Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Décision

[1] L’article 67(3.1)(c) du Régime de pensions du Canada (RPC) n’enfreint pas les droits conférés au requérant par l’article 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. Le requérant ne peut pas commencer à toucher sa pension de retraite du RPC plus tôt.

Aperçu

[2] Le requérant a eu 70 ans en novembre 2012. En mars 2016, il a présenté une demande de pension de retraite du RPC. Le ministre a agréé sa demande, établissant la date du début du versement des prestations à avril 2015. Il s’agit de la période maximale de rétroactivité permise selon l’article 67(3.1)(c) du RPC, qui prévoit que la pension de retraite des demandeurs de plus de 65 ans commence le 11e mois précédent le mois pendant lequel le ministre a reçu la demande.

[3] En raison de cette disposition, le requérant n’a reçu aucune prestation de retraite pour la période de novembre 2012 (lorsqu’il a eu 70 ans) à avril 2015 (le mois le plus tôt pendant lequel ses prestations étaient payables en fonction de la date de la présentation de sa demande, en mars 2016). De plus, il n’était pas admissible à une augmentation de sa pension mensuelle, même s’il n’a pas reçu de pension pendant cette période. Si son appel a gain de cause, il serait admissible à des paiements arriérés de 41 498,34 $Note de bas de page 1.

[4] Le requérant soutient que l’article 67(3.1)(c) du RPC enfreint les droits que lui confère l’article 15(1) de la Charte, en raison de son âge et parce que la limite relative à la rétroactivité est discrétionnaire.

[5] Le requérant affirme également que le ministre ne l’a pas adéquatement informé des conséquences négatives s’il attendait de présenter sa demande de pension de retraite du RPC après l’âge de 70 ans.

Questions en litige

  1. Est-ce que la limite de rétroactivité énoncée à l’article 67 du RPC est discrétionnaire?
  2. Ai-je la compétence de décider si le ministre a adéquatement averti le requérant des conséquences négatives de retarder la présentation de sa demande de pension de retraite du RPC après l’âge de 70 ans?
  3. Dans l’affirmative, le ministre a-t-il adéquatement averti le requérant?
  4. L’article 67(3.1)(c) du RPC discrimine-t-il le requérant en raison de son âge, en infraction de l’article 15(1) de la Charte?
  5. Dans l’affirmative, l’infraction peut-elle être justifiable au titre de l’article 1 de la Charte parce qu’elle est raisonnable dans une société libre et démocratique?

Observations et rapport d’expert soumis après l’audience

[6] Lors de l’audience, M. Chodikoff, conseiller juridique du requérant, a soulevé diverses questions et a fait référence à des éléments de preuve qui ne figuraient pas au dossier. M. Chodikoff et M. Unrah, conseiller juridique du ministre, ont tous deux indiqué qu’ils souhaitaient soumettre de nouvelles observations écrites. À la lumière de ceci, j’ai donné les directives suivantes concernant les observations soumises après l’audienceNote de bas de page 2 :

  1. Le requérant doit soumettre ses observations et documents additionnels avant le 26 août 2019.
  2. Le ministre doit soumettre ses observations et documents additionnels avant le 28 octobre 2019.
  3. Le requérant doit soumettre ses répliques, le cas échéant, avant le 15 novembre 2019.

[7] Le ministre a soumis un rapport d’expert du service des politiques et de la législation du RPC, ainsi que des observations additionnellesNote de bas de page 3. Toutefois, il n’a pas fourni le nom ni le titre de l’auteur du rapport. Le requérant a contesté la validité du rapport parce que celui-ci ne répondait pas aux critères fondamentaux permettant de reconnaître qu’il s’agit d’un rapport d’expertNote de bas de page 4.

[8] En guise de réponse, le ministre a indiqué que l’auteur du rapport était Andrew Williamson, un agent principal de la législation du service des politiques et de la législation du RPC. Le ministre a également soumis le curriculum vitae de M. Williamson. Le ministre a indiqué que M. Williamson était disponible pour discuter du rapport et répondre aux questionsNote de bas de page 5. Le requérant n’a soumis aucune question à M. Williamson et n’a pas indiqué qu’il souhaitait que M. Williamson présente une preuve orale.

