Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Table des matières

Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a approuvé la demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) de l’appelant reçu en juillet 2001. Le 19 novembre 2015, l’intimé a informé l’appelant que ses prestations de la pension de la SV seraient suspendues à partir de décembre 2015 puisqu’il était incarcéré. La représentante de l’appelant a demandé un réexamen de la décision, l’intimé a maintenu sa décision initiale. La représentante de l’appelant a interjeté appel de la décision rendue au terme du réexamen auprès du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal).

[2] L’appel a été instruit par questions et réponses pour les motifs qui suivent :

  1. il manquait de l’information au dossier ou il était nécessaire d’obtenir des clarifications; et
  2. la façon de procéder était conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[3] La Loi sur la Sécurité de la vieillesse (LSV) a été modifiée de sorte que la pension de la SV, le Supplément de revenu garanti et l’allocation ne sont plus versés durant les périodes d'incarcération à partir du 1er janvier 2011. Le paragraphe 5(3) de la LSV prévoit ce qui suit :

Personnes incarcérées

(3) Il ne peut être versé de pension à une personne assujettie à l’une des peines ci-après à l’égard de toute période pendant laquelle elle est incarcérée, exclusion faite du premier mois :

  1. a) une peine d’emprisonnement à purger dans un pénitencier en vertu d’une loi fédérale;
  2. b) si un accord a été conclu avec le gouvernement d’une province en vertu de l’article 41 de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, une peine d’emprisonnement de plus de quatre-vingt-dix jours à purger dans une prison, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, située dans cette province.

[4] Le Tribunal détermine que l’appelant est en droit de recevoir les prestations de la SV de décembre 2015 à mai 2016, parce qu’il n’était pas incarcéré au sens du paragraphe 5(3) de la LSV.

Preuve

[5] La demande de pension de la SV de l’appelant a été reçue par l’intimé le 6 juillet 2001 et elle a été approuvée.

[6] Selon la preuve au dossier, le 18 novembre 2015, le Service correctionnel du Canada (SCC) a informé l’intimé que l’appelant était incarcéré.

[7] Le 19 novembre 2015, l’intimé a envoyé une lettre à l’appelant l’informant que ses prestations de la pension de la SV seraient suspendues à partir de décembre 2015 puisqu’il était incarcéré. La lettre précisait qu’il ne peut y avoir de versement de prestations de la SV aux personnes incarcérées en raison d'une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus dans un pénitencier fédéral ou d'une peine d'emprisonnement de plus de 90 jours dans une prison provinciale où une entente sur l’échange de renseignements a été négociée.

[8] Selon une lettre de la représentante de l’appelant datée du 29 mars 2016, l’appelant était détenu préventivement dans un établissement fédéral et il était en attente de procès. II n'avait pas été reconnu coupable et aucune peine ne lui avait été imposée. Les prestations de la pension de la SV ne devraient donc pas être suspendues.

[9] La preuve au dossier démontre ce qui suit :

  • l’appelant a été soumis à une ordonnance de surveillance de longue durée (OSLD) en 2012 après l’expiration d’une peine qu’il avait purgée de six(6) ans et sept (7) mois;
  • le 31 octobre 2015, l’appelant ne s’est pas conformé à l’OSLD;
  • le 10 novembre 2015, un mandat d'arrestation et de suspension de l’OSLD a été émis contre l’appelant pour avoir contrevenu à l’article 753.3 du Code criminel;
  • le mandat d’arrestation et de suspension a été exécuté le 12 novembre 2015;
  • l’appelant est détenu préventivement à partir du 12 novembre 2015 avec un statut de suspension de l’OSLD dans un pénitencier fédéral pour une période de 90 jours en attente de son procès devant la Cour du Québec (la Cour);
  • deux (2) accusations sont portées contre l’appelant soit possession de pornographie juvénile et bris de l’OSLD;
  • le 28 janvier 2016, la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) a recommandé le dépôt d'une dénonciation imputant à l’appelant l'infraction visée à l'article 753.3 du Code criminel (copie de la décision de la CLCC);
  • le 8 février 2016, le délai de la période maximale de détention de 90 jours a expiré en vertu de l’article 135.1 de la Loi sur le système correctionnel et mise en liberté sous condition et l’appelant est devenu détenu en vertu d’un mandat de renvoi;
  • le 31 mai 2016, l’appelant a été acquitté par la Cour des accusations de possession de pornographie juvénile et a été condamné à une peine d’une journée du 30 mai 2016 au 31 mai 2016 pour le bris de l’OSLD (procès-verbal informatisé de la Cour du Québec en date du 31 mai 2016 et mandat indiquant trois (3) mois de détention et un jour d’incarcération);
  • il a été libéré le 31 mai 2016.

