Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP), conformément à l’article 55.1 du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Une invalidité n’empêchait pas la requérante de présenter une demande de PGNAP plus tôt.

[3] La requérante est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Les paiements commencent en mai 2016.

Aperçu

[4] La requérante a présenté une demande de PGNAP ou [traduction] « partage des crédits », au titre du RPC plus de quatre ans après que son union de fait avec le cotisant au RPC D. F. a pris fin en raison du fait que D. F. souffrait d’une grave lésion cérébrale. Il a été placé sous tutelle au majeur et a été transféré dans une maison de soins après sa blessure en février 2009. Son tuteur a refusé de consentir à la demande de partage des crédits soumise en 2016, malgré le fait que la requérante et lui vivaient ensemble et avaient un enfant en bas âge, de 16 mois seulement, au moment de sa lésion cérébrale, et malgré le fait que la requérante avait un besoin urgent de toucher des prestations d’invalidité du RPC. Les antécédents médicaux de la requérante montrent de lourds antécédents de cancer à partir de l’âge de 11 ans, avec des complications ou des récurrences qui l’ont affectée à plusieurs reprises depuis. Au début de 2010, la requérante a eu une tumeur au cerveau et a subi des traitements qui ont diminué davantage ses capacités cognitives. En 2017, la requérante a présenté une demande en cas de maladie en phase terminale. Sa demande a été rejetée parce qu’elle n’avait pas cotisé suffisamment au RPC. Elle a présenté une déclaration d’incapacité et a demandé que l’intimé réexamine ses demandes de PGNAP et de prestations d’invalidité en cas de maladie en phase terminale du RPC.

[5] Le ministre a rejeté chacune des nombreuses demandes de la requérante initialement et après révision. La requérante a interjeté appel des décisions issues de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale (TSS). Le ministre a avisé le TSS qu’il n’avait pas l’intention d’identifier une partie mise en cause aux appels et a demandé que les trois appels soient instruits ensemble puisqu’ils sont interreliésNote de bas de page 1.

[6] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit être réputée être invalide au sens du RPC à la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date ou, dans le cas d’une PMA calculée au prorata, entre le 1er janvier et le dernier jour du mois visé par le calcul proportionnel de l’année visée par le calcul proportionnel. Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la requérante au RPC. J’estime que la requérante a deux périodes potentielles de PMA calculées au prorata. Elle n’a pas de PMA non calculée au prorata. J’estime que ses deux périodes possibles visées par le calcul proportionnel sont du 1er janvier au 30 septembre 2005; ou du 1er janvier au 31 mai 2007.

Questions préliminaires

[7] La requérante n’a pas assisté à l’audience. Elle est présentement aux soins palliatifs et en fin de vie. Étaient présents à l’audience : sa mandataire, soit la sœur aînée de D. F.; le frère aîné de D. F.; et la fille de D. F., à présent la tutrice de la fille de 11 ans de la requérante. Ces trois personnes ont semblé appuyer les demandes de PGNAP du RPC, d’incapacité et de prestations en cas de maladie en phase terminale de la requérante.

Questions en litige

[8] La requérante a-t-elle satisfait aux critères pour obtenir gain de cause relativement à sa demande de PGNAP pour la période pendant laquelle elle a vécu en union de fait avec le cotisant D. F.?

[9] Dans la négative, la requérante a-t-elle démontré que sa demande de PGNAP a été soumise au-delà du délai de quatre ans prévu par la loi en raison d’une incapacité?

[10] Dans la négative, la requérante a-t-elle démontré qu’en raison des symptômes de son état de santé compliqué, elle est devenue invalide au sens du RPC pendant sa période potentielle de PMA calculée au prorata en 2005, au plus tard le 30 septembre; ou en 2007, au plus tard le 31 mai?

[11] Le cas échéant, l’invalidité de la requérante s’est-elle étendue sur une période longue, continue et indéfinie en date du 30 septembre 2005 ou bien en date du 31 mai 2007?

