Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli, et la décision que la division générale aurait dû rendre est rendue. La pension de survivant est payable à l’appelante.

Aperçu

[2] L’appelante (M. J.) a épousé le défunt (G. J.) en octobre 1960. Ils se sont séparés en 1988, mais n’ont pas divorcé. Le mis en cause (P. S.) a vécu en union de fait avec G. J. à compter de 1989. En 2012, le condominium dans lequel vivaient P. S. et G. J. a été vendu, et G. J. a déménagé au X, une maison de retraite. Il est décédé en 2013. M. J. a présenté une demande de prestations du survivant à titre d’épouse légale de G. J.; P. S. a demandé cette prestation à titre de conjoint de fait.

[3] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande de M. J. et a accueilli la demande de P. S. relativement à cette pension. M. J. a interjeté appel de la décision du ministre devant le Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel, en concluant que P. S. était le conjoint de fait de G. J. L’appel de M. J. est accueilli parce que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle lorsqu’elle a limité le contre-interrogatoire à l’audience. Elle a aussi commis une erreur de droit en omettant de tenir compte des capacités diminuées de G. J. lorsqu’elle a évalué ses intentions et elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée concernant la question de savoir si P. S. et G. J. s’étaient séparés. La décision qu’aurait dû rendre la division générale est rendue; P. S. ne vivait pas dans une relation conjugale avec G. J. à son décès, par conséquent, la prestation de survivant est payable à M. J., qui était son épouse.

Questions préliminaires

[4] Lors de l’audience de l’appel, j’ai demandé aux parties de confirmer quelle réparation ils cherchaient à obtenir en appel. L’avocat du ministre a demandé un délai supplémentaire pour présenter des observations écrites concernant la réparation qu’il souhaitait, particulièrement sur la question de savoir si l’appel devrait être réexaminé par un membre différent de la division générale si l’affaire devait être renvoyée à la division générale. Je lui ai accordé un délai supplémentaire pour présenter des observations, ainsi qu’un délai aux autres parties pour qu’elles puissent répondre à ses observations. Dans ses observations, le ministre a retiré la demande visant à faire réexaminer l’affaire par un autre membre de la division générale.

[5] M. J. a déposé auprès de la division d’appel des documents qui ne faisaient pas partie du dossier de la division généraleNote de bas de page 1. Les nouveaux éléments de preuve ne sont généralement pas examinés au stade de l’appelNote de bas de page 2. Ces documents ne correspondent à aucune des exceptions à cette règle. Je n’en ai pas tenu compte lorsque j’ai rendu la décision ci-dessous.

Questions en litige

[6] La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle lorsqu’elle a limité le contre-interrogatoire de P. S. par une des parties?

[7] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion erronée sur la question de savoir si X était un établissement de soins de longue durée ou une résidence de retraite?

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a fondé sa décision sur les intentions exprimées par G. J. sans tenir compte de ses capacités mentales diminuées et du fait que sa représentante a été nommée en tant que sa représentante en soins de santé?

Analyse

[9] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit le fonctionnement du Tribunal. Elle renferme les trois seuls moyens d’appel que la division d’appel peut considérer. Ces moyens d’appel sont les suivants : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 3. Les moyens d’appel de M. J. sont étudiés ci-dessous dans ce contexte.

Question en litige no 1 - Justice naturelle

[10] Les principes de justice naturelle visent à garantir que toutes les parties à une demande ont la possibilité de présenter pleinement leur cause devant le Tribunal, qu’elles ont l’occasion de prendre connaissance des renseignements qui leur sont défavorables et de donner leur version des faits, et que leur cause est jugée de manière impartiale compte tenu des faits et du droit. En l’espèce, l’audience était longue. Elle a commencé par une audience en personne en août 2017, mais n’était pas terminée, et elle s’est donc poursuivie par une vidéoconférence en octobre 2017. À la fin de cette comparution, l’ensemble de la preuve avait été présentée, toutefois les observations ne l’avaient pas été, par conséquent la membre de la division générale a permis aux parties de présenter leurs observations par écrit, ce qu’elles ont fait.

