Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision

Je détermine que l’appelante est la survivante du cotisant conformément au critère énoncé dans le Régime de pensions du Canada (RPC). Par conséquent, elle est admissible à la pension de survivant du RPC.

Aperçu

[1] L’intimé a reçu la demande de pension de survivant du RPC de l’appelante le 31 janvier 2017Note de bas de page 1. L’appelante a déclaré qu’elle s’était mariée avec le cotisant le 16 février 1963 et qu’elle était divorcée au moment de la demande. Le cotisant est décédé le 8 janvier 2017. L’intimé a rejeté la demande au stade initial ainsi qu’au terme d’un réexamen. L’appelante a interjeté appel de la décision rendue au terme du réexamen auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[2] Je dois déterminer si l’appelante vivait en union de fait avec le cotisant au moment de son décès conformément aux critères énoncés dans le RPC.

Analyse

i. Dispositions pertinentes du RPC

[3] En vertu du RPCNote de bas de page 2, une pension de survivant doit être payée à la personne qui a la qualité de survivant d’un cotisant qui a versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité, sous réserve que le survivant respecte certaines conditions.

[4] Le survivantNote de bas de page 3 s’entend du conjoint de fait du cotisant au décès de celui-ci ou, à défaut d’une telle personne, de l’époux du cotisant au décès de celui-ci.

[5] Le conjoint de faitNote de bas de page 4 s’entend de la personne qui, au moment considéré, vit avec un cotisant dans une relation conjugale depuis au moins un an. Il est entendu que, dans le cas du décès du cotisant, « moment considéré » s’entend au moment du décès.

ii. Preuve documentaire

[6] Selon la demande de pension de survivant, l’appelante et le cotisant se sont mariés le 16 février 1963.

[7] Selon le Certificat de divorceNote de bas de page 5 soumis par l’appelante, ils se sont divorcés le 25 septembre 1993.

[8] Selon la Déclaration solennelle de l’union de faitNote de bas de page 6 signée le 31 janvier 2017, l’appelante déclare avoir habité avec le cotisant du 1er août 2013 au 29 août 2015. Le cotisant avait une assurance-vie et elle était sa bénéficiaire. Ils n’avaient pas de biens en commun ou de compte bancaires. Selon une lettre jointe à la Déclaration, l’appelante précise qu’ils ont vécu en union de fait pendant huit ans et qu’après le 29 août 2015, le cotisant a déménagé à quelques maisons d’elle.

[9] Une lettre datée du 1er juin 2017 du curéNote de bas de page 7 de la paroisse de l’appelante précise que malgré la séparation légale de l’appelante et du cotisant, elle s'est toujours occupée de lui. Il avait besoin de soins étant donné sa condition de grand malade. Il ajoute que leur amour a toujours continué entre eux et que dans les dernières années, elle était près du cotisant pour ses chirurgies et ses autres besoins médicaux.

[10] Une lettre datée du 7 juin 2017Note de bas de page 8 de la fille de l’appelante et du cotisant indique qu’ils se sont séparés et repris vie commune à maintes reprises. L’appelante (sa mère) n'avait pas le choix de se séparer du cotisant (son père), car il était un homme extrêmement jaloux et possessif, toutefois, ils se sont toujours aimés et l’appelante a toujours pris soin de lui par amour. Elle l'a accompagné à ses examens médicaux. Il est déménagé chez elle à maintes reprises afin qu'elle puisse le soigner après chacune de ses chirurgies, car il ne pouvait s'occuper de lui-même. Il a subi entre autres les chirurgies suivantes au fil des années : reconstruction complète du genou à trois reprises, vésicule biliaire, chirurgies cardiaques (2008, 2012 et 2016). L’appelante l'a même accompagnée à Montréal lors de sa dernière chirurgie et elle était à ses côtés au Nouveau-Brunswick avant qu'il décède. Le cotisant parlait comme s'ils étaient toujours mariés. À ses yeux et aux yeux de l’appelante, ils étaient toujours mariés. Depuis 2004, ses parents ont vécu des séparations temporaires, mais ils retournaient toujours ensemble puisqu'ils s'aimaient. Même s'ils ne vivaient pas sous le même toit, le cotisant visitait l’appelante continuellement. Il dînait chez elle, ils fréquentaient l'église ensemble et sortaient au restaurant. Ils allaient au chalet ensemble et ils faisaient d’autres sorties. Il allait même chez elle prendre un thé dans l'après-midi sur une base régulière. Lors de toutes les rencontres familiales, ils y participaient ensemble. En 2015, l’appelante a fait une chute sur la glace et elle s'est blessée. C’est la raison pour laquelle elle avait précisé qu'elle ne pouvait plus s'occuper du cotisant, ce n'était nullement par manque d'amour. Le cotisant s'est fâché et sur un coup de tête, il est allé changer son testament.