Analyse

PGNAP

[12] La requérante a présenté une demande de PGNAP le 19 juin 2017. Elle a mentionné que son union de fait a pris fin en mars 2009. Son ancien conjoint de fait est maintenant sous une tutelle au majeur en raison d’une grave lésion cérébrale survenue en février 2009. Le tuteur a refusé le PGNAP.

[13] Dans le cas de conjoints de fait, un PGNAP peut être approuvé par le ministre si les anciens conjoints de fait ont vécu séparément pendant une période d’au moins un an et que la demande est faite dans les quatre ans suivant le jour où ils ont commencé à vivre séparément ou après l’expiration de ce délai avec leur accord écritNote de bas de page 2

[14] Le délai prescrit de quatre ans était expiré depuis longtemps au moment où l’appelante a présenté une demande de PGNAP. Elle devait avoir soumis la demande de PGNAP dans les quatre années de la cessation de sa relation d’union de fait, ou avoir le consentement écrit de son ancien conjoint de fait. Elle ne pouvait se conformer à l’une ou l’autre de ces exigences.

[15] J’estime qu’étant donné que la requérante n’a pas présenté la demande de PGNAP dans les quatre ans suivant la cessation de son union de fait, soit au plus tard en 2013, et qu’elle n’avait pas le consentement écrit de son ancien conjoint de fait, elle ne peut pas obtenir gain de cause relativement à sa demande, et la décision du ministre de rejeter sa demande doit être maintenue. 

Incapacité

[16] La requérante a présenté une déclaration d’incapacité dans l’espoir que son cas puisse être visé par l’exception à la règle l’empêchant d’obtenir gain de cause relativement à sa demande de PGNAP.

[17] L’exception pour le dépôt de sa demande de PGNAP dans les quatre ans suivant la date de la séparation au titre du RPC permet qu’une demande soit réputée avoir été présentée à une date antérieure à celle déposée dans les cas d’incapacité.

[18] L’exception prévue dans les cas d’incapacité est permise lorsque le ministre est convaincu, sur preuve présentée par une personne ou en son nom, que la personne n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande plus tôt. S’il existe une preuve suffisante d’incapacité telle qu’elle rendait la requérante incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande plus tôt, et que l’incapacité était d’une durée continue, le ministre peut considérer la demande comme ayant été faite plus tôtNote de bas de page 3.

[19] La requérante a présenté une déclaration d’incapacité signée par le médecin qui la traitait au moment de la présentation de sa demande. Ce dernier a mentionné que son incapacité a commencé le 26 août 2010 lorsqu’elle a subi une intervention chirurgicale pour enlever une tumeur au cerveau, et qu’il ne traitait pas la requérante au moment où son incapacité a commencé. La requérante a soumis des rapports médicaux qui montrent qu’elle vivait de façon autonome et qu’elle élevait sa fille comme parent seul au cours des quatre années qui ont suivi la fin de son union de fait. La preuve montre que la requérante avait des problèmes de santé importants ayant une incidence invalidante sur sa capacité de fonctionner; cependant, j’estime que ses limitations ne répondent pas aux critères relatifs à l’incapacité au titre du RPC, en ce sens qu’elle n’a pas démontré qu’elle était incapable de former ou d’exprimer une intention de présenter une demande plus tôt.

[20] Pour que la demande de PGNAP de la requérante soit réputée avoir été présentée à une date antérieure à celle à laquelle elle a été déposée dans les faits, elle doit montrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande à une date antérieure, et j’estime qu’elle n’a pas réussi à le faire.

Invalidité

[21] L’invalidité se définit comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 4. Une personne est réputée avoir une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. Il incombe à la requérante de prouver que, selon la prépondérance des probabilités, son invalidité satisfait aux deux parties du critère, ce qui signifie que, si la requérante satisfait seulement à une partie, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

[22] J’estime que la requérante a prouvé que, selon la prépondérance des probabilités, elle était atteinte d’une invalidité grave qui la rendait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice et qu’elle est devenue incapable en 2005, au plus tard le 30 septembre.

