Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision

Je conclus que la preuve ne montre pas que l’appelant résidait au Canada après son retour, en juin 2018.

Aperçu

[1] La demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) de l’appelant a été reçue par l’intimé le 12 février 2009Note de bas de page 1. Le 5 août 2010, le ministre a agréé la demande de pension de la SV de l’appelant au taux de 14/40e avec prise d’effet en mars 2010. L’appelant était aussi admissible à un Supplément de revenu garanti (SRG). Après révision, le ministre a déterminé que l’appelant n’a jamais été admissible aux prestations de la SV. En conséquence, le ministre a demandé le remboursement de toutes les prestations versées de mars 2010 à octobre 2015, dont le total s’élève à 74 649,99 $. L’appelant a demandé une révision de la décision du ministre. Le ministre a rejeté la demande de révision et l’appelant a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[2] La question en litige dans cet appel est de savoir si l’appelant était établi au Canada le 26 juin 2008 et s’il a maintenu sa résidence canadienne depuis cette date.

Analyse

i.  La Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) et son Règlement

[3] L’article 3(2) de la Loi sur la SV prévoit que pour toucher une pension partielle, une partie demanderesse doit avoir résidé au Canada pendant au moins 10 ans s’il ou elle réside au Canada la journée avant que la demande soit agréée. Une partie demanderesse qui réside à l’extérieur du Canada le jour avant que sa demande soit agréée doit prouver qu’elle a déjà résidé au Canada pendant au moins 20 ans.

[4] L’article 11(7)(d) de la Loi sur la SV prévoit qu’aucun supplément ne peut être versé à un pensionné pour tout mois pendant lequel le pensionné ne résidait pas au Canada ou a cessé de résider au Canada soit avant ou après l’ouverture du droit à pension, six mois avant le début de ce mois.

[5] La définition de résidence est fournie à l’article 21(1) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) et indique qu’une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada et qu’une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

ii. Preuve documentaire

[6] Conformément à la jurisprudence, l’analyse de la résidence repose sur une approche fluide, selon laquelle chaque affaire dépend des faits qui lui sont propres (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c Ding, 2005 CF 76). Dans l’arrêt Ding, la Cour a établi des facteurs à prendre en compte pour déterminer si une personne établit sa demeure et vit ordinairement au Canada. Dans le présent appel, j’estime que ces facteurs sont pertinents et qu’ils m’aident à trancher la question. Ces facteurs sont les suivants :

  1. liens prenant la forme de biens mobiliers (comptes bancaires, entreprise, mobilier, automobile, carte de crédit);
  2. liens sociaux (adhésion à des organismes ou associations ou à un ordre professionnel);
  3. autres liens au Canada à caractère fiscal (assurance-maladie et assurance-hospitalisation, permis de conduire, relevés d’impôt foncier, dossiers publics, dossiers d’immigration et de passeport, dossiers fiscaux provincial et fédéral);
  4. liens dans un autre pays;
  5. régularité et durée du séjour au Canada, ainsi que fréquence et durée des absences du Canada;
  6. mode de vie de l’intéressé, ou son établissement au Canada.

[7] L’appelant est né le 1er février 1945. Il a eu 65 ans en 2010. Il est arrivé au Canada le 30 juin 1975 et est devenu citoyen canadien en 1982Note de bas de page 2. Il a indiqué sur son formulaire de demande de pension de la SV du 12 février 2009 qu’il a vécu au Canada du 30 juin 1975 jusqu’en 1990. Il a ensuite quitté le pays pour l’Égypte. Il est revenu vivre au Canada du 29 juin 2008 à décembre 2009, puis est demeuré au Canada depuis mai 2010.

[8] L’appelant a présenté les éléments de preuve suivants pour montrer les années où il a résidé au Canada depuis son retour en 2008 :

