Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] L’affaire comprend deux demandes concurrentes de prestation de survivant au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). La demanderesse, M. J., était mariée au cotisant du RPC, le défunt P. J., de février 1993 jusqu’à leur divorce en août 2008. Le cotisant décédé a épousé la partie mise en cause, J. J., en janvier 2009. La partie mise en cause et le cotisant décédé se sont séparés en avril 2010, mais ils sont demeurés mariés jusqu’au décès du cotisant en décembre 2012.

[3] Les deux parties ont présenté une demande de pension de survivant en janvier 2013. Après enquête, le défendeur, à savoir le ministre de l’Emploi et du Développement social, a conclu que la demanderesse était admissible à la pension de survivant.

[4] La partie mise en cause a interjeté appel de cette décision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. Après la tenue de séances relative à l’affaire par téléconférence et au moyen de questions et réponses écrites, la division générale a conclu, dans une décision datée du 28 mars 2017, que la partie mise en cause, en tant qu’épouse légale du cotisant décédé, aurait dû se voir accorder la pension de survivant. Elle a également conclu que la demanderesse n’avait pas établi que le cotisant décédé et elle vivaient en union de fait au moment du décès du cotisant.

[5] Le 26 juin 2017, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal en prétendant que la division générale avait commis une erreur en rendant sa décision. Plus particulièrement, elle a prétendu que la division générale avait omis de faire ce qui suit :

  1. tenir compte de la preuve en appliquant les dispositions relatives au survivant du RPC;
  2. appliquer l’arrêt McLaughlin c. CanadaNote de bas de page 1 pour conclure qu’elle n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle l’époux d’un cotisant décédé est admissible à la pension de survivant;
  3. analyser le droit par rapport aux faits, qui prévoyaient une prétention établie à première vue selon laquelle elle satisfaisait aux critères d’une conjointe de fait.

[6] Ces allégations figuraient dans un document de 11 pages qui résumaient une grande partie de la preuve présentée à la division générale ainsi que de [traduction] « nouveaux éléments de preuve » qui n’avaient pas été soulevés précédemment.

[7] Après avoir examiné la décision de la division générale sur la foi du dossier, j’ai conclu que les moyens d’appel soulevés par la demanderesse ne conféreraient pas à l’appel une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[8] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il existe seulement trois moyens d’appel devant la division d’appel : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle; elle a commis une erreur de droit; elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permissionNote de bas de page 2, mais la division doit d’abord être convaincue qu’au moins un des motifs soulevés confère à l’appel une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’une chance raisonnable de succès est comparable à une cause défendable en droitNote de bas de page 4.

[9] Mon rôle est de déterminer si l’un des motifs soulevés par la demanderesse est visé aux catégories prévues au paragraphe 58(1) de la LMEDS et si l’un de ceux-ci conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès.

Analyse

[10] Un grand nombre des observations de la demanderesse sont essentiellement une répétition de la preuve et de l’argument qui ont déjà été présentés à la division générale. Malheureusement, la division d’appel n’a pas comme mandat d’instruire de nouveau des demandes sur le fond. Bien que les demandeurs ne soient pas tenus de prouver leurs motifs d’appel à l’étape de la permission d’en appeler, ils doivent établir un fondement rationnel relativement à leurs observations qui correspond aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Il ne suffit pas que la demanderesse fasse simplement état de son désaccord avec la décision de la division générale ou de maintenir que la preuve établissait qu’elle était la survivante du cotisant décédé selon le RPC. Finalement, j’estime que ces arguments sont si vastes qu’ils correspondent à une demande de trancher de nouveau l’ensemble de la demande, ce qui ne relève pas de ma compétence.

[11] Cela dit, la demanderesse a bel et bien soulevé un certain nombre d’allégations relatives à des erreurs que j’aborderai individuellement.

La division générale a-t-elle omis de tenir compte de la preuve?

[12] La demanderesse prétend que la division générale n’a pas considéré la preuve pertinente, mais je ne vois aucune cause défendable à cet égard. Selon mon examen de la décision, la division générale a effectué une étude approfondie des éléments portés à sa connaissance et tenu dûment compte de la preuve de la demanderesse selon laquelle elle vivait en union de fait avec le cotisant décédé au cours des deux dernières années de sa vie. Après avoir fait cela, elle en est venue à la conclusion défendable que la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle la partie mise en cause, à titre d’épouse légale du cotisant décédé, était la survivante. Rien ne démontre que la division générale a commis une erreur de droit ou qu’elle a ignoré ou mal évalué tout élément important du dossier de preuve.

[13] Dans ses observations, la demanderesse a énuméré la preuve à l’appui de sa demande et a insisté qu’il n’y avait [traduction] « aucune preuve du contraire » selon laquelle le cotisant décédé et elle entretenaient une relation conjugale au moment du décès du cotisant. Cependant, il semble que, en réalité, il existait une preuve du contraire, y compris des indices selon lesquelles la demanderesse ne cohabitait pas avec son ex-époux. Comme la demanderesse le souligne à un autre endroit dans ses observations, l’existence d’une union de fait peut dépendre d’un grand nombre de facteurs, et des relations sexuelles continues ne sont qu’un seul de ceux-ci.