[11] Une lettre datée du 10 juin 2017Note de bas de page 9 du médecin de famille de l’appelante et du cotisant précise que l’appelante et le cotisant ont eu une relation plutôt instable au cours des dernières années. Ils ont été séparés pendant près de 17 ans. Ils se sont fréquentés régulièrement entre 2004 et 2008 et ils se sont finalement réconciliés officiellement en 2008. Ils ont vécu plusieurs courtes séparations de 2008 à 2015, pour finalement se séparer à nouveau en août 2015. Les périodes de séparations de 2008 à 2015 ont varié de quelques semaines, à quelques mois. Malgré toutes les périodes de séparations, l’appelante a toujours été présente pour le cotisant. Ce dernier avait beaucoup de problèmes de santé et, étant de nature anxieuse, il demandait souvent à l’appelante de l'accompagner lors de ses rendez-vous médicaux ou de ses opérations et de l'aider lorsqu'il était en convalescence postopératoire ou qu'il ne se sentait pas bien. C'est toujours elle qui s'est occupée de lui après ses quatre chirurgies cardiaques (2004, 2008, 2012 et 2016). Pour le cotisant, l’appelante a toujours été sa femme et il n'a jamais avoué ou accepté qu'ils étaient séparés. En effet, il a toujours nié leur séparation lorsqu’il le questionnait à ce sujet lors de ses visites au bureau, et bien que l’appelante ait informé le médecin de leur séparation.

[12] Selon la preuve au dossier, un croquis daté du 27 septembre 2016 et une photoNote de bas de page 10 après le décès du cotisant, montrent le nom de l’appelante inscrit sur la pierre tombale du cotisant.

[13] Selon une lettre de l’appelante datée du 27 septembre 2017Note de bas de page 11, le cotisant est décédé le 8 janvier 2017. Elle était avec lui pendant sa chirurgie à Montréal et par la suite, lorsqu’il est retourné au Nouveau-Brunswick, elle le visitait régulièrement. Elle a fait tous les arrangements funéraires pour le cotisant. Elle s’est séparée de lui, car il était un homme très jaloux et il avait des problèmes mentaux qu’il ne voulait admettre ou accepter. Elle indique qu’ils ont vécu ensemble de 2008 au 29 août 2015 avec trois brèves séparations pendant cette période. Il a ajouté le nom de l’appelante sur sa pierre tombale avant son décès et ce geste était par amour pour elle.

iii. Témoignage

[14]      L’appelante a déclaré qu’après leur divorce, elle a repris vie commune avec le cotisant entre 2008 et 2015. Ils ont toutefois vécu des courtes séparations pendant cette période.

[15] En décembre 2015, elle est tombée malade, donc, bien qu’il voulait reprendre vie commune, elle ne pouvait pas en raison de son état de santé et elle ne pouvait s’occuper de lui. Toutefois, il ne demeurait pas très loin donc il allait la visiter régulièrement, ils soupaient ensemble, il allait à la messe et faisait des sorties ensemble. Ils passaient aussi du temps en campagne. Ils partageaient les dépenses pendant les séjours en campagne. Elle l’a toujours accompagné à ses rendez-vous médicaux, ses chirurgies et elle a été avec lui à Montréal pour ses soins avant son décès.

iv. Union de fait

[16] L’appelante doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’au moment du décès du cotisant, elle était en union de fait avec ce dernier.