  1. 2008
    • une confirmation de vol du Caire à Montréal le 26 juin 2008Note de bas de page 3;
    • un document personnel de comptabilité daté du 26 juin 2008Note de bas de page 4 portant principalement sur des vêtements d’une valeur de 200 $;
    • une déclaration solennelle datée du 7 juillet 2008 selon laquelle il vivait à Laval, au Québec, à son retour au Canada en 2008Note de bas de page 5;
    • un bail de location d’un appartement situé à Montréal pour la période de septembre 2008 à août 2009Note de bas de page 6;
    • une carte du Régime d’assurance-maladie du Québec (RAMQ)Note de bas de page 7 valide jusqu’en février 2013Note de bas de page 8 et un rapport couvrant la période de juin 2008 à janvier 2016 montrant qu’il avait eu plusieurs rendez-vous médicaux, dont sept en 2008, cinq en 2009, deux en 2010, un en 2011, trois en 2012, deux en 2013, deux en 2014 et un en 2015.
  2. 2009
    • un passeport canadienNote de bas de page 9 délivré au Caire et valide du 30 janvier 2005 au 30 janvier 2010;
    • un questionnaire estampillé le 30 mars 2009 indiquant qu’il vit au Canada depuis le 26 juin 2008 et qu’il n’a jamais quitté le pays pendant plus de six mois après cette dateNote de bas de page 10;
    • un second questionnaire estampillé le 7 juin 2010 confirmant qu’il a continuellement résidé au Canada depuis mai 2008Note de bas de page 11.
  3. 2010 à 2016
    • un passeport canadien délivré au Caire valide du 7 avril 2010 au 7 avril 2015Note de bas de page 12;
    • une déclaration solennelle datée du 17 mai 2010Note de bas de page 13 selon laquelle il vivait à Montréal;
    • un bail de location d’un appartement signé par lui-même et sa fille pour la période de juillet 2010 à juin 2011Note de bas de page 14;
    • un questionnaireNote de bas de page 15 estampillé le 30 novembre 2015 confirmant qu’il vivait à Montréal et qu’il avait été au Canada du 1er juin 2010 au 1er juin 2015, sauf :
      • du 28 mai 2011 au 20 novembre 2011;
      • du 7 mai 2014 au 11 novembre 2015.
    • un historique de ses lieux de résidenceNote de bas de page 16 montrant que bien qu’il vivait au Canada depuis mars 2010, il était en Égypte :
      • du 4 mai 2010 à décembre 2010;
      • du 5 mai 2011 au 11 novembre 2011;
      • du 15 mars 2012 au 27 juin 2012;
      • du 7 mai 2014 au 6 novembre 2014;
      • du 3 décembre 2014 au 12 mai 2015.
    • un permis de conduire valide du 17 novembre 2012 au 1er février 2017Note de bas de page 17;
    • un certificat d’assurance automobile valide du 19 juillet 2010 au 19 juillet 2011Note de bas de page 18;
    • une lettre du West Island Career Center confirmant que l’appelant était aux études à temps plein du 21 août 2012 au 29 avril 2014Note de bas de page 19;
    • des lettres datées du 16 juillet 2010, du 19 juillet 2010 et du 23 octobre 2017 confirmant que l’appelant a reçu des prestations d’aide sociale de juillet 2008 à décembre 2008, de janvier 2009 à juillet 2009, de mai 2010 à octobre 2010 et de novembre 2015 à juillet 2016Note de bas de page 20;
    • un certificat d’assurance automobile valide du 7 novembre 2014 au 7 novembre 2015Note de bas de page 21;
    • un certificat d’immatriculation automobile valide du 23 novembre 2015 au 28 février 2017Note de bas de page 22;
    • des relevés d’impôt de 2010, 2012, 2013 et 2014Note de bas de page 23;
    • une preuve de résidence sur la rue X à Montréal à partir du 11 novembre 2015Note de bas de page 24;
    • une confirmation d’inscription à la RAMQ venant à échéance le 18 janvier 2016Note de bas de page 25;
    • un historique d’adresse de la Société de l’assurance automobile du QuébecNote de bas de page 26.

iii. Témoignage

[9] L’appelant a témoigné qu’il avait deux filles à Montréal, ainsi qu’un fils et quatre petits-enfants.

[10] Il est arrivé au Canada il y a 30 ans. Il est retourné en Égypte pour des raisons familiales. Il est aussi revenu pour être soutenu par sa famille. À deux occasions, en raison de révolutions dans son pays, il n’a pas été capable de revenir au Canada. Il ne se souvient toutefois pas des années où cela s’est produit. Il a déclaré que pendant ces périodes, son passeport canadien était expiré et qu’il le renouvelait au Caire.

[11] Lorsqu’il est revenu au Canada en 2008, il a amené ses biens personnels de l’Égypte. Il s’agissait en large partie de vêtements.