La division générale a-t-elle omis d’appliquer l’arrêt McLaughlin?

[14] Encore une fois, j’estime qu’il n’existe pas de cause défendable. L’arrêt McLaughlin, rendu par la Cour fédérale, réitère la présomption, établie par le paragraphe 42(1) du RPC, qu’une personne qui était mariée au cotisant au moment du décès est la survivante. Il prévoit également une liste non exhaustive de facteurs dont il faut tenir compte pour évaluer si cette présomption a été réfutée. Comme le reconnaît la demanderesse, la division générale a résumé correctement l’affaire, ce qui correspondant à la jurisprudence applicable à cet égard. Elle a ensuite appliqué méthodiquement les principes aux faits soulevés pour finalement conclure que la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle la partie mise en cause était la survivante du cotisant décédé. En prétendant que la division générale n’a pas soupesé la preuve comme il est prévu dans l’arrêt McLaughlin, la demanderesse ne fait que plaider à nouveau sa cause sur le fond.

La division générale a-t-elle omis d’analyser les dispositions législatives par rapport aux faits?

[15] En l’espèce, la demanderesse laisse entendre que la division générale a rejeté l’appel en dépit de ce qu’elle affirme être une [traduction] « prétention établie à première vue » selon laquelle elle était la survivante légitime selon les critères prévus par le RPC.

[16] J’estime qu’un appel fondé sur ce motif n’a pas une chance raisonnable de succès. La demanderesse laisse entendre que le résultat était évident, mais elle convient elle-même que les relations au sein de sa famille étaient compliquées. Dans ses observations, la demanderesse a fait valoir que les documents produits au sujet des instances en droit de la famille n’étaient pas fiables et circonstanciels, mais elle a eu l’occasion durant les séances devant la division générale de verse ces documents et d’autres éléments de preuve défavorables dans un contexte qu’elle jugeait approprié. La demanderesse a critiqué la division générale pour avoir accordé une importance excessive à un rapport sur la psychologie de l’enfant et au témoignage sur la découverte du cotisant décédé, mais elle n’a pas autrement précisé la façon dont la division générale a mal interprété ou mal catégorisé cette preuve.

[17] Au final, la demanderesse est mécontente, car sa preuve de préférence a été écartée aux dépens de la preuve concurrente. Cependant, dans chaque instance, la division générale a expliqué son raisonnement avec soin. Les tribunaux ont précédemment abordé la question de la valeur probante dans des affaires comme celle de Simpson c. CanadaNote de bas de page 5, dans laquelle l’avocate de l’appelant a fait mention d’un certain nombre de rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions aurait ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle aurait accordé trop de poids. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suit :

[...] le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

Je ne trouve rien qui démontre que la division générale aurait ignoré l’ensemble de la preuve dont elle disposait ou qu’elle n’en aurait pas adéquatement tenu compte. La demanderesse peut être en désaccord avec l’analyse de la division générale, mais il est loisible à un tribunal administratif, à titre de juge des faits, à apprécier la preuve comme bon lui semble, pourvu que la conclusion soit défendable.

Arrêt Connor estate

[18] Voici quelques mots concernant l’arrêt Re: Connor EstateNote de bas de page 6, affaire citée et ayant fait l’objet d’une discussion approfondie par la demanderesse. Tout d’abord, je constate que cette décision a été rendue après la décision de la division générale datée du 28 mars 2017. Par conséquent, l’arrêt n’aurait pas pu être présenté à la division générale et encore moins examiné par celle-ci. Ensuite, l’arrêt se concentre sur la définition du mot [traduction] « époux » dans une loi de la Colombie-Britannique régissant les testaments et les successions qui n’a aucune incidence sur le RPC. Quoi qu’il en soit, les affaires qui tentent de catégoriser les relations conjugales reposent généralement sur les faits particuliers. Cela dit, aucune jurisprudence dont la division générale s’est inspirée ne semblerait aller à l’encontre du principe important de l’arrêt Conner : [traduction] « La preuve objective du mode de vie et des interactions des parties offrira également une directive claire sur la question de savoir si la relation était semblable à un mariage. »

Nouveaux documents

[19] La demande de permission d’en appeler comprenait des renseignements qui n’ont pas été présentés à la division générale. Comme il a été souligné, en raison des contraintes imposées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel n’instruit habituellement aucun argument sur le fond et ne considère pas non plus des éléments de preuve qui ont été présentés à la division générale ou qui auraient pu l’être. Une fois qu’une audience a pris fin, très peu de raisons justifieraient de soulever des points nouveaux ou d’autres points, mais un demandeur n’a pas l’option de présenter une demande de modification ou d’annulation d’une décision devant la division générale. Cependant, dans cette situation, un demandeur devrait se conformer aux exigences prévues à l’article 66 de la LMEDS et aux articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, qui prévoient des délais stricts et l’exigence selon laquelle un demandeur doit démontrer que les faits nouveaux sont essentiels et qu’ils n’auraient pas pu être découverts au moment de l’audience sans l’exercice d’une diligence raisonnable.

Conclusion

[20] Comme la demanderesse n’a invoqué aucun moyen d’appel qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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