[11] Vers la fin de la comparution d’octobre 2017, P. S. a été appelé à témoigner. Son avocate et la membre de la division générale craignaient de manquer de temps à la comparution. L’avocate de P. S. a mentionné qu’elle souhaitait poser seulement trois ou quatre questions à P. S. et a proposé que le contre-interrogatoire se limite aux affaires soulevées dans ces questionsNote de bas de page 4. La représentante de l’appelante a répondu ne pas savoir combien de temps durerait son contre-interrogatoire, car elle ne savait pas quelles questions seraient posées par l’avocate de P. S.Note de bas de page 5. La membre de la division générale a mentionné que le contre-interrogatoire doit être pertinentNote de bas de page 6. Pendant le contre-interrogatoire, l’avocate de P. S. s’est objectée à une question de la représentante de M. J. parce qu’elle n’était pas en lien avec une question qui avait été posée dans son interrogatoire. La membre de la division générale a mentionné qu’ils [traduction] « manquaient de temps » et que le contre-interrogatoire devrait se limiter aux questions en lien avec l’interrogatoire principal. P. S. n’a pas répondu à d’autres questions de la représentante de M. J.Note de bas de page 7.

[12] La représentante de M. J. fait maintenant valoir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle parce qu’elle a limité indument son contre-interrogatoire de P. S., ce qui l’a empêchée de présenter pleinement sa cause auprès du Tribunal. Le droit de contre-interroger les autres parties dans le cadre d’une instance est un principe fondamental de la capacité d’une partie de défendre sa cause. La portée du contre-interrogatoire ne se limite pas aux affaires soulevées seulement dans un interrogatoire principal, mais s’étend à toute la causeNote de bas de page 8. En restreignant la capacité de M. J. de contre-interroger P. S. uniquement au sujet des questions soulevées dans l’interrogatoire principal, la division générale a limité indument la capacité de M. J. de défendre sa cause. C’est un manquement à la justice naturelle.

[13] Une partie qui désire se fonder sur un manquement à un principe de justice naturelle en appel doit le soulever à la première occasion. M. J. l’a fait. Elle a suivi la directive de la membre de la division générale à l’audience concernant son interrogatoire. Malgré le fait que la représentante de M. J. est une agente de police à la retraite, elle n’aurait pas pu savoir de façon raisonnable que la membre de la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a limité son contre-interrogatoire et qu’elle aurait dû s’y objecter à l’audience. Ce moyen d’appel a été présenté dans la demande à la division d’appel, ce qui correspond à la première occasion raisonnableNote de bas de page 9.

Question en litige no 2 : Conclusion de fait erronée

[14] Le fait que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance constitue un autre moyen d’appel prévu par la Loi sur le MEDS. Pour avoir gain de cause sur ce motif, M. J. doit établir trois choses : que la conclusion de fait était erronée; que la conclusion de fait a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans égard aux éléments portés à la connaissance de la division générale; et que la décision reposait sur cette conclusion de faitNote de bas de page 10.

[15] M. J. soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a tenu pour avéré que X était un établissement de soins de longue durée. Elle fait valoir que X était une résidence pour personnes âgées indépendantes et que G. J. devait faire preuve d’un certain niveau d’indépendance pour être capable d’habiter à cet endroit. J’ai examiné attentivement la décision de la division générale. Elle ne tire pas de conclusion de fait concernant le type d’établissement qu’était X. Par conséquent, la décision n’aurait pas pu être fondée sur une conclusion de fait erronée à cet égard. Ce moyen d’appel est rejeté.