[12] Il a ajouté que les périodes pendant lesquelles il recevait de l’aide sociale devraient prouver qu’il résidait au Canada.

[13] Il a aussi fourni des copies de ses baux. Il a par ailleurs étudié à Montréal de 2012 à 2014.

[14] Il a voyagé en Égypte en 2013, 2014 et 2015. Il était de retour au Canada en avril 2015 et y est resté jusqu’en janvier 2016. Il est retourné en Égypte de juillet 2017 à octobre 2017.

[15] Il a deux sœurs qui vivent en Égypte. Il vit chez elles lorsqu’il est en visite en Égypte. Il ne possède aucune propriété à l’étranger.

[16] Il a aussi fait référence à ses relevés bancaires, qui montrent qu’il a effectué des transactions au Canada.

iv.  Les concepts de résidence et de présence

[17] Je ne peux pas considérer la période après juin 2008 comme une période de résidence. Malheureusement, ni la preuve au dossier ni le témoignage de l’appelant ne me convainquent que l’appelant a résidé au Canada après juin 2008. La preuve montre que, lorsqu’il était au Canada, l’appelant n’avait aucune propriété personnelle, aucun lien social ou fiscal solide et n’a pas montré que son mode de vie était représentatif d’une personne qui s’est établie au Canada comme résident.

[18] L’appelant a fourni des éléments de preuve montrant qu’il avait signé un bail pour les périodes de septembre 2008 à août 2009 et de juillet 2010 à juin 2011. Il a aussi fourni une preuve qu’il étudiait à Montréal de 2012 à 2014. Toutefois, la preuve au dossier montre que l’appelant était en Égypte avant et qu’il a quitté le pays immédiatement après avoir terminé ses études. Il a également fourni des éléments de preuve montrant qu’il détenait une carte de la RAMQ valide jusqu’en 2013, une assurance automobile valide de novembre 2014 à novembre 2015 et un certificat d’immatriculation automobile de novembre 2015 à février 2017, ainsi que des relevés bancaires de 2012 à 2019.

[19] Toutefois, un rapport de la RAMQ couvrant la période de juin 2008 à janvier 2016 montre qu’il avait eu quelques rendez-vous médicaux entre 2008 et 2015. Les relevés bancaires montrent qu’il a sporadiquement fait des transactions au Canada, mais aussi à l’étranger. L’appelant s’est vu délivrer deux passeports canadiens entre 2005 et 2015. Tous deux ont toutefois été délivrés au Caire, dans la période pendant laquelle il affirme qu’il était résident canadien. L’appelant a expliqué, dans son témoignage, que ses passeports étaient venus à échéance pendant qu’il était en Égypte, et que parce qu’il y avait une révolution en cours, il a dû les renouveler à l’étranger. Il n’en demeure pas moins que pas un, mais deux passeports canadiens ont été renouvelés au Caire sur une période de dix ans. Enfin, il a été à l’étranger pendant les périodes suivantes :

du 4 mai 2010 à décembre 2010;
du 5 mai 2011 au 11 novembre 2011;
du 15 mars 2012 au 27 juin 2012;
du 7 mai 2014 au 6 novembre 2014;
du 3 décembre 2014 au 12 mai 2015.

[20] À part le fait d’avoir des enfants et des petits-enfants au Canada, rien ne corrobore le témoignage de l’appelant ni ne montre qu’il s’était établi comme résident au Canada après juin 2008. Il ne fait aucun doute que l’appelant passait du temps au Canada, mais pendant ces périodes, on peut considérer qu’il était présent au Canada, mais pas qu’il était résident.

[21] Même si certains éléments de preuve peuvent laisser entendre que l’appelant s’était établi comme résident, il y a trop d’interruptions et de périodes pendant lesquelles il m’est impossible d’établir les liens de l’appelant avec le Canada. La preuve indique par ailleurs que l’appelant quittait régulièrement le pays et continue de le faire, chaque année, pendant des périodes prolongées.

[22] Je considère donc que la preuve ne montre pas que l’appelant résidait au Canada au sens de l’article 21(1)(a) du Règlement sur la SV et qu’il n’est donc pas admissible à la pension de la SV aux termes de l’article 3(2) de la Loi sur la SV, ni au SRG aux termes de l’article 11(7)(d) de la Loi sur la SV.

Conclusion

[23] L’appel est rejeté.

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