Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision

[1] Le ministre a reçu la demande de pension de retraite du requérant au titre du Régime de pensions du Canada (le RPC) en décembre 2018. Cela signifie que la date de début de sa pension de retraite au titre du RPC est le mois de janvier 2019.

Aperçu

[2] Le requérant a eu 60 ans le 4 août 2018. Il voulait toucher sa pension de retraite au titre du RPC dès son 60e anniversaire de naissance, même s’il recevrait un montant mensuel plus élevé s’il attendait. Par exemple, le versement mensuel qu’une personne toucherait pour une pension commençant au mois d’octobre 2018 est inférieur au versement mensuel qu’elle toucherait pour une pension commençant au mois de janvier 2019.

[3] Le ministre a approuvé la demande du requérant. Il a cependant déclaré avoir reçu cette demande le 16 décembre 2018. Le requérant confirme qu’il a présenté sa demande en décembre 2018, mais il affirme qu’il a présenté une première demande en septembre 2018. Je dois déterminer la date à laquelle le ministre a reçu la demande du requérant. C’est important, car cela aura une incidence sur le montant de sa pension et sur la date de début des paiements à ce titre. Après réexamen, le ministre a continué de nier avoir reçu une demande en septembre 2018. Le requérant a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[4] À quelle date le ministre a-t-il reçu la demande de pension de retraite du requérant au titre du RPC?

Analyse

[5] Le RPC énonce des règles précises sur le versement d’une pension de retraite au titre du RPC. Le requérant est âgé de moins de 65 ans. En ce qui concerne la demande approuvée d’une personne de moins de 65 ans, la pension est payable à compter du dernier en date des mois suivants :

  1. le mois au cours duquel le requérant atteint l’âge de 60 ans;
  2. le mois suivant celui au cours duquel la demande du requérant a été reçue;
  3. le mois que choisit le requérant dans sa demandeNote de bas de page 1.

[6] Le libellé de cette règle est très important. Le paiement doit tenir compte de la date à laquelle le ministre reçoit la demande. Cette date n’est pas nécessairement la date à laquelle le demandeur remplit sa demande ou l’envoie.

[7] Les deux dates auxquelles la demande pourrait avoir été présentée sont le mois de septembre 2018 et le 16 décembre 2018. Elles sont toutes deux postérieures au 60e anniversaire de naissance du requérant. Il n’y a aucune preuve que le requérant a choisi de reporter sa pension de retraite au titre du RPC. Cela signifie que la date de début de sa pension de retraite au titre du RPC dépend du mois au cours duquel le ministre a reçu sa demande. Si le ministre a reçu sa demande en septembre 2018, la date de début de la pension est le mois d’octobre 2018. S’il a reçu sa demande en décembre 2018, la date de début de la pension est le mois de janvier 2019.

À quelle date le ministre a-t-il reçu la demande de pension de retraite du requérant au titre du RPC?

[8] Pour les motifs qui suivent, je conclus que le ministre a reçu la demande de pension du requérant au titre du RPC en décembre 2018. Je présenterai d’abord la version des événements avancée par le ministre.

La version des événements avancée par le ministre

[9] Le ministre a fourni des éléments de preuve montrant que le requérant a présenté en ligne une demande de pension de retraite au titre du RPC le 16 décembre 2018Note de bas de page 2. Le requérant ne le nie pas. Il confirme avoir présenté sa demande à cette date et avoir reçu un message en ligne confirmant sa demande à ce moment-là.

[10] Le système de présentation des demandes en ligne du ministre consigne les dates auxquelles les personnes y ont accédé. Le ministre a fourni une liste des dates auxquelles le requérant a accédé au systèmeNote de bas de page 3. Selon cette liste, le requérant a accédé au système les 7 et 14 août 2018. Le requérant a dit qu’il est possible qu’il ait essayé d’utiliser le système en ligne à ces dates, mais qu’il n’a pas réussi à présenter une demande. Les dossiers n’indiquent aucun autre accès jusqu’au 16 décembre 2018. J’exposerai maintenant la version des événements avancée par le requérant.

La version des événements avancée par le requérant

[11] Le requérant affirme qu’il a également accédé au système au début de septembre 2018 et qu’il a alors soumis une demande de pension de retraite au titre du RPC. Il n’a pas pu préciser la date exacte à laquelle il a présenté une demande en septembre 2018. Il ne se souvenait pas non plus d’avoir reçu un message en ligne confirmant sa demande à ce moment-là. Toutefois, à l'époque, il ignorait qu'il devait recevoir un tel message.