[16] Cependant, la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte de tous les éléments qui ont été portés à sa connaissance : la division générale a tenu pour avéré que la séparation de G. J. et P. S. avait été involontaire et rendue nécessaire par l’état de santé déclinant de G. J. Cette conclusion de fait est erronée. G. J. a pris activement des mesures pour séparer ses affaires de celle de P. S. en 2010 lorsqu’il a rencontré son avocat afin de modifier son testament et ses documents de procuration. De plus, à cette époque, il a mis fin à la propriété conjointe du condominium. Rien ne montre qu’il a été influencé par quiconque ou que cela a été fait contre son gré. Il a fait ces démarches avant que des questions ne soient soulevées quant à sa capacité mentale. De plus, la représentante de G. J. a envoyé un courriel en juin 2012 qui mentionnait que G. J. avait accepté à contrecœur de déménager au X. Il n’a pas été forcé d’y déménager; il a accepté de la faire en dépit de sa capacité mentale diminuée. La division générale n’a pas tenu compte de cet élément de preuve non contesté. La décision était fondée sur cette conclusion de fait selon laquelle la séparation de G. J. et de P. S. était involontaire. Par conséquent, l’appel doit être accueilli au motif que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée au titre de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 3 : Erreur de droit

[17] Un autre moyen d’appel prévu par la Loi sur le MEDS est celui selon lequel la division générale a commis une erreur de droit. La requérante fait valoir que la division générale a commis une telle erreur en l’espèce parce qu’elle a omis de tenir compte du fait que G. J. avait des capacités diminuées, au point où sa représentante a pris des décisions en son nom en vertu d’une procuration et en tant que sa représentante en soins de santé. Le fait que les capacités de G. J. étaient diminuées avant son décès n’est pas contesté. En août 2011, le Dr Cotterell a rapporté qu’il était dans les meilleurs intérêts de G. J. que sa mandataire se charge entièrement de la gestion de ses affairesNote de bas de page 11. Lorsque la division générale a analysé la preuve, elle a examiné si les parties avaient, par leurs actions, démontré une intention mutuelle de vivre ensemble dans une relation semblable au mariage d’une certaine permanenceNote de bas de page 12. Dans son analyse, la division générale a examiné et soupesé des éléments de preuve contradictoires au sujet des intentions de G. J. après la vente du condominium sans prendre en considération le fait que ses capacités mentales étaient diminuées au point que sa mandataire prenait les décisions en son nom avant cela. Cela avait une incidence sur sa capacité d’exprimer ses intentions et d’y donner suite. Le fait de ne pas avoir tenu compte de cela afin de rendre une décision fondée sur les intentions de cette partie constitue une erreur de droit.

[18] L’appel est accueilli, car la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée au titre de la Loi sur le MEDS et a commis une erreur de droit.

Réparation

[19] Étant donné que l’appel est accueilli, je dois déterminer quelle réparation accorder. La Loi sur le MEDS prévoit les réparations que la division d’appel peut accorder dans un appelNote de bas de page 13. Ces réparations peuvent entre autres consister à rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou à renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen. La Loi sur le MEDS me permet également de trancher les questions de droit et de fait nécessaires pour statuer sur un appelNote de bas de page 14. En l’espèce, il y a lieu de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. La plupart des faits ne sont pas contestés. Il existe un dossier écrit exhaustif et un enregistrement de la totalité de l’audience devant la division générale. J’ai examiné le dossier écrit et écouté l’enregistrement de l’audience. De plus, lors de l’instruction de l’appel, toutes les parties ont demandé que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre. M. J. a fait valoir que même si elle avait subi un préjudice lorsque la division générale a limité son contre-interrogatoire de P. S., il existait suffisamment d’éléments de preuve sur le fondement desquels la décision pouvait être rendue, et son avocate a demandé que je rende une décision. Finalement, cette instance a accusé un retard important. G. J. est décédé il y a près de six ans. M. J. et P. S. ont tous les deux présenté une demande de prestations de survivant en 2013.