Les limitations de la requérante liées à ses problèmes de santé restreignent sa capacité de détenir une occupation

[23] Je dois tenir compte de la capacité de travailler de la requérante, et non seulement du diagnostic de sa maladie, afin de déterminer si son invalidité satisfait à la définition de graveNote de bas de page 5. C’est l’effet fonctionnel de l’état de santé de la requérante sur sa capacité de travailler qu’il est important de prendre en considération, et non la nature ou le nom de son affectionNote de bas de page 6.

[24] La requérante n’était pas en mesure d’assister à l’audience parce qu’elle était aux soins palliatifs. Son histoire relative à son état de santé a commencé alors qu’elle était encore une enfant. Elle a reçu un diagnostic d’ostéosarcome de haut grade au fémur distal gauche à l’âge de 12 ansNote de bas de page 7. Elle s’est fait amputer la jambe gauche en octobre 1996Note de bas de page 8 alors qu’elle était encore à l’école secondaire, en raison de l’ostéosarcome. En 2003, à l’âge de 22 ans, elle a subi une importante intervention chirurgicale de restructuration, connue sous le nom de procédure Vannesa, visant à amputer davantage sa jambe gauche jusqu’au-dessus du genou en raison de complications avec sa prothèseNote de bas de page 9. Elle était tombée et s’était fracturé une tige dans la jambe. À la suite de la chirurgie, son dossier médical révèle que son état a commencé à se détériorer, tant physiquement que mentalement. La douleur a commencé à s’aggraver. En mars 2004, elle a reçu un diagnostic de trouble d’adaptationNote de bas de page 10 et en janvier 2005, on a diagnostiqué un syndrome de douleurs musculo-squelettiques chroniquesNote de bas de page 11.

[25] La requérante a présenté des rapports médicaux objectifs détaillés décrivant des difficultés avec la douleur chronique en lien avec l’amputation de sa jambe gauche; une tumeur au cerveau traitée avec une chirurgie et de la chimiothérapie en 2010; un léiomyosarcome rétropéritonéal pelvien de haut grade en 2014; un microcarcinome papillaire de la thyroïde en octobre 2016 et, à présent, un léiomyosarcome rétropéritonéal pelvien métastatique de haut grade avec métastases aux deux poumons, au foie, aux os ainsi qu’une récidive locale au pelvis en décembre 2016Note de bas de page 12. Elle est maintenant aux soins palliatifs et a tenté de mettre de l’ordre dans ses affaires relativement à la tutelle et au soutien financier de sa fille de 11 ans.

[26] Je suis convaincue que la requérante a démontré que les limitations de son état de santé ont empiré au fil du temps entre son intervention chirurgicale de 2003 et le début de 2005, au point où l’effet cumulatif de ses problèmes de santé physique et mentale est devenu gravement invalidant et l’a rendue régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice entre le 1er janvier et le 30 septembre 2005. Je suis également convaincue que la preuve médicale objective ne permet pas de conclure que la requérante a connu une telle amélioration de son état qu’elle ne satisfait plus à la définition d’invalidité grave au sens du RPC depuis septembre 2005. Elle est demeurée régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis 2005.

La rémunération de la requérante ne montre pas une capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice et n’empêche pas de conclure qu’elle est invalide au sens du RPC

[27] Le registre des gains de la requérante montre qu’elle a obtenu des gains moins que véritablement rémunérateurs en 2003, qu’elle n’a touché aucun revenu en 2004 et que ses gains étaient inférieurs au revenu de base minimum en 2005Note de bas de page 13. En 2006, elle a touché un revenu plus élevé; cependant, elle a conservé son emploi seulement pendant trois mois, du 24 mai au 28 août 2006. Pour fonctionner, elle était dépendante des analgésiques narcotiques. Elle est retournée travailler pour le même employeur en octobre 2006, mais a travaillé seulement une journée avant d’arrêter de nouveau. Après cela, elle n’a travaillé que quatre heures par jour, deux ou trois jours par semaine, à compter de janvier 2007Note de bas de page 14. Ses gains étaient inférieurs au minimum de base en 2007. En 2008, elle a travaillé pendant six mois à temps partiel pour les X [X] et elle n’a pas touché des gains véritablement rémunérateurs.

