Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] Les demandes de prorogation du délai et de permission d’en appeler sont rejetées.

Aperçu

[2] Le demandeur, M. H., est né en mars 1946 et il a demandé une pension de retraite du Régime de pensions du Canada en juin 2017. Le défendeur, le ministre de l’Emploi et du Développement social (le ministre), a approuvé la demande et le versement de celle-ci à compter de juillet 1996, après avoir établi qu’il s’agissait de la rétroactivité maximale permise par la loi.

[3] Le demandeur a demandé au ministre de réviser sa décision et de lui verser la pension de retraite à partir de 2011, l’année à laquelle il a eu 65 ans. Le demandeur a ensuite affirmé qu’il n’avait pas demandé de prestations de retraite plus tôt parce qu’il avait été incapable de le faire. Dans une lettre datée du 23 juin 2018, le ministre a maintenu sa décision, concluant qu’il n’y avait aucune preuve que le demandeur avait satisfait aux critères d’incapacité énoncés dans le Régime de pensions du Canada pendant la période visée.

[4] Le 11 décembre 2018, le demandeur a interjeté appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du refus du ministre de lui verser des prestations rétroactives supplémentaires. Le Tribunal a informé le demandeur que son appel était à la fois incomplet et tardif, qu’il manquait des renseignements requis et qu’il avait été présenté après le délai de 90 jours prévu par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS). Le 7 février 2019, le demandeur a présenté les renseignements manquants, et le Tribunal a déclaré que son appel était complet.

[5] Dans une décision datée du 21 mars 2019, la division générale a conclu que l’appel du demandeur était en retard et a refusé de lui accorder une prorogation du délai pour interjeter appel. Bien que la division générale ait conclu que le demandeur avait fourni une explication raisonnable pour la présentation en retard de sa demande d’appel, elle a conclu qu’une prorogation du délai ne servirait à rien, puisque l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[6] Le 26 septembre 2019, le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal. Dans sa demande, le demandeur a fait valoir que la division générale n’a pas respecté à un principe de justice naturelle en refusant de proroger le délai de présentation. Le demandeur a ajouté :

  • que la décision est arrivée en retard en raison d’une grève des postes;
  • qu’il n’allait pas bien et a dû retourner chez lui pour obtenir des services de consultation pour l’aider à composer avec le décès de sa fille;
  • qu’il lui a fallu beaucoup de temps pour trouver des documents qui avaient été perdus lors d’un déplacement lié au terrorisme.

Le Tribunal a de nouveau informé le demandeur qu’il avait apparemment présenté ses documents d’appel après le délai de 90 jours prévu par la LMEDS.

[7] J’ai examiné le dossier et j’ai conclu que, puisque les motifs d’appel du demandeur n’auraient aucune chance raisonnable de succès, la cause n’est pas appropriée pour accorder une prorogation de délai.

Questions en litige

[8] Je dois trancher les questions connexes suivantes :

Question en litige no 1 : Le demandeur devrait-il recevoir une prorogation du délai pour déposer sa demande de permission d’en appeler?

Question en litige no 2 : Le demandeur a-t-il une cause défendable en appel?

Analyse

Question en litige no 1 : Le demandeur devrait-il recevoir une prorogation du délai?

[9] Selon l’article 57(1)(b) de la LMEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle la décision a été communiquée. La division d’appel peut accorder un délai supplémentaire pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler, mais une demande ne peut jamais être présentée plus d’un an après la date à laquelle la décision est communiquée à une partie.

[10] Le dossier montre que la division générale a rendu sa décision le 21 mars 2019 et que la décision a été envoyée le lendemain par courrier ordinaire au demandeur à sa résidence au Sri Lanka. La division d’appel n’a reçu la demande de permission d’en appeler du demandeur que le 26 septembre 2019, soit plus de six mois après la date de la décision, et trois mois après la date limite de présentation. Même en considérant avec souplesse la période d’exécution réputée de 10 jours pour la livraison, la demande de permission d’en appeler du demandeur était en retard.  

[11] J’en suis arrivé à la conclusion qu’une autre prorogation de délai n’est pas justifiée en l’espèce. Dans la décision Canada c GattellaroFootnote 1, la Cour fédérale a énoncé quatre facteurs à prendre en considération pour décider s’il y a lieu d’accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel :

(i) si le retard a été raisonnablement expliqué;

(ii) si le demandeur manifeste une intention persistante de poursuivre l’appel;

(iii) si la prorogation du délai causait un préjudice à d’autres parties;

(iv) si la cause est défendable.

