Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision

[1] M. W. est la requérante en l’espèce. Elle a présenté une demande de prestations de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC) en avril 2018. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. La requérante a interjeté appel de la décision du ministre devant le Tribunal de la sécurité sociale. Je rejette son appel pour les motifs expliqués ci-dessous.

Aperçu

[2] R. R. (le cotisant décédé) est décédé le 21 janvier 2018. La requérante affirme qu’elle était sa conjointe de fait lorsqu’il est décédé. Elle a soutenu qu’elle devrait toucher des prestations de survivant.

[3] Le ministre soutient que la requérante ne résidait pas avec le cotisant au moment de son décès et qu’elle ne pouvait donc pas toucher une prestation de survivant.

Question en litige

[4] La requérante cohabitait-elle avec le cotisant dans le cadre d’une relation conjugale au moment du décès du cotisant?

Analyse

[5] Pour être admissible à des prestations de survivant du RPC, la requérante doit montrer qu’elle était une survivante au sens du RPC.

[6] Selon la définition du RPC, le survivant d’un cotisant décédé est soit une personne qui était son conjoint ou sa conjointe de fait au moment de son décès, ou, dans le cas où il n’y avait pas de conjoint ou de conjointe de fait, une personne qui lui était mariée au moment de son décèsNote de bas de page 1.

[7] La requérante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était la conjointe de fait du cotisant au moment de son décèsNote de bas de page 2.

[8] Le RPC définit le conjoint de fait d’un cotisant décédé comme étant une personne qui, au moment considéré, vit avec un cotisant dans une relation conjugale depuis au moins un an. Il est entendu que, dans le cas du décès du cotisant, « moment considéré » s’entend du moment du décèsNote de bas de page 3.

[9] Je dois suivre les décisions de la Cour suprême du Canada (CSC). La CSC a statué que les parties d’une union de fait ne doivent pas forcément vivre dans la même résidence. Une union de fait prend fin lorsque l’une des deux parties la considère comme étant terminée. Les parties doivent montrer par des actes qu’elles avaient l’intention de mettre un terme à la relationNote de bas de page 4.  

[10] Les parties peuvent être considérées comme des conjoints de fait si leur séparation est involontaire, par exemple, dans le cas d’une hospitalisationNote de bas de page 5.

[11] Lorsque les tribunaux doivent décider si deux parties vivent dans une union de fait, ils doivent considérer divers facteurs comme :

  1. le partage d’un toit, notamment le fait que les parties vivaient sous le même toit ou partageaient le même lit ou le fait que quelqu’un d’autre habitait chez elles;
  2. les rapports sexuels et personnels, notamment le fait que les parties avaient des relations sexuelles, étaient fidèles l’une à l’autre, communiquaient bien entre elles sur le plan personnel, prenaient leurs repas ensemble, s’entraidaient face aux problèmes ou à la maladie ou s’offraient des cadeaux;
  3. les services, notamment le rôle des parties dans la préparation des repas, le lavage, les courses, l’entretien du foyer et d’autres services ménagers;
  4. les activités sociales, notamment le fait que les parties participaient ensemble ou séparément aux activités du quartier ou de la collectivité et leurs rapports avec les membres de la famille de l’autre;
  5. l’image sociétale, notamment l’attitude et le comportement de la collectivité envers chacune des parties, considérées en tant que couple;
  6. le soutien, notamment les dispositions financières prises par les parties pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie et la propriété de biens;
  7. l’attitude et le comportement des parties à l’égard des enfantsNote de bas de page 6.

La requérante ne cohabitait pas avec le cotisant décédé dans une relation conjugale au moment de son décès

[12] La requérante a témoigné qu’elle a commencé son union de fait avec le cotisant décédé en août 1994. Elle a présenté un document après l’audience. Elle a déclaré, dans son document, qu’ils n’avaient pas commencé à vivre ensemble avant 2009Note de bas de page 7.

[13] La requérante et le cotisant ont décidé de se séparer le 31 décembre 2016. Le cotisant a toutefois subi une crise cardiaque. Il était également atteint de diabète. Il est retourné vivre avec la requérante après avoir reçu son congé de l’hôpital en février 2017. Il a continué à vivre avec la requérante jusqu’en août 2017. La requérante avait une relation difficile avec le cotisant. Ils ont suivi une thérapie de couple. Le cotisant est retourné vivre avec la requérante pendant deux semaines, en septembre 2017. Ils ont ensuite décidé de vivre séparément. Le cotisant est retourné à la résidence de la requérante en octobre 2017 et l’a agressée. Cela a mené à l’émission d’une ordonnance de non-communication. Le cotisant devait se présenter en cour en février 2018, mais il est décédé le 21 janvier 2018. La requérante n’a eu aucun contact avec le cotisant après l’agression d’octobre 2017. Elle n’a appris le décès du cotisant que par l’entremise de ses amis.

