Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

Informations sur la décision

Résumé :

La requérante, H., a affirmé qu’elle était en union de fait avec le cotisant décédé, J., depuis 10 ans avant son décès en 2011. Le cotisant décédé et sa femme, M., étaient séparés, mais pas divorcés. Peu après son décès, la requérante H. a présenté une demande de pension de survivant au ministre. Le ministre l’a approuvée.

À peu près au même moment, H. a poursuivi la succession du cotisant décédé devant la Cour supérieure de l’Ontario. H. tentait d’obtenir des paiements de soutien des fonds de la succession en se fondant sur le fait qu’elle était en union de fait avec J. La femme du cotisant décédé, M., a défendu la succession et a soutenu que H. ne vivait pas en union de fait avec le cotisant décédé. En 2015, la Cour a décidé par « une marge très mince » que la requérante H. était en union de fait avec le cotisant décédé. La Cour d’appel a maintenu la décision de la Cour supérieure.

En 2016, le ministre a reçu de nouveaux renseignements et a modifié sa décision au sujet de la pension de survivant. Il a décidé que la requérante H. n’était pas en union de fait avec le cotisant décédé. La pension devait être versée à sa femme, M. La requérante H. devait rembourser la pension qu’elle avait reçue.

La requérante H. a fait appel devant la division générale (DG). La DG a mis en cause la femme du cotisant décédé, M. De façon générale, le Régime de pension du Canada (RPC) accorde une pension de survivant à une seule personne, d’habitude l’époux ou l’épouse de la personne décédée, même s’ils sont séparés. Une exception à cette règle, c’est que le ministre accorde la pension de survivant à la personne qui était en union de fait avec le cotisant décédé au moment de son décès. Dans ce cas-ci, la DG a examiné la preuve des dossiers de la Cour de l’Ontario et les éléments de preuve reçus dans le cadre de l’audience qu’elle a tenue. La DG a décidé que la requérante H. n’était pas en union de fait avec le cotisant décédé et qu’elle était plutôt dans une relation d’amitié et d’aidante.

La requérante H. a fait appel devant la division d’appel (DA). La DA a rejeté l’appel de la requérante H. Elle a conclu que la DG n’avait pas commis d’erreur dans sa décision.

H a ensuite présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision de la DA à la Cour d’appel fédérale (CAF). H. soutenait que la CAF pouvait annuler la décision de la DA puisque, premièrement, la DG ne lui avait pas offert une audience équitable et que deuxièmement, la DG et la DA auraient dû suivre la décision de la Cour supérieure de l’Ontario, selon laquelle elle était effectivement en union de fait avec le cotisant décédé.

La CAF a rejeté les arguments de H. La DG avait offert à la requérante H. un processus équitable et n’avait pas empêché de quelconque façon son représentant de défendre sa cause; il a présenté ses arguments et a pu questionner l’autre partie et produire des arguments juridiques. Il n’y avait rien d’inadéquat ou d’inéquitable dans le fait que la membre de la DG pose des questions ou cherche à clarifier des questions auprès des parties. La DA et la DG n’étaient par ailleurs pas tenues de suivre la décision de la Cour supérieure. La CAF a soulevé les règles juridiques concernant « la préclusion pour même question en litige » et les « abus de procédure ». La préclusion pour même question en litige est un principe juridique qui empêche les mêmes parties de débattre de nouveau d’une question déjà tranchée par un autre tribunal. La CAF a décidé que dans l’affaire de la succession en Cour supérieure, les questions entre les parties étaient différentes de celles que devaient trancher la DG et la DA, en lien avec le RPC. Les questions en litige devant la cour provinciale étaient différentes parce que les lois provinciales de succession avaient deux définitions de la notion d’« époux » qui permettaient à une conjointe ou un conjoint de fait de toucher des paiements de soutien, mais pas une part de la succession du cotisant décédé. La loi sur le RPC ne permet de verser la pension de survivant qu’à une seule personne. Contrairement à ce que permet la loi provinciale, H. et M. ne peuvent pas se partager la pension de survivant du RPC. Puisque les lois provinciales et fédérales sont différentes et que les définitions de la loi provinciale sont différentes, les conclusions tirées à partir de la définition provinciale ne lient pas la DG et la DA. La CAF a également conclu que les parties dans les deux instances n’étaient pas les mêmes, puisque le ministre n’était pas une partie dans l’instance provinciale et qu’il n’avait aucun intérêt financier ou autre dans cette affaire. Cela signifie que le principe de la préclusion pour même question en litige ne s’appliquait pas et que la DG avait de plein droit rendu sa propre décision dans l’appel.