[12] Le requérant n’a pas eu de nouvelles pendant un certain temps. Il a dit qu’il a tenté d’appeler le ministre à plusieurs reprises à compter d’octobre 2018, mais qu’il n’a jamais réussi à parler à un agent. Il a fini par faire des recherches sur Internet pour trouver une autre personne ressource. Il a réussi à joindre cette personne au téléphone à la fin de novembre 2018, mais elle ne s’occupait que des pensions des fonctionnaires fédéraux. Elle a toutefois dit au requérant qu’il ne semblait pas avoir de demande active.

[13] L’épouse du requérant était également sur le point d’avoir 60 ans à ce moment-là; il l’a donc aidée à présenter en ligne une demande de pension de retraite au titre du RPC au début de décembre. Il ne pouvait présenter une demande pour elle que s’il répondait « non » à la question relative à la déduction de l’impôt sur sa pension. C’est ce qu’il a fait, et il a alors vu un message confirmant la réception de la demande de son épouse. Il a ensuite décidé d’essayer de présenter à nouveau sa propre demande de pension en ligne. Il a répondu « non » à la question concernant la déduction de l’impôt sur sa pension. Il a vu un message confirmant la réception de sa demande.

[14] Lorsqu’il a tenté pour la première fois de faire une demande en septembre 2018, le requérant croit avoir répondu « oui » à la question concernant la déduction de l’impôt sur sa pension. Il croit que cette question a causé une erreur dans le système de demande en ligne du ministre. Par conséquent, il estime que le ministre aurait dû recevoir sa demande en septembre 2018 au lieu de décembre 2018.

Résoudre les différences factuelles entre les versions du requérant et du ministre

[15] Je n’ai aucune réserve importante quant à la fiabilité du requérant, bien qu’il ait admis avoir parfois des problèmes avec les ordinateurs. Le ministre n’avait aucun relevé de son appel du mois de novembre 2018, ce à quoi je n’accorde toutefois aucune importance. On ne peut dire avec certitude si le requérant parlait à une employée du ministre à ce moment-là. Il a composé un numéro qu’il a trouvé en faisant une recherche sur Internet. Cette personne avait peut-être accès à certains renseignements sur les pensions, mais il est possible qu’elle n’ait pas travaillé pour le ministre. Le ministre n’aurait dans ce cas aucun relevé de l’appel.

[16] De nombreuses raisons peuvent expliquer l’absence de preuves au sujet d’une demande présentée en septembre 2018. Il se peut que le requérant ait confondu cela avec quelque chose qui s’est produit en août 2018. Il se peut aussi qu’il ait commis une erreur et qu’il ait par exemple utilisé le mauvais NAS. Il y a peut-être eu des problèmes avec Internet. Il est possible que sa demande et tous les relevés de ses accès aient été supprimés des dossiers du ministre. Une erreur dans la question sur la retenue d’impôt pourrait avoir entraîné cette situation. L’on peut sans difficulté imaginer d’autres explications possibles. Toutefois, il s’avère que je n’ai pas à déterminer exactement pourquoi le ministre n’a aucun relevé de la demande présentée en septembre 2018.

Application de la loi au dossier du requérant

[17] Bien que le requérant ait tenté de présenter une demande en ligne, sa situation est semblable à celle d’une demande qui s’est « perdue lors de l’envoi par la poste ». Dans les deux cas, le requérant croit avoir présenté une demande de pension parce qu’il a envoyé une demande dûment remplie. Toutefois, pour une raison quelconque, le ministre ne reçoit pas la demande.

[18] Comme nous l’avons mentionné, la question en litige est celle de savoir quand le ministre a reçu la demande. Le requérant affirme qu’il a présenté une demande en septembre 2018, mais il n’en existe aucune preuve. Même s’il a effectivement accédé au bon système et franchi toutes les étapes requises, il a témoigné qu’il n’avait pas reçu la confirmation qu’une demande avait été reçue. Il pourrait avoir soumis une demande. Il pourrait même l’avoir envoyée au ministre par Internet. En revanche, il ne peut affirmer que le ministre a reçu la demande. Le requérant ne peut confirmer que ce qu'il a fait et ce qu’il a vu. En l’espèce, la seule preuve potentiellement fiable concernant la réception d’une demande doit provenir du ministre.

[19] Le ministre a déposé des documents qui indiquent de manière exhaustive les dates auxquelles le requérant a accédé au système de demande de pensionNote de bas de page 4. Le requérant a reconnu que les dossiers du ministre semblaient avoir consigné avec exactitude ses accès au système en août 2018 et en décembre 2018. Toutefois, les dossiers n’indiquent aucune activité dans le système en septembre 2018. Il n’y a non plus aucune autre preuve documentaire que le ministre a reçu une demande du requérant en septembre 2018. Sans une telle preuve, je ne peux raisonnablement conclure que le ministre a reçu la demande du requérant avant le 16 décembre 2018. Comme le ministre n’a reçu une demande qu’en décembre 2018, la date de début de la pension ne peut être que le mois de janvier 2019.