[10] Selon un courriel en date du 31 mai 2017, l’agente des peines du SCC qui s’occupait du dossier de l’appelant, explique qu’un mandat de suspension d'OSLD a été émis et exécuté contre l’appelant en novembre 2015. Elle précise que l’appelant a été réadmis (suite à une libération en 2010) dans un pénitencier fédéral avec un statut de suspension d'OSLD. Des accusations ont été portées contre lui et un mandat de renvoi a été émis le 8 février 2016. À partir de cette date, le statut de l’appelant a été modifié pour surveillance détention fédérale. Le mandat de suspension devient alors expiré et la détention dans un établissement fédéral relève du mandat de renvoi. Cette détention se fait au fédéral et non au provincial en raison du statut d'OSLD de l’appelant. C'est la seule exception connue ou un prévenu purge sa détention préventive dans un établissement fédéral.

[11] Selon la preuve soumise par la représentante de l’appelant le 7 juin 2017, une ordonnance d’OSLD est une peine non carcérale que les tribunaux peuvent imposer à un délinquant pour prolonger la période au cours de laquelle le SCC assurera la surveillance et le soutien d’un délinquant dans la collectivité. L'OSLD, d'une durée maximale de 10 ans, entre en vigueur lorsque le délinquant a fini de purger sa peine. Elle poursuit en précisant que le SCC peut émettre un mandat de suspension et d'arrestation, qui lui permettra de garder le délinquant à contrôler en détention pendant une période maximale de 90 jours. La représentante de l’appelant précise que ceci n'est pas une condamnation et qu’au cours de cette période, la CLCC pourra recommander de porter des accusations contre le délinquant pour manquement à une condition de l'OLSD. Le dépôt d'accusations criminelles pour manquement à une condition de l'OLSD est le seul mécanisme auquel le SCC peut avoir recours pour réincarcérer un délinquant. Le délinquant peut être remis en liberté à tout moment puisqu'il ne purge pas une période de détention fixe. Elle indique que la CLCC a recommandé le dépôt d'une dénonciation contre l’appelant le 28 janvier 2016 lui imputant l'infraction visée à l'article 753.3 du Code criminel. La représentante de l’appelant poursuit en indiquant que le 31 mai 2016, la Cour a acquitté l’appelant des accusations de possessions de pornographie juvénile mais la Cour lui a imposé une sentence d'une (1) journée concernant le bris d'OSLD.

[12] En ce qui concerne la peine d’une journée, la représentante de l’appelant explique que suite à sa suspension, l'écoulement du temps de l’OSLD de l’appelant n'a pas été interrompu. Il s’ensuit que la période entre le 12 novembre 2015 et le 8 février 2016 a été comptabilisée sur sa période d'OSLD. Cette période ne pouvant être comptabilisée deux (2) fois, la Cour ne pouvait en tenir compte au moment de l'imposition de la sentence de l’appelant. C'est pour cette raison, lors de la disposition d'un dossier en vertu de l'article 753.3 du Code criminel, les premiers 90 jours de détention préventive ne peuvent être comptés. Selon la loi, le détenu ne peut bénéficier d'une double déduction. Toutefois, les 180 jours de détention préventive de l’appelant ont été soustraient à la peine globale. Le 31 mai 2016, il a donc été condamné à purger une peine d'une journée. La représentante de l’appelant précise que l’appelant n’était donc pas détenu ou condamné entre 12 novembre 2015 et 31 mai 2016 parce que sa sentence fédérale était terminée depuis 2012. II a fait l'objet d'une suspension d'OSLD et, cette détention préventive se fait au fédéral et non au provincial en raison du statut d'OSLD de l’appelant. Le libellé de loi qui prévoit la cessation du versement des prestations de la SV aux détenus vise des personnes condamnées ou des personnes détenues dans les pénitenciers fédéraux pour des peines d'emprisonnement de deux ans ou plus.

Observations

[13] La représentante de l’appelant soutient que ce dernier est admissible à une pension de la SV, car l’appelant ne purgeait pas une peine d’emprisonnement selon le paragraphe 5(3) de la LSV. Il était détenu préventivement dans un établissement fédéral.