La CAF a également conclu que la règle de « l’abus de procédure » ne s’appliquait pas. Selon cette règle, la DG aurait pu utiliser son pouvoir discrétionnaire pour empêcher la femme du cotisant, M., et le ministre de débattre de nouveau de l’affaire tranchée par la cour provinciale. La notion ici était que débattre de nouveau d’une question que la cour provinciale a déjà tranchée constituerait un abus des procédures de la DG. La CAF a conclu qu’il n’y avait pas d’abus de procédure pour trois raisons :

- les questions en litige devant la cour provinciale et celles devant la DG étaient différentes;
- la requérante H. n’avait pas connu beaucoup de succès devant la cour provinciale;
- la cour provinciale n’avait décidé que par une « marge très mince » que H. était l’épouse du cotisant décédé.

Pour ces raisons, la CAF a conclu que la DA n’avait pas commis d’erreur lorsqu’elle a examiné la décision de la DG. La CAF a rejeté la demande de contrôle judiciaire de H. En fin de compte, la femme de J., M., a reçu la pension de survivant et H. a dû rembourser les cinq années de prestations auxquelles elle n’avait pas droit.

Contenu de la décision



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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale n’a pas commis d’erreur. La requérante n’est pas admissible à une pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] H. H. (requérante) a présenté une pension de survivant du RPC en juin 2011. Elle a affirmé qu’au moment où J. P. (cotisant) est décédé, elle était sa conjointe de fait. Elle a soutenu qu’elle et le cotisant ont commencé à habiter à la même adresse le 1er septembre 2001. Elle a dit qu’ils ont habité dans la même maison jusqu’à peu de temps avant le décès du cotisant.

[3] Le ministre a initialement approuvé la demande de la requérante. Le ministre a déterminé que la requérante n’était pas admissible à une pension du survivant. Compte tenu de nouveaux renseignements, le ministre a refusé de continuer de verser une pension de survivant à la requérante en janvier 2016.

[4] La requérante a interjeté appel de la décision de révision et de la demande de remboursement des prestations qu’elle avait reçues. La division générale a rejeté son appel. La division générale a confirmé qu’il a été du choix (discrétion) du ministre d’exiger un remboursement. La requérante a interjeté appel de la décision de la division générale devant la division d’appel.

[5] J’ai accordé la permission d’en appeler de la décision de la division générale. J’ai conclu qu’il y avait une cause défendable (il s’agit d’un seuil bas) selon laquelle la division générale avait commis une erreur de droit en tirant une conclusion de fait différente de celle tirée par la Cour supérieure de justice au sujet de la ration de la requérante. J’ai conclu qu’il était possible, compte tenu de l’importance de cette question, que le membre de la division générale n’ait pas suffisamment bien expliqué cette partie de la décision.

[6] Je dois déterminer s’il est plus probable qu’improbable que la division générale ait commis une erreur prévue par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS).

[7] Ayant obtenu les arguments de toutes les parties, je conclus que la division générale n’a pas commis d’erreur. L’appel est rejeté.

Questions en litige

[8] Les questions en litige sont les suivantes :

1. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la requérante entretenait une relation « de fournisseuse de soins et d’amitié » sans avoir de preuve à l’appui de cette conclusion?

2. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en ignorant la preuve selon laquelle l’hôpital considérait la requérante comme étant la conjointe du cotisant?

3. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en tirant une conclusion de fait au sujet de la relation de la requérante avec le cotisant qui était contraire aux conclusions tirées lors des instances judiciaires portant sur la succession du cotisant?

4. La division générale a-t-elle omis de veiller à ce qu’il y ait un processus équitable lors de l’audience en permettant à la mise en cause de [traduction] « piéger » la requérante?

5. La division générale a-t-elle omis de veiller à ce qu’il y ait un processus équitable en ne donnant pas l’occasion au parajuriste de la requérante de plaider sa cause?

6. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou omis de veiller à ce qu’il y ait un processus équitable en tenant compte de documents qui se trouvaient au dossier d’appel et qui étaient protégés en vertu d’un privilège de non-divulgation?

Analyse

Examen par la division d’appel des décisions de la division générale

[9] La division d’appel ne donne pas aux parties la possibilité de présenter pleinement leur position à nouveau dans le cadre d’une nouvelle audience. La division d’appel examine plutôt la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient une erreur. Cet examen se fonde sur le libellé de la LMEDS, laquelle prévoit trois raisons possibles pouvant servir de fondement à un appel d’une décision de la division générale (ces raisons sont aussi appelées « moyens d’appelFootnote 1 »).

[10] Premièrement, la LMEDS prévoit que la division d’appel peut examiner une décision de la division générale lorsque la partie appelante affirme que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétenceFootnote 2.

[11] Un manquement à la justice naturelle équivaut à un manquement à l’équité procédurale. Ce que suppose l’équité dépend du contexte propre à chaque affaire. La Cour suprême du Canada a dressé une liste de facteurs à prendre en considération pour décider si un processus est équitableFootnote 3. Au cœur de cette question d’équité, il faut se demander si, compte tenu de toutes les circonstances, les personnes sur lesquelles le processus avait une incidence ont eu une occasion véritable de présenter leur position pleinement et équitablement.

[12] Une partie de l’obligation d’agir équitablement est d’accorder aux personnes le droit de se faire entendre. Le droit de se faire entendre consiste aussi à donner aux personnes l’occasion de formuler des arguments sur chaque fait ou facteur qui est susceptible d’avoir une incidence sur la décisionFootnote 4.

[13] Deuxièmement, la LMEDS prévoit que la division d’appel peut examiner une décision de la division générale lorsque la partie appelante affirme que la division générale « a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceFootnote 5 ». Cela signifie que pour que la division d’appel conclue en une erreur de fait, le fait doit être à la fois important et erroné. De plus, la division générale doit avoir trouvé le fait d’une façon qui va sciemment à l’encontre de la preuve, qui n’est pas guidé par un jugement, ou qui ignore la preuveFootnote 6.

[14] Troisièmement, la LMEDS prévoit que la division d’appel peut examiner une décision de la division générale lorsque la partie appelante affirme que la division générale a commis une erreur de droitFootnote 7.

Pension de survivant du RPC  

[15] Pour obtenir une pension de survivant du RPC, une partie requérante doit avoir la qualité de survivant d’un cotisantFootnote 8. Un survivant s’entend de la personne qui vivait en union de fait avec le cotisant décédé depuis au moins 12 mois consécutifs au décès ou de l’époux du cotisant au décès, si le cotisant décédé ne vivait pas en union de fait au décèsFootnote 9.

[16] Selon le RPC, un conjoint de fait est une personne qui « vie avec un cotisant dans une relation conjugale » au moment du décès du cotisant, et ce « depuis au moins un anFootnote 10 ». Pour déterminer si un survivant répond à la définition d’une union de fait, la division générale tient compte de faits concernant la vie des parties ainsi que leur relationFootnote 11.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en tirant une conclusion sans preuve?

[17] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit. La division générale avait suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que la relation de la requérante avec le cotisant semblait plus correspondre à une relation de fournisseuse de soins et d’amitié.

