 janvier 2015. Le Tribunal estime donc que la mise en cause et le cotisant avaient cohabité pendant au moins un an avant le décès du cotisant.

[26] En ce qui concerne le second argument de l’appelante selon lequel, même si le cotisant et l’appelante avaient habité ensemble un an avant son décès, ils n’auraient pas entretenu une relation conjugale pendant cette période, l’intimé a renvoyé à la décision Betts c. Shannon (22 octobre 2011, CP11654 (CAP) aux fins d’orientation. Dans cette décision, la Commission d’appel des pensions a souligné une liste non exhaustive d’éléments qui pourraient établir la cohabitation dans le cadre d’une relation conjugale. Parmi ces éléments, on compte les suivants : les personnes ont partagé une résidence mutuelle, elles s’attendaient à ce qu’il y ait une interdépendance continue, et leur relation était publiquement reconnue.

[27] En ce qui concerne l’élément de la cohabitation, le Tribunal déjà tranché que la mise en cause et le cotisant ont commencé à habiter ensemble à partir du 5 janvier 2014.

[28] En ce qui concerne l’élément de l’interdépendance, le Tribunal estime que la décision prise par la mise en cause et le cotisant de déménager en Nouvelle-Écosse démontre qu’ils entretenaient une relation conjugale et qu’ils avaient l’intention de se fier l’un sur l’autre au moment où ils établissaient leur nouvelle vie. De plus, le Tribunal accepte le témoignage de la mise en cause selon lequel elle a couvert les frais funéraires du cotisant et il estime que cela démontre que, en tant que, partenaire en deuil, elle sentait qu’elle devait assumer cette obligation.

[29] Finalement, en ce qui concerne l’élément de la reconnaissance publique, le témoin de la mise en cause a déclaré avoir reconnu que la mise en cause et le cotisant entretenaient une relation romantique depuis le 5 janvier 2014. Étant donné qu’il s’agit de l’ex-époux de la mise en cause, le Tribunal estime que le témoignage est particulièrement convaincant. Le Tribunal reconnaît le témoignage de l’appelante selon lequel le cotisant n’a pas changé son statut sur un réseau social afin d’indiquer qu’il était dans une nouvelle relation avec la mise en cause avant le 4 février 2014. Cependant, le Tribunal n’estime pas que le simple fait que le cotisant a changé son statut sur un média social constitue une preuve de la date à laquelle le cotisant se considérait comme étant en couple.

[30] Le Tribunal espère qu’aucune des déclarations faites ci-dessus ne soit considérée comme une façon de discréditer le deuil et les souffrances de l’appelante. Les événements précédant le décès du cotisant doivent avoir été extrêmement difficiles à digérer pour l’appelante. Cependant, en tant que créature de la loi, le Tribunal n’a que les pouvoirs que la loi lui confère. Cela signifie que le Tribunal doit interpréter et appliquer les dispositions de la façon qu’elles sont prévues dans le RPC. Par conséquent, après avoir soupesé l’ensemble de la preuve, le Tribunal estime que la prépondérance de la preuve démontre que la mise en cause entretenait une union de fait avec le cotisant au moment de son décès. Par conséquent, l’appelante n’est pas admissible à une pension du survivant.

Conclusion

[31] L’appel est rejeté.

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