[28] En 2009, la requérante a conservé un emploi pendant une période de neuf mois en travaillant dans une garderie. Elle a arrêté de travailler en raison d’une tumeur au cerveau et elle n’est jamais retournée au travail depuis ce moment. Ses gains en 2009 étaient relativement satisfaisants. Cependant, je dois tenir compte de l’ensemble des circonstances pour déterminer si ses gains en 2009 montrent qu’elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[29] La requérante est devenue très malade au cours de 2009. Elle a perdu son conjoint en février 2009 lorsqu’il a souffert d’une importante lésion cérébrale. Le tuteur de son ancien conjoint l’a évincée de la maison où elle avait vécu avec son ancien conjoint au cours des six années précédentes. Elle n’avait pas de soutien financier de la part de son ancien conjoint, car son tuteur refusait de reconnaître que la fille de la requérante était son enfant. L’enfant était âgée de seulement 16 mois à ce moment. La requérante a pu obtenir une pension alimentaire en 2015 seulement, après que le tuteur a exigé un test d’ADN de l’enfant. Les témoins qui ont assisté à l’audience ont tous fourni des éléments de preuve selon lesquels le tuteur a toujours agi envers la requérante d’une manière hostile et déraisonnable, sans compassion et sans égard pour le bien-être d’une enfant mineure. Cette affirmation est pertinente puisqu’elle montre que la requérante, à tort ou à raison, sentait qu’elle n’avait d’autre option que de se forcer à travailler afin de subvenir par elle-même aux besoins de l’enfant.

[30] D’après l’ensemble de la preuve, j’estime que les gains de la requérante ne montrent pas une capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice et qu’elle n’a jamais été régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis 2005, au plus tard le 30 septembre.

L’effet cumulatif des limitations de santé physique et mentale est devenu gravement invalidant pendant sa période calculée au prorata en 2005

[31] Je dois évaluer l’état de santé de la requérante dans sa totalité, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non pas uniquement de celles qui sont les plus importantes ou les principalesNote de bas de page 15.

[32] Je suis convaincue, après appréciation de la preuve, que les difficultés auxquelles la requérante a fait face à la suite de l’amputation de sa jambe au-dessus du genou se sont exacerbées jusqu’à inclure des symptômes de santé mentale et physique, et que l’effet cumulatif de ses symptômes l’a rendue régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice pendant sa période calculée au prorata en 2005, au plus tard le 30 septembre.

Invalidité prolongée

[33] J’estime que la requérante a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité prolongée qui était longue, continue et de durée indéfinie en date du 30 septembre 2005.

[34] La requérante souffre de douleurs et de limitations occasionnées par un cancer récidivant depuis l’enfance. Son affection s’est étendue sur une période longue, continue et indéfinie en 2005. Elle entraînera vraisemblablement le décès. L’issue vraisemblable de sa maladie est actuellement immanente.

Conclusion

[35] L’appel relativement à la décision du ministre de rejeter la demande de PGNAP est rejeté.

[36] L’appel relativement à la décision du ministre de rejeter la demande de prorogation du délai pour présenter une demande de PGNAP en raison d’une incapacité est rejeté.

[37] La requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en janvier 2005 lorsqu’elle a reçu un diagnostic de syndrome de la douleur chronique, en plus d’un trouble d’adaptation, depuis l’amputation de sa jambe gauche au-dessus du genou en 2003. Cependant, pour calculer la date du service de la pension, une personne ne peut être réputée être invalide plus de 15 mois avant que le ministre n’ait reçu la demande de pensionNote de bas de page 16. La demande a été reçue en [février janvier] 2017, de sorte que la date réputée de déclaration d’invalidité est [novembre octobre] 2015. Les versements commencent quatre mois après la date de l’invalidité, soit à compter de [mars février] 2016Note de bas de page 17.

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