[14] La requérante a témoigné qu’elle n’avait jamais eu d’enfants avec le cotisant. Elle a quatre enfants issus d’une autre relation. Tous ses enfants considéraient que le cotisant décédé était une figure paternelle. Elle a confirmé que le cotisant vivait dans une autre communauté au moment de son décès.

[15] La requérante a soutenu qu’elle considérait toujours le cotisant comme étant son conjoint de fait au moment de son décès. Elle affirme que la seule raison qui expliquait leur séparation était l’ordonnance de non-communication. Elle a témoigné que sans l’ordonnance de non-communication, le cotisant serait revenu vivre dans sa communauté. Il aurait suivi une thérapie pour l’aider à gérer sa colère et ils auraient poursuivi leur vie commune.

[16] La requérante a témoigné qu’elle et le cotisant étaient sexuellement actifs pendant l’année qui a précédé son décès. Ils partageaient des repas. Elle s’occupait de lui de février à août 2017. Elle nettoyait les plaies du cotisant. Elle le nourrissait. Elle lui donnait ses injections d’insuline. Ils s’achetaient des cadeaux. Elle faisait tout le ménage et le lavage en raison de l’état de santé du cotisant. Sa famille considérait qu’elle et le cotisant étaient en union de fait. Ils se séparaient les dépenses de façon égale l’année précédant son décès. Ils ne souscrivaient pas à une police d’assurance-vie.

[17] La requérante ne s’est pas rendue aux funérailles du cotisant décédé en raison de la mauvaise température. Elle a témoigné que sa famille avait fait les arrangements funéraires. Le cotisant est décédé sans laisser de testament. La requérante était censée avoir les droits de procuration du cotisant décédé. On l’a toutefois informée que ses droits de procuration n’étaient pas valides.

[18] La requérante a soutenu qu’elle et le cotisant étaient séparés de façon involontaire au moment de son décès. Sans l’ordonnance de non-communication, ils auraient poursuivi leur vie commune.

[19] Je n’accepte pas cet argument.

[20] L’argument de la requérante est affaibli par le fait que les parties étaient déjà séparées lorsqu’elle a été agressée en octobre 2017. Le cotisant a été accusé d’être illégalement présent au domicile de la requéranteNote de bas de page 8. Cela montre que la requérante et le cotisant vivaient séparément au moment de l’émission de l’ordonnance de non-communication.

[21] Les documents fournis par la requérante ne me permettent pas de conclure qu’elle et le cotisant vivaient dans une union de fait lorsque le cotisant est décédé.

[22] La requérante a rempli un formulaire de demande de prestations de survivant. Son formulaire sème la confusion. Elle y a indiqué qu’elle était à la fois mariée avec le cotisant décédé et qu’elle était en union de fait avec lui. Elle affirme, dans une partie du formulaire, qu’elle vivait avec le cotisant au moment de son décès. Dans une autre partie du formulaire, elle affirme qu’elle ne vivait pas avec le cotisant au moment de son décès. Elle a également indiqué qu’elle ne savait pas où le cotisant résidait au moment de son décèsNote de bas de page 9.

[23] La requérante a fait une déclaration solennelle d’une union de fait pour le ministre. Elle a déclaré que l’union de fait a duré d’août 1994 à décembre 2016. Elle n’a pas déclaré que l’union de fait durait toujours au moment du décès du cotisant, le 21 janvier 2018Note de bas de page 10.

[24] La requérante a rempli un formulaire intitulé Déclaration solennelle – Séparation d’époux légaux ou conjoints de fait pour le ministre. La requérante y a fourni des renseignements contradictoires. Elle a indiqué, dans une partie du formulaire, qu’elle vivait séparément du cotisant de janvier 2008 au 31 décembre 2016. Elle a ensuite indiqué sur le même formulaire qu’ils avaient résidé ensemble pour la dernière fois le 31 décembre 2016, soit avant le décès du cotisantNote de bas de page 11.

[25] La requérante a rempli une autre déclaration solennelle pour le ministre en septembre 2018. Dans ce formulaire, elle a déclaré qu’elle et le cotisant avaient résidé ensemble pour la dernière fois en novembre 2017Note de bas de page 12. Ce formulaire ne vient pas aider la cause de la requérante parce qu’il indique que les parties ne vivaient pas ensemble au moment du décès du cotisant en janvier 2018.