[18] Le fait de tirer une conclusion de fait sans fondement probatoire peut constituer une erreur de droit au titre de la LMEDSFootnote 12.

[19] Le membre de la division générale a conclu qu’une union de fait n’existait pas entre la requérante et le cotisant au moment de son décès. Le membre a affirmé ce qui suit : « La nature de ce genre de relation n’est pas claire, mais semble plus correspondre à une relation de fournisseuse de soins et d’amitié qu’à une entente de loyerFootnote 13. ».

[20] La requérante soutient qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui du fait que le cotisant était atteint d’une invalidité, et que pat conséquent, il ne pouvait exister une relation de fournisseuse de soins entre eux. Puisqu’il n’y avait aucune preuve à l’appui d’une relation de fournisseuse de soins, la requérante affirme que la division générale a commis une erreur.

[21] Le ministre affirme que l’existence d’une relation de type « fournisseuse de soins » n’est pas importante en l’espèce. L’admissibilité à une pension de survivant du RPC dépend de l’existence d’une union de fait et du fait que cette relation est de nature conjugale. Puisqu’il n’y a aucune preuve à l’appui du fait que la requérante avait une relation conjugale avec le cotisant, il n’y a aucune erreurFootnote 14.

[22] À mon avis, la division générale n’a pas commis d’erreur en l’espèce. La division générale s’est fondée sur un large éventail d’éléments de preuve pour déterminer que bien que la requérante et le cotisant cohabitaient, leur relation ne correspondait pas à la définition d’une union de fait. Pour déterminer que la requérante n’était pas en union de fait avec le cotisant, la division générale a examiné des éléments de preuve provenant :

  • du dossier de la cour;
  • du témoignage de la requérante;
  • du témoignage de la mise en cause;
  • de l’examen de l’affaire effectué par Service Canada;
  • des renseignements fournis par les membres de la famille et les voisinsFootnote 15.

[23] La division générale est bel et bien allée un peu plus loin en caractérisant la relation comme correspondant davantage à une relation de fournisseuse de soins et d’amitié qu’à une entente de loyer. À mon avis, la division générale a fondé cette conclusion sur le contre-interrogatoire de la mise en cause au sujet des arrangements initiaux en ce qui a trait à louer une chambre à la requéranteFootnote 16.

[24] Par conséquent, la conclusion au sujet de la relation de fournisseuse de soins et d’amitié n’est pas une conclusion tirée sans preuve. La division générale a fondé sa conclusion sur les renvois au fait de payer un loyer pour une chambre lorsque la requérante a rencontré le cotisant et sa famille pour la première fois. Le fait que la relation était semblable à celle d’une fournisseuse de soins plus précisément constitue un peu une fausse piste. Même si la division générale avait tort au sujet du fait que le cotisant recevait certains soins de la part de la requérante, cette conclusion n’est pas déterminante. La division générale a tenu compte de plusieurs autres facteurs avant de rendre la conclusion selon laquelle la requérante n’était pas en union de fait avec le cotisant.

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en ignorant la preuve?

[25] La division générale n’a pas commis d’erreur de fait en ignorant des éléments de preuve à l’appui du fait que l’hôpital considérait la requérante comme étant la conjointe du cotisant.

[26] La division générale n’avait pas à invoquer chaque élément de preuve dans sa décision. Cependant, la division d’appel peut présumer qu’il y a une erreur de fait lorsque la division générale omet de mentionner certains éléments de preuve pertinents dans ses motifsFootnote 17. Plus que l’élément de preuve que la division générale n’a pas mentionné est important, plus il est probable que cette omission mène la division d’appel à supposer que la division générale a réellement ignoré cet élémentFootnote 18.

[27] La requérante soutient que la division générale a commis une erreur de fait en ignorant le fait que l’hôpital la considérait comme étant la conjointe du cotisant. Elle dit que ce fait était assez important pour qu’il ait dû être traité par la division générale.

