Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision

[1] A. M. était la conjointe de fait de K. L. au moment de son décès. Elle a droit à la prestation de survivant.

Aperçu

[2] C. D. et K. L. se sont mariés en août 1991 et se sont séparés en novembre 2011Note de bas de page 1. Ils n'ont pas divorcé. K. L. est décédé en mars 2016Note de bas de page 2. A. M. prétend que K. L. et elle ont vécu ensemble comme conjoints de fait de mars 2013 jusqu’à son décèsNote de bas de page 3. C. D. ne conteste pas le fait que C. D. et K. L. ont vécu ensemble à partir de janvier 2014. Toutefois, elle soutient que cela ne signifie pas qu’ils ont vécu en union de fait conjugale.

[3] C. D. et A. M. ont toutes deux demandé la prestation de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC). Le ministre a accueilli la demande d’A. M. et a rejeté celle de C. D. Le ministre a rejeté la demande de révision de C. D. et celle-ci a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[4] C. D. estime que le partage d’une adresse ne devrait pas suffire à établir une union de fait. A. M. n'a pas fourni suffisamment d'éléments de preuve pour étayer sa prétention selon laquelle K. L. et elle étaient des conjoints de faitNote de bas de page 4.

[5] Selon A. M., bien que C. D. puisse ne pas être d’accord avec la façon dont ils ont décidé de vivre ensemble, K. L. et elle vivaient dans une relation conjugale de manière engagéeNote de bas de page 5.

[6] En novembre 2018, la division générale a rejeté l’appel de C. D. C. D. a interjeté appel à la division d’appel. En mai 2019, la division d'appel a accueilli son appel et renvoyé l'affaire à la division générale pour réexamen.

Question en litige

[7] Je dois décider si A. M. et K. L. étaient conjoints de fait au moment de décès de ce dernier.

Question préliminaire

[8] Pour éviter les dédoublements inutiles, je me suis servi de l'enregistrement de la preuve orale recueillie lors de l’audience initiale de la division générale comme faisant partie de la preuve à la présente audience. C. D. et A. M. ont toutes deux fourni des témoignages complémentaires.

Analyse

[9] A. M. doit établir que, selon toute vraisemblance, elle cohabitait avec K. L. à titre de conjointe de fait au moment de son décès et qu’ils ont ainsi cohabité pendant au moins un an. Si elle ne le fait pas, C. D. aura droit à la pension de survivant.

Principes juridiques

[10] Même si le fait de vivre sous le même toit n’est pas un facteur déterminant pour établir l’existence d’une union de fait, il s’agit d’un facteur important qui doit être pris en compte pour évaluer l’ensemble de la relationNote de bas de page 6.

[11] La Cour fédérale a affirmé que les facteurs indiquant l'existence d’une union étaient les suivantsNote de bas de page 7 :

  1. 1) le partage d’un toit, notamment le fait que les parties vivaient sous le même toit ou partageaient le même lit ou le fait que quelqu’un d’autre habitait chez elles;
  2. 2) les rapports sexuels et personnels, notamment le fait que les parties avaient des relations sexuelles, étaient fidèles l’une à l’autre, communiquaient bien entre elles sur le plan personnel, prenaient leurs repas ensemble, s’entraidaient face aux problèmes ou à la maladie ou s’offraient des cadeaux;
  3. 3) les services, notamment le rôle des parties dans la préparation des repas, le lavage, les courses, l’entretien du foyer et d’autres services ménagers;
  4. 4) les activités sociales, notamment le fait que les parties participaient ensemble ou séparément aux activités du quartier ou de la collectivité et leurs rapports avec les membres de la famille de l’autre;
  5. 5) l’image sociétale, notamment l’attitude et le comportement de la collectivité envers chacune des parties, considérées en tant que couple;
  6. 6) le soutien, notamment les dispositions financières prises par les parties pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie et la propriété de biens;
  7. 7) l’attitude et le comportement des parties à l’égard des enfants.

[12] Je vais maintenant examiner chacun des facteurs susmentionnés :

Logement

[13] Je suis convaincu que K. L. et A. M. ont vécu ensemble chez A. M. de janvier 2014 jusqu’au décès de K. L. en mars 2016. Le fils d’A. M. était le seul autre occupant de la maison.

