Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[2] En novembre 2015, la demanderesse, C. W., a présenté une demande en ligne de pension de retraite anticipée du Régime depensions du Canada (RPC). La demande ne l’obligeait pas à fournir sa date de naissance. Néanmoins, le défendeur, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a accordé la demande en se fondant sur des renseignements contenus dans la base de données de son ministère indiquant que la demanderesse est née le 14 octobre 1953.

[3] À la fin de 2018, le ministre a avisé la demanderesse qu’elle était sur le point d’avoir 65 ans et qu’elle était admissible à présenter une demande de pension de sécurité de la vieillesse. C’est à ce moment que la demanderesse a pris connaissance d’une divergence entre son année de naissance dans le dossier du ministre (1953) et sa véritable année de naissance (1955).

[4] Lorsque le ministre a accueilli la demande de pension de retraite anticipée de la demanderesse, il avait l’impression qu’elle avait 62 ans, alors qu’elle en avait en fait 60. Cela changeait les choses parce que, de façon générale, le montant mensuel de la pension de retraite augmente à mesure que la personne attend pour la demander. Dans une lettre datée du 20 septembre 2018, le ministre a informé la demanderesse de la divergence entre les dates de naissance et lui a demandé de rembourser 4 968 $ des sommes qui lui ont été versées de décembre 2015 à août 2018.

[5] Le 4 mars 2019, après l’expiration du délai de 90 jours prévu par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demanderesse a interjeté appel de la demande de remboursement du ministre auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Dans une décision datée du 23 avril 2019, la division générale a refusé d’accorder à la demanderesse une prorogation du délai d’appel. En particulier, la division générale a conclu que la prorogation du délai ne servirait à rien, puisque l’appel de la demanderesse n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[6] Le 24 juillet 2019, la demanderesse a demandé la permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal en prétendant que diverses erreurs avaient été commises par la division générale, à savoir :

  • la division générale lui a refusé une prorogation du délai d’appel même si la division générale a reconnu que la demanderesse avait raisonnablement expliqué le retard;
  • la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’elle avait demandé sa pension de retraite du RPC de bonne foi et qu’elle n’avait jamais tenté de tromper le gouvernement au sujet de son âge;
  • la division générale n’a pas tenu compte de la preuve selon laquelle la divergence au sujet de son âge n’était pas sa faute, mais le résultat d’une erreur administrative commise par le ministre.

[7] Après avoir examiné le dossier, j’ai conclu que les observations de la demanderesse n’ont aucune chance raisonnable de succès en appel.

Questions en litige

[8] Selon l’article 58 de la Loi sur le MEDS, il n’y a que trois moyens d’appel à la division d’appel : (i) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, (ii) elle a erré en droit ou (iii) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Un appel ne peut être interjeté que si la division d’appel accorde d’abord la permission d’en appelerNote de bas de page 1, mais la division d’appel doit d’abord être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’une chance raisonnable de succès équivaut à une cause défendable en droitNote de bas de page 3.

[10] Je dois décider si la demanderesse a présenté une cause défendable relativement à l’une des questions suivantes :

  1. Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en refusant d’accorder une prorogation du délai à la demanderesse même si cette dernière avait raisonnablement expliqué son retard dans l’appel?
  2. Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle ignoré le fait que la demanderesse n’avait jamais tenté de tromper le gouvernement au sujet de son âge?
  3. Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle omis de tenir compte de la preuve selon laquelle la divergence au sujet de l’âge de la demanderesse était le résultat d’une erreur administrative commise par le ministre?

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en refusant d’accorder une prorogation du délai à la demanderesse même si cette dernière avait raisonnablement expliqué son retard dans l’appel?

[11] Je ne constate aucune cause défendable sur cette question. La division générale a raison de souligner que l’appel de la demanderesse a été présenté au Tribunal bien après la limite de 90 jours, et je ne vois pas de cause défendable selon laquelle la division générale a appliqué incorrectement les principes énoncés dans la décision Canada c GattellaroNote de bas de page 4.

[12] La décision Gattellaro énonce quatre facteurs à prendre en considération pour décider s’il y a lieu d’accorder un délai supplémentaire. Le poids à accorder à chacun des facteurs de la décision Gattellaro peut différer d’un cas à l’autre, et d’autres facteurs peuvent être pertinents dans certains cas.

[13] La division générale a conclu que la demanderesse a répondu à trois des quatre facteurs, mais qu’elle ne satisfaisait pas au quatrième. Elle a conclu que la demanderesse avait raisonnablement expliqué le retard, qu’elle avait une intention persistante de poursuivre l’appel et qu’il était peu probable que les intérêts du ministre soient lésés, mais elle a aussi conclu que l’absence d’une cause défendable l’emportait sur toute autre considération : [traduction] « [I]l ne convient pas d’accorder une prorogation du délai pour interjeter appel lorsque, d’après les faits, l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 5 ».