[20] Les faits suivants ne sont pas contestés :

  • M. J. et G. J. se sont mariés en 1960. Ils se sont séparés en 1988, mais n’ont jamais divorcé.
  • G. J. et P. S. ont entamé une union de fait en 1989.
  • Ils ont vécu ensemble dans une maison, puis dans un condominium dont ils étaient propriétaires ensemble.
  • Leur relation était instable, et la police a été appelée à plusieurs reprisesNote de bas de page 15.
  • La police s’est rendue à leur résidence en 2010 en raison d’allégations de violence conjugale. Le rapport de police révèle que G. J. était certain de vouloir mettre fin à sa relation avec P. S.
  • En 2010, G. J. a changé le titre de propriété du condominium de tenants conjoints à tenants communs. Il a aussi modifié son testament et sa procuration pour enlever P. S. et nommer ses enfants à titre de bénéficiaires.
  • En juin 2011, G. J. a fermé tous les comptes conjoints avec P. S. à l’exception de celui utilisé pour rembourser l’hypothèque du condominium.
  • En août 2011, le Dr Cotterell a déclaré que G. J. n’était pas capable de gérer ses affaires. Le Dr Cotterell a aussi rapporté que la relation de G. J. et P. S. n’était pas monogame, qu’il y avait des préoccupations concernant de la violence conjugale, et que G. J. craignait de quitter la relation en raison de sa peur d’être seul et des sentiments qu’il avait encore pour P. S. Il était dans le meilleur intérêt de G. J. que sa mandataire prenne en charge la gestion de ses affairesNote de bas de page 16.
  • Après cela, la représentante de G. J. a pris en charge la gestion de ses affaires.
  • En février 2012, P. S. a retiré G. J. à titre de bénéficiaire de son régime d’assurance-maladie complémentaire.
  • P. S. a aussi mis le condominium en vente sans en aviser G. J. ou sa mandataire par procuration.
  • Selon un autre rapport de police daté de juin 2012, G. J. et P. S. étaient en instance de séparation.
  • G. J. et P. S. ont vécu dans le condominium jusqu’à ce qu’il soit vendu en juillet 2012. Le produit net de la vente et le contenu ont été divisés entre G. J. et P. S.
  • Une fois que le condominium a été vendu, G. J. a déménagé au X, une résidence de retraite.
  • Avant la vente du condominium, G. J. et P. S. n’avaient pas de relations sexuelles. G. J. était impuissant.
  • G. J. était engagé dans son église et assistait aux services religieux régulièrement. Il a aussi assumé le rôle de diacre aux services du jeudi. P. S. l’aidait dans cette tâche.
  • Après la vente du condominium, P. S. a continué de reconduire G. J. aux services religieux jusqu’à peu de temps avant le décès de G. J.
  • La famille de G. J. a organisé une célébration de la vie. P. S. n’y a pas assisté.
  • P. S. a participé à des funérailles à l’église de G. J. Lors de ces funérailles, la famille immédiate de G. J. n’a pas été mentionnée.

[21] De plus, la représentante de M. J. a présenté une preuve qui appuyait sa position selon laquelle P. S. abusait de G. J. sur les plans financier, émotionnel et physique. Cette preuve comprenait les éléments suivants :

  • des déclarations d’une voisine qui affirmait entendre des disputes entre P. S. et G. J.;
  • des rapports de police faisant état d’altercations physiques entre P. S. et G. J.;
  • des allégations d’infidélité de la part de P. S. et son défaut de prendre soin des besoins de G. J. à mesure que sa santé déclinait;
  • l’utilisation par P. S. de fonds empruntés conjointement pour racheter une voiture louée et immatriculer le véhicule à son nom;
  • le refus de diviser équitablement le contenu du condominium après sa vente;
  • son défaut de payer sa part des factures et des dettes;
  • son harcèlement envers G. J. lorsqu’il vivait au X, ce qui empêchait G. J. de s’intégrer pleinement à cette communauté;
  • son refus de [traduction] « respecter les règles » de X et d’X (l’établissement de soins où a vécu G. J. immédiatement avant son décès).