Rapports sexuels et personnels

[14] J’accepte le témoignage d’A. M. selon lequel K. L. et elle étaient sexuellement intimes et partageaient la même chambre. A. M. a déclaré qu’ils étaient dans une relation monogame engagéeNote de bas de page 8.

[15] Dans sa déclaration de juillet 2017, la fille de C. D. et de K. L. a déclaré que son père avait une chambre séparée où il gardait ses effets personnels, mais elle ne savait pas si A. M. et lui partageaient la même chambreNote de bas de page 9. A. M. a précisé que les vêtements que K. L. portait habituellement se trouvaient dans leur chambre commune. Il entreposait des vêtements qu'il portait rarement, comme des complets, dans une autre chambreNote de bas de page 10.

[16] Même si C. D. a participé au traitement de K. L., A. M. y a aussi participé. A. M. a discuté des problèmes de dépendance de K. L. avec C. D. et le meilleur ami de celui-ci. Elle a conduit K. L. à des rendez-vous médicaux et de counseling, et à des réunions des AANote de bas de page 11. Le fait que C. D. ait joué un rôle important dans le traitement et la réadaptation de K. L. ne signifie pas qu’A. M. n'y a pas participé et ne l'a pas soutenuNote de bas de page 12.

[17] A. M. a déclaré que K. L. et elle échangeaient des cadeaux, soulignaient les fêtes et les occasions spéciales ensemble. Il lui a acheté une bague et un collier en or, et elle lui a acheté une chaîne et un pendentif en or. Ils ont également acheté d'autres cadeaux l'un pour l'autreNote de bas de page 13.

Services

[18] A. M. a déclaré que K. L. et elle partageaient les tâches ménagères, y compris le ménage, l'épicerie, l'entretien de la cour, la cuisine et d'autres tâches quotidiennesNote de bas de page 14. Ils contribuaient tous les deux aux coûts quotidiens du ménage, comme l’épicerie. A. M. payait des frais tels que l'hypothèque, les impôts fonciers et l'assurance habitation puisque la maison était à son nom. K. L. contribuait en lui remettant ses chèquesNote de bas de page 15. C. D. a produit des chèques et a laissé entendre que K. L. payait le loyer. Un seul chèque (1er mai 2015) indiquait un loyerNote de bas de page 16, et le chèque du 5 mars 2015 indiquait « tout mon amour »Note de bas de page 17.

Activités sociales

[19] A. M. a déclaré qu’ils prenaient des vacances ensemble à la propriété de K. L. en Floride au moins deux fois par année et qu’ils ont voyagé ensemble pour rendre visite à sa famille en Nouvelle-Écosse à deux reprises. Ils ont participé à des activités familiales et communautaires. Ils ont passé du temps avec le meilleur ami de K. L. et sa famille. Ils ont soupé avec la soeur de K. L. Ils ont rendu visite à la mère et au beau-père de K. L., qui se sont aussi rendus chez K. L. et A. M. C. D. a mentionné que K. L. s’était rendu seul en Floride en mars 2015; cependant, A. M. a déclaré que c’était pour l’aider à se rétablir après une crise épileptique. Elle n’a pas pu l’accompagner en raison de son travail.

Image sociétale

[20] A. M. a déclaré qu’ils ne se qualifiaient pas de « mari et femme » lorsqu’ils étaient avec les enfants de K. L. ou avec C. D. par respect pour euxNote de bas de page 18. À d’autres moments, ils s’appelaient « mari et femme ».

[21] Ils n’ont pas produit de déclaration de revenus comme conjoints. Ils ont décidé qu’ils ne le feraient pas tant que C. D. était à la charge de K. L. et que les enfants vivaient avec elleNote de bas de page 19.

Dispositions et soutien financiers

[22] Ils n'avaient ni biens ni bail en commun. Ils n'avaient pas de cartes de crédit conjointes. Il n'y avait pas de comptes bancaires conjoints. Ils n’étaient pas nommés sur les prestations d’emploi de l’autre. Ils n’étaient pas désignés comme bénéficiaires dans le testament de l’autre.

[23] En janvier 2016, K. L. a désigné C. D. comme son épouse sur ses formulaires d’emploi. C. D. était la bénéficiaire de son assurance-vie et leurs enfants étaient les bénéficiaires de son assurance en cas décès et de mutilation accidentels. Il a désigné A. M. et sa mère à lui comme personnes à contacter en cas d'urgenceNote de bas de page 20. C. D. a continué d'être la bénéficiaire et l'exécutrice selon son testamentNote de bas de page 21. C. D. et K. L. ont tiré 10 000 $ sur une marge de crédit conjointe pour couvrir les frais de subsistance et les frais juridiques de K. LNote de bas de page 22. C. D. a fait les arrangements funéraires. Elle a écrit sa notice nécrologique et a désigné A. M. comme sa conjointeNote de bas de page 23.