[28] Le ministre tient à noter que même si le membre de la division générale n’a pas fait référence à la preuve relative à l’hôpital, l’on présume que la division générale a considéré et soupesé la preuve. C’est le travail de la division générale d’accorder du poids à la preuveFootnote 19.

[29] Selon moi, la division générale n’a pas commis d’erreur de fait. La division générale n’a pas mentionné la preuve de la requérante concernant ce que l’hôpital pensait de la relation entre la requérante et le cotisant. Cependant, la preuve n’était pas suffisamment importante pour me mener à supposer que la division générale l’avait ignorée. La division générale n’a pas besoin de traiter de chaque élément de preuve. À la lumière des éléments d’une union de fait que la division générale recherchait et dont elle a tenu compteFootnote 20, l’impression que le personnel de l’hôpital aurait eue ou non n’était pas assez importante pour que l’on en traite.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en lien avec les instances portant sur la succession?

[30] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en tirant une conclusion de fait au sujet de la relation entre la requérante et le cotisant qui était contraire aux conclusions de la Cour supérieure de justice dans le cadre d’un arrêt relatif aux droits d’une partie requérante au titre de la Loi portant réforme du droit des successions (LPRDS).

[31] Dans ma décision relative à la demande de permission d’en appeler, j’ai conclu qu’il y avait une cause défendable au motif que la division générale avait commis une erreur en omettant de fournir des motifs relatifs à une question importante qui nécessitait une explicationFootnote 21. J’ai conclu qu’il y avait une cause défendable au motif que la division générale n’avait pas expliqué comment les conclusions de la cour ne laissaient pas entendre (ou ne suffisaient pas à démontrer) l’existence d’une union de fait au titre du RPC. La cour avait conclu, selon une « faible marge », que le cotisant et la requérante étaient des conjoints au titre de la LPRDS.Footnote 22 L’on peut faire valoir que les motifs de la division générale n’expliquaient pas directement comment, à la lumière des conclusions de la cour au titre de la LPRDS, la requérante n’était pas également une conjointe de fait au titre du RPC.

[32] Le ministre soutientFootnote 23 que la division générale a bel et bien fourni des motifs expliquant pourquoi sa décision différait de celle de la cour, et que cela ne constituait donc pas une erreur. Le ministre tient à noter que la division générale a révisé la preuve qui se trouvait dans le dossier de la cour et le témoignage de la requérante, et qu’il a soupesé cette preuve. Le membre de la division générale a expliqué pourquoi a estimé que la requérante n’était pas la conjointe de fait du cotisant. Plus précisément, le membre de la division générale a expliqué pourquoi il a accordé peu de poids à la preuve de la requérante qui se trouvait dans le dossier de la cour et dans son témoignage. La division générale a affirmé que la crédibilité de la requérante était mise en doute parce qu’elle avait fourni des dates contradictoires concernant le moment où elle avait habité dans la demeure du cotisant, et parce qu’elle avait donné des renseignements contradictoires au sujet de questions importantes, comme qui avait payé les frais d’obsèques. La requérante avait écrit [traduction] « Veuillez voir l’ordonnance de la cour » en réponse à des questions, ce que la division générale n’estimait pas être utile. La division générale a appuyé la conclusion de la cour lorsqu’elle a affirmé ce qui suit : [traduction] « Abondance de questions sans réponses ». Tout comme la cour, la division générale a préféré la preuve de la mise en cause à celle de la requérante.

[33] La requérante affirme que la division générale a tiré la mauvaise conclusion et qu’elle avait une union de fait avec le cotisant. La requérante affirme qu’en dépit des différences entre les critères juridiques appliqués par la cour et la division générale, la requérante entretenait une relation avec le cotisant qui la rendait admissible à une pension de survivant du RPC. La requérante a mis l’accent sur la période pendant laquelle elle avait vécu avec le cotisant pour prouver l’existence d’une union de fait au titre du RPC.

[34] Au stade de la demande de permission d’en appeler, j’ai conclu qu’il y avait une cause défendable selon laquelle la division générale avait commis une erreur en ce sens. Ce seuil n’est pas élevé.