[17] La Cour fédéraleNote de bas de page 12 a énoncé les facteurs indiquant qu’une union de fait inclut ce qui suit :

  1. le partage d’un toit, notamment le fait que les parties vivaient sous le même toit ou partageaient le même lit ou le fait que quelqu’un d’autre habitait chez elles;
  2. les rapports sexuels et personnels, notamment le fait que les parties avaient des relations sexuelles, étaient fidèles l’une à l’autre, communiquaient bien entre elles sur le plan personnel, prenaient leurs repas ensemble, s’entraidaient face aux problèmes ou à la maladie ou s’offraient des cadeaux;
  3. les services, notamment le rôle des parties dans la préparation des repas, le lavage, les courses, l’entretien du foyer et d’autres services ménagers;
  4. les activités sociales, notamment le fait que les parties participaient ensemble ou séparément aux activités du quartier ou de la collectivité et leurs rapports avec les membres de la famille de l’autre;
  5. l’image sociétale, notamment l’attitude et le comportement de la collectivité envers chacune des parties, considérées en tant que couple;
  6. le soutien, notamment les dispositions financières prises par les parties pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie et la propriété de biens;
  7. l’attitude et le comportement des parties à l’égard des enfants.

[18] La Commission d’appel des pensions (CAP)Note de bas de page 13 a déclaré que pour déterminer si les personnes cohabitent, il faut prendre en compte des éléments comme l’interdépendance financière continue, des rapports sexuels, une résidence commune, les dépenses pour chacun lors d’occasions spéciales, un partage des responsabilités de gestion du foyer, l’usage commun des biens, des vacances communes, l’interdépendance continue, la désignation de chacun comme bénéficiaire dans le testament de l’autre et comme bénéficiaire aux termes des polices d’assurance, l’endroit où chacun garde ses vêtements, qui s’occupait de l’autre en cas de maladie, la communication entre les parties, la reconnaissance publique de la relation, le statut déclaré par les parties dans différentes demandes et d’autres formulaires, et l’identité de la personne chargée des arrangements funéraires du défunt.

[19] Selon la preuve, après leur divorce, l’appelante est retournée vivre avec le cotisant de 2008 jusqu’au mois d’août 2015. Pendant cette période, elle s’occupait de ses besoins médicaux et personnels; ils étaient bénéficiaires des polices d’assurance-vie de chacun; ils partageaient certaines dépenses ; ils participaient ensemble aux activités de la collectivité (allaient à la messe) ; la collectivité les considérait comme un couple ; et les membres de la famille aussi, plus précisément leur fille.

[20] Je détermine donc que l’appelante et le cotisant ont vécu ensemble en union de fait de 2008 au mois d’août 2015.

v. Intention mutuelle après août 2015

[21] Je suis également convaincu que l’union de fait n’a pas été interrompue du mois d’août 2015, lorsque l’appelante et le cotisant ont arrêté de cohabiter physiquement ensemble, jusqu’au décès du cotisant en janvier 2017.

[22] L’appelante a donné un témoignage oral crédible, compatible avec sa preuve documentaire, au sujet de l’union de fait entre elle et le cotisant décédé. Les éléments de preuve traitent un grand nombre des éléments constitutifs d’une union de fait et sont cohérents et corroborés par la preuve documentaire et les déclarations fournies par d’autres personnes de l’entourage de l’appelante.

[23] Tel que précisé, pour être considérée comme « conjointe de fait », aux termes du RPCNote de bas de page 14, l’appelante doit présenter la preuve qu’elle vivait avec un cotisant dans une relation conjugale depuis une période continue d’au moins un an au moment du décès de celui‑ci. Puisque l’appelante et le défunt ne résidaient pas ensemble au moment du décès, l’appelante doit démontrer qu’ils maintenaient une relation conjugale durant leur séparation, jusqu’au moment du décès, survenu en janvier 2017.

