Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

Informations sur la décision

Résumé :

RPC – Conformément au traité de réciprocité entre le Canada et l’Australie, le temps passé à vivre et à travailler dans un pays peut contribuer à ce qu’une prestataire soit admissible à des prestations dans l’autre pays – Il est évident que le traité a été conçu pour éviter que des périodes de résidence qui se chevauchent dans les deux pays ne comptent comme des périodes admissibles distinctes – Dans sa décision, la division générale (DG) n’a pas évoqué le traité, mais elle a implicitement approuvé l’interprétation du ministre – La division d’appel a estimé qu’il n’y avait aucune cause défendable selon laquelle la DG aurait commis une erreur en agissant ainsi.

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] La demanderesse, L. H., est la veuve de feu B. H., qui est décédé en août 2013 à l’âge de 47 ans. B. H. était un X qui a passé l’essentiel de sa carrière en Afrique du Sud avant d’entreprendre des projets au Canada et en Australie.

[3] En janvier 2014, la demanderesse a présenté une demande de pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC). Le défendeur, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté la demande parce que B. H. n’avait pas cotisé au RPC depuis au moins 10 ans, tel que l’exige la loi. Le ministre a établi que B. H. ne comptait que quatre ans de cotisations au RPC et, en application d’un traité de réciprocité avec l’Australie, seulement quatre ans de cotisations admissibles au régime de sécurité sociale de ce pays.

[4] En mars 2019, soit après l’expiration du délai de 90 jours prévu par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), la demanderesse a interjeté appel du refus du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Dans une décision datée du 19 juin 2019, la division générale a refusé d’accorder à la demanderesse une prorogation du délai pour interjeter appel parce qu’elle a établi qu’elle n’avait pas de cause défendable.

[5] La demanderesse demande à présent la permission d’en appeler auprès de la division d’appel du Tribunal, soutenant que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle lorsqu’elle a convenu avec le ministre que son défunt époux ne comptait que huit années de cotisations combinées admissibles au RPC et au régime de sécurité sociale de l’Australie. La demanderesse prétend que, en fait, le défunt B. H. comptait 11 ans de cotisations combinées.

[6] J’ai examiné la décision de la division générale par rapport au dossier dont il est question, et j’ai conclu que la demanderesse n’a invoqué aucun motif qui pourrait conférer à son appel une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[7] Selon l’article 58(1) de la LMEDS, il existe seulement trois moyens d’appel devant la division d’appel : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle; elle a commis une erreur de droit; elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel que si la permission d’en appeler est d’abord accordéeNote de bas de page 1. Pour accorder la permission d’en appeler, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’une chance raisonnable de succès correspond à une cause défendable en droitNote de bas de page 3.

[9] Je dois déterminer si la demanderesse a une cause défendable selon les questions en litige suivantes :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle appliqué le bon critère lorsqu’elle a rejeté la demande de prorogation du délai de la demanderesse?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le défunt époux de la demanderesse n’avait pas versé suffisamment de cotisations au RPC pour qu’elle soit admissible à la pension de survivant?

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle appliqué le bon critère lorsqu’elle a rejeté la demande de prorogation du délai de la demanderesse?

[10] Aux termes de l’article 52(1)(b) de la LMEDS, un appel doit être interjeté devant la division générale dans les 90 jours suivant la date à laquelle la partie requérante reçoit communication de la décision. Aux termes de l’article 52(2), la division générale peut accorder à la partie requérante un délai supplémentaire pour interjeter appel.Dans ce cas, la division générale doit tenir compte des quatre facteurs énoncés dans la décision Canada c GattellaroNote de bas de page 4.

[11] J’estime qu’on ne peut pas soutenir qu’en déterminant s’il y avait lieu d’accorder une prorogation du délai, la division générale a commis des erreurs de fait ou de droit.

[12] La division générale n’a pas eu tort d’établir que l’appel de la demanderesse avait été soumis après l’expiration du délai de 90 jours. La demanderesse a affirmé qu’elle avait reçu la décision découlant de la révision le 13 décembre 2018Note de bas de page 5, et la division générale a reçu son avis d’appel le 28 mars 2019, soit 105 jours plus tard.

[13] Lorsqu’un appel est tardif, il peut être tranché de façon similaire à un rejet sommaire, ce qui, tout comme le critère relatif à la permission d’en appeler, exige que la partie requérante montre que son appel a une cause défendable. Il s’agit d’un critère rigoureuxNote de bas de page 6. Il doit être clair et évident sur la foi du dossier que l’appel est voué à l’échec.

[14] Les facteurs de Gattellaro doivent être soupesés, mais il n’est pas nécessaire de leur accorder un poids égal. Comme l’a souligné la division générale à juste titre, le facteur primordial est l’intérêt de la justiceNote de bas de page 7. En l’espèce, la division générale a établi que, même si la demanderesse répondait à trois des quatre facteurs, l’absence d’une cause défendable l’emportait sur toute autre considération. La division générale a examiné l’argument de la demanderesse et, pour les motifs que j’aborderai ci-dessous, a tiré la conclusion défendable selon laquelle il n’y avait aucune façon, en vertu du droit applicable, de calculer 10 années de cotisations valides à partir de l’historique de rémunération de B. H. au Canada et en Australie.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le défunt époux de la demanderesse n’avait pas versé suffisamment de cotisations au RPC pour qu’elle soit admissible à la pension de survivant?