[20] En dépit de ce résultat, j’éprouve de la sympathie pour le requérant. Je crois qu’il voulait demander sa pension avant le mois de décembre 2018. Pour des raisons qui ont peut être échappé à son contrôle, il a été incapable de le faire. Toutefois, le Tribunal est créé par la loi. À ce titre, il n’a que les pouvoirs qui lui sont conférés par sa loi habilitante. En tant que membre du Tribunal, je dois interpréter et appliquer les dispositions telles qu’elles figurent dans le Régime de pensions du Canada. Je ne peux pas les annuler ou les modifier, même si elles peuvent sembler injustes dans une situation particulière. Je ne peux non plus interpréter le libellé du RPC de façon déraisonnable. Je vais maintenant parler d’une affaire dont le Tribunal a été saisi récemment et dans laquelle il a examiné pour ainsi dire la même question et en est arrivé à la même conclusion.

Une affaire semblable portée devant le Tribunal en 2016

[21] En 2016, le Tribunal a rendu une décision au sujet d’une demande de pension de retraite au titre du RPC qui a été présentée, mais qui n’a jamais été reçue (l’« affaire portée devant le Tribunal en 2016 »)Note de bas de page 5. En janvier 2013, le demandeur dans cette affaire s’est rendu au bureau de son député pour qu’on l’aide à remplir sa demande. Le bureau du député allait envoyer la demande remplie au ministre par la poste. Or, le ministre n’a jamais reçu la demande du mois de janvier 2013. Le demandeur a rempli une autre demande en avril 2013 : le ministre l’a rapidement reçue et approuvée. Le demandeur a fait valoir que sa demande aurait dû être datée du mois de janvier 2013. Il a dit avoir présenté sa première demande, mais que, sans aucune faute de sa part, celle ci n’avait pas été reçue. C’est également ce qui est arrivé au requérant.

[22] Dans l’affaire portée devant le Tribunal en 2016, le demandeur n’a pas réussi à établir une date de début antérieure pour sa pension. Le Tribunal a noté que le ministre doit recevoir une demande avant de l’approuver. Une fois que le ministre approuve une demande, la date de réception de cette demande demeure cruciale : la date de paiement doit tenir compte du moment où le ministre a reçu la demande, plutôt que du moment où la demande a été présentée. Le Tribunal a déclaré que la loi était très claire sur cette question : le ministre n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de choisir une date de début de pension qu’il pourrait préférerNote de bas de page 6. Le Tribunal a déclaré qu’il était également tenu de respecter la loi et qu’il ne pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire pour choisir une date de début différente.

[23] Dans l’affaire dont il a été saisi en 2016, le Tribunal a ajouté qu’il n’était pas nécessaire de présenter une demande en personne. Des demandes envoyées par la poste étaient valablement présentées et reçues régulièrement. Toutefois, le demandeur ayant choisi de présenter sa demande par la poste acceptait un risque très faible, mais connu, que ses documents puissent être égarés inexplicablement. Ce risque pouvait être réduit au minimum, mais les gens l’acceptaient régulièrement. À mon avis, le même principe s’appliquerait aux demandes présentées en ligne, surtout lorsqu’il n’y a pas de confirmation de réception.

[24] Je ne vois guère de différence entre les questions soulevées et le raisonnement exposé dans la présente affaire et les questions soulevées et le raisonnement exposé dans l’affaire portée devant le Tribunal en 2016. Bien qu’elles soient convaincantes, les autres décisions du Tribunal ne sont pas contraignantes. Toutefois, le raisonnement fondamental exposé dans la décision rendue dans l’affaire portée devant le Tribunal en 2016 reposait sur une décision rendue en 2007 par la Cour fédérale du Canada (l’« affaire portée devant la Cour fédérale »)Note de bas de page 7. Les décisions de la Cour fédérale lient le Tribunal.

[25] Avant de conclure, j’aborderai brièvement une question connexe que la Cour fédérale a examinée.

Demander au ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire

[26] Le demandeur dans l’affaire portée devant la Cour fédérale avait lui aussi été débouté. La cour a déclaré qu’il pourrait envisager de demander au ministre « d’exercer son pouvoir discrétionnaire ». Ainsi, la date de début du paiement pourrait être modifiée si le ministre avait donné un avis erroné ou commis une erreur administrative ayant eu une incidence sur une prestationNote de bas de page 8. Toutefois, le Tribunal n’a pas le pouvoir d’enquêter et de décider si une demande a été égarée en raison d’une erreur administrative. Seul le ministre peut le faire. Si le requérant choisit une telle voie et qu’il est mécontent de la décision du ministre, le Tribunal ne peut toujours pas l’aider. Le requérant doit ensuite interjeter appel devant la Cour fédérale du CanadaNote de bas de page 9.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté.

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