M. L. (le gendre de G. J.) a aussi affirmé dans son témoignage que dans les années qui ont précédé le décès de G. J., P. S. n’accompagnait pas G. J. à leur domicile pour célébrer Noël et que bien qu’il ait rendu visite à G. J. tous les jours au X et au X, il n’a jamais vu P. S. à ces endroits.

[22] En revanche, P. S. a présenté une preuve selon laquelle il demeurait en union de fait avec G. J. jusqu’à son décès. Sa preuve comportait les éléments suivants :

  • G. J. a emménagé au X contre son gré;
  • en vertu de la procuration, la mandataire de G. J. allait à l’encontre de la volonté de G. J. et les a séparés physiquement et financièrement;
  • il continuait de visiter G. J. très souvent au X et au X et de le reconduire aux services religieux et à d’autres sorties;
  • G. J. et lui se présentaient comme des partenaires en union de fait malgré leur séparation physique après la vente du condominium.

P. S. a aussi présenté un affidavit de L. S. qui comprenait des déclarations au sujet de la participation de G. J. aux activités de l’église et de la nature de sa relation avec P. S.Note de bas de page 17. Cependant, L. S. n’a pas témoigné et n’était pas disponible pour un contre-interrogatoire malgré le fait que P. S. a présenté d’autres témoins.

[23] Le Régime de pensions du Canada prévoit qu’une prestation de survivant doit être payée à la personne qui a la qualité de survivant d’un cotisantNote de bas de page 18. Le survivant est la personne qui était mariée au cotisant au moment de la mort de celui-ci, à moins qu’une personne était le conjoint de fait du cotisant au moment de son décèsNote de bas de page 19. Un conjoint de fait est la personne qui, au moment du décès, vit avec un cotisant dans une relation conjugale depuis au moins un anNote de bas de page 20.

[24] Le fait que G. J. et P. S. ont vécu en union de fait pendant de nombreuses années n’est pas contesté. La question à trancher est celle de savoir si l’union de fait a pris fin lorsque le condominium a été vendu et que G. J. a déménagé au X. La Cour suprême du Canada prévoit que, pour déterminer si deux personnes sont dans une union de fait, il convient de prendre en considération plusieurs facteurs, notamment i) le soutien financier; ii) les enfants; iii) les services échangés; iv) les activités sociales; et v) l’image sociétale du couple.

(i) Soutien financier

[25] Lorsque G. J. et P. S. ont déménagé en Colombie-Britannique, ils ont acheté une maison ensemble. Ils ont ensuite vendu cette maison et ont acheté conjointement un condominium. Ils ont vécu ensemble dans cette résidence jusqu’à sa vente en juillet 2012. Ils partageaient les dépenses. Les témoins de M. J. ont affirmé dans leur témoignage que P. S. ne payait pas toujours sa part des dépenses et utilisait des fonds conjoints pour ses besoins personnels; par exemple, il a utilisé un prêt conjoint pour racheter une voiture louée et a immatriculé le véhicule à son nom uniquement, et il a utilisé l’argent réservé pour l’épicerie à d’autres fins. De plus, G. J. a fermé tous leurs comptes conjoints en 2010, à l’exception d’un compte qui était utilisé pour rembourser l’hypothèque du condominium. Il a aussi pris activement des mesures pour séparer ses finances de celles de P. S., en changeant son testament et sa procuration afin d’enlever P. S. à titre de bénéficiaire et a mis fin à la possession conjointe du condominium. P. S. n’a pas contesté cette preuve. J’accorde beaucoup de poids à cette preuve. Cela montre que G. J. avait l’intention de séparer ses finances de celles de P. S.

[26] P. S. a aussi arrêté de fournir un soutien financier à G. J. Au début de 2012, P. S. a enlevé G. J. à titre de bénéficiaire de son régime d’assurance-maladie complémentaire. Il a fait cela malgré le fait qu’il savait que G. J. avait un problème cardiaque et souffrait de démence, ce qui nécessitait des soins. Il existait aussi une preuve qu’en 2012, G. J. a subi une chirurgie aux yeux et qu’il avait besoin de gouttes oculaires par la suite.