[35] Cependant, à ce stade, le seul est plus élevé pour trouver une erreur. Je dois conclure qu’il est plus probable qu’improbable que la division générale ait commis une erreur de droit.

[36] J’estime que l’affaire de la requérante ne satisfait pas à cette norme plus élevée. Le ministre a souligné les efforts déployés par le membre de la division générale pour expliquer, dans la décision, comment il était parvenu à la décision au sujet de la relation entre la requérante et le cotisant qui semblait en quelque sorte contradictoire à la conclusion de la cour. Le membre de la division générale a expliqué :

  • le rôle limité ou la pertinence de la décision de la cour sur la décision que devait prendre la division généraleFootnote 24;
  • de quelle façon dont les critères juridiques de la LPRDS et du RPC étaient différentsFootnote 25;
  • de quelle façon et pour quelles raisons il préférait la preuve de la mise en cause à celle de la requéranteFootnote 26;
  • de quelle façon les questions laissées sans réponses ou les lacunes dans la preuve de la requérante l’ont mené à conclure que la requérante et le cotisant n’étaient pas en union de fait au sens du RPCFootnote 27.

[37] À première vue (et particulièrement du point de vue des gens ayant une formation juridique), il est difficile de comprendre comment une personne peut être considérée comme une conjointe conformément à une section précise de la LPRDS et comme n’étant pas en union de fait selon le RPC. Dans une telle situation, l’explication de la division générale relative à la question importante se doit d’être claire. J’ai accordé la permission d’en appeler, car il était défendable de soutenir que la décision de la division générale n’était pas claire sur ce point, ce qui était un élément fondamental de la décision.

[38] Cependant, après avoir examiné en détail la décision de la division générale, je suis convaincue qu’elle n’a pas commis d’erreur de droit. J’accepte les arguments du ministre au sujet des efforts déployés par la division générale afin de rendre la relation entre la décision de la cour et cette de la division générale claire depuis le début. J’accepte également le fait que la décision de la division générale évalue ensuite la preuve pertinente au critère juridique propre à une pension de survivant. Je suis également convaincue du fait que la division générale a expliqué comment la preuve n’avait pas été suffisante pour prouver qu’elle était en union de fait au sens précis du RPC.

La division générale a-t-elle commis une erreur en permettant que la requérante soit [traduction] « piégée » pendant l’audience?

[39] La division générale n’a pas omis de veiller à ce qu’il y ait un processus équitable. La division générale n’a pas permis à la mise en cause de piéger la requérante.

[40] La requérante soutient que le membre de la division générale a permis à la mise en cause de la piéger au cours de l’audience. La requérante ne s’attendait pas à ce que la mise en cause soit présente à l’audience. La mise en cause a demandé à la division générale de reporter l’audience (un ajournement), mais la division générale n’a pas accueilli sa demande. Par conséquent, la requérante avait supposé que la mise en cause ne serait pas présente à l’audience.

[41] Le ministre soutient que le représentant de la requérante était un parajuriste accrédité. Le parajuriste savait ou aurait dû savoir qu’il était possible que la mise en cause soit présente à l’audience. La requérante est réputée avoir connaissance de tout ce que son parajuriste savait. En l’espèce, la mise en cause :

  • était au courant de l’appel;
  • était l’une des parties dans l’affaire;
  • connaissait la date de l’audience;
  • avait demandé à ce que l’audience soit reportée;
  • savait que l’audience n’avait pas été reportéeFootnote 28.

[42] Selon moi, la division générale a veillé à ce qu’il y ait un processus équitable. La mise en cause est l’une des parties en cause. Bien qu’elle ait demandé à la division générale de reporter l’audience, la division générale ne l’a pas fait. Toutes les parties ont pris connaissance du même avis selon lequel l’audience aurait lieu. La supposition de la requérante selon laquelle la mise en cause ne serait pas présente à l’audience s’est avérée incorrecte. Cependant, aucune action ou aucun défaut d’action de la part de la division générale n’a compromis le caractère équitable du processus simplement parce qu’au bout du compte, la mise en cause s’est présentée à l’audience.