[9] Après avoir examiné le curriculum vitae de M. Williamson, j’ai conclu qu’il se qualifiait comme un expert sur les politiques et la législation du RPC et qu’il pouvait fournir des preuves sur le contexte historique de la loi et sur l’administration du programme du RPC. Il est agent de législation du RPC depuis 2008. Avant cela, il était agent de recherche et des politiques et agent du service à la clientèle au Bureau du Commissaire des tribunaux de révision, de 2000 à 2007. Il a notamment fait de la recherche et rédigé des propositions d’amendements au RPC, a préparé un guide d’ébauche d’amendements législatifs au RPC, et a agi comme instructeur pour les personnes qui rédigent des ébauches d’amendements législatifs pour le ministère de la Justice. Il a également comparu comme témoin expert du RPC devant divers tribunaux, y compris le Tribunal de la sécurité sociale, lorsque la Charte a été invoquée dans le cadre d’appels.

[10] J’ai accepté le rapport de M. Williamson comme étant un rapport d’expert. Dans ce rapport, on peut notamment lire : un survol du RPC, les prestations offertes au titre du RPC, les amendements apportés au RPC depuis 1987 pour permettre plus de souplesse dans la planification de la retraite, un contexte historique de la rétroactivité des pensions de retraite et les renseignements ministériels disponibles pour les demandeurs d’une pension de retraiteNote de bas de page 6.

Analyse

La limite de rétroactivité énoncée à l’article 67(3.1)(c) n’est pas discrétionnaire

[11] M. Chodikoff soutient que l’article 67(3.1)(c) n’est pas une directive restrictive, mais plutôt une directive discrétionnaire, permissive. Il soutient par ailleurs que la nature discrétionnaire de cette disposition est confirmée par le feuillet de renseignements auquel il a fait référence dans son avis d’appel. Ce feuillet de renseignements fournit de l’information sur la façon de remplir une demande de pension de retraite du RPCNote de bas de page 7.

[12] On peut notamment lire ce qui suit dans le feuillet de renseignements :

  1. Si vous faites votre demande après votre 65e anniversaire, vous pouvez choisir de recevoir rétroactivement des paiements de pension, mais les paiements ne peuvent commencer plus tôt que le mois suivant votre 65e anniversaire. En général, nous pouvons verser rétroactivement des prestations du Régime de pensions du Canada jusqu’à concurrence de 12 mois (11 mois plus le mois au cours duquel vous faites votre demande).
  2. Si vous attendez après l’âge de 70 ans pour demander votre pension de retraite du Régime de pensions du Canada, vous risquez de perdre des prestations. Vous ne tirerez aucun avantage financier si vous attendez après l’âge de 70 ans. 

[13] M. Chodikoff a soutenu que si l’article 67(3.1)(c) était une directive restrictive, le ministre n’aurait pas indiqué « vous risquez de perdre des prestations ». Il aurait plutôt utilisé des mots comme « vous perdrez des prestations ». Si l’intention était de complètement limiter l’accès aux prestations, le feuillet de renseignements aurait indiqué que les personnes âgées de plus de 70 ans allaient perdre des prestationsNote de bas de page 8.

[14] M. Unrah soutient que la limite de rétroactivité de 11 mois est une limite ferme créée par l’article 67(3.1)(c). Le libellé de la disposition n’offre aucune souplesse. Le libellé est précis, clair et ne crée aucune ambigüité.

Mes conclusions

[15] L’article 67(3.1) du RPC établit la date de commencement des paiements pour les pensions de retraite qui deviennent payables à compter du 1er janvier 2012. Il énonce clairement que les paiements commencent à compter (mise en évidence par le soussigné) des dates établies dans les articles applicables. L’article 67(3.1)(c) fournit la date pour les demandeurs qui, comme le requérant, ont 65 ans ou plus. Il indique que le paiement commence le 11e mois précédant le mois pendant lequel la demande a été reçue. Il n’y a aucune ambigüité et il n’y a aucune disposition qui confère au ministre le pouvoir discrétionnaire d’offrir davantage de rétroactivité.

[16] Il n’existe qu’un seul principe ou approche aux principes modernes d’interprétation législative. Le libellé d’une loi doit être interprété dans son contexte global et selon le sens grammatical ordinaire, de façon harmonieuse avec l’esprit de la loi, avec l’objet de la loi et dans le respect de l’intention du législateur. Rien dans le contexte ou dans l’objet du RPC n’indique que le libellé de l’article 67(3.1)(c) vient créer un résultat déraisonnable ou inéquitable s’il est interprété selon son sens ordinaire et grammaticalNote de bas de page 9.