Attitude et comportement à l'égard des enfants

[24] Ni A. M. ni K. L. n’ont développé une relation étroite avec les enfants de l’autre. J’ai eu l’impression que c’était parce que les enfants étaient plus âgés et n’acceptaient pas la relation. Il y avait des frictions entre K. L. et le fils d’A. M., qui vivait avec eux.

[25] A. M. a déclaré que K. L. et elle avaient discuté de ses arrangements financiers. Elle savait qu'il continuait d'être financièrement lié à C. D et l’acceptait. Elle savait aussi que C. D. était la bénéficiaire selon son testament. Cet arrangement ne lui causait aucun problème à ce moment-là, car elle estimait que K. L. était obligé de subvenir aux besoins de ses enfants. Il lui a dit que C. D. n’était pas contente qu'il souhaite modifier son testament, et A. M. ne croyait pas qu’il s’agissait d’un « problème » à ce moment-là.

[26] A. M. savait qu’il ne l’avait pas désignée comme conjointe de fait sur ses formulaires d’emploi, mais la façon dont il l’avait nommée sur un formulaire n’était pas importante pour elle. Elle avait ses propres avantages sociaux et elle n’était pas [traduction] « offusquée » par la façon dont il qualifiait leur relation dans son formulaire d’emploi.

Mes conclusions

[27] La mesure dans laquelle les différentes caractéristiques d’une union de fait doivent être prises en compte varie selon les circonstances de chaque casNote de bas de page 24. Je dois garder à l'esprit la nature infiniment variable du mariage dans notre société et évaluer les circonstances particulières afin de déterminer si A. M. et K. L. avaient une relation qui s'apparente à un mariageNote de bas de page 25. Il ne m'appartient pas d’évaluer la qualité de leur relationNote de bas de page 26.

[28] C. D. compte sur sa relation financière étroite avec K. L. Elle souligne également qu’elle a joué un rôle important dans le traitement de la dépendance de K. L. Il s'agit là de considérations importantes; toutefois, l’attachement que continuent de partager C. D. et K. L. n'enlève rien à l'union de fait d’A. M. et de K. L.

[29] K. L. et C. D. ont été mariés pendant de nombreuses années. Ils ont continué à posséder une maison et à partager deux marges de crédit. K. L. a continué d'avoir des obligations financières envers leurs enfants. A. M. a respecté ces obligations. C. D. a continué de se soucier de K. L. et a joué un rôle important en l'aidant à composer avec sa dépendance et d'autres problèmes médicaux. A. M. a aussi joué un rôle important. Il ne m'appartient pas de tenter de soupeser la valeur respective des rôles joués par chacune d’elles ou de juger de la façon dont chacune a traité les problèmes de K. L.

[30] L’union de fait de K. L. et d'A. M. a commencé en janvier 2014, lorsqu’il a emménagé chez elle. Ils partageaient une chambre et leur intimité. Ils partageaient leurs dépenses, ont passé des vacances ensemble et socialisaient en tant que couple. Ils pensaient éventuellement vendre la maison d’A. M. et acheter une nouvelle maison ensemble. En janvier 2016, ils ont obtenu une analyse comparative des marchés et un plan de marketing pour la vente de la maison d’A. M. Ces documents étaient adressés à K. L. et à A. MNote de bas de page 27. Malgré les défis posés par les problèmes de dépendance et de santé de K. L., ils ont continué à cohabiter et à entretenir une relation engagée pendant plus de deux ans. A. M. a fait face à ces défis « à sa façon », l’a soutenu et a participé à ses soins.

[31] Je suis convaincu, selon toute vraisemblance, qu'A. M. et K. L. ont commencé à cohabiter et à vivre en union de fait en janvier 2014 et qu’ils ont continué de le faire jusqu’au décès de K. L. en mars 2016. 

Conclusion

[32] A. M. a droit à la prestation de survivant.

[33] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 8 janvier 2018

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

J. D., appelante
P. S., pour l’appelante
Jean-François Cham, pour l’intimé

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