La division générale a-t-elle omis de veiller à ce que le parajuriste de la requérante ait un processus équitable lors de l’audience?

[43] La division générale n’a pas omis de veiller à ce que le parajuriste de la requérante ait un processus équitable. Le membre de la division générale a donné au parajuriste de la requérante l’occasion de plaider sa cause.

[44] La requérante soutient que son parajuriste a été [traduction] « interrompu » à plusieurs reprises au cours de l’audience devant la division générale.

[45] Le ministre affirme que la division générale a donné au parajuriste de la requérante l’occasion, et ce à plusieurs reprises, de plaider sa cause. Le ministre a fourni plus d’une douzaine d’exemples de la façon dont le membre de la division générale a pris des mesures pour veiller à ce que le parajuriste de la requérante ait toutes les chances possibles de participerFootnote 29.

[46] À mon avis, la division générale a veillé à ce que le parajuriste de la requérante ait une chance convenable de plaider sa cause. Le membre de la division générale est intervenu de temps à autre au cours de l’audience pour clarifier un point ou pour confirmer avoir trouvé un document que cherchait le parajuriste de la requérante. J’accepte l’observation du ministre, c’est-à-dire que le membre de la division générale a posé des gestes délibérés afin de veiller à ce que le parajuriste de la requérante ait toutes les chances possibles de participer. Le membre de la division générale a accepté que le parajuriste de la requérante fasse une déclaration préliminaire. Le membre de la division générale a interrompu une fois, mais seulement afin de clarifier le plan de présentation du parajuriste. Le parajuriste a pris ses propres décisions au sujet des déclarations préliminaires et finales, et au sujet de la présentation de la preuve et de la contre-interrogation de la mise en cause. La division générale n’a pas omis de fournir un processus équitable au parajuriste de la requérante.

La division générale a-t-elle commis une erreur en tenant compte de documents avec privilège de non-divulgation?

[47] La division générale n’a pas commis d’erreur en tenant compte de documents avec privilège de non-divulgation.

[48] La requérante soutient que des courriels qui se trouvaient dans le dossier dont était saisie la division générale étaient [traduction] « personnels » et que monsieur P. les avait obtenus de ses avocats. Elle demande comment il a pris possession de ces courriels et est d’avis que la loi a été enfreinte puisque ses renseignements privés ont été exposés au publicFootnote 30.

[49] Le ministre soutientFootnote 31 qu’en l’espèce, le secret professionnel appartient à la requérante. Le ministre affirme que la requérante a seulement soulevé une objection relativement au fait que la division générale était saisie des documents lorsque l’affaire était rendue devant la division d’appel, et que par conséquent, elle a renoncé à son droit d’opposition.

[50] De plus, le ministre note que dans la décision, la division générale n’a pas vraiment fait référence aux documents qui préoccupent la requérante. Le fait que ces documents aient influé sur la décision de la division générale ne ressort pas du tout à la lecture de la décision.

[51] Selon moi, les parties ne se sont pas fondées sur le document avec privilège de non-divulgation pour prouver ou réfuter des faits importants qui étaient en litige. Rien n’indique dans la décision que la division générale se serait fondée sur le document avec privilège de non-divulgation pour analyser les questions juridiques. Je ne peux pas conclure qu’il y a une erreur de droit ou qu’un processus équitable n’a pas été fourni en l’espèce.

Conclusion

[52] La division générale n’a commis aucune erreur au titre de la LMEDS. La requérante n’est pas admissible à une pension de survivant. La conclusion de la division générale selon laquelle le ministre a le pouvoir discrétionnaire requis pour demander un remboursement demeure également inchangée. L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 30 octobre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

H. H., appelante

L. B., représentant de l’appelante

Viola Herbert, représentante de l’intimé

M. P., mise en cause

C. P. représentant de la mise en cause

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