Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La requérante se voit accorder un plus long délai afin de demander la révision de la décision de rejeter sa demande de pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC). La demande de la requérante est renvoyée au ministre pour réexamen sur la foi du dossier.

Aperçu

[2] En mars 2016, la requérante a demandé une pension de survivant du RPC en tant que conjointe de fait du cotisant décédé, Y. P.Note de bas de page 1. Le ministre lui a demandé de lui faire parvenir les documents originaux ou des copies certifiées de documents prouvant leur union de faitNote de bas de page 2.

[3] La requérante a fourni des documents qui n’étaient pas certifiés. Le ministre l’a donc informée qu’il ne traiterait pas sa demande avant qu’elle ne remédie à la situation ou qu’elle fournisse d’autres documentsNote de bas de page 3.

[4] En octobre 2016, le ministre a écrit à la requérante et l’a informée qu’il rejetterait sa demande s’il ne recevait pas les documents demandés dans les 30 jours suivantsNote de bas de page 4. La requérante n’a pas répondu; le ministre a donc rejeté la demande en novembre 2016Note de bas de page 5.

[5] En février 2018, la requérante a demandé la révision de la décision du ministreNote de bas de page 6. Cela s’est produit bien après l’échéance du délai de 90 jours prévu pour une telle demandeNote de bas de page 7. Après avoir demandé d’autres renseignements à la requéranteNote de bas de page 8, le ministre a rejeté la demande de révision le 11 juillet 2018Note de bas de page 9. La requérante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[6] Le ministre a-t-il exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’il a refusé d’accorder une période plus longue à la requérante afin de demander la révision de la décision rendue en novembre 2016?

Analyse

[7] Une personne qui n’est pas satisfaite d’une décision selon laquelle une prestation du RPC ne peut lui être versée peut demander une révision au plus tard 90 jours après avoir été informée de la décisionNote de bas de page 10. Le ministre peut accorder une période plus longue pour demander une révision dans certaines circonstances. Le ministre doit être convaincu qu’il existe une explication raisonnable pour demander une période plus longue, et que la personne a démontré l’intention constante de demander une révisionNote de bas de page 11. Comme la requérante a présenté sa demande plus de 365 jours après avoir été informée de la décision, le ministre doit aussi être convaincu que la demande a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation d’une période plus longue pour présenter la demande ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partieNote de bas de page 12.

[8] La décision du ministre de prolonger ou non le délai pour la présentation d’une demande de révision au-delà des 90 jours prévus est discrétionnaire; ce pouvoir doit donc être exercé de façon judiciaireNote de bas de page 13. Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de manière judiciaire si, entre autres, le décideur ignore un facteur pertinent ou tient compte d’un facteur non pertinentNote de bas de page 14.

[9] L’arbitre du ministre a expliqué la décision de ne pas prolonger le délai dans un document de décision joint à la lettre envoyée à la requéranteNote de bas de page 15. Après avoir examiné les raisons de l’arbitre, je suis convaincue que le ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, parce qu’il a ignoré des facteurs pertinents et a tenu compte de facteurs non pertinents lorsqu’il a décidé de ne pas prolonger le délai.

Le ministre a ignoré des facteurs pertinents

Explication raisonnable pour appuyer la demande de prolongation du délai

[10] Selon le document de décision, le ministre a décidé qu’il n’y avait pas d’explication raisonnable pour le retard à demander la révision, car la requérante avait [traduction] « mentionné les effets psychologiques et émotifs de la perte de son conjoint de fait et que la documentation supplémentaire se trouvait dans une autre provinceNote de bas de page 16 ». La requérante avait fourni beaucoup de détails sur les causes du retard, tant dans sa lettre de février 2018Note de bas de page 17 que dans sa réponse à la demande de renseignements supplémentaires que le ministre a envoyéeNote de bas de page 18. Ces détails étaient, notamment, que son conjoint de fait depuis 10 ans était décédé à la suite d’un suicide, ce qui lui avait causé un choc débilitant et accablant et un bouleversement émotif pendant de nombreux mois; qu’elle n’avait pas les moyens d’envoyer vers la Colombie‑Britannique ses documents entreposés en Ontario et avait dû attendre que des amis les lui apportent; et qu’elle avait alors découvert que Y. P. avait jeté de nombreux papiers. Cela a causé d’autres bouleversements et d’autres délais, car elle a dû trouver les documents pertinents ailleurs, ce qui a été extrêmement difficile et a pris beaucoup de temps.