[14] Tous les facteurs de la décision Gattellaro doivent être pris en compte, mais il n’est pas nécessaire de leur accorder la même importance. Comme la division générale l’a souligné à juste titre, la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation du délai serait dans l’intérêt de la justiceNote de bas de page 6. La division générale a le mandat, en tant que juge des faits, de soupeser les éléments de preuve dont elle dispose et de les appliquer à la loiNote de bas de page 7. Je ne vois aucune raison de modifier sa conclusion selon laquelle la demanderesse avait en fait 60 ans lorsqu’elle a demandé et commencé à recevoir sa pension de retraite du RPC. La loi indique clairement que le montant mensuel des prestations de retraite est inférieur si le versement débute à 60 ans plutôt qu’à 62 ans, soit l’âge que le ministre croyait, à tort, que la demanderesse avait au moment de présenter sa demande.

Question en litige no 2 : La division générale a‑t‑elle ignoré le fait que la demanderesse n’avait jamais tenté de tromper le gouvernement au sujet de son âge?

[15] Cette question a été soulevée en raison d’une confusion qui s’est probablement produite il y a plusieurs décennies lorsque la demanderesse a demandé pour la première fois un numéro d’assurance sociale. La demanderesse croit que le personnel du gouvernement a mal lu l’année de naissance sur son certificat de naissance comme étant 1953 plutôt que 1955, et que l’erreur a ensuite été consignée dans les dossiers du ministre sans que l’erreur soit problématique jusqu’à ce que la demanderesse approche du moment de la retraite des années plus tard.

[16] Personne n’a laissé entendre que la demanderesse tentait de frauder le gouvernement, mais elle estime toujours qu’elle est pénalisée pour des raisons indépendantes de sa volonté. La demanderesse se demande pour quelle raison la division générale n’a rien dit au sujet des circonstances qui ont mené à la confusion concernant son année de naissance.

[17] Je peux comprendre la frustration de la demanderesse, mais je ne constate aucune cause défendable démontrant que la division générale aurait commis une erreur en ne traitant pas des erreurs que le ministre aurait pu commettre. En fin de compte, elles ne sont pas pertinentes. La demanderesse reconnaît qu’elle n’avait que 60 ans lorsqu’elle a présenté une demande de prestations de retraite du RPC et que, pour les personnes dans sa situation, la loi prévoit un montant inférieur à celui des prestations qu’elle recevait.

[18] La demanderesse soutient que le fait de la forcer à rembourser au gouvernement près de 5 000 $ lui causera des difficultés financières. Encore une fois, je compatis, mais mes pouvoirs sont limités. La division générale était tenue de respecter le libellé de la loi tout comme moi en tant que membre de la division d’appel. Nous ne pouvons pas simplement ordonner au ministre de renoncer à sa demande de remboursement, aussi juste ou raisonnable qu’une telle décision puisse nous paraître. Ce vaste pouvoir, connu sous le nom d’« equity » [équité], est traditionnellement réservé aux tribunaux, même s’ils ne l’exercent habituellement que si la loi n’est pas suffisante pour régler la question. L’arrêt Canada c TuckerNote de bas de page 8, entre autres affaires, a confirmé qu’un tribunal administratif, comme le Tribunal de la sécurité sociale, n’est pas une cour de justice, mais plutôt un décideur prévu par la loi, et n’est donc pas habilité à accorder une forme quelconque de réparation en « equity ».

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle omis de tenir compte de la preuve selon laquelle la divergence au sujet de l’âge de la demanderesse était le résultat d’une erreur administrative commise par le ministre?

[19] Encore une fois, je ne constate pas de cause défendable pour cette observation.

[20] La demanderesse a fait valoir que le ministre avait commis deux erreurs, soit d’avoir consigné la mauvaise date de naissance au dossier de la demanderesse, et de ne pas avoir remarqué l’erreur jusqu’à près de trois ans après avoir approuvé la pension de retraite de la demanderesse. Le ministre n’a admis aucune erreur, mais, même s’il l’avait fait, à mon avis, la division générale n’aurait pu rien faire.

[21] L’article 66(4) du Régime de pensions du Canada prévoit un recours en cas d’erreur ministérielle : « Dans le cas où le ministre est convaincu qu’un avis erroné ou une erreur administrative survenus dans le cadre de l’application de la présente loi a eu pour résultat que soit refusé à cette personne, selon le cas [...] en tout ou en partie, une prestation à laquelle elle aurait eu droit en vertu de la présente loi, [...] le ministre prend les mesures correctives qu’il estime indiquées [...] ».

[22] En l’espèce, je ne suis pas certain qu’il soit juste de dire que la demanderesse, à qui il a été ordonné de rembourser de l’argent auquel elle n’avait pas légalement droit, s’est vu refuser une prestation. Malgré cela, l’utilisation du mot « convaincu » par le législateur laisse entendre que l’utilisation de ce pouvoir est laissée à la discrétion ou au jugement du ministre. Le ministre a le pouvoir discrétionnaire de mettre une personne dans la situation où elle se serait trouvée si l’avis erroné n’était pas survenu, mais, en l’espèce, le ministre a choisi de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire de prendre des mesures correctives. La jurisprudence, dominée par la décision Pincombe c CanadaNote de bas de page 9, a établi que ni la division générale ni la division d’appel n’ont compétence pour réviser une décision discrétionnaire du ministre.

Conclusion

[23] Je ne vois aucune cause défendable pour l’un ou l’autre des motifs invoqués par la demanderesse pour interjeter appel de la décision de la division générale.

[24] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

 

Représentante :

C. W., non représentée

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