[14] L’intimé fait valoir par écrit que l’appelant n’est pas admissible à une pension de la SV puisque la preuve et la loi sont claires, selon le paragraphe 5(3) de la LSV, la pension de la SV doit être suspendue parce que l’appelant est incarcéré.

Analyse

[15] La question dont est saisi le Tribunal dans le cadre du présent appel consiste à déterminer si l’appelant a droit à une pension de la SV de décembre 2015 à mai 2016, pendant qu’il était détenu préventivement dans un pénitencier fédéral.

[16] Selon la preuve au dossier, l’appelant a fait une demande de pension de la SV qui a été estampillée le 6 juillet 2001. Sa demande a été approuvée.

[17] Par la suite, les prestations de la SV de l’appelant ont été suspendues en décembre 2015 puisque le 18 novembre 2015, le SCC a informé l’intimé que l’appelant était incarcéré.

[18] Après considération de la preuve, le Tribunal accepte les soumissions du 7 juin 2017 de la représentante de l’appelant indiquant que l’appelant était détenu préventivement dans un établissement fédéral, il était en attente de procès, il n'avait pas été reconnu coupable et aucune peine ne lui avait été imposée, sauf une peine d’une journée qu’il a purgée pendant qu’il était détenu, tel que précisé par le procès-verbal informatisé de la Cour en date du 31 mai 2016 et le mandat indiquant trois (3) mois de détention et un jour d’incarcération.

[19] Le Tribunal s’est aussi appuyé sur le courriel en date du 31 mai 2017 de l’agente des peines du SCC qui s’occupait du dossier de l’appelant, qui explique qu’un mandat de suspension d'OSLD avait été émis et exécuté contre l’appelant en novembre 2015. L’appelant avait été réadmis (suite à une libération en 2010) dans un pénitencier fédéral avec un statut de suspension d'OSLD. Des accusations ont été portées contre lui et un mandat de renvoi a été émis le 8 février 2016. À partir de cette date, le statut de l’appelant a été modifié pour surveillance détention fédérale. Le mandat de suspension devient alors expiré et la détention dans un établissement fédéral relève du mandat de renvoi. Cette détention se fait au fédéral et non au provincial en raison du statut d'OSLD de l’appelant.

[20] Selon le paragraphe 5(3) de la LSV, il ne peut être versé de pension à une personne assujettie à l’une des peines ci-après à l’égard de toute période pendant laquelle elle est incarcérée, exclusion faite du premier mois :

  1. a) une peine d’emprisonnement à purger dans un pénitencier en vertu d’une loi fédérale;
  2. b) si un accord a été conclu avec le gouvernement d’une province en vertu de l’article 41 de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, une peine d’emprisonnement de plus de quatre-vingt-dix jours à purger dans une prison, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les prisons et les maisons de correction, située dans cette province.

[21] La LSV prévoit donc que le paiement des prestations est interrompu pour les personnes qui purgent (1) une peine d’emprisonnement dans un pénitencier fédéral, ou (2) une peine d'emprisonnement de plus de 90 jours dans une prison provinciale.

[22] La première condition à remplir pour que le paragraphe 5(3) de la LSV s’applique est qu’une personne doit purger une peine d’emprisonnement dans un pénitencier fédéral. Selon la preuve, l’appelant était détenu dans un pénitencier fédéral du 12 novembre 2015 au 31 mai 2016, mais de façon préventive avec un statut de suspension de l’OSLD pour les premiers 90 jours et par la suite, il a été détenu en vertu d’un mandat de renvoi, en attente de son procès. Deux accusations étaient portées contre lui. Il a été acquitté le 31 mai 2016 de la première accusation (possession de pornographie juvénile) et a été condamné à une peine d’une journée du 30 mai au 31 mai 2016 pour la deuxième accusation (bris de l’OSLD). Il s’ensuit que l’appelant ne purgeait pas de peine d’emprisonnement entre le 12 novembre 2015 et le 31 mai 2016 dans un pénitencier fédéral, il était simplement en détention préventive. Il a été condamné à purger seulement une peine d’une journée. Selon la preuve soumise par la représentante de l’appelant dans sa lettre du 7 juin 2017 et selon la lettre de l’intimé datée du 19 novembre 2015, la loi prévoit la cessation du versement des prestations de la SV aux personnes condamnées ou aux personnes détenues dans les pénitenciers fédéraux pour des peines d'emprisonnement de deux ans ou plus. L’appelant n’a pas été condamné à purger une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus pendant sa période de détention, de plus, il était détenu de façon préventive.