[15] Le Régime de pension du Canada exige au moins 10 ans de cotisations valides pour qu’une partie demanderesse soit admissible à la pension de survivantNote de bas de page 8. Au titre d’un traité de réciprocité entre le Canada et l’Australie, le temps passé à vivre et à travailler dans un pays peut aider une partie requérante à être admissible aux prestations de l’autre paysNote de bas de page 9.

[16] La demanderesse souligne que, bien que le Canada reconnaisse les cotisations versées au RPC pendant l’année civile, l’Australie fonctionne quant à elle selon un exercice qui s’étend du 1er juillet au 30 juin. Elle fait valoir que si les cotisations en Australie de B. H. sont réparties selon les exercices de l’Australie, son défunt époux compte en réalité 11 années admissibles au total. La demanderesse prétend que le défaut de la division générale de reconnaître les cotisations au titre d’un régime mais pas au titre de l’autre constitue une erreur de droit et un manquement à la justice naturelle.

[17] J’estime que cette observation n’est pas défendable.

[18] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse a inclus un tableau qui montrait comment elle calculait 11 années de cotisations dans l’historique de rémunération au Canada et en Australie de son défunt épouxNote de bas de page 10 :

An 1 Canada 2006 – 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006 Cotisations intégrales versées
An 2 Canada 2007 -1er janvier 2007 au 31 décembre 2007 Cotisations intégrales versées
An 3 Canada 2008 - 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008 Cotisations intégrales versées
An 4 Canada 2009 - 1er janvier 2009 au 31 décembre 2006 Cotisations intégrales versées
An 5 Australie 1er juillet 2007 au 30 juin 2008 Cotisations intégrales versées
An 6 Australie 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 Cotisations intégrales versées
An 7 Australie 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 Cotisations intégrales versées
An 8 Australie 1er juillet 2010 au 30 juin 2011 Cotisations intégrales versées
An 9 Australie 1er juillet 2011 au 30 juin 2012 Cotisations intégrales versées
An 10 Australie 1er juillet 2012 au 30 juin 2013 Cotisations intégrales versées
An 11 Australie 1er juillet 2013 au 30 juin 2014 Cotisations intégrales versées

Ce tableau, d’après ce que je peux constater dans le dossier, est exact, toutefois il n’aide pas la demanderesse pour deux raisons.

[19] Premièrement, contrairement aux observations de la demanderesse, le traité précise que les années civiles doivent être utilisées pour déterminer les périodes admissibles au titre du RPC provenant de la résidence ou des cotisations en Australie :

Aux fins de l’ouverture du droit à une prestation aux termes du Régime de pensions du Canada, une année civile comptant une période de résidence en Australie pendant la vie active d’une durée d’au moins six mois civils est considérée comme une année pour laquelle des cotisations ont été versées aux termes du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 11.

La demanderesse n’a pas soumis de preuve à la division générale que son défunt époux avait, pour l’une des périodes admissibles supplémentaires qu’elle propose, réellement enregistré une « période de résidence en Australie pendant la vie active » durant au moins six mois civils.

[20] Deuxièmement, le tableau ne tient pas compte de la raison pour laquelle le ministre avait reconnu seulement quatre ans (2010, 2011, 2012 et 2013) de cotisations australiennes. Une disposition du traité énonce ce qui suit : « Aux fins du présent article, si une période admissible canadienne se superpose à une période de résidence en Australie pendant la vie active, la période superposée n’est considérée comme une période admissible canadienne qu’une seule foisNote de bas de page 12 ». Étant donné que, d’après les propres renseignements de la demanderesse, B. H. avait des périodes admissibles au Canada et en Australie en 2008 et en 2009, les périodes intitulées [traduction] « An 5 » et [traduction] « An 6 » dans le tableau ci-dessus doivent être retranchées, ce qui laisse seulement neuf ans, au plus, de cotisations admissibles aux fins du RPC.

[21] Il est évident que le traité a été conçu pour empêcher que des périodes de résidence dans les deux pays qui se superposent ne comptent comme des périodes admissibles distinctes. Dans sa décision, la division générale n’a pas précisé le traité, mais elle a endossé implicitement l’interprétation qu’en a faite le ministre. Je ne vois pas de cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur ce faisant. En fin de compte, la preuve montrait que B. H. avait vécu et travaillé au Canada et en Australie de 2006 à 2013 inclusivement, pour un total de huit ans maximum.

Conclusion

[22] Comme la demanderesse n’a invoqué aucun moyen d’appel conférant à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

 

Représentante :

L. H., non représentée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.