[17] Par ailleurs, interpréter cette disposition comme étant discrétionnaire viendrait créer des résultats absurdes. Les demandeurs, comme le requérant, seraient exemptés de la limite de rétroactivité de 11 mois, alors que les demandeurs plus vulnérables de prestations d’invalidité, de survivant, d’enfant de cotisant invalide et d’enfant survivant ne le seraient pasNote de bas de page 10.

[18] Lorsque l’on interprète la loi, il est crucial de toujours se concentrer sur ce que le législateur a réellement indiqué, pas sur ce qu’une personne pourrait souhaiter ou prétendre qu’il ait indiqué. Je dois interpréter la loi telle quelle, discerner et faire appliquer strictement son sens premierNote de bas de page 11.

[19] Je reconnais que les lois qui offrent des avantages sociaux comme le RPC doivent être interprétées de façon souple et généreuse et que tout doute émanant du libellé d’une telle loi devrait être résolu en faveur de la partie requéranteNote de bas de page 12. Toutefois, l’article 67(3.1)(c) est clair et sans ambigüité. Il n’y a aucun doute émanant du libellé relatif à la limite de rétroactivité de 11 mois.

[20] Il n’y a aucune contradiction entre les dispositions législatives et le feuillet de renseignements. Si une personne présente sa demande plus de 11 mois après avoir atteint l’âge de 70 ans, elle perdra des prestations. Si elle présente sa demande moins de 11 mois après avoir atteint l’âge de 70 ans, elle ne perdra aucune prestation. La mention du feuillet de renseignement selon lequel il y a un risque de perdre des prestations en présentant une demande plus tard après avoir atteint l’âge de 70 ans est exacte.

[21] De plus, même s’il y avait contradiction, c’est la disposition législative qui a préséance. Un feuillet de renseignements préparé par un représentant du ministère ne peut avoir préséance sur le libellé clair et sans ambigüité d’une disposition législative.

[22] Le Tribunal est un preneur de décision établi par une loi. Je suis donc tenu de rendre des décisions en fonction de ce qu’édicte la loi, en l’occurrence, le RPC. Je suis tenu d’interpréter et d’appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans le RPC. Je n’ai pas la compétence de faire exception à l’une des dispositions du RPC.

[23] Je conclus que la limite de rétroactivité énoncée à l’article 67(3.1)(c) n’est pas discrétionnaire.

Je n’ai pas la compétence de décider si le ministre a adéquatement averti le requérant des conséquences négatives

[24] M. Chodikoff soutient que le ministre n’a pas adéquatement averti le requérant des conséquences négatives de retarder la présentation de sa demande de pension de retraite du RPC après avoir atteint l’âge de 70 ans. Il a affirmé que le gouvernement devrait être clair lorsqu’il donne conseil aux cotisants. Puisque le gouvernement n’a pas donné un conseil clair, il devrait être tenu responsable de la perte de prestations de retraite du requérant.

[25] Dans son avis d’appel, le requérant a indiqué que la seule information qu’il avait reçue auparavant de Service Canada au sujet de la pension de retraite était dans un document joint à son relevé de cotisations au RPC de septembre 2011, dans lequel on l’informait d’importants changements au RPC. Selon le requérant, ce document l’encourageait à retarder sa demande de pension de retraite et mettait l’accent sur les avantages d’attendre après avoir atteint l’âge de 65 ans. Toutefois, le document ne comportait aucune mention d’avertissement sur les conséquences négatives d’attendre après avoir atteint l’âge de 70 ansNote de bas de page 13.

[26] Le requérant a aussi fait référence au feuillet de renseignements qu’il a reçu avec son formulaire de demande de pension de retraite. Toutefois, il semble qu’il n’ait pas reçu ce document avant environ mars 2016, au moment où il a présenté sa demande. Ainsi, cela n’a pas pu être un facteur dans la décision du requérant de retarder la présentation de sa demande de pension de retraite du RPCNote de bas de page 14.