[11] Ces renseignements étaient pertinents pour déterminer si le retard était raisonnable, mais le document de décision ne contient aucune analyse les concernant et n’explique pas la raison pour laquelle ces motifs convaincants n’auraient pas justifié le retard. Je suis d’avis que le ministre a ignoré ces facteurs pertinents quand il a rendu sa décision.

Intention persistante de demander la révision

[12] Selon le document de décision, l’arbitre a décidé que la requérante n’avait pas démontré une intention persistante de demander une révision, car aucune intention n’a été signifiée avant la lettre de février 2018Note de bas de page 19. Cependant, le droit n’exige pas qu’une partie demanderesse informe le ministre de ses intentions. Le ministre a ignoré les renseignements que la requérante a fournis concernant la façon dont elle a essayé d’obtenir les renseignements demandés dans les mois qui ont suivi le rejet de la demande et qui ont précédé la présentation de la demande de révision. Ces renseignements étaient pertinents à la question de savoir si la requérante avait eu l’intention persistante de demander une révision, mais l’arbitre les a ignorés.

Chance raisonnable de succès

[13] Le document de décision démontre que l’arbitre a décidé que l’appel n’avait pas de chance raisonnable de succès pour la raison suivante : [traduction] « Demande de pension de survivant rejetée, car la cliente n’a pas fourni la documentation demandée. La cliente n’a pas fourni de documentation supplémentaire avec la demande de révision présentée en retardNote de bas de page 20 ».

[14] En mai 2016, la requérante a fourni une preuve appuyant l’union de fait, y compris une déclaration solennelleNote de bas de page 21, et un affidavit accompagné d’une copie certifiée de renseignements relatifs à la pension mentionnant qu’elle était la bénéficiaire de Y. P.Note de bas de page 22. Dans sa demande de révision, elle a fourni d’autres éléments de preuve, y compris des copies certifiées d’ententes de location résidentielle et des renseignements financiers qui témoignaient d’une union de fait remontant à de nombreuses années. Le document de décision ne révèle pas si l’arbitre a tenu compte de ces renseignements, ou la façon dont il en a tenu compte, pour décider que la demande n’avait pas de chance raisonnable de succès. J’estime que ces facteurs pertinents ont été ignorésNote de bas de page 23.

Le ministre a tenu compte de facteurs non pertinents

Préjudice causé au ministre

[15] Dans le document de décision, on déclarait qu’il y aurait une iniquité à l’égard du ministre en raison de la longue période écoulée entre la date de la décision et la demande de révisionNote de bas de page 24. Mais la raison pour laquelle il existe un pouvoir discrétionnaire d’accorder une prolongation du délai est que des personnes peuvent parfois être empêchées d’agir dans le délai prévu. La disposition législative mentionne explicitement que le délai peut dépasser les 365 jours. Dans ce contexte, le retard en lui-même n’est pas une preuve qu’il existe une iniquité ou un préjudice. Sans preuve ou analyse démontrant la façon dont le retard constitue un désavantage pour le ministre, le fait qu’il a existé n’est pas pertinent.

Quelle décision le ministre aurait-il dû rendre?

[16] J’estime qu’en ignorant des facteurs pertinents sur trois des sujets examinés, et qu’en tenant compte de facteurs non pertinents sur un quatrième sujet, le ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’il a rendu sa décision du 11 juillet 2018. Par conséquent, j’ai compétence pour rendre la décision que le ministre aurait dû rendreNote de bas de page 25.

[17] Comme cela est mentionné ci-dessus, la requérante a fourni une explication raisonnable d’avoir besoin d’une période plus longue pour demander la révision. Elle avait des problèmes de santé mentale, et devait surmonter des difficultés pratiques afin d’obtenir les documents demandés par le ministre. Malgré ces obstacles, elle a persévéré dans ses tentatives de fournir les renseignements pendant environ deux ans, et a ainsi démontré une intention persistante de demander une révision. Elle a finalement présenté des éléments de preuve convaincants de l’existence d’une union de fait, ce qui démontre que sa demande a une chance raisonnable de succès. Rien ne prouve que le fait d’accorder la prolongation du délai pour demander la révision a porté ou portera préjudice au ministre. Étant donné les ressources du ministre, sa capacité à rendre une décision découlant de la révision ne serait pas indûment amoindrie par la prolongation du délai afin que la requérante puisse présenter sa demande.

Conclusion

[18] L’appel est accueilli.

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