Le poids à accorder à chacun des facteurs de la décision Gattellaro peut différer d’un cas à l’autre, et d’autres facteurs peuvent être pertinents. Toutefois, selon l’arrêt Canada c Larkman, la considération primordiale est que les intérêts de la justice soient servisFootnote 2.

(i) Explication raisonnable du retard

[12] Le demandeur attribue son retard à présenter sa demande de permission d’en appeler à une grève du service des postes. Bien qu’il n’ait présenté aucun élément de preuve indépendant qu’il a été touché par une telle grève, je suis disposé à lui accorder le bénéfice du doute à ce sujet.

[13] Compte tenu de toutes les circonstances, y compris l’éloignement du demandeur, j’estime que son explication est raisonnable.

(ii) Intention persistante de poursuivre l’appel

[14] Le dossier indique que, dans les six mois qui se sont écoulés entre la décision de la division générale et la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas communiqué avec le Tribunal. Néanmoins, compte tenu des commentaires qu’il a inscrits dans sa demande de permission d’en appeler, je suis disposé à accepter qu’il avait l’intention persistante de poursuivre l’appel.

(iii) Aucun préjudice à l’autre partie

[15] Je conclus qu’il est peu probable que le fait de permettre au demandeur de poursuivre son appel à cette date tardive porterait préjudice aux intérêts du ministre, étant donné la période relativement courte qui s’est écoulée depuis l’expiration du délai légal. Je ne crois pas que la capacité du ministre de répondre, compte tenu de ses ressources, serait indûment affectée par la prorogation du délai d’appel.

(iv) Aucune cause défendable

[16] Les parties qui demandent une prorogation de délai doivent démontrer que leur appel comporte au moins une cause défendable en droit. Il s’agit là du critère de la permission d’en appeler. La Cour d’appel fédérale a statué qu’une chance raisonnable de succès équivaut à une cause défendable en droitFootnote 3.

[17] Pour les motifs qui suivent, je conclus que le demandeur n’a pas avancé de motifs d’appel qui auraient une chance raisonnable de succès.

Question en litige no 2 : Le demandeur a-t-il une cause défendable?

[18] Aux termes de l’article 58(1) de la LMEDS, il n’y a que trois moyens d’appel à la division d’appel : La division générale (i) n’a pas observé un principe de justice naturelle, (ii) elle a erré en droit ou (iii) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[19] Un appel ne peut être interjeté que si la division d’appel accorde d’abord la permission d’en appelerFootnote 4, mais la division d’appel doit être convaincue que l’appel a des chances raisonnables de succèsFootnote 5. La Cour d’appel fédérale a statué qu’une chance raisonnable de succès équivaut à une cause défendable en droitFootnote 6.

[20] Je ne vois pas de cause défendable dans aucune des observations du demandeur.

(i) Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que la demande d’appel du demandeur était en retard

[21] Comme dans le cas de la demande à la division d’appel, l’appel interjeté par le demandeur à la division générale était en retard. Après avoir conclu que son appel avait été interjeté plus de trois mois après la date limite, la division générale a refusé d’accorder une prorogation du délai au demandeur. La division générale a rendu cette décision en grande partie parce qu’elle avait conclu que le demandeur n’avait soulevé aucune cause défendable. J’en arrive maintenant à la même conclusion à la division d’appel.

[22] Aux termes de l’article 52(1)(b) de la LMEDS, un appel doit être interjeté à la division générale dans les 90 jours suivant la date à laquelle la décision en révision du ministre a été communiquée à la partie appelante. Le demandeur n’a jamais nié que son appel avait été présenté à la division générale après le délai de 90 jours, et rien n’indique que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il était en retard.

(ii) Il est impossible de soutenir que la division générale a appliqué la décision Gattellaro de façon erronée

[23] Comme je le fais dans la présente décision, la division générale a appliqué les quatre facteurs de la décision Gattellaro pour établir si l’appel du demandeur méritait une prorogation du délai.

[24] Je ne crois pas qu’il est possible de soutenir que la division générale n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire tout en respectant les limites imposées par la décision Gattellaro et l’arrêt Larkman. Bien que la division générale n’était pas convaincue que le demandeur avait l’intention persistante de poursuivre son appel, elle a conclu que ses problèmes de santé expliquaient le retard et qu’il était peu probable que la poursuivre de l’appel porterait préjudice aux intérêts du ministre. Toutefois, la division générale a finalement conclu qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’accorder une prorogation du délai pour la présentation d’un appel qui était voué à l’échec. En tirant cette conclusion, la division générale a agi dans les limites de sa compétence en tant que juge des faits pour soupeser les éléments de preuve portés à sa connaissance et rendre une décision fondée sur son interprétation de la loi.