[27] M. Unrah soutient qu’il incombe aux demandeurs de présenter leur demande de prestation à tempsNote de bas de page 15. Bien que le ministre ne soit pas obligé d’informer une personne de son admissibilité à une prestation, il a avisé le requérant qu’il risquait de perdre des prestations s’il retardait la présentation de sa demande après avoir atteint l’âge de 70 ans. Le requérant est une personne intelligente et c’était sa responsabilité de s’informer davantage au sujet des risques de retarder la présentation de sa demande après avoir atteint l’âge de 70 ansNote de bas de page 16.

Mes conclusions

[28] L’argument du requérant est essentiellement une allégation selon laquelle il a reçu un conseil erroné et a été victime d’une erreur administrative du ministre. Toutefois, le Tribunal n’a pas la compétence de rendre une décision à l’égard d’une telle allégation. Le Tribunal est constitué par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), et est tenu de respecter les dispositions et limites prescrites par sa loi constituanteNote de bas de page 17.

[29] L’article 64(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que dans le cas d’une demande relative au RPC, le Tribunal peut seulement (mise en évidence ajoutée par le soussigné) trancher les questions de droit ou de fait concernant :

  1. l’admissibilité d’une personne à une prestation ou le montant de cette prestation;
  2. l’admissibilité d’une personne à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension ou le montant de ce partage;
  3. l’admissibilité d’une personne à bénéficier de la cession de la pension de retraite d’un cotisant ou le montant de cette cession;
  4. l’opportunité d’infliger une pénalité en vertu de la partie II de cette loi ou le montant de cette pénalité.

[30] La réparation pour une allégation de conseil erroné ou d’erreur administrative est de présenter une demande au ministre au titre de l’article 66(4) du RPC. Je n’ai pas la compétence d’aborder cette allégation. Seuls le ministre et la Cour fédérale (si le requérant fait appel de la décision du ministre) ont cette compétenceNote de bas de page 18.

Questions relatives à la charte

L’article 67(3.1)(c) du RPC vient-il enfreindre les droits du requérant, en infraction de l’article 15(1) de la charte?

[31] Pour les motifs qui suivent, j’ai décidé que ce n’était pas le cas.

[32] La constitution canadienne est l’autorité suprême qui a préséance sur toutes les autres lois canadiennes. La Charte fait partie de la constitution. Elle protège les droits de la personne en garantissant l’égalité pour chacun.

[33] L’article 15(1) de la Charte établit que la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

[34] La Cour suprême du Canada (CSC) a établi un test à deux volets pour l’appréciation d’une demande fondée sur l’article 15(1)Note de bas de page 19 :

  1. La loi crée-t-elle une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue?
  2. La distinction crée-t-elle un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes?

[35] Cette appréciation exige de faire un examen souple et contextuel pour déterminer si une distinction vient créer un désavantage arbitraire pour une partie requérante en raison de son appartenance à l’un des groupes énumérés ou analogues. Il reconnaît que des désavantages systémiques persistants ont fait en sorte de restreindre les occasions offertes aux membres de certains groupes de la société et cherche à empêcher toute conduite qui viendrait perpétuer l’existence de ces désavantages. Une analyse fondée sur l’article 15 de la Charte est axée sur une loi qui établit des distinctions discriminatoires qui perpétuent des préjudices ou des stéréotypesNote de bas de page 20.

Existe-t-il une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue?

[36] Non. Il n’y en a aucune.

[37] M. Chodikoff soutient que l’article 67(3.1)(c) du RPC crée une distinction fondée sur un motif énuméré, l’âge, en infraction de l’article 15(1) de la Charte. Puisque le requérant était plus âgé lorsqu’il a présenté sa demande, il ne reçoit pas les mêmes prestations qu’une personne dont les circonstances seraient semblables et qui aurait présenté sa demande avant l’âge de 70 ans. La perte de prestations qui en résulte ne vise qu’un groupe en particulier – les demandeurs de plus de 70 ansNote de bas de page 21.

[38] M. Unrah soutient que la perte de prestations de retraite du requérant est due à sa décision de retarder la présentation de sa demande jusqu’à ce qu’il ait 73 ans. Il a continué à travailler après avoir atteint l’âge de 65 ans et a retardé la présentation de sa demande afin de toucher une plus grosse pension. Le requérant demande à être traité différemment des autres parties requérantes, qui elles, sont assujetties à la limite de 11 mois de rétroactivité.