(ii) Enfants

[27] G. J. avait des enfants d’âge adulte nés de son mariage avec M. J. Aucune preuve ne montre que P. S. a eu des enfants. Les parties n’ont pas eu d’enfant ensemble.

[28] Les témoins de M. J. ont affirmé dans leur témoignage qu’au début, ils ont appuyé la relation entre G. J. et P. S. La représentante de G. J. et son époux les ont même aidés à acheter leur première maison ensemble en Colombie-Britannique. Cependant, au fil du temps, les enfants de G. J. ont accordé moins de soutien à la relation. La preuve qu’ils ont fournie montre que cela était attribuable au fait que P. S. était abusif sur les plans financier, émotionnel et physique. Ils ont présenté des éléments de preuve à l’appui de cela. Cependant, la question de savoir si la relation entre P. S. et G. J. était abusive n’est pas un facteur pertinent. Je dois déterminer si G. J. et P. S. étaient en relation conjugale au moment du décès de G. J., et non si la relation était positive pour l’un ou l’autre. Peu d’importance est donc accordée à cet élément de preuve.

(iii) Services, activités sociales et image sociétale

[29] Il ne fait aucun doute que G. J. et P. S. se sont rendus des services l’un et l’autre pendant la majeure partie de leur relation. Cependant, le témoignage non contesté à l’audience devant la division générale était que dans les années qui ont précédé la vente du condominium, P. S. a cessé de rendre des services à G. J. Il y avait des plaintes selon lesquelles P. S. ne payait pas sa part des factures et qu’il ne cuisinait plus de repas ni n’achetait de la nourriture pour G. J. Certains témoins ont affirmé dans leur témoignage que G. J. avait perdu du poids avant la vente du condominium.

[30] P. S. a affirmé dans son témoignage qu’il visitait G. J. au X et qu’il lui a fait faire des sorties et l’a emmené chez lui prendre des repas. Malheureusement, cet élément de preuve comprenait peu de détails.

[31] Il est évident que G. J. s’engageait dans son église. Il assistait régulièrement aux services et a assumé le rôle de diacre pendant longtemps. Au fur et à mesure que sa santé déclinait, P. S. l’a aidé dans ses tâches de diacre et l’emmenait aux services.

[32] J’accorde peu d’importance à la preuve de L. S. Il n’est pas évident qu’il a discuté du déménagement au X avec G. J. Il n’est pas non plus évident s’il fréquentait G. J. et P. S. à l’extérieur de l’église. De plus, sa preuve ne pourrait pas faire l’objet d’un contre-interrogatoire parce qu’il n’a pas témoigné.

[33] P. S. et ses témoins ont affirmé dans leur témoignage que G. J. et P. S. se présentaient en public en tant que couple après la vente du condominium et que leur participation aux activités de l’église appuie cela. Les commentaires du registre des visiteurs aux funérailles appuient également cela; cependant, il n’est pas clair si les personnes qui ont écrit les commentaires fréquentaient l’église ou s’ils ont connu G. J. dans un autre contexte. Par conséquent, peu d’importance est accordée à cette preuve.

[34] Je dois aussi tenir compte du fait que P. S. et G. J. n’ont pas célébré Noël ensemble pendant les deux années qui ont précédé le décès de G. J. Aucune preuve ne montre qu’ils ont célébré d’autres fêtes ou activités importantes ensemble. P. S. a aussi cessé d’aller aux soupers du dimanche à la résidence de la fille de G. J. avant que le condominium soit vendu. Cette preuve affaiblit la position de P. S. selon laquelle G. J. et lui se présentaient en public en tant que couple jusqu’à son décès.

[35] Aucune preuve ne montre que G. J. rendait des services à P. S. au moment de la vente du condominium ou après sa vente.

[36] Je suis par conséquent convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, G. J. et P. S. n’ont pas ne se sont pas rendus services après la vente du condominium Ils ont seulement assisté aux services religieux ensemble, et il n’est pas manifeste qu’ils se présentaient en tant que couple dans tous les aspects de leur vie.