(iii) Il est impossible de soutenir que la division générale a mal appliqué le critère relatif à la cause défendable

[25] Comme il est susmentionné, on trouve le terme « cause défendable » dans la jurisprudence qui touche le pouvoir discrétionnaire de la division d’appel de refuser la permission d’en appeler, et il s’agit également du critère utilisé dans un des quatre facteurs énoncés dans la décision Gattellaro. Dans les deux cas, un appel peut être interrompu s’il ne présente aucune chance raisonnable de succès. Ce seuil a toujours été considéré comme étant relativement facile à atteindre, ce qui permet de rejeter un appel que s’il a si peu de fondement qu’il est clair et évident qu’il est voué à l’échec. Ceci requiert du décideur qu’il fasse la distinction entre une cause sans aucun espoir et une cause simplement faible.

[26] En l’espèce, l’utilisation du terme « voué à l’échec »Footnote 7 suggère que la division générale a appliqué le critère juridique approprié. L’appel présenté par le demandeur était-il voué à l’échec? Rien ne semble prouver le contraire. Comme l’a souligné la division générale, l’article 67(3) du Régime de pensions du Canada prévoit que le paiement de la pension de retraite commence onze mois avant le mois au cours duquel la demande a été présentée. Rien ne démontre que la division générale a appliqué cette disposition incorrectement.

(iv) Il est impossible de soutenir que la division générale a mal appliqué le critère relatif à l’incapacité

[27] La seule exception à la règle de 11 mois est dans le cas d’une partie requérante qui n’a pas eu la capacité de faire une demande. En l’espèce, il appert que la division générale a pleinement étudié cette possibilité. L’article 60(8) du Régime de pensions du Canada énonce les critères permettant de conclure à une incapacité. Il permet à une demande d’être réputée avoir été présentée à une date antérieure à la date véritable de sa présentation, à condition que la partie requérante prouve qu’elle avait été incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire cette demande de prestation. Cette norme en matière d’incapacité est rigoureuse, et nécessite que la partie requérante prouve qu’elle avait non seulement été physiquement incapable de présenter sa demande, mais aussi incapable de former ou d’exprimer l’intention de le faire. En l’espèce, la division générale a examiné la preuve disponible et conclu que le demandeur avait eu la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande entre mars 2011, moment où il a eu 65 ans, et juin 2017, moment où il a finalement présenté sa demande. Ce faisant, la division générale a noté que le demandeur avait des antécédents de problèmes cardiaques qui n’interféraient pas nécessairement avec ses fonctions cognitives. Plus important encore, la division générale a conclu que le demandeur n’avait présenté aucune preuve médicale montrant qu’il n’avait pas la capacité de le faire. Bien que le demandeur ait présenté une déclaration d’incapacitéFootnote 8, le cardiologue qui l’a rempli en son nom n’a rien dit sur la capacité du demandeur de former ou d’exprimer son intention de présenter une demande pendant la période pertinente, même si le formulaire l’invitait expressément à le faire.

[28] Je ne vois aucune raison de remettre en question l’évaluation de la division générale, étant donné qu’elle a cité le bon critère juridique en matière d’incapacité et tenu compte des éléments de preuve pertinents. Même si le demandeur n’est pas nécessairement d’accord avec le résultat, rien ne me permet de croire que les conclusions de la décision générale étaient erronées, et encore moins tirées de façon « abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ».

Conclusion

[29] Après avoir soupesé les facteurs susmentionnés, j’ai déterminé qu’il ne convient pas en l’espèce d’accorder une prorogation de délai pour interjeter appel au-delà du délai de 90 jours. J’ai conclu que le demandeur avait une explication raisonnable du retard et j’ai été incapable de conclure qu’il avait l’intention persistante de poursuivre un appel. J’ai également pensé qu’il était peu probable que les intérêts du ministre soient lésés par une prorogation du délai, mais je n’ai constaté aucune cause défendable dans les motifs invoqués par le demandeur et c’est ce dernier facteur qui a été décisif; je ne vois pas l’utilité de faire valoir une demande qui est vouée à l’échec.

[30] Compte tenu des facteurs de la décision Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, je rejette cette demande de prorogation du délai d’appel.

Représentant :

M. H., non représenté

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.