Mes conclusions

[39] Le requérant doit établir qu’il est traité différemment en raison d’une caractéristique personnelle protégée au titre de l’article 15(1) de la Charte. Cela signifie qu’il doit montrer qu’en raison d’une caractéristique personnelle, on a refusé de lui verser des prestations offertes à d’autres ou il a dû s’acquitter d’un fardeau plus important que d’autresNote de bas de page 22.

[40] Le requérant se plaint essentiellement du fait qu’on ne lui accorde que 11 mois de paiements rétroactifs. Il affirme qu’en raison du fait qu’il avait plus de 70 ans lorsqu’il a présenté sa demande, il est traité différemment en raison de son âge.

[41] Je ne suis pas d’accord.

[42] Le requérant n’est pas restreint à 11 mois de rétroactivité en raison de son âge. Cette limite existe plutôt parce qu’il a décidé de retarder la présentation de sa demande de pension de retraite du RPC. C’est ce choix, et non une caractéristique personnelle, qui le limite à 11 mois de rétroactivité.

[43] Il n’est pas traité de façon différente de tous les autres demandeurs de pension de retraite du RPC qui présentent leur demande après l’âge de 65 ans. Il n’est pas non plus traité différemment des autres demandeurs de prestations du RPC, comme la pension d’invalidité, la pension de survivant, les prestations d’enfant de cotisant invalide et les prestations d’enfants survivants. Ces demandeurs n’ont pas droit à des paiements rétroactifs au-delà de la limite de 11 mois de rétroactivité. Tous ces demandeurs sont assujettis à la même limite de rétroactivité des paiements. Comme le requérant, ils perdent les prestations au-delà de la limite de rétroactivité de 11 mois s’ils présentent leur demande plus tardNote de bas de page 23.

[44] Je suis d’accord avec M. Unrah que le requérant est limité à 11 mois de paiements rétroactifs en raison de la date à laquelle il a présenté sa demande. Ce n’est pas en raison de son âge. Il n’est pas traité différemment de la presque totalité des demandeurs de prestations du RPC qui sont eux aussi limités à 11 mois de paiements rétroactifs, peu importe leur âge.

[45] Le requérant semble demander à ce que les dispositions relatives aux pensions de retraite du RPC soient conçues pour répondre à ses besoins à lui. Dans sa lettre de mars 2016 qui accompagnait se demande de pension, il a déclaré qu’il n’a pas indiqué à quelle date il voulait que sa pension commence sur sa demande. Son objectif était de maximiser à la fois les paiements mensuels et les paiements rétroactifs. Il a demandé à Service Canada de déterminer quelle était la date de commencement appropriée en son nomNote de bas de page 24.

[46] Toutefois, le RPC n’est pas censé répondre aux besoins de chacun. Il sert plutôt à fournir un remplacement partiel des revenus dans certaines circonstances. Les cotisations versées au RPC tout au long de la vie active d’une personne ne se traduisent pas toujours en prestations. Il est possible que pour certains demandeurs, différentes règles ou conditions soient préférables pour un certain type de prestations. Toutefois, le RPC ne peut pas répondre aux besoins de tous les cotisants, dans toutes les circonstances qui puissent exister, et n’est de toute manière par conçu à cet effetNote de bas de page 25.

[47] Je conclus que le requérant n’a pas établi qu’il y avait une distinction prévue à l’article 15(1) de la Charte fondée sur le motif énuméré de l’âge.

[48] Puisque le requérant n’a pas établi qu’il y avait une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue, il ne peut pas établir qu’il y a eu une distinction discriminatoire. Ainsi, je n’ai pas à aborder la deuxième partie du test pour une demande relative à l’article 15(1) de la Charte relative à la détermination de l’existence d’une discrimination.

Amendements découlant du budget de 2019

[49] Le budget fédéral de mars 2019 a apporté des amendements aux articles 60 et 67 du RPC. Ces amendements prévoient que dans certaines circonstances, le ministre peut automatiquement inscrire des personnes de plus de 70 ans à la pension de retraite du RPCNote de bas de page 26.