[23] La deuxième condition à remplir pour que le paragraphe 5(3) de la LSV s’applique est qu’une personne doit purger une peine d’emprisonnement de plus de 90 jours dans une prison provinciale. Selon la preuve, l’appelant ne purgeait aucune peine de plus de 90 jours dans une prison provinciale. Tel que précisé par la représentante de l’appelant le 7 juin 2017 et par l’agente des peines du SCC le 31 mai 2017, l’appelant était détenu de façon préventive en attente de son procès et cette détention se fait au fédéral et non au provincial en raison du statut de l'OSLD de l’appelant.

[24] L’intimé soumet que l’appelant n’est pas admissible à une pension de la SV puisque la preuve et la loi sont claires, selon le paragraphe 5(3) de la LSV, la pension de la SV doit être suspendue parce que l’appelant est incarcéré.

[25] Toutefois, le fait d’être une personne incarcérée ne rend pas l’application du paragraphe 5(3) de la LSV automatique. Selon la loi, il faut purger une peine d’emprisonnement de plus de deux ans dans un pénitencier fédéral ou de plus de 90 jours dans une prison provinciale, ce que l’appelant ne semble pas avoir fait. Le 31 mai 2016, la Cour a acquitté l’appelant des accusations de possession de pornographie juvénile et l’a condamné uniquement à une peine d’une journée du 30 mai 2016 au 31 mai 2016 pour le bris de l’OSLD. Selon le Tribunal, la preuve ne permet pas de déterminer que le paragraphe 5(3) de la LSV s’applique à l’instance parce que l’appelant n’était pas incarcéré mais détenu préventivement et il a seulement purgé une peine d’une journée.

[26] Concernant la peine purgée par l’appelant pendant sa période de détention, l'article 135.1 de la Loi sur le système correctionnel et mise en liberté sous condition donne les explications sur la détention de 90 jours tel que précisé par la représentante de l’appelant:

  1. (1) En cas d’inobservation soit des conditions énoncées dans l’ordonnance de surveillance de longue durée, soit des conditions visées à l’article 134.1, ou lorsqu’il est convaincu qu’il est raisonnable et nécessaire de prendre cette mesure pour empêcher la violation de ces conditions ou pour protéger la société, un membre de la Commission ou la personne que le président ou le commissaire désigne nommément ou par indication de son poste peut, par mandat :
    1. a) suspendre la surveillance;
    2. b) autoriser l’arrestation du délinquant;
    3. c) ordonner l’internement de celui-ci dans un établissement résidentiel communautaire ou un établissement psychiatrique, ou son incarcération si elle est jugée nécessaire, jusqu’à ce que la suspension soit annulée, que de nouvelles conditions pour la surveillance soient fixées ou que le délinquant soit accusé de l’infraction visée à l’article 753.3 du Code criminel.
  2. (2) La période maximale de l'internement ou de l'incarcération visée à l'article (l)c) est de quatre-vingt-dix jours.
  3. (3) Si un délinquant fait l'objet d'un internement ou d'une incarcération aux termes de l'alinéa (l)c), la période d'internement ou d'incarcération est comprise dans la période de surveillance prévue dans l'ordonnance de surveillance de longue durée à l'exclusion, le cas échéant, du délai écoulé entre la délivrance du mandat et l'incarcération ou l'internement.

[27] Le paragraphe 753.3(1) du Code criminel prévoit:

Le délinquant qui, sans excuse raisonnable, omet ou refuse de se conformer à la surveillance de longue durée à laquelle il est soumis est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans.

[28] Par conséquent, le Tribunal accepte la preuve soumise par la représentante de l’appelant ainsi que par l’agente des peines du SCC, que l’appelant n’était pas incarcéré mais plutôt détenu de façon préventive, que la Cour a condamné l’appelant à une peine d’une journée seulement qu’il a purgée pendant qu’il était détenu tel qu’indiqué par le procès-verbal informatisé de la Cour en date du 31 mai 2016 et le mandat indiquant trois (3) mois de détention et un jour d’incarcération.

[29] Le Tribunal détermine donc que l’appelant est en droit de recevoir les prestations de la SV de décembre 2015 à mai 2016, parce qu’il n’était pas incarcéré au sens du paragraphe 5(3) de la LSV.

Conclusion

[30] L’appel est accueilli.

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