(iv) Comportements personnels et sexuels

[37] G. J. et P. S. ont eu des relations sexuelles pendant de nombreuses années. Il existe des allégations selon lesquelles P. S. était infidèle envers G. J., mais cela en soi ne met pas fin à une relation. G. J. était impuissant dans les années qui ont précédé son décès. Par conséquent, P. S. et lui n’avaient pas de relations sexuelles. La preuve concernant leur comportement fait état d’une relation tumultueuse entachée de violence physique, d’abus d’alcool et de problèmes de santé. P. S. n’a pas contesté la preuve selon laquelle il a appelé G. J. à maintes reprises pendant que G. J. était au X. La représentante de G. J. a demandé conseil sur la façon de mettre fin à cela, car il s’agissait de harcèlement.

[38] L’essentiel de la preuve est aussi que la fille de G. J. et son gendre visitaient G. J. tous les jours, voire parfois deux fois par jour, pendant qu’il vivait au X et au X. P. S. l’a visité à ces endroits, mais pas aussi souvent. Il n’a pas vu les membres de la famille de G. J. lorsqu’il s’y est rendu.

[39] Le comportement de G. J. et de P. S. n’appuie pas l’argument selon lequel ils continuaient d’être dans une relation conjugale après la vente du condominium.

(v) Logement

[40] Les parties ont de toute évidence vécu dans le même logement pendant longtemps, jusqu’à ce que le condominium soit vendu en juillet 2012. Bien que les parties puissent continuer d’être en union de fait lorsque leur séparation physique est involontaireNote de bas de page 21, ce n’est pas toujours le cas. En l’espèce, G. J. a pris des mesures actives pour séparer ses finances de celles de P. S. avant leur séparation physique. P. S. a mis le condominium en vente sans en aviser G. J. ou sa mandataire au titre d’une procuration. P. S. a affirmé dans son témoignage qu’il souhaitait ensuite louer un logement pour lui et G. J., mais il n’a pas fourni d’explications relativement à la vente du condominium dans ces circonstances. J’estime qu’il était plus probable que P. S. voulait se séparer de G. J. et a mis le condominium en vente pour cette raison.

Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, je conclus qu’il est plus probable que le contraire que G. J. et P. S. n’étaient pas dans une relation conjugale au moment du décès de G. J. Ils ne vivaient pas dans la même résidence. P. S. a mis en vente leur résidence sans en aviser G. J. Lorsque leur condominium a été vendu, le produit et le contenu ont été divisés. Avant d’être déclaré inapte, G. J. a pris activement des mesures pour séparer ses finances de celles de P. S., et changer son statut légal, en modifiant son testament et sa procuration et en mettant fin à la propriété conjointe de leur propriété. Il a également fermé tous les comptes conjoints à l’exception de celui qui servait à rembourser l’hypothèque. P. S. a enlevé G. J. de son assurance-maladie complémentaire. P. S. utilisait les fonds conjoints pour ses besoins personnels. Il y a eu de la violence entre P. S. et G. J., et G. J. a déclaré à la police, à au moins deux reprises, qu’il se séparait de P. S. G. J. et P. S. n’avaient pas de relations sexuelles. Bien que G. J. et P. S. continuaient de se rendre à l’église ensemble, et que P. S. aidait G. J. dans ses tâches à l’église, ils ne célébraient plus Noël ensemble, et peu d’éléments de preuve montrent qu’ils socialisaient ensemble.

Conclusion

[41] L’appel est accueilli. P. S. n’est pas admissible à la prestation de survivant. L’appel de M. J. est accueilli, et parce qu’elle était l’épouse légale de G. J., la prestation de survivant lui est payable.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 8 janvier 2019

Téléconférence

C. L., représentante de l’appelante
Doug Roberts, avocat de l’appelante
Matthew Vens, représentant de l’intimé
P. S., mis en cause
Victoria Pitt, avocate du mis en cause

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