[50] Ces amendements permettent au ministre d’exempter l’exigence de la présentation d’une demande si le cotisant est âgé d’au moins 70 ans et :

  • qu’il touche des prestations au titre du RPC ou de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV);
  • qu’une déclaration de revenus a été produite en son nom l’année précédente.

[51] Si le paiement est agréé, la pension est payable pour chaque mois après que la personne a atteint l’âge de 70 ansNote de bas de page 27.

[52] M. Chodikoff soutient que cette proposition d’amendement est une reconnaissance du législateur de l’impact discriminatoire de l’article 67(3.1)(c) à l’endroit des personnes comme le requérant. L’amendement soutient la position du requérant selon laquelle une vaste discrimination existe dans la loi actuelle. Après l’adoption de l’amendement, plus de 40 000 Canadiens et Canadiennes toucheront une pension de retraiteNote de bas de page 28.

[53] M. Unrah soutient que le changement apporté à la loi ne constitue pas un aveu qu’il existe une discrimination. L’objectif des amendements et d’améliorer la souplesse des pensions de retraite pour les bénéficiaires du RPC.

Mes conclusions

[54] Je ne suis pas d’accord que les amendements aux articles 60 et 67 du RPC sont une reconnaissance qu’il existe une discrimination.

[55] Rien dans le Hansard ni dans les autres éléments présentés par le requérant ne vient soutenir que les amendements proposés constituent une reconnaissance du fait que les dispositions existantes seraient discriminatoires. Les amendements proposés faisaient partie d’une série d’amendements au RPC et à la Loi sur la SV conçus pour améliorer la sécurité de la retraite des Canadiens et Canadiennes. Ils abordent le problème qu’un petit nombre de Canadiens et Canadiennes perdaient leurs prestations du RPC parce qu’ils avaient présenté une demande en retard ou n’en avaient pas présenté. Normalement, ces personnes avaient été moins longtemps dans la population active. En conséquence, elles étaient plus susceptibles d’avoir un plus petit revenu à la retraite. Le gouvernement a estimé qu’environ 40 000 cotisants ne touchaient pas leurs prestationsNote de bas de page 29.

[56] Le Parlement a apporté de nombreux amendements aux dispositions relatives à la pension de retraite du RPC depuis sa création, en 1967, dans le but d’offrir plus de souplesse aux cotisants lorsqu’ils planifient leur retraite. Faire des amendements au RPC ne constitue pas un aveu ou une reconnaissance qu’il existe une discriminationNote de bas de page 30.

[57] Je conclus que les amendements découlant du Budget 2019 ne sont pas une preuve que l’article 67(3.1)(c) du RPC a un impact discriminatoire en infraction avec l’article 15 de la Charte.

Article 1 de la Charte

[58] L’article 1 de la Charte garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Puisque j’ai conclu qu’il n’y avait aucune violation de la Charte, je n’ai pas à décider si une telle violation peut être justifiée aux termes de l’article 1 de la Charte.

Résumé de mes conclusions

  1. Est-ce que la limite de rétroactivité énoncée à l’article 67 du RPC est discrétionnaire?

    Réponse : Non. La limite n’est pas discrétionnaire.

  2. Ai-je la compétence de décider si le ministre a adéquatement averti le requérant des conséquences négatives de retarder la présentation de sa demande de pension de retraite du RPC après l’âge de 70 ans?

    Réponse : Je n’ai pas la compétence de trancher cette question.

  3. Dans l’affirmative, le ministre a-t-il adéquatement averti le requérant?

    Réponse : Je n’ai pas la compétence de trancher cette question.

  4. L’article 67(3.1)(c) du RPC discrimine-t-il le requérant en raison de son âge, en infraction de l’article 15(1) de la Charte?

    Réponse : Non. J’ai conclu que le prestataire n’a pas établi qu’il existe une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue. Ainsi, je n’ai pas à déterminer si la loi est discriminatoire.

  5. Dans l’affirmative, l’infraction peut-elle être justifiable au titre de l’article 1 de la Charte parce qu’elle est raisonnable dans une société libre et démocratique?

    Réponse : J’ai conclu que le requérant n’a pas prouvé qu’il y avait une violation des droits qui lui sont conférés en vertu de la Charte. Ainsi, je n’ai pas à décider si la violation peut être justifiée par le gouvernement aux termes de la Charte.

Conclusion

[59] L’appel est rejeté.

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