[24] La cohabitation n’est pas synonyme de co-résidence. Deux personnes peuvent cohabiter même si elles ne vivent pas sous le même toit. La question à trancher est celle de savoir si l’appelante et le cotisant avaient une intention commune de poursuivre leur relation conjugaleNote de bas de page 15.

[25] Pour prouver qu’il y avait une relation conjugale, l’appelante doit démontrer que les membres du couple continuaient, pendant leur séparation physique, de démontrer par leurs actions et leur conduite une intention mutuelle de poursuivre une relation d’une certaine permanence semblable au mariage. La question à trancher est celle de savoir si, durant la séparation jusqu’au moment du décès, il existait une union de faitNote de bas de page 16.

[26] Je suis d’avis que la preuve démontre une intention mutuelle de la part de l’appelante et du cotisant de continuer d’être en union de fait durant leur séparation physique.

[27] Il existe une jurisprudence selon laquelle « lorsque les parties entretiennent une relation conjugale, elles peuvent être séparées pendant un certain temps sans que cela nuise à la qualité de cette relation ». Le facteur clé est l’intention des parties. Une relation conjugale « prend fin lorsque l’une des parties a l’intention de mettre fin à la relation »Note de bas de page 17.

[28] De plus, la Cour fédéraleNote de bas de page 18 a souscrit à une décision de la CAP selon laquelle, puisque le RPCNote de bas de page 19 n’indique pas expressément que la période continue d’un an doit précéder immédiatement le décès, la Cour a jugé qu’il ne fallait pas lui donner cette interprétationNote de bas de page 20.

[29] Compte tenu de tous les facteurs qui précèdent et de la décision rendue dans l’affaire Hodge selon laquelle la cohabitation aux fins du RPC n’exige pas que les parties vivent ensemble, je conclus que l’appelante et le cotisant satisfaisaient à un nombre suffisant des critères pour établir que l’appelante et le cotisant, même s’ils ne résidaient pas ensemble, ils ont entretenu une union de fait du mois d’août 2015 à la date du décès du cotisant.

[30] Aussi, j’ai pris en considération les conclusions de la Cour fédérale (dans Beaudoin) concernant la période continue d’un an de cohabitation. Il n’est pas contesté que l’appelante et le cotisant étaient en union de fait pendant de plusieurs années avant août 2015, ce qui satisfait à l’exigence du paragraphe 2(1) du RPC selon laquelle les parties ont cohabité pendant une période continue d’au moins un an. Je détermine que bien que l’appelante et le cotisant n’aient pas résidé ensemble après août 2015 en raison de l’état de santé de l’appelante, ils ont socialisé et continué leurs sorties ; le cotisant n’a jamais déclaré qu’ils s’étaient vraiment séparés ; l’appelante l’a toujours accompagné à ses rendez-vous médicaux, ses chirurgies ; elle a été avec lui à Montréal pour ses soins avant son décès ; et elle s’est occupée des arrangements de funérailles du cotisant. Aussi, selon un croquis daté avant le décès du cotisant en 2016 et une photo après le décès du cotisant, le nom de l’appelante est inscrit sur la pierre tombale du cotisant tel qu’il le désirait. Rien n’indique que l’un ou l’autre entretenait une relation avec une autre personne. Bien qu’il puisse y avoir eu interruption de l’union de fait, je conclus que l’appelante et le cotisant vivaient en union de fait depuis plus d’un an avant le décès de celui-ci, et qu’il n’est pas nécessaire qu’une période de cohabitation physique continue ait eu lieu immédiatement avant le décès du cotisant.

Conclusion

[31] Pour les motifs qui précèdent, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante est la survivante du cotisant conformément au critère énoncé dans RPC. Elle est admissible à la pension de survivant du RPC.

[32] L’appel est accueilli.

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