[26] Les parents du cotisant décédé ont rempli une déclaration solennelle pour le ministre. Ils ont déclaré que l’union de fait avait pris fin en 2014Note de bas de page 13. La preuve nuit à la cause de la requérante. Elle montre que la famille du cotisant décédé ne considérait pas qu’elle était la conjointe de fait du cotisant au moment de son décès.

[27] Le Tribunal a été constitué en vertu d’une loi. Je dois suivre le RPC et la jurisprudence qui en fait l’interprétation. Je suis d’accord avec le ministre que les parties étaient séparées au moment du décès du cotisant.

[28] J’éprouve de la sympathie pour la requérante. Elle est victime de violence domestique. Elle a affirmé qu’elle avait dû quitter le cotisant en raison des abus qu’elle avait subis. Toutefois, le RPC stipule que je ne peux pas accorder une prestation de survivant si les conjoints de fait n’étaient pas dans une relation conjugale au moment du décès. La preuve montre que l’union de fait a pris fin avant le 21 janvier 2018. Dans les cas où il y a une séparation involontaire, comme dans le cas d’une hospitalisation prolongée, les parties peuvent toujours soutenir qu’ils étaient dans une relation conjugale. On pourrait avancer que les parties vivaient en commun, même si elles vivaient séparément. Toutefois, la requérante et le cotisant n’ont eu aucun contact après octobre 2017. Ils ne vivaient pas ensemble. Il n’est pas nécessaire que les parties vivent ensemble pour qu’elles soient considérées comme étant en union de fait, mais en l’espèce, les parties ne menaient pas une vie commune au moment du décès. Ils n’avaient aucun arrangement financier ensemble au moment du décès. Les membres de la famille du cotisant décédé ne considéraient pas que les parties étaient en union de fait et la requérante n’a eu aucun rôle à jouer dans les arrangements funéraires ou dans la succession du cotisant décédé.

Je n’ai pas la compétence de me prononcer sur la date de la séparation des parties

[29] Le ministre m’a demandé de confirmer la date de la séparation des parties, puisque la requérante pourrait être admissible à Partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP). Le RPC permet aux conjoints de fait de demander un PGNAP ou un partage de crédits de pension pour les années de vie commune. Il existe toutefois un délai pour les conjoints de fait. Ils doivent demander le PGNAP dans les quatre années suivant la fin de leur relationNote de bas de page 14.  

[30] Je n’ai pas la compétence de me prononcer sur la date de la séparation des parties. Dans le cadre du présent appel, ma compétence se limite à trancher la question de savoir si la requérante et le cotisant cohabitaient dans une relation conjugale au moment du décès du cotisant et, si c’était le cas, de déterminer s’ils cohabitaient de la sorte depuis au moins un an. J’ai conclu que les parties ne cohabitaient pas dans une relation conjugale au moment du décès du cotisant.

[31] La requérante soutient que le ministre revient à lui demander de rester avec un homme abusif afin qu’elle puisse toucher sa pension de survivante. Je ne suis pas d’accord avec la requérante. La requérante ne pouvait pas savoir avec certitude que le cotisant allait décéder. Je suis d’accord avec le ministre que le RPC exige de la requérante qu’elle ait été dans une union de fait avec le cotisant au moment de son décès. La preuve montre qu’ils n’étaient pas dans une union de fait au moment du décès.

[32] La requérante a donné des preuves contradictoires sur la date de la fin de la relation. Elle a indiqué diverses dates, dont le 31 décembre 2016, septembre 2017 et novembre 2017. Je suis prêt à reconnaître que la requérante a vécu avec le cotisant jusqu’au moins le 31 décembre 2016. Je ne suis pas certain qu’ils aient toutefois vécu ensemble en 2017 et je ne suis pas prêt à déclarer qu’ils vivaient ensemble, puisque je n’ai pas la compétence de le faire. Ils ne vivaient manifestement pas ensemble au moment du décès du cotisant, en janvier 2018.

[33] Je suggère à la requérante de communiquer immédiatement avec le ministre et de présenter une demande de PGNAP avant l’expiration du délai. Un PGNAP ou un partage des crédits de pension pourrait faire augmenter la somme des prestations de retraite du RPC à laquelle elle est admissible. Cela pourrait l’aider à réduire toute pression financière qu’elle pourrait subir.

Conclusion

[34] La requérante ne cohabitait pas avec le cotisant dans une relation conjugale au moment du décès du cotisant. Elle ne répondait pas à la définition de conjoint de fait au sens du RPC. Elle ne peut donc toucher de prestations de survivant.

[35